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Les yeux jaunes des crocodiles

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Joséphine fit non de la tête.<br />

— C’est pour ça que je t’aime, Joséphine.<br />

— Parce que je suis stupide ? Que je vois pas plus loin que le<br />

bout de mon nez ?<br />

— Parce que tu ne vois le mal nulle part ! Je suis venue me<br />

réfugier ici. Dans un endroit où j’étais sûre de ne pas être<br />

reconnue, recherchée, traquée. Là-bas, je vivais, j’avais une<br />

grande et belle vie jusqu’à ce que… cette chose arrive. Ici, je fais<br />

<strong>des</strong> petits métiers, je survis…<br />

— En attendant quoi ?<br />

— En attendant je ne sais quoi. En attendant que ça<br />

s’arrange là-bas, dans mon pays à moi… Que je puisse y<br />

retourner et reprendre une vie normale. J’ai tout oublié en<br />

m’installant ici. J’ai changé de personnalité, j’ai changé de nom,<br />

j’ai changé de vie. Je peux élever Gary sans trembler de peur<br />

quand il rentre en retard de l’école, je peux sortir sans regarder<br />

si je suis suivie, je peux dormir sans avoir peur qu’on fracture<br />

ma porte…<br />

— C’est pour ça que tu as coupé tes cheveux tout court ? Que<br />

tu marches comme un garçon ? Que tu te bats comme un<br />

homme ?<br />

Shirley hocha la tête.<br />

— J’ai tout appris. J’ai appris à me battre, j’ai appris à me<br />

protéger, j’ai appris à vivre toute seule…<br />

— Gary sait ?<br />

— Je lui ai dit. J’ai été obligée. Il avait compris beaucoup de<br />

choses et je devais le rassurer. Lui dire qu’il ne se trompait pas.<br />

Ça l’a fait beaucoup mûrir, beaucoup grandir… Il a tenu le coup.<br />

Parfois, j’ai l’impression qu’il me protège !<br />

Shirley resserra son bras autour de Joséphine.<br />

— Au milieu de tout ce malheur, j’ai trouvé une sorte de<br />

bonheur, ici. Un bonheur tranquille, sans chichis ni<br />

tremblements. Sans homme…<br />

Un frisson la parcourut. Elle aurait voulu dire sans « cet »<br />

homme. Elle l’avait revu. C’est à cause de lui qu’elle avait<br />

prolongé son séjour à Londres. Il avait téléphoné, avait donné le<br />

numéro de sa chambre au Park Lane Hotel et avait dit « je<br />

t’attends, chambre 616 ». Il avait raccroché sans attendre sa<br />

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