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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Allez, viens ! Rassieds-toi là.<br />

— Non, debout ! J’ai un truc à te demander. Un truc trop<br />

sérieux pour que tu restes accroupie.<br />

Josiane se leva, épousseta sa jupe et, en riant, demanda :<br />

— Tu vas me demander ma main ?<br />

— Mieux que ça, Choupette, mieux que ça !<br />

— Je vois pas… Tu sais, à trente-huit berges, il reste plus que<br />

ça que j’ai pas fait, me marier ! Personne m’a jamais demandée<br />

en mariage. Tu le crois, ça ? Et pourtant, j’en ai rêvé… Je<br />

m’endormais en me disant un jour on me demandera et je dirai<br />

oui. Pour la bague au doigt et pour ne plus jamais être seule.<br />

Pour manger à deux sur une toile cirée en se racontant sa<br />

journée, pour se mettre <strong>des</strong> gouttes dans le nez, pour tirer au<br />

sort celui qui aura le quignon de la demi-baguette…<br />

— Tu m’écoutes pas, Choupette… j’ai dit « mieux que ça ».<br />

— Alors là… je donne ma langue au chat.<br />

— Regarde-moi, Choupette. Regarde-moi, là, dans les <strong>yeux</strong>…<br />

Josiane le regarda. Il avait le sérieux d’un pape bénissant la<br />

foule le jour de Pâques.<br />

— Je te regarde… dans les <strong>yeux</strong>.<br />

— C’est important ce que je vais te dire… Très important !<br />

— Je t’écoute…<br />

— Tu m’aimes, Choupette ?<br />

— Je t’aime, Marcel.<br />

— Si tu m’aimes, si tu m’aimes vraiment, prouve-le-moi :<br />

fais-moi un enfant, un petit à moi, à qui je donnerai mon nom.<br />

Un petit Grobz…<br />

— Tu peux répéter, Marcel ?<br />

Marcel répéta, répéta et répéta encore. Elle le suivait <strong>des</strong><br />

<strong>yeux</strong> comme si les mots défilaient sur un écran. Et qu’elle avait<br />

du mal à lire. Il ajouta qu’il attendait ce petit depuis <strong>des</strong> siècles<br />

et <strong>des</strong> siècles, qu’il savait déjà tout de lui, la forme de ses<br />

oreilles, la couleur de ses cheveux, la taille de ses mains, les plis<br />

sous le pied, le marbré <strong>des</strong> fesses, la mignardise <strong>des</strong> ongles et le<br />

petit nez qui se fronce quand il prend sa tétée.<br />

Josiane écoutait les mots mais ne les comprenait pas.<br />

— Je peux me laisser tomber par terre, Marcel ? J’ai les<br />

genoux qui dansent la javanaise…<br />

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