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ÉCOUTE-MOI QUAND JE TE MENS - Le Proscenium

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Pour les textes des auteurs membres de la SACD, la SACD peut<br />

faire interdire la représentation le soir même si l'autorisation de<br />

jouer n'a pas été obtenue par la troupe.<br />

<strong>Le</strong> réseau national des représentants de la SACD (et leurs<br />

homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et<br />

vérifie que les autorisations ont été obtenues, même a posteriori.<br />

Lors de sa représentation la structure de représentation (théâtre,<br />

MJC, festival…) doit s’acquitter des droits d’auteur et la troupe doit<br />

produire le justificatif d’autorisation de jouer. <strong>Le</strong> non respect de<br />

ces règles entraine des sanctions (financières entre autres) pour la<br />

troupe et pour la structure de représentation.<br />

Ceci n’est pas une recommandation, mais une<br />

obligation, y compris pour les troupes amateurs.<br />

Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes et le<br />

public puissent toujours profiter de nouveaux textes.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 1


ECOU<strong>TE</strong>-<strong>MOI</strong><br />

<strong>QUAND</strong> <strong>JE</strong> <strong>TE</strong> <strong>MENS</strong> !<br />

Version intégrale<br />

Comédie contemporaine à deux personnages<br />

de Vincent DELBOY<br />

Pièce jouée à Paris de mai 2006 à janvier 2007 au Théâtre d’Edgar<br />

Coordonnées de l’auteur :<br />

vincentdelboy@yahoo.fr<br />

Note de l’auteur :<br />

Quand je me suis imaginé écrire ma première pièce de théâtre, le sujet qui me vint à l’esprit<br />

fut inspiré de mon entourage proche : être célibataire à trente ans. Mes congénères de la gent<br />

masculine se targuaient d’être les hommes les plus heureux de la planète, libres, sexuellement<br />

et socialement épanouis ! <strong>Le</strong>s femmes, de leur côté, se félicitaient dans un aplomb valeureux<br />

de leur attente immobile du Prince Charmant, dénigrant de manière méprisante leurs<br />

consoeurs impatientes qui bradent leur vertu et tous les hommes indignes d’être leur<br />

« Monsieur Lui ». Tout cela était très drôle à entendre- et parfois à dire ! Mais quand les<br />

moments d’intimités que je partageais avec tous ces amis basculaient malgré eux dans la<br />

sincérité, les masques tombaient peu à peu en même temps que leur orgueil, ratatinant leur si<br />

belle assurance au profit du triomphe plus modeste de la vérité… Comment les écrire de sorte<br />

que ces personnes célibataires de sexes opposés puissent dialoguer sans qu’intervienne une<br />

once de séduction ? Je n’ai pas de sœur. Mais j’imagine que je n’aurais jamais pu considérer<br />

ma sœur en tant que femme, simplement en tant que sœur… une sœur à qui, rivalité<br />

consanguine oblige, on refuse de dire qu’on imaginait sa vie autrement, et à qui on parle des<br />

autres femmes comme à un bon pote. Je suis certain que ma sœur aurait eu la même attitude à<br />

mon égard ! Et nous nous serions gaiement écoutés en nous mentant, préférant le refuge de<br />

l’humour, de la taquinerie et du détachement à notre réalité de non-dits, de reproches et<br />

d’égratignures…Ce n’est ni plus ni moins qu’une tranche de vie de ce duo fraternel et<br />

fratricide bien habituel qui s’est retrouvé allongée sur le divan du texte de « Ecoute-moi<br />

quand je te mens ! » : deux êtres qui se souviennent, qui se font rire… tout en se mentant. Au<br />

fond, moi, ça ne me dérange pas : du moment qu’ils s’aiment !<br />

BONNE LECTURE !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 2


<strong>ÉCOU<strong>TE</strong></strong>-<strong>MOI</strong> <strong>QUAND</strong> <strong>JE</strong> <strong>TE</strong> <strong>MENS</strong> !<br />

de Vincent DELBOY<br />

PHILOU<br />

(voix off)<br />

Bonjour, je suis Philippe <strong>Le</strong>doux. Ce sont parfois de petits riens qui entraînent des situations<br />

pénibles, simplement parce qu’on n’a pas communiqué sur ces petits riens. Je sais de quoi je<br />

parle puisque ça nous est arrivé à ma sœur Stéphanie et à moi-même. Depuis mes vingt-quatre<br />

ans et ses vingt-deux, nous ne nous sommes revus qu’à l’occasion des fêtes de famille et ne<br />

nous sommes donnés aucune nouvelle entre chacune d’elles, sans la moindre raison<br />

apparente… Jusqu’à la fête célébrant la retraite de Papa.<br />

(<strong>Le</strong> rideau s’ouvre en silence sur le décor. La porte s’ouvre sur une musique commerciale<br />

tonitruante et se referme aussitôt. Dans la pénombre, Philou se glisse sur la terrasse. Il a un<br />

verre à pied à la main. Il se dirige vers le jardinet en renfoncement et sort la bouteille qu’il a<br />

ramenée du buffet. Nanie sort à son tour et ne voit pas Philou qui s’est caché derrière les<br />

meubles de jardin. Elle commence à vouloir allumer une cigarette.)<br />

PHILOU<br />

Hé !<br />

(Nanie jette sa cigarette avec sa bouche et son briquet sur le côté.)<br />

NANIE<br />

Oui… Qui est là ?<br />

(Elle ramasse en hâte sa cigarette et ne parvient pas à retrouver son briquet que Philou a<br />

subtilisé)<br />

PHILOU<br />

(avec une voix d’outre tombe)<br />

Je suis la voix de ta conscience.<br />

(Elle allume la terrasse.)<br />

NANIE<br />

Ah, c’est toi ! Qu’est-ce que tu fiches dans le noir, tout seul ? Tu m’as fait peur !<br />

PHILOU<br />

Je croyais que tu avais arrêté de fumer…<br />

NANIE<br />

C’est le cas.<br />

PHILOU<br />

C’est drôle, j’ai cru voir que…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 3


