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Les yeux jaunes des crocodiles

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intéressé à la misère du peuple et on ne l’aime pas. Il doit porter<br />

l’étoile jaune.<br />

Dans la haute société, la seule valeur de la femme est sa<br />

virginité qu’elle apporte le jour de son mariage. Le futur mari la<br />

considère comme un ventre à féconder. Des garçons. Il ne doit<br />

pas montrer son amour. Comme l’enseigne la loi de l’Église :<br />

celui qui aime sa femme avec trop d’ardeur est considéré<br />

comme coupable d’adultère. C’est pour cette raison que de<br />

nombreuses femmes rêvent de se retirer dans un couvent. <strong>Les</strong><br />

couvents se multiplient aux XI e et XII e siècles.<br />

« L’œuvre d’enfantement est permise dans le mariage mais<br />

les voluptés à la manière <strong>des</strong> putains sont condamnées », dit le<br />

prêtre dans ses sermons. Très important, le curé ! Il fait la loi.<br />

Même le roi lui obéit. Une fille qui, sortant de chez elle sans<br />

escorte, est violée devient une « aubaine ». On la montre du<br />

doigt et elle ne peut plus se marier. Des ban<strong>des</strong> de garçons, <strong>des</strong><br />

soldats sans chefs, <strong>des</strong> chevaliers sans château, sans maître,<br />

sans armée, écument les campagnes à la recherche d’un tendron<br />

à trousser ou de vieux à dévaliser. C’est une période de grande<br />

violence sociale.<br />

Florine a compris tout cela. Elle ne veut pas faire partie de<br />

ces femmes qu’on conduit au mariage comme à l’abattoir. Bien<br />

que l’amour courtois commence à se répandre dans les balla<strong>des</strong><br />

<strong>des</strong> troubadours, elle n’en entend guère parler dans son village.<br />

Quand on parle de mariage, on dit que le jeune chevalier veut<br />

« jouir et s’établir, une femme et une terre ». Elle refuse d’être<br />

un objet. Elle préfère se donner à Dieu.<br />

Florine commençait à exister. Joséphine la voyait<br />

physiquement. Grande, blonde, bien faite de sa personne, une<br />

blancheur de neige, le cou long et délié, les <strong>yeux</strong> verts en<br />

amande, bordés de cils noirs, un front haut et bombé, un teint<br />

admirable, la bouche <strong>des</strong>sinée et rose, les joues vermeilles, les<br />

mèches blon<strong>des</strong> relevées dans un bandeau brodé, tombant en<br />

cascade sur son visage. Entre autres perfections, elle a <strong>des</strong><br />

mains d’ivoire, <strong>des</strong> mains longues, douces, aux doigts fuselés<br />

comme <strong>des</strong> cierges et terminés par <strong>des</strong> ongles brillants. Des<br />

mains d’aristocrate.<br />

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