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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Allez, madame Cortès… ne vous tourmentez pas, vous<br />

vous en sortirez ! En attendant, essayez de passer de bonnes<br />

fêtes de Noël. Vous avez <strong>des</strong> projets ?<br />

— Je vais chez ma sœur à Megève, répondit Joséphine tel un<br />

boxeur sonné que l’arbitre est en train de compter.<br />

— C’est bien de ne pas être seule, d’avoir une famille… Allez,<br />

madame Cortès, bonnes fêtes de Noël.<br />

Joséphine raccrocha et tituba jusqu’au balcon. Elle avait pris<br />

l’habitude de s’y réfugier. Du balcon, elle contemplait les étoiles.<br />

Elle interprétait un scintillement, un passage d’étoile filante<br />

comme un signe qu’elle était écoutée, que le ciel veillait sur elle.<br />

Ce soir-là, elle s’agenouilla sur le béton, joignit les mains et,<br />

levant les <strong>yeux</strong> au ciel, elle récita une prière :<br />

« Étoiles, s’il vous plaît, faites que je ne sois plus seule, faites<br />

que je ne sois plus pauvre, faites que je ne sois plus harcelée. Je<br />

suis lasse, si lasse… Étoiles, on ne fait rien de bien toute seule et<br />

je suis si seule. Donnez-moi la paix et la force intérieure,<br />

donnez-moi aussi celui que j’attends en secret. Qu’il soit grand<br />

ou petit, riche ou pauvre, beau ou laid, jeune ou vieux, ça m’est<br />

égal. Donnez-moi un homme qui m’aimera et que j’aimerai. S’il<br />

est triste, je le ferai rire, s’il doute, je le rassurerai, s’il se bat, je<br />

serai à ses côtés. Je ne vous demande pas l’impossible, je vous<br />

demande un homme tout simplement, parce que, voyez-vous,<br />

étoiles, l’amour, c’est la plus grande <strong>des</strong> richesses… L’amour<br />

qu’on donne et qu’on reçoit. Et de cette richesse-là, je ne peux<br />

pas me passer… »<br />

Elle inclina la tête vers le sol en béton et se laissa aller en une<br />

infinie prière.<br />

C’est au 75 de l’avenue Niel que Marcel Grobz avait établi ses<br />

bureaux. Pas très loin de la place de l’Étoile, pas très loin non<br />

plus du boulevard périphérique. « Un côté fric, un côté chic »,<br />

s’esclaffait-il quand il faisait visiter son domaine ou « ça entre à<br />

un centime, ça ressort à dix euros ! » quand il était seul avec<br />

René.<br />

Il avait acheté, il y avait <strong>des</strong> années, un immeuble de deux<br />

étages, dans une cour pavée, où courait une glycine <strong>des</strong>sinant<br />

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