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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Antoine, aaaah ! Antoine, fais quelque chose !<br />

Antoine eut du mal à se réveiller. Il avait beau vivre au Croco<br />

Park depuis plus de trois mois, chaque matin, dans le demisommeil<br />

qui suivait la sonnerie du réveil, il cherchait les rideaux<br />

de sa chambre à Courbevoie et regardait Mylène, étonné de ne<br />

pas voir Joséphine dans sa chemise de nuit à myosotis bleus,<br />

étonné de ne pas entendre les filles bondir sur le lit en scandant<br />

« debout, papa ! debout ! ». Chaque matin, il devait faire le<br />

même effort de mémoire. Je suis à Croco Park, sur la côte<br />

orientale du Kenya, entre Malindi et Mombasa, et j’élève <strong>des</strong><br />

<strong>crocodiles</strong> pour une grosse firme chinoise ! J’ai quitté ma<br />

femme, mes deux petites filles. Il était obligé de se répéter ces<br />

mots. Quitté ma femme, mes deux petites filles. Avant… Avant,<br />

quand il partait, il revenait toujours. Ses absences relevaient de<br />

courtes vacances. Aujourd’hui, se forçait à répéter Antoine,<br />

aujourd’hui j’élève <strong>des</strong> <strong>crocodiles</strong> et je vais devenir riche, riche,<br />

riche. Quand j’aurai doublé le chiffre d’affaires, j’aurai doublé<br />

mon investissement. On viendra me proposer de nouvelles<br />

aventures et je choisirai, en fumant un gros cigare, celle qui me<br />

permettra de devenir encore plus riche ! Ensuite, je repartirai en<br />

France. Je rembourserai Joséphine au centuple, j’habillerai les<br />

filles en petites princesses russes, je leur achèterai à chacune un<br />

bel appartement et vogue la galère ! nous serons une famille<br />

heureuse et prospère.<br />

Quand je serai riche…<br />

Ce matin-là, il n’eut pas le temps de finir son rêve. Mylène<br />

battait <strong>des</strong> jambes, envoyant toute la literie à terre. Ses <strong>yeux</strong><br />

cherchèrent le réveil pour y lire l’heure : cinq heures et demie !<br />

Le réveil sonnait à six heures chaque matin et, à sept heures<br />

précises, résonnait le sifflet de mister Lee qui faisait aligner<br />

l’équipe d’ouvriers qui allait travailler jusqu’à 15 heures. Sans<br />

interruption. La plantation Croco Park fonctionnait sans arrêt ;<br />

les cent douze ouvriers étaient divisés en trois équipes, selon les<br />

bons vieux principes de Taylor. Chaque fois qu’Antoine<br />

demandait à miser Lee d’aménager <strong>des</strong> pauses dans les horaires<br />

<strong>des</strong> ouvriers, il s’entendait répondre : « But, sir, mister Taylor<br />

said… » et il savait qu’il était inutile de discuter. Malgré la<br />

chaleur, l’humidité, le dur travail à effectuer, les ouvriers ne<br />

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