NANIE<br />

Que rien du tout ! (Elle fouille les bacs à fleurs.) Par contre, toi, tu n’as pas arrêté de boire, à<br />

ce que je vois…<br />

PHILOU<br />

Je n’ai jamais prétendu le contraire… Qu’est-ce que tu cherches, là ?<br />

NANIE<br />

Là, quoi ?<br />

PHILOU<br />

Ben, là, à torturer les fleurs… Ton briquet, peut-être.<br />

NANIE<br />

Pas du tout, pas du tout. J’ai perdu une boucle.<br />

PHILOU<br />

Attends, je vais t’aider à la chercher.<br />

NANIE<br />

Non ! Tu commences à être bourré, tu risques de l’écraser. (Elle s’assoit sur le perron.)<br />

Qu’est-ce que je me fais chier !<br />

PHILOU<br />

Tu t’attendais à quoi pour la fête de la retraite de Papa ? A une soirée gogo-dancing ??<br />

NANIE<br />

Philou, ça bat des records. <strong>Le</strong>s acadiens, le Madison… Je me suis lâchement enfuie à<br />

l’annonce de la danse du tapis !<br />

PHILOU<br />

Moi, je trouve ça marrant.<br />

NANIE<br />

Comme notre cher Papa ! <strong>Le</strong> même qui dansait torse nu tout à l’heure sur « Papayou-lé-lé ».<br />

PHILOU<br />

Et bien ? Il a le droit, non ?<br />

NANIE<br />

Personne n’a le droit de…<br />

PHILOU<br />

… De danser torse nu sur « Papayou-lé-lé » pour fêter sa retraite ?<br />

NANIE<br />

… De danser torse nu sur « Papayou-lé-lé » et de donner des leçons de maintien ! Pourquoi ?<br />

Tu fais pareil quand tu sors le week-end avec tes potes « branchouilles » ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 4


PHILOU<br />

Figure-toi, ma vieille, que, lorsque je retire ma chemise en boîte, les femmes se précipitent !<br />

NANIE<br />

A l’extérieur de la boîte !<br />

PHILOU<br />

Et ben, non : sur moi, dis donc.<br />

NANIE<br />

Curiosité malsaine, sans doute.<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que t’as ? T’as la colique ?<br />

NANIE<br />

Non. C’est juste que j’ai un million de trucs à faire et que je suis bloquée ici à faire la fête à<br />

Neuneu, alors que j’ai du boulot à la maison. D’autant plus que ma nouvelle patronne est une<br />

sacrée emmerdeuse! Et toi avec ton patron, ça se passe toujours aussi bien ?<br />

PHILOU<br />

Toujours. J’étais d’ailleurs à un barbecue chez lui la semaine dernière.<br />

NANIE<br />

Ah ! La fameuse invitation annuelle du personnel !<br />

PHILOU<br />

Non, juste moi.<br />

NANIE<br />

Aaaaaah…<br />

PHILOU<br />

Ca veut dire quoi : « aaaaaah… » ?<br />

NANIE<br />

Et ça se passe aussi bien avec tes collègues ?<br />

PHILOU<br />

Oui, pourquoi ?<br />

NANIE<br />

Moi aussi, dans mon dernier boulot, j’en avais une comme toi dans l’équipe ; on l’appelait<br />

« Langue de Chat », parce qu’on se disait qu’à autant lécher le cul de la patronne, elle devait<br />

avoir la langue toute râpeuse.<br />

PHILOU<br />

Peut-être, mais d’un autre côté, ta collègue, elle devait être super pro, non ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 5


NANIE<br />

Mmh… M’oui…<br />

PHILOU<br />

Donc, toi et tes copines vipérines, vous ne vous êtes jamais dit que, si la patronne en entretient<br />

une relation privilégiée avec elle, c’est pour lui signifier la reconnaissance de son bon boulot ?<br />

NANIE<br />

Ca, c’est bien un discours de langue de chat ! Je t’imagine au barbecue de Monsieur Bochard :<br />

« Oh, M’sieur Bochard ! Comme vous savez bien faire prendre la braise ! », « M’sieur<br />

Bochard, comme vous êtes sport, ça change du bureau, ah-ah-ah ! », « M’sieur Bochard, le<br />

passage de Marie-Elodie en seconde, ça se passe bien ? », Bochard : « Oui, gentil, gentil, mon<br />

p’tit Philippe, venez avec moi au fond de la rocade, je vais vous montrer mon abri de jardin. »<br />

Beurk !<br />

PHILOU<br />

Et voilà comment la jalousie et la rancune en arrivent à ce que tu es.<br />

NANIE<br />

Et que suis-je, Langue de Chat ?<br />

PHILOU<br />

Rien de plus qu’une adolescente attardée fringuée comme une paysanne !<br />

NANIE<br />

C’est celui qui porte une mauvaise imitation de costard Versace qui me parle ? Ca<br />

impressionne peut-être les mortes de faim que tu croises en discothèque, mais pas moi.<br />

PHILOU<br />

Pourquoi, toi, tu penses avoir l’air plus sexy à passer tes nuits avec ta super copine lesbienne<br />

dans ces bars d’ambiance - on dit « lounge », c’est ça ?<br />

NANIE<br />

C’est ça.<br />

(Musique et lumière lounge.)<br />

PHILOU<br />

(Il singe les minauderies de Nanie)<br />

Je te vois comme si j’y étais : « Regarde, Dadou, le mec, là-bas, comme il mate à notre table.<br />

S’il s’imagine qu’il va nous sauter, il se goure, hi, hi, hi, hi, hi ! ». Alors que le pauvre gars est<br />

tout simplement en train de se demander qui, de Dadou ou de toi, fait l’homme dans le couple.<br />

NANIE<br />

En voilà bien une remarque de mec !<br />

PHILOU<br />

Excuse-moi d’en être un.<br />

NANIE<br />

C’est nouveau, ça ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 6


PHILOU<br />

Ben, tu ferais bien de sortir danser un peu quand même, toi aussi, parce que, vu tes réactions,<br />

ça fait un moment que le loup n’a pas frappé à ta porte. Hé ! Tire la bobinette et la chevillette<br />

cherra plus souvent, soeurette !<br />

NANIE<br />

T’occupe. Et en boîte, j’y étais encore samedi. La dernière fois que je me suis autant ennuyée,<br />

c’était…<br />

PHILOU<br />

…A mon mariage, sans doute.<br />

NANIE<br />

Et allez, ça recommence ! Philou, mes propos ont été déformés et…<br />

PHILOU<br />

Par six personnes différentes, qui, pour la plupart, ne se connaissent pas entre elles ? Méfietoi,<br />

soeurette, ça sent la conspiration : « Rosemary’s Baby », à côté, c’est de la rigolade !<br />

