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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Bien sûr qu’on continue, Johnny.<br />

Il y eut un silence au bout de la ligne et Philippe reprit :<br />

— On continue, Johnny. Okay ? Je me charge du reste…<br />

Lundi prochain, à Roissy, comme convenu.<br />

— Okay…<br />

Un déclic à nouveau et Philippe raccrocha. Il était donc suivi.<br />

Qui avait intérêt à le filer ? Ni lui ni Goodfellow ne faisait de mal<br />

à quiconque. Une affaire privée. Cent pour cent privée. Un client<br />

qui cherchait à s’immiscer dans sa vie pour le faire chanter ?<br />

Tout était possible. Certains dossiers de l’agence étaient de gros<br />

dossiers. Parfois son arbitrage décidait du sort de centaines<br />

d’employés. Il regarda le morceau de papier sur lequel il avait<br />

inscrit le nom du détective et le téléphone de son agence et<br />

décida d’appeler plus tard. Il n’avait pas peur.<br />

Il reprit son dossier mais eut du mal à se concentrer. Il avait<br />

souvent la tentation de tout arrêter. À quarante-huit ans, il avait<br />

fait ses preuves. Il avait gagné beaucoup d’argent, assuré les<br />

années à venir, il pouvait nourrir plusieurs générations de petits<br />

Dupin. Il songeait de plus en plus à vendre son affaire et à<br />

garder un statut de consultant. Prendre sa retraite et se<br />

consacrer à ce qu’il aimait. Il voulait profiter de son fils.<br />

Alexandre grandissait, son fils devenait un étranger. Salut,<br />

p’pa ! Ça va, p’pa ? Et il disparaissait dans sa chambre, grand fil<br />

de fer dégingandé avec <strong>des</strong> écouteurs sur les oreilles. Si Philippe<br />

essayait d’engager la conversation, il n’entendait pas. Comment<br />

lui en vouloir ? Il rentrait chez lui le plus souvent avec <strong>des</strong><br />

dossiers sous le bras. Il s’enfermait dans son bureau après un<br />

rapide repas et n’en ressortait que lorsque Alexandre était<br />

couché. Sans compter les soirs où Iris et lui sortaient. Je ne veux<br />

pas passer à côté de mon fils, articula-t-il tout haut en regardant<br />

la pointe de ses chaussettes Labonal à la couture parfaite. C’est<br />

Iris qui me les a achetées. Elle les achète par douzaine : <strong>des</strong><br />

bleues, <strong>des</strong> grises, <strong>des</strong> noires. Hautes. Tenant bien au jarret. Ne<br />

se détendant pas après lavage. L’autre jour, il avait eu une idée :<br />

il allait écrire une longue lettre à son fils. Tout ce qu’il ne<br />

pouvait pas lui dire de vive voix, il le mettrait par écrit. Ce n’est<br />

pas bon que ce garçon ne voie que <strong>des</strong> femmes. Sa mère,<br />

Carmen, Babette, ses cousines Hortense et Zoé… Il est entouré<br />

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