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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Ça n’a pas marché. Il ne m’a pas inspirée du tout !<br />

— Fais-en un <strong>des</strong> maris et ça marchera.<br />

— Merci beaucoup, tu m’as dit qu’ils mouraient tous.<br />

— Pas le dernier !<br />

— Ah…, fit Joséphine d’une petite voix. C’est que je n’ai pas<br />

envie qu’il meure, moi !<br />

— Silly you ! Tu ne sais même pas qui il est.<br />

— Je l’imagine et c’est délicieux. C’est presque mieux de<br />

vivre un amour en rêve, on ne risque pas d’être déçue…<br />

— Et faire l’amour en rêve, c’est comment ?<br />

— Je n’en suis pas là, soupira Joséphine, les <strong>yeux</strong> rivés à<br />

l’écran où le cercueil du défunt mari avait échappé aux croquemorts<br />

et dévalait les marches de l’escalier pendant que Shirley<br />

MacLaine, imperturbable, continuait d’avancer sous son grand<br />

chapeau rose.<br />

La nuit, il ne trouvait plus le repos. Le doigt menaçant de<br />

Faugeron le tirait de son sommeil ; il se réveillait, en sueur,<br />

l’oreiller et les draps trempés. Il étouffait, perdait le souffle,<br />

râlait, se tordait, s’asphyxiait jusqu’à ce que sa gorge se dénoue<br />

et que ses narines se remplissent de l’air frais de la nuit. Il se<br />

levait, allait prendre une douche, enfilait un bas de pyjama<br />

propre et sec, écoutait les bruits de la nuit africaine par la<br />

fenêtre grande ouverte de la chambre. Le cri <strong>des</strong> perroquets<br />

réfugiés sur le toit de la maison, le piaillement <strong>des</strong> singes se<br />

poursuivant de branche en branche dans les larges acacias, la<br />

course rapide d’un impala dans les herbes hautes, tout lui<br />

semblait étranger, menaçant. Dans la journée, il se sentait un<br />

intrus sur cette terre… mais la nuit, c’était comme si toute la<br />

nature lui criait de s’en aller, de repartir chez les Blancs, ces<br />

petits hommes frêles et transpirants qui ne supportent pas la<br />

chaleur de l’Afrique et se bourrent de quinine.<br />

Il entendait le souffle calme de Mylène à ses côtés et ne<br />

parvenait pas à se rendormir. Alors il se levait, <strong>des</strong>cendait dans<br />

le salon, se servait un whisky et sortait sur la terrasse en bois<br />

qui entourait la maison. Il s’asseyait sur les marches, buvait une<br />

gorgée d’alcool puis une autre et une autre ; ses <strong>yeux</strong><br />

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