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Les yeux jaunes des crocodiles

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cheminée. « Je suis enchanté de ma nouvelle collaboratrice,<br />

avait-il ajouté en se redressant, sur le contrat Massipov tu nous<br />

as évité une grosse bourde. » Je suis en train de devenir la reine<br />

du mensonge et de la dissimulation, avait pensé Jo. Traduire<br />

<strong>des</strong> contrats pour Philippe, passe encore, mais si la maison<br />

d’édition d’Audrey Hepburn lui proposait un livre à traduire, si<br />

son directeur de thèse demandait à lire son dossier, elle ne<br />

suffirait plus à la tâche, il faudra que je prenne un nègre. Elle<br />

avait pouffé de rire. Iris s’était retournée, « c’est si drôle ce que<br />

te raconte Philippe ? Tu devrais en faire profiter tout le<br />

monde… ». Jo avait bafouillé une excuse. Joséphine était de<br />

plus en plus à l’aise avec Philippe. Ils n’étaient pas encore<br />

intimes, et probablement ne le seraient jamais, Philippe<br />

n’inspirant ni l’abandon ni la confidence, mais ils s’entendaient<br />

très bien. Il y a <strong>des</strong> gens dont le regard vous améliore. C’est très<br />

rare, mais quand on les rencontre, il ne faut pas les laisser<br />

passer. Il y avait, chez Philippe, une étrange douceur dans le<br />

regard qu’il posait parfois sur elle, une tendresse étonnée.<br />

D’habitude, songea-t-elle, quand on me regarde, c’est pour me<br />

demander ou me prendre quelque chose. Philippe, lui, donne.<br />

Et sous son regard bienveillant, je grandis. Peut-être un jour<br />

deviendra-t-il mon ami ?<br />

Le rayon de soleil s’était éteint et l’égouttoir ne luisait plus.<br />

La cuisine était plongée dans une lumière froide et triste de<br />

mois de janvier. Joséphine soupira, il lui fallait faire de l’ordre<br />

pour installer un espace de travail. Bientôt, elle serait à l’étroit.<br />

C’est en poussant la table de la cuisine qu’elle retrouva le<br />

triangle rouge. Il avait glissé derrière le grille-pain. Elle se<br />

pencha, saisit la feuille de papier entre ses doigts, la tourna, la<br />

retourna, ferma les <strong>yeux</strong> et remonta le temps. Juillet dernier.<br />

Antoine vient chercher les filles pour les emmener en vacances.<br />

Elle croise les bras sur le pas de la porte. Se mord les lèvres pour<br />

ne pas montrer son émotion. Crie « bonnes vacances, mes<br />

chéries, amusez-vous bien ». Appuie fort sur ses lèvres avec ses<br />

doigts pour ne pas pleurer. Entend les pas qui dégringolent les<br />

escaliers. Tout à coup, elle s’élance, se précipite sur le balcon. Se<br />

penche. Aperçoit un coude rouge qui déborde de la voiture. Le<br />

coude rouge de Mylène… et Antoine qui place les valises dans le<br />

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