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Les yeux jaunes des crocodiles

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ecueillait un gain d’amour-propre qui la confortait dans la<br />

haute opinion qu’elle avait d’elle-même.<br />

La concierge faisait partie de sa cour. Henriette lui donnait<br />

ses vieilles frusques en lui assurant qu’elles provenaient <strong>des</strong><br />

plus grands couturiers, un billet à son fils qui lui montait ses<br />

paquets quand elle était trop chargée et permettait au concierge<br />

de garer gratuitement sa voiture dans le parking vacant qu’ils<br />

possédaient dans l’immeuble. Par ces fausses générosités, elle<br />

s’assurait une gratitude qui la rehaussait dans l’idée qu’elle avait<br />

d’elle-même et lui permettait de continuer à terroriser son<br />

entourage. Ce réseau d’amitiés lointaines la rassurait. Elle<br />

pouvait s’épancher auprès d’elles, raconter sans fin les mille<br />

tourments que lui faisait subir sa fille cadette et, autrefois,<br />

Joséphine était souvent étonnée de l’air revêche qu’arborait la<br />

concierge quand elle rendait visite sa mère.<br />

Ce matin-là, Henriette Grobz n’eut aucun mal à supputer le<br />

pire chez son époux. Elle voyait le mal partout puisqu’elle le<br />

portait en elle.<br />

Elle fut d’abord surprise de ne pas trouver la voiture et le<br />

chauffeur au garde-à-vous devant sa porte, puis se souvint qu’il<br />

ne travaillait pas le 1 er Mai, maudit ces fêtes et ces jours fériés<br />

qui entretenaient la paresse <strong>des</strong> Français et ralentissaient<br />

l’activité du pays, et consentit à tendre le bras pour arrêter un<br />

taxi.<br />

— Avenue Niel, aboya-t-elle au chauffeur d’une Opel grise<br />

qui s’arrêta en la frôlant de très près.<br />

Comme elle s’y attendait, les bureaux étaient vi<strong>des</strong>.<br />

Nulle trace de Chef ni de sa secrétaire. Ni <strong>des</strong> deux crétins de<br />

l’entrepôt. Elle eut un rire mauvais et monta les escaliers du<br />

bureau dont elle possédait les clés.<br />

Elle s’installa confortablement, commença à inspecter les<br />

papiers en attente, ouvrit un classeur puis un autre, releva les<br />

rendez-vous sur l’agenda. Aucun nom de femme, aucune initiale<br />

suspecte. Elle ne se découragea pas, entreprit de vider les tiroirs<br />

à la recherche de chéquiers et de relevés de carte bleue. <strong>Les</strong><br />

talons de chèque ne lui apprirent rien. Ni les doubles de carte<br />

bleue. Elle commençait à désespérer lorsqu’elle mit la main sur<br />

une grosse enveloppe coincée au fond d’un <strong>des</strong> tiroirs sur<br />

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