NANIE<br />

Philou, me saoule pas, ça fait huit ans déjà…Et pour ce que ça t’a rapporté : vous avez<br />

divorcé, il y a deux ans ! C’est pas vrai, mais où est ce briquet… Heu, cette boucle ?<br />

PHILOU<br />

Il n’empêche que depuis huit ans, tu ne t’es même pas excusée d’avoir raconté à qui voulait<br />

bien l’entendre que c’était un vrai mariage de beaufs. Moi, je ne dis pas : je te connais trop.<br />

Mais Corinne t’en veut toujours à mort.<br />

NANIE<br />

C’est vrai ? Oh, zut ! Et dire que j’emporterai mes remords avec moi dans ma tombe, c’est<br />

trop bête !<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce qu’elle t’a fait Corinne ?<br />

NANIE<br />

Philou… Que tu arrêtes tes études pour engrosser cette nana…<br />

PHILOU<br />

Nanie !!!<br />

NANIE<br />

Ok… Donc, que tu interrompes tes études parce que ta charmante fiancée tombe<br />

miraculeusement enceinte, passe… Que tu l’épouses en vitesse pour que la pauvre petite n’ait<br />

pas son marmot aux bras au moment de dire oui devant Monsieur le Maire, passe… Que la<br />

marraine de la petite soit sa copine mongolienne du CAP maroquinerie, passe…<br />

PHILOU<br />

Nous y sommes !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 7


NANIE<br />

Et où sommes-nous ?<br />

PHILOU<br />

Tu fais à moitié la gueule depuis huit ans parce que nous ne t’avons pas choisie pour marraine<br />

de Calypso.<br />

NANIE<br />

Calypso… C’est vrai…<br />

PHILOU<br />

Que reproches-tu au prénom de ma fille ?<br />

NANIE<br />

Rien. Je trouve simplement que ça lui serait mieux allé si elle passait sa vie à poil sur une île à<br />

retenir les marins qui rentrent de la guerre de Troie, c’est tout.<br />

PHILOU<br />

Corinne voulait un prénom plus original que Stéphanie…<br />

NANIE<br />

Et elle lui donne celui d’une garce qui pique les maris des autres. Joli départ dans la vie…<br />

Quand je pense à cette pauvre Pénélope, la trompée, qui se décarcasse toute la nuit à défaire la<br />

tapisserie qu’elle tissait le jour en attendant le retour de son guerrier de mari- quel sale<br />

bonhomme ! - qui s’envoie en l’air avec une gamine !<br />

PHILOU<br />

Je resitue : le sale bonhomme en question, en plus d’être parti contre son gré, est victime d’un<br />

ensorcellement.<br />

NANIE<br />

Que tu dis : moi, je n’ai jamais lu ça. Calypso, pff !<br />

PHILOU<br />

Ca sent le vécu.<br />

NANIE<br />

Pitié, non ! J’ai réussi à éviter les carnages du mariage, et les Calypso en puissance !<br />

PHILOU<br />

Dans l’Odyssée, Calypso est une nymphe, Nanie.<br />

NANIE<br />

Appelle ça comme tu veux.<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que tu peux être jalouse !<br />

NANIE<br />

Et de quoi ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 8


PHILOU<br />

Oh, de rien… Sauf que t’es pas mariée, t’as pas de gosse…<br />

NANIE<br />

Si je ne suis pas mariée, c’est que je refuse de sacrifier mon propre style pour leur style à<br />

« elles ».<br />

PHILOU<br />

Quel style à « elles » ?<br />

NANIE<br />

Morue « glamour ».<br />

PHILOU<br />

C’est vrai : toi , c’est plutôt « vulgour ».<br />

NANIE<br />

« Vulgour » ? « Vulgour » ? Elle était pas « vulgour », ta Corinne enceinte jusqu’aux yeux<br />

avec ses vingt kilos de trop dans sa robe de mariée ? Goldorak meringué ! Je suis sûre que<br />

tout le monde a cru qu’elle allait accoucher d’un marcassin ! Oh, et puis, tu m’énerves ! Et où<br />

est ce briquet ?!<br />

PHILOU<br />

Ta boucle, tu veux dire.<br />

(Il lui jette son briquet.)<br />

NANIE<br />

Oh, ça va, Philou !<br />

(Elle rattrape le briquet et allume une cigarette)<br />

Aaaaah… Ca fait du bien…<br />

PHILOU<br />

T’as repris, alors ?<br />

NANIE<br />

Ta perspicacité me sidère.<br />

PHILOU<br />

Tu te rends compte que tu as trente ans et que tu te caches encore pour fumer ?<br />

NANIE<br />

Et toi, qui en as trente-deux, tu viens te pochtronner en douce en piétinant les pétunias de<br />

Maman. Pas de leçons, veux-tu… Oh, désolée, je suis de mauvaise composition… Avant de<br />

venir, j’ai croisé chez le fleuriste quelqu’un que je n’avais pas du tout envie de revoir. Tu te<br />

souviens de Rebecca « Tronche Molle » ?<br />

PHILOU<br />

Si je m’en souviens ? Tu rigoles : comme si c’était hier !<br />

NANIE<br />

Quelle salope, celle-là !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 9


PHILOU<br />

Oh, Nanie… C’était il y a quasiment vingt ans, on était au Collège…<br />

NANIE<br />

Justement : ce sont les années qui marquent.<br />

PHILOU<br />

Tu veux qu’on appelle Mireille Dumas ?<br />

NANIE<br />

Ne ris pas : elle m’a bien traumatisée, cette conne !<br />

PHILOU<br />

C’est du passé, Nanie.<br />

NANIE<br />

Pour toi, peut-être… Moi, j’en cauchemarde encore, parfois.<br />

PHILOU<br />

Ah, ah, ah !!!<br />

NANIE<br />

Merci ! Merci beaucoup ! Je suis en train de te dire qu’une nana que je n’ai pas vue depuis<br />

vingt ans me hante encore, et toi, tu te marres !<br />

PHILOU<br />

Elle a été punie, non ?<br />

NANIE<br />

Pas assez…<br />

PHILOU<br />

On était que des gosses.<br />

NANIE<br />

Philou ! Elle avait attaché ma culotte en haut du panier de basket en promettant aux mecs que,<br />

s’ils la décrochaient et la reniflaient, ils seraient à tout jamais vaccinés contre la gent<br />

féminine !<br />

PHILOU<br />

Ah, ah, ah, ah, ah !!!!<br />

NANIE<br />

Ah, ça te fait rire, ça ! Tu as moins ri quand le frère de Tronche Molle, ton ennemi juré de<br />

l’époque, a décroché ma culotte du panier…<br />

PHILOU<br />

Je t’ai défendue.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 10


NANIE<br />

Je me souviens, mon Philou. Pourtant, il était vachement costaud, et tu l’avais étalé comme<br />

une merde : vlan, vlan, vlan ! Par terre, le frangin de Tronche Molle !<br />

PHILOU<br />

J’allais pas te laisser perdre ton honneur, non ?<br />

NANIE<br />

Aaaaah… Comme j’étais fière de mon grand frère… Plus personne ne m’a embêtée ensuite.<br />

