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Les yeux jaunes des crocodiles

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— Ben… t’aurais pas dû. T’aurais dû te défendre, m’insulter !<br />

Tu ne l’as jamais fait. Étonne-toi maintenant que ta fille te traite<br />

comme ça.<br />

— Arrête ! Bientôt tu vas dire que c’est de ma faute.<br />

— Bien sûr que c’est de ta faute !<br />

C’en était trop pour Joséphine. Elle laissa les lour<strong>des</strong> larmes<br />

qu’elle retenait couler sur ses joues et pleura, pleura en silence<br />

pendant qu’Iris, allongée sur le ventre, la tête enfouie dans ses<br />

bras, continuait à évoquer leur enfance, les jeux qu’elle inventait<br />

pour maintenir sa sœur en esclavage. Me voilà renvoyée à mon<br />

cher Moyen Âge, songeait Joséphine à travers ses larmes.<br />

Quand le pauvre serf était contraint de verser un impôt au<br />

seigneur du château. On appelait ça le chevage, quatre deniers<br />

que le serf posait sur sa tête inclinée et qu’il offrait au seigneur<br />

en gage de soumission. Quatre deniers qu’il n’avait pas les<br />

moyens de donner mais qu’il trouvait quand même, sans quoi il<br />

était battu, enfermé, privé de terres à cultiver, de soupe… On a<br />

beau avoir inventé le moteur à piston, l’électricité, le téléphone,<br />

la télévision, les rapports <strong>des</strong> hommes entre eux n’ont pas<br />

changé. J’ai été, je suis et je serai toujours l’humble serve de ma<br />

sœur. Et <strong>des</strong> autres ! Aujourd’hui, c’est Hortense, demain, ce<br />

sera quelqu’un d’autre.<br />

Estimant que le chapitre était clos, Iris avait repris sa<br />

position sur le dos et continuait la conversation comme si rien<br />

ne s’était passé.<br />

— Qu’est-ce que tu fais pour Noël ?<br />

— Je ne sais pas…, déglutit Jo en ravalant ses larmes. Pas eu<br />

le temps d’y penser ! Shirley m’a proposé de partir avec elle en<br />

Écosse…<br />

— Chez ses parents ?<br />

— Non… elle ne veut pas y retourner, je ne sais pas pourquoi.<br />

Chez <strong>des</strong> amis, mais Hortense fait la tronche. Elle trouve ça<br />

« nul à chier », l’Écosse…<br />

— On pourrait passer Noël ensemble dans le chalet…<br />

— C’est sûr qu’elle préférerait. Elle est heureuse chez vous !<br />

— Et moi je serais heureuse de vous avoir…<br />

— Tu n’as pas envie de rester en famille ? Je vous colle tout<br />

le temps… Philippe va en avoir marre.<br />

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