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Les yeux jaunes des crocodiles

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aurait été dix fois plus beau que celui que sa mère choisirait.<br />

Elle parlait tout le temps d’économies. Qu’est-ce qu’elle est<br />

rabat-joy avec ses économies ! Comme si papa était parti sans<br />

lui laisser d’argent ! Impensable. Il n’aurait jamais fait ça. Papa<br />

est un homme responsable. Un homme responsable paie. Il paie<br />

en faisant croire qu’il ne paie pas. Il ne parle pas d’argent. C’est<br />

ça la classe ! La vie est vraiment nulle à chier, songea-t-elle en<br />

reprenant son parcours sous l’eau. Y a que Henriette qui sache<br />

se débrouiller. Chef ne partira jamais. Elle refit surface et<br />

observa les gens autour d’elle. <strong>Les</strong> femmes étaient élégantes, et<br />

leurs maris, absents : occupés à travailler, à gagner de l’argent<br />

pour que leurs femmes ravissantes puissent se prélasser au bord<br />

de la piscine dans le dernier maillot Eres, sur une sortie de bain<br />

Hermès. C’était son rêve d’avoir une de ces femmes comme<br />

mère ! Je prendrais n’importe laquelle ici, songea-t-elle.<br />

N’importe laquelle sauf ma mère. J’ai dû être échangée à la<br />

maternité. Elle était vite sortie de sa cabine pour venir<br />

embrasser sa tante et se coller contre elle. Pour faire croire à<br />

toutes ces femmes magnifiques qu’Iris était sa mère. Elle avait<br />

honte de sa mère. Toujours maladroite, mal habillée. Toujours à<br />

faire <strong>des</strong> comptes. À s’essuyer les ailes du nez avec le pouce et<br />

l’index quand elle était fatiguée. Elle détestait ce geste. Son<br />

père, lui, était chic, élégant, il fréquentait <strong>des</strong> gens importants.<br />

Il connaissait toutes les marques de whisky, parlait anglais,<br />

jouait au tennis et au bridge, savait s’habiller… Son regard<br />

revint sur Iris. Elle n’avait pas l’air triste. Peut-être<br />

qu’Alexandre se trompait… Il est si ballot, celui-là ! Comme sa<br />

mère qui restait assise sans bouger, boudinée dans son peignoir.<br />

Elle ne se baignera pas, songea Hortense, je lui ai mis la honte !<br />

— Tu ne te baignes pas ? demanda Iris à Joséphine.<br />

— Non… je me suis aperçue dans la cabine que j’avais… que<br />

ce n’était pas la bonne période du mois.<br />

— Qu’est-ce que tu es pudibonde ! Tu as tes règles ?<br />

Joséphine hocha la tête.<br />

— Eh bien, on va aller prendre un thé.<br />

— Mais… les enfants ?<br />

— Ils nous rejoindront quand ils en auront marre de tremper<br />

dans l’eau. Alexandre connaît le chemin…<br />

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