Et vous êtes même devenus copains avec la grosse brute !<br />

PHILOU<br />

On l’était déjà avant.<br />

NANIE<br />

Comment ça ? Et tu lui as quand même cassé la gueule ?<br />

PHILOU<br />

Il avait promis de se laisser faire si je lui ramenais l’un de tes slips de la maison.<br />

NANIE<br />

Salaud !!! Tous des salauds !!!<br />

(Philou manque de rater la chaise en s’asseyant)<br />

NANIE<br />

Bravo ! Tu en es à combien de verres ?<br />

PHILOU<br />

Je me suis arrêté de compter à la fin de la première bouteille.<br />

NANIE<br />

Et tu comptes prendre ta voiture en repartant d’ici ?<br />

PHILOU<br />

J’ai fait pire. Par exemple, la semaine dernière…<br />

NANIE<br />

Stop ! Je ne veux rien savoir de tes pochardises ! Tiens, on va faire un test de police : tiens-toi<br />

sur une jambe et mets les bras en croix.<br />

(Philou réussit avec brio)<br />

NANIE<br />

On va changer de jeu, là, tu t’attends trop à ce que je vais te demander.<br />

(Tout le temps du jeu, Philou prend des positions saugrenues. Noir)<br />

NANIE<br />

1,2,3…<br />

(Lumière)<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 11


Soleil !<br />

(Noir)<br />

1,2,3…<br />

(Lumière)<br />

Soleil !<br />

(Noir)<br />

1,2…<br />

(Lumière)<br />

Perdu !<br />

PHILOU<br />

T’as pas dit : « 3, soleil » ! T’as triché !<br />

NANIE<br />

Je stratège : nuance.<br />

(Philou boude.)<br />

NANIE<br />

Voilà ! On s’amuse gentiment comme quand on était gamins et tu boudes !<br />

(La lumière se tamise, les personnages s’immobilisent. Flashback vocal avec les voix<br />

d’enfants de Philou, Nanie et Dadou.)<br />

NANIE<br />

Philou, qu’est-ce qui t’est arrivé ?<br />

PHILOU<br />

C’est Paul, il a jeté mon cartable dans la boue, et moi ensuite.<br />

NANIE<br />

Qu’est-ce que tu lui avais fait pour ça ?<br />

PHILOU<br />

Mais rien ! Personne ne m’aime au Collège, parce que j’ai de meilleures notes qu’eux…<br />

NANIE<br />

Non, ce n’est pas pour ça qu’ils ne t’aiment pas, Philou : c’est pour ce que tu fais pour avoir<br />

de meilleures notes qu’eux.<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que je fais de mal ?<br />

NANIE<br />

Tu emmènes des chocolats aux profs !<br />

PHILOU<br />

Mais c’est Maman qui me les donne !<br />

NANIE<br />

Et alors ? T’as qu’à les jeter avant d’arriver au Collège, c’est tout !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 12


PHILOU<br />

Mais Maman sera fâchée !<br />

NANIE<br />

(Elle l’imite)<br />

« Mais Maman sera fâchée ! » ! Ce que tu peux être trouillard ! Tiens, voilà Dadou !<br />

DADOU<br />

Salut, la compagnie ! Oh, mais qu’est-ce qui lui est encore arrivé au geignard ?<br />

NANIE(amusée)<br />

Dadou, c’est mon grand frère, quand même !<br />

DADOU<br />

Ah oui, c’est vrai… Mais il est tellement petit qu’on croirait le contraire ! Pourquoi tu leur<br />

mets pas une bonne trempe, geignard ? Ils te ficheront la paix !<br />

PHILOU<br />

J’ose pas.<br />

NANIE<br />

Tu veux pas qu’on aille le faire à ta place ?<br />

DADOU<br />

Oh, la honte ! « Ne me touchez plus ou vous aurez affaire à ma petite sœur et à sa copine ! » !<br />

NANIE<br />

Allez, mon Philou, sèche tes larmes… On va jouer au veau ficelé par les cow-boys !<br />

PHILOU<br />

Non !!! C’est toujours moi qui fais le veau !<br />

DADOU<br />

Physique oblige ! Allez, Nanie, attrape-le !<br />

PHILOU<br />

Non !!! Non !!!<br />

NANIE<br />

Résiste pas !<br />

PHILOU<br />

Maman, Maman !!!<br />

NANIE<br />

Elle est chez le coiffeur… Je le tiens, Dadou, attrape la corde !<br />

PHILOU<br />

Noooooooooooooooon ! ! ! ! ! !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 13


NANIE ET DADOU ensemble<br />

Ah, ah, ah, ah, ah……. !!!!!!!!<br />

( Fin du flashback)<br />

PHILOU<br />

Tu t’amuses comme quand on était gamins, Nanie : moi, je ne me suis jamais amusé avec toi.<br />

NANIE<br />

Ca alors ! Quelle ingratitude ! Quand personne ne voulait te parler à l’école parce que tu étais<br />

le binoclard de la classe, t’étais bien content de pouvoir jouer avec Dadou et moi.<br />

PHILOU<br />

T’as raison. Même que c’est Dadou qui m’a appris à jouer au foot.<br />

NANIE<br />

Ah-ah-ah… Je suis morte de rire.<br />

PHILOU<br />

Alors que ton bon copain Sébastien, lui, il a juste essayé de m’apprendre à me doucher après<br />

les entraînements.<br />

NANIE<br />

Tu sais que si on était aux States, tu pourrais être inculpé pour homophobie si on t’entendait ?<br />

PHILOU<br />

Justement, on n’est pas aux States et si j’ai envie de déconner sur les homos, je peux : ça ne<br />

me rend pas homophobe. Ca t’arrange pas, ma grande, de ne fréquenter que ces milieux-là !<br />

