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Les yeux jaunes des crocodiles

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frissonna. Elle saisit la main d’Alexandre, la serra fort et, dans<br />

son sommeil, il lui rendit sa pression en marmonnant « maman,<br />

maman ». <strong>Les</strong> larmes lui montèrent aux <strong>yeux</strong>. Elle s’allongea<br />

contre son fils, posa la tête sur l’oreiller et ferma les <strong>yeux</strong>.<br />

— Josiane, vous vous êtes occupée de mes billets pour la<br />

Chine ?<br />

Marcel Grobz, planté devant sa secrétaire, lui parlait comme<br />

à un poteau indicateur. À un mètre au-<strong>des</strong>sus de la tête. Josiane<br />

ressentit une violente contraction dans la poitrine et se raidit<br />

sur sa chaise.<br />

— Oui… Tout est sur le bureau.<br />

Elle ne savait plus comment s’adresser à lui. Il la vouvoyait.<br />

Elle bégayait, cherchait ses mots, ses tournures de phrases. Elle<br />

avait supprimé tous les pronoms personnels de leur<br />

conversation et parlait en infinitifs ou indéfinis.<br />

Il s’abîmait dans le travail, multipliait les déplacements, les<br />

rendez-vous, les repas d’affaires. Chaque soir, Henriette Grobz<br />

venait le chercher. Elle passait devant le bureau de Josiane, sans<br />

la voir. Un morceau de bois qui se déplace, coiffé d’un chapeau<br />

rond. Josiane les regardait partir, lui, voûté, elle, dressée sur ses<br />

ergots.<br />

Depuis qu’il les avait surpris, Chaval et elle, devant la<br />

machine à café, il la fuyait. Il passait devant elle, s’enfermait<br />

dans son bureau pour n’en ressortir que le soir, en coup de vent,<br />

criant « À demain ! » et détournant la tête. Tout juste si elle<br />

avait le temps de le voir passer…<br />

Et moi, je vais rester sur le pavé. Retour à la case Départ.<br />

Bientôt il me vire, me paie mes vacances, mon ancienneté, mes<br />

RTT, m’établit un certificat de conformité, me souhaite bonne<br />

chance en m’en serrant cinq et hop ! salut, poulette ! Va voir làbas<br />

si j’y suis ! Elle renifla et ravala ses larmes. Quel con, ce<br />

Chaval ! Et quelle conne, ma pomme ! Pouvais pas me tenir<br />

tranquille ! Pouvais pas faire attention ! Jamais dans<br />

l’entreprise, je lui avais dit, pas un geste déplacé ni un souffle de<br />

baiser. Anonymat total. Boulot, boulot. Et il a fallu qu’il vienne<br />

planter sa tente sous le nez de Marcel. Plus fort que lui. Un coup<br />

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