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Les yeux jaunes des crocodiles

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important… » Parce que moi, je ne suis pas important ! avait-il<br />

failli crier dans un ultime sursaut de révolte. Il s’était repris. Il<br />

avait attendu que Faugeron raccroche et reprenne le fil de leur<br />

discussion. « Mais votre femme s’en tire très bien ! Je n’ai<br />

aucun problème avec vos comptes ; le mieux serait que vous<br />

voyiez ça avec elle… Parce que, finalement, c’est une histoire de<br />

famille et vous semblez une famille très unie. » Puis il avait été<br />

interrompu par un autre coup de téléphone, vous permettez ?<br />

Au deuxième, il ne s’excusait plus. Au troisième, il avait<br />

décroché sans rien dire. Finalement, il s’était levé et lui avait<br />

serré la main en répétant aucun problème, monsieur Cortès,<br />

tant que votre femme est là… Antoine était reparti sans avoir pu<br />

lui exposer son problème avec monsieur Wei.<br />

— C’est encore l’hiver à Paris ?<br />

— Oui, dit Joséphine. On est en mars, c’est normal.<br />

C’était l’heure où la nuit tombait, les lumières de l’avenue<br />

s’allumaient, une impalpable lueur blanche montait vers le ciel<br />

noir. En face, par la fenêtre de la cuisine, on apercevait les<br />

lumières de Paris. Quand ils s’étaient installés, ils regardaient la<br />

grande ville et faisaient <strong>des</strong> projets. Quand on habitera à Paris,<br />

on ira au cinéma, au restaurant… Quand on habitera Paris, on<br />

prendra le métro et l’autobus, on laissera la voiture au garage…<br />

Quand on habitera Paris, on ira boire <strong>des</strong> cafés dans <strong>des</strong> bistrots<br />

enfumés… Paris était devenue une carte postale, le réceptacle de<br />

tous leurs rêves.<br />

— Finalement, on n’a jamais habité Paris, murmura Antoine<br />

d’une voix si triste que Joséphine eut pitié de lui.<br />

— Je suis très bien, ici. J’ai toujours été très bien ici…<br />

— Tu as changé quelque chose dans la cuisine ?<br />

— Non.<br />

— Je ne sais pas… Elle semble différente.<br />

— Il y a encore plus de livres, c’est tout… Et l’ordinateur ! Je<br />

me suis fait un coin-travail, j’ai changé le toasteur, la bouilloire<br />

et la cafetière de place.<br />

— Ce doit être ça…<br />

Il resta encore un moment silencieux, légèrement voûté. Il<br />

toucha la toile cirée de ses doigts, chassa quelques miettes de<br />

pain. Elle aperçut <strong>des</strong> cheveux blancs sur sa nuque et se fit la<br />

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