NANIE<br />

Ces milieux-là, ces milieux-là… On dirait qu’ils viennent d’une autre planète !<br />

PHILOU<br />

C’est juste que ce serait plus épanouissant pour toi de t’ouvrir au monde entier, plutôt que de<br />

traîner à longueur d’années avec le même genre de personnes.<br />

NANIE<br />

C’est à dire que je m’éclate plus avec eux et qu’ils suffisent à mon équilibre.<br />

PHILOU<br />

En attendant, Sébastien n’a pas besoin de toi quand il sort tout seul au moindre picotement de<br />

son calbut’ ! Pas plus que Dadou, qui, si ce que Maman m’a dit est vrai, a quelqu’un dans sa<br />

vie, à présent.<br />

(La porte s’ouvre. Voix off de la mère)<br />

MAMAN<br />

Philippe ! Philippe !<br />

(Nanie cache de manière affolée le cendrier et souffle dans l’air, comme pour évacuer la<br />

fumée de cigarette.)<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 14


PHILOU<br />

Oui, Maman ! Je suis dans le jardin avec Nanie !<br />

MAMAN<br />

Avec qui ?<br />

PHILOU<br />

Avec Nanie !<br />

MAMAN<br />

Ah, oui : Stéphanie. Bon, et bien, viens écouter le discours de ton père, mon chéri.<br />

(La porte se referme.)<br />

PHILOU<br />

Je rentre deux minutes, tu as besoin de quelque chose à l’intérieur ?<br />

NANIE<br />

Oui, mon sac doit être dans l’entrée, sous l’étagère à bibelots. Si tu peux y prendre un paquet<br />

de clopes…<br />

PHILOU<br />

A tout de suite.<br />

NANIE<br />

C’est ça.<br />

(Philou entre dans la maison. Voix des convives en liesse. Discours du père, suivi<br />

des « Sunlights des tropiques » de Gilbert Montagné. Nanie grimace de manière méprisante,<br />

puis s’éloigne de la porte qui reste ouverte. Au milieu de la scène, elle commence à avoir<br />

quelques soubresauts de danse, pour progressivement en arriver à se lâcher sur la musique.<br />

Philou revient sans que Nanie s’en rende compte et la contemple amusé)<br />

PHILOU<br />

Ta- Tiiiiin !!!<br />

NANIE<br />

(hurle en l’apercevant)<br />

C’est quoi, ça ?<br />

PHILOU<br />

Ben, j’ai ramené des munitions.<br />

(Philou a deux bouteilles de vin dans les mains).<br />

NANIE<br />

Et mes clopes ?<br />

PHILOU<br />

Merde, j’ai oublié !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 15


(Il rentre à nouveau pour refermer la porte et revient sans les cigarettes.)<br />

NANIE<br />

Pourquoi ai-je un frère pourvu d’autant de reliefs cérébraux qu’une lotte ?<br />

(<strong>Le</strong> portable de Philou sonne)<br />

PHILOU<br />

Ah ! Tu m’excuses deux secondes…<br />

(Tout le temps de la conversation téléphonique, Nanie imite Philou et fait des singeries dans<br />

son dos) Oui , Francesca, ma colombe…Mais oui, je pense à toi… Attends, mon sucre, je ne<br />

capte pas bien… (Il se place dans des endroits et dans des positions saugrenus pour<br />

rechercher le réseau.) Mais non, je ne t’oublie pas…Tu es ma petite guêpe… Ma petite guêpe<br />

toute fine-toute fine-toute fine… Oui, il me tarde que tu me piques-piques-piques…Oui,<br />

Francesca, oui, mon oiseau de paradis, mardi prochain… Comment ? Ouh ! J’en frémis<br />

d’avance… Oui… Je… Oui… On m’appelle, ma chérie, je te vois mardi… Je t’embrasse<br />

partout - Ca va bien, oui ?!- Oui, Francesca, bisoooooooous…<br />

(Au moment où il raccroche, il est perché sur une chaise.)<br />

PHILOU<br />

Voilà, c’est fait.<br />

(Il redescend de la chaise)<br />

NANIE<br />

(Elle lui touche l’épaule et grimpe brusquement sur la chaise.)<br />

Chat !<br />

PHILOU<br />

T’es bête… C’était Francesca.<br />

NANIE<br />

Non ? Ta petite guêpe toute-fine- toute fine- toute fine ?<br />

PHILOU<br />

Elle est gentille, mais je ne sais plus comment m’en dépêtrer.<br />

NANIE<br />

T’as essayé Baygon ? Bon, je file les chercher moi-même, mes clopes, puisque tu y mets<br />

autant de bonne volonté.<br />

(Nanie entre dans la maison. La porte est restée entrouverte et on entend les dernières notes<br />

d’une chanson. Philou sourit en haussant les épaules. Il se sert à nouveau du vin. La musique<br />

de « Macho Man » de Village People retentit. Il se met à faire des pompes. Nanie reparaît.)<br />

NANIE<br />

Tu vas pas me croire, je les ai pas trouvées…Enfin, c’est mon sac que j’ai pas trouvé : Maman<br />

a dû le mett…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 16


(Elle aperçoit Philou allongé sur le ventre dans l’herbe et qui force sur ses bras)<br />

NANIE<br />

Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu t’es coincé la braguette dans une taupinière ?<br />

PHILOU<br />

(Il continue ses exercices pendant qu’il parle)<br />

Je n’ai pas eu le temps de faire mes abdos de la semaine…<br />

NANIE<br />

De l’année, tu veux dire.<br />

PHILOU<br />

Il faut que Francesca me voie au mieux de ma forme mardi prochain…<br />

NANIE<br />

Oh-oh ? Je croyais que tu ne pouvais plus t’en dépêtrer.<br />

PHILOU<br />

Ouais, mais je n’ai rien de prévu dans la semaine pour ma seconde phase de béatitude…<br />

NANIE<br />

J’ai peur. Qu’est-ce que tu entends par là ?<br />

PHILOU<br />

(Il interrompt ses exercices)<br />

Je t’explique : je suis hormonalement plus chargé en début et en fin de semaine… Au boulot,<br />

le stress dû au manque sexuel me rend irritable… Donc, ma décharge hormonale de fin de<br />

semaine se situe entre le vendredi soir et le dimanche matin : c’est ma première phase de<br />

béatitude. Mais le lundi, je reprends le boulot ! <strong>Le</strong> stress est ce jour-là à son comble… Il faut<br />

donc que je me décharge une nouvelle fois le mardi pour être opérationnel au travail le reste<br />

de la semaine.<br />

NANIE<br />

Et… ?<br />

PHILOU<br />

Et pour la deuxième phase de béatitude, il y a Francesca… Jusqu’à ce que je trouve mieux !<br />

NANIE<br />

C’est dégueulasse !<br />

PHILOU<br />

Oh, je t’en prie : elle y trouve son compte aussi.<br />

NANIE<br />

Ton compte en banque, ça, c’est sûr !<br />

PHILOU<br />

Pour ta gouverne, elle gagne honorablement sa vie.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 17


NANIE<br />

Je suis surprise. Et dans quelle branche ?<br />

PHILOU<br />

Elle est professeur d’histoire à Milan.<br />

NANIE<br />

Tu as gagné au change, on ne peut pas dire que Corinne aurait fait une bonne historienne…<br />

PHILOU<br />

Pourquoi tu dis ça ?<br />

NANIE<br />

Tu sais, une nana à qui l’on parle des Mérovingiens et qui demande : « C’est où, la<br />

Mérovingie ? », ça porte à réflexion.<br />

PHILOU<br />

Ce n’est pas donné à tout le monde d’avoir tes grandes références historiques. D’un autre côté,<br />

aujourd’hui, ça ne te sert pas à autre chose qu’à gagner des camemberts jaunes au Trivial<br />

Pursuit.<br />

NANIE<br />

Alors que Corinne gagne toujours aux petits chevaux. Ca demande tellement de stratégie pour<br />

ramener les dadas au manège avant les autres !<br />

PHILOU<br />

Au moins, Corinne a toujours amusé tout le monde, elle…<br />

NANIE<br />

Moi en particulier.<br />

PHILOU<br />

Pisse-vinaigre !<br />

NANIE<br />

Quoi ?<br />

PHILOU<br />

Pisse-vinaigre ! C’est ce que tout le monde dit de toi : tu es une pisse-vinaigre !<br />

NANIE<br />

Une pisse-vinaigre ? Ca me ferait mal, tiens !<br />

PHILOU<br />

Ca, oui, ça doit faire très mal !<br />

NANIE<br />

Comme la bléno que ta chère Corinne t’a refilée il y a trois ans ?<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 18


NANIE<br />

Philou, allons ! Tu as eu un mal de chien pendant trois semaines, on me l’a dit !<br />

PHILOU<br />

C’étaient des calculs rénaux.<br />

NANIE<br />

Oui, oui. Et Mike Brandt est mort en faisant ses carreaux.<br />

PHILOU<br />

D’accord, elle a fauté une fois.<br />

NANIE<br />

Avec son kiné.<br />

PHILOU<br />

Tu es mieux renseignée que moi.<br />

NANIE<br />

Comme la moitié de la ville.<br />

(Ils boudent.)<br />

NANIE<br />

Et dire que quand on était mômes, on jouait à « Bouba et Frisquette »…<br />

(Ils fredonnent le générique de « Bouba »)<br />

PHILOU<br />

Tu te souviens. C’était marrant, hein ?<br />

NANIE<br />

Oui… Je te faisais bouffer des orties…<br />

PHILOU<br />

La fessée que tu recevais…<br />

NANIE<br />

<strong>Le</strong>s boutons que t’avais sur les lèvres…Ca fait encore plus mal, une bléno ?<br />

(Ils se perdent dans la béatitude d’un moment de nostalgie, jusqu’à ce que le portable de<br />

Nanie retentisse.)<br />

NANIE (lit le SMS)<br />

« Je t’ai pris 30 euros dans ton tiroir. Bise, ma grosse caille. Seb. »… C’est Seb…<br />

PHILOU<br />

C’est bien.`<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 19


NANIE<br />

Il est… Il est…<br />

PHILOU<br />

Hé, Nanie : Seb… C’est bien !<br />

NANIE<br />

Oui, Ok…<br />

PHILOU<br />

Seb, c’est bien, Nanie ! (Il éclate de rire) Ah, ah,ah !!! Seb, c’est bien ! Fendard, non ?<br />

NANIE<br />

Oh, là ! Ce gros rouge, y’a pas que les vêtements qu’il tache !<br />

PHILOU<br />

Seb, c’est bien, hi,hi,hi !<br />

NANIE<br />

Pour que tu t’arrêtes, comment ça se passe ? Je fais pipi, ou bien… ?<br />

PHILOU<br />

Pardon… Donc, Seb… Seb, il est…Il est ?<br />

NANIE<br />

Il gentil, il est sensible…Tellement attentionné…Il est…<br />

PHILOU<br />

…Pédé, un peu, non ? (Elle a un regard méprisant) Ah, pardon. Visiblement, c’est un détail.<br />

NANIE<br />

Tout a fait. Ca ne m’a jamais gênée.<br />

PHILOU<br />

Faut dire que lui non plus n’est pas gêné, quand il ramène des mecs dans l’appartement que<br />

vous partagez, et qu’il leur dit: « Ne t’inquiète pas s’il y a une rouquine ébouriffée demain<br />

matin dans la cuisine, c’est la technicienne de surface. »<br />

NANIE<br />

Il peut dire ce qu’il veut du moment qu’il n’y a que moi qui compte.<br />

PHILOU<br />

Il t’a quand même tendrement dit que si tu avais été un homme, tu aurais été son meilleur<br />

pote…<br />

NANIE<br />

Ben quoi ? Faut toujours que tu penses qu’au cul, toi ! Merde, Philou ! T’as jamais aimé<br />

Sébastien parce qu’il est homo !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 20


PHILOU<br />

Aaaaah, erreur, soeurette : je n’ai jamais aimé Sébastien parce qu’il me caressait la fesse<br />

chaque fois qu’il me croisait. Mon jean en témoigne : il est usé au même endroit, et<br />

bizarrement c’est localisé au niveau des poches arrières.<br />

NANIE<br />

Tu te fais des idées, t’es pas du tout son genre. Et s’il est usé à cet endroit-là, ton jean, c’est<br />

peut-être que tu as écrasé tes fesses trop longtemps le dimanche après-midi à roupiller devant<br />

le rugby. Dieu sait que je n’aime pas Corinne…<br />

PHILOU<br />

Euphémisme.<br />

NANIE<br />

…Mais elle en a eu, du courage, de supporter ça.<br />

PHILOU<br />

Ca « quoi »?<br />

NANIE<br />

Ca « tout » : le rugby et puis tes, tes, tes … Phases de béatitude, là.<br />

PHILOU<br />

Elle ne s’en est jamais plainte.<br />

NANIE<br />

Et tu ne t’es jamais posé la question de savoir comment Corinne pouvait avoir ses règles trois<br />

fois par mois ?<br />

PHILOU<br />

Dérèglement hormonal.<br />

NANIE<br />

Oh, oui, la pauvre… Terrible ce problème d’ovulation spontanée !<br />

PHILOU<br />

Tu crois ?<br />

NANIE<br />

(Elle lui tapote le crâne)<br />

C’est ici que c’est déréglé…Heureux les simples d’esprit !<br />

PHILOU<br />

Mais oui, je suis heureux ! D’ailleurs, j’ai constaté que j’étais aussi heureux marié que<br />

divorcé. En un mot : je m’é-cla-te !<br />

NANIE<br />

C’est vrai que ça doit être exaltant de bosser comme un dingue pour payer la pension<br />

alimentaire d’une couleuvre qui ne conçoit le mot « travail » qu’en salle d’accouchement…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 21


PHILOU<br />

Gnagnagna ! Moi, Mademoiselle, je me complète et professionnellement, et sexuellement :<br />

j’ai du succès dans mes affaires et j’ai du succès dans mes amours !<br />

NANIE<br />

(Elle chante)<br />

Tu changes souvent de secrétaaaaaaire…<br />

PHILOU<br />

C’est vrai que le célibat prolongé, ça doit être génial pour une femme : (Il singe Nanie en<br />

minaudant à outrance.) « Ouais, non, ce week-end, je suis prise : je vais faire du shopping<br />

avec Dadou, tu sais, ma copine lesbienne ; on va s’acheter des robes en toile de jute hors de<br />

prix chez « Madame Zouzou of Paris » - c’est couture, chérie. Après, on discutera de la futilité<br />

des rapports sexuels avec les hommes, juste avant de rentrer chez nous et de nous asperger de<br />

spermicide, comme pour se donner l’illusion qu’on a fait une grosse bêtise. »<br />

NANIE<br />

Mais, mon cher, être célibataire sans enfant, c’est aussi la liberté de changer de boulot quand<br />

on veut, sans avoir le souci d’être soutien de famille.<br />

PHILOU<br />

Ouaaaaaais ! Ca doit être top de pouvoir passer son temps entre téléphoner à ses copines<br />

goudous et l’ANPE.<br />

NANIE<br />

Comme ça doit être g-é-a-n-t de passer ses soirées sur ordinateur en alternant traitements de<br />

dossiers pour le boulot et sites pornos sur le net ! Remarque : tu ne sors pas du domaine de<br />

l’étude de courbes !<br />

(<strong>Le</strong> portable de Philou sonne à nouveau.)<br />

PHILOU<br />

Attends deux secondes… (Il décroche) Ah, Patrick ! Ca va, mon pote ? Toujours Ok pour<br />

l’apéro-foot vendredi soir…Ah ?… Il y aura tes enfants et ta femme…Ah ?… Star<br />

Academy… Chouette, on zappera pendant les pubs… On passera de Jenifer à Zidane . Salut,<br />

Patrick.<br />

(Il raccroche, elle ricane.)<br />

PHILOU<br />

Oui, ben, mets-la en veilleuse, hein ! A côté de ça, c’est super- épanouissant de retrouver sa<br />

liberté : je me lève quand je veux, je me douche quand je veux, je ramène qui je veux…<br />

NANIE<br />

Alors, c’est ça, le bien-être du divorce ? Aaaah, Ok ! Donc, c’est perdre ses matinées à<br />

dormir, rester cracra toute la journée et ramener des poules à culbuter sur la musique de<br />

« Titanic » ? Sympa ! Quelle ânerie j’ai faite de ne pas me marier pour pouvoir apprécier mon<br />

divorce !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 22


PHILOU<br />

Et bien, tu aurais mieux fait, parce que dans ton célibat prolongé, t’as paumé toute ta<br />

féminité. Moi, au moins, je me rappelle chaque jour que je suis un homme.<br />

NANIE<br />

Ah, oui, c’est vrai ! J’avais oublié que nous, les femmes, on se rappelle qu’on en est en<br />

supportant vos râles endiablés pendant les coïts de quatre minute trente des pauses football.<br />

On y revient : l’acte sexuel pour vous, c’est s’échauffer avec Zidane pour finir avec Jenifer !<br />

Et buuuuuuuuut ! (Elle chante.) Ma révolution porte ton nom…<br />

PHILOU<br />

Ecoute, quoi que tu en penses, être un homme célibataire de trente ans…<br />

NANIE<br />

Trente-deux.<br />

PHILOU<br />

…De trente-deux ans, c’est le pied. Alors que pour vous, les femmes, être seule à cet âge-là,<br />

c’est quasiment du suicide.<br />

NANIE<br />

Attends, je m’assois : j’ai envie de rire. Va s-y, explique.<br />

PHILOU<br />

Et bien, c’est très simple : tu prends une nana qui vient de passer la trentaine, jolie, et tout…<br />

NANIE<br />

Ca me fait plaisir. Donc, à trente ans, on est morte, mais toujours jolie. Continue…<br />

PHILOU<br />

Justement. Si la fille de trente ans est jolie et toujours célibataire, il y a un loup quelque part.<br />

NANIE<br />

(Elle imite le loup)<br />

Hou, hou ! Où ça ??<br />

PHILOU<br />

C’est une chieuse !<br />

NANIE<br />

Bravo ! T’es mûr pour passer chez Cauet !<br />

PHILOU<br />

Ca se défend, non ?<br />

NANIE<br />

Exactement comme le mec qui a passé la trentaine et qui travaille pour entretenir la renarde<br />

qui lui a fait un gosse - et avec qui il n’a plus que des rapports de pognon - passe pour un raté,<br />

(Elle désigne ouvertement Philou.) ou un connard !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 23


PHILOU<br />

Tu vois bien, alors : à partir de trente ans, il ne reste que des connards et des chieuses.<br />

NANIE<br />

Tu es navrant.<br />

PHILOU<br />

Il y a un bémol à l’affaire.<br />

NANIE<br />

Chic, je ne suis pas tout à fait morte. Tu me rassures.<br />

PHILOU<br />

<strong>Le</strong> connard trouvera toujours son bonheur quelque part, puisque c’est un connard… Alors que<br />

la chieuse… Elle va continuer d’emmerder le monde et s’aigrir de plus en plus.<br />

NANIE<br />

Absurde.<br />

PHILOU<br />

Réaliste. Et la chieuse va tenter par tous les moyens de se donner l’illusion d’être quelqu’un<br />

d’exceptionnel en faisant des trucs bizarres de son temps libre.<br />

NANIE<br />

Des trucs bizarres comme… ?<br />

PHILOU<br />

Laisse tomber…Mais je suis content que tu sois enfin sortie de cette espèce de secte.<br />

NANIE<br />

Quelle secte ?<br />

PHILOU<br />

La connerie à laquelle tu participais depuis quelques mois.<br />

NANIE<br />

Ah ? Tu as appris ça ? Maman a dû une fois de plus déformer la réalité.<br />

PHILOU<br />

Pas plus que ça, à mon avis. Entre les réunions cave, les subventions douteuses et l’autre, là,<br />

le grand machin…<br />

NANIE<br />

Quel grand machin ?<br />

PHILOU<br />

<strong>Le</strong> zozo déguisé en bête tordue, là.<br />

NANIE<br />

Aaaaaaaah… <strong>Le</strong> Grand Révélateur d’Espace Internes ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 24


PHILOU<br />

C’est lui.<br />

NANIE<br />

Un gars génial !<br />

PHILOU<br />

Ca, il faut en avoir du génie pour embrigader toutes ces dépressives.<br />

NANIE<br />

Tu vois : tu juges sans connaître.<br />

PHILOU<br />

Nanie, j’ai vu des photos du mec dans les journaux, à son arrestation : on aurait dit une bête<br />

échappée d’un spectacle de Chantal Goya !<br />

NANIE<br />

Forcément. Et toi, comme tous les autres moutons de Panurge, tu te jettes sur le scandale<br />

médiatique comme la misère sur le pauvre monde !<br />

PHILOU<br />

Nanie, t’as vendu tes meubles pour ce type !<br />

NANIE<br />

Et alors ? Tout ce qui est matériel décrit un espace négatif autour de notre existence…<br />

PHILOU<br />

Et bien ! Y’a de beaux restes !<br />

NANIE<br />

Et puis, c’est Dadou qui m’a initiée au groupe.<br />

PHILOU<br />

Et Dadou, elle s’y connaît en espaces internes !<br />

(Nanie exécute une drôle de série de mouvements)<br />

PHILOU<br />

Ben…Qu’est-ce que tu fiches ? Tu t’es prise pour le mime Marceau, ou quoi ?<br />

NANIE<br />

Non… Je disloque toutes tes énergies négatives et je les répands au sol… Pour les piétiner<br />

quand elles sont devenues petites et faibles ! ! !<br />

(La porte s’ouvre. Voix off de la mère)<br />

MAMAN<br />

On fait la photo générale !<br />

PHILOU et NANIE ensemble<br />

On arrive !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 25


(Philou rentre. Voix off de la mère.)<br />

MAMAN<br />

Dépêche-toi, mon cœur ! Oh, et puis fermez cette porte : ça va attirer les bestioles !<br />

(La porte se referme au nez de Nanie. La lumière se tamise et n’éclaire plus que Nanie. La<br />

musique de fond est l’ouverture de « <strong>Le</strong> monde est stone » de Starmania.<br />

NANIE<br />

(Elle chante)<br />

Stooooooooone, le monde est stooooone…<br />

PHILOU<br />

(Il réouvre brutalement la porte d’où une musique assourdissante jaillit.)<br />

Je cherche le soleeeeeeeeeil…<br />

NANIE<br />

Au milieu de…<br />

PHILOU<br />

(Il referme la porte.)<br />

Mon cuuuuuuuuul…<br />

NANIE<br />

Et voilà : il faut toujours que tu gâches tout ! Tu dénatures toujours les belles choses !<br />

PHILOU<br />

(hilare)<br />

Pourquoi ?<br />

NANIE<br />

Ca a été pareil aux trente ans de mariage de Papa et Maman, il a fallu que tu remplaces<br />

<strong>Le</strong>s paroles de « La Bohème » : « La bohême, la bohème, on était jeune, on était con » !<br />

PHILOU<br />

Un succès fou !<br />

NANIE<br />

Je me souviens : Corinne a tellement applaudi qu’elle s’est tatoué ses bagues sur les doigts.<br />

PHILOU<br />

Mais qu’est-ce qu’elle t’a fait Corinne ?<br />

NANIE<br />

Rien, je suis connerie-phobe, c’est pathologique.<br />

PHILOU<br />

Pourtant, elle, elle serait prête à te pardonner.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 26


NANIE<br />

De… ?<br />

PHILOU<br />

Par exemple, de ne jamais rien avoir offert à Calypso pour ses anniversaires.<br />

NANIE<br />

J’avais pas d’idée… Moi, tu sais , les gosses…<br />

PHILOU<br />

Tu m’étonnes… Difficile de penser aux enfants des autres quand on en est encore une soimême…<br />

(Nanie lui jette un regard courroucé.)<br />

PHILOU<br />

(détournant l’attention)<br />

Et bien, c’est du bon, ce rouge !<br />

NANIE<br />

J’en connais un qui va avoir un de ces casques demain.<br />

PHILOU<br />

Je m’en fous, je n’ai rien à faire avant demain soir.<br />

NANIE<br />

Tant mieux pour toi.<br />

PHILOU<br />

J’ai rendez-vous à vingt heures avec une de ces sacrées…<br />

NANIE<br />

Pas de jugement de valeur dégueulasse et machiste en ma présence, je te prie.<br />

PHILOU<br />

Il faut appeler un chat un chat.<br />

NANIE<br />

Lamentable ! Alors, toi, dès que tu lèves le pénis, tu deviens un étalon, et si une nana fait<br />

marcher ses hormones, elle devient une va-sans-culotte !<br />

PHILOU<br />

Tout juste ! D’autant plus que celle-ci n’en porte jamais.<br />

NANIE<br />

C’est dégoûtant ! Une prof d’histoire qui donne cet exemple, ça me donne la gerbe !<br />

PHILOU<br />

Ah, non ! Francesca, je ne la vois que mardi. Là, j’ai rancard avec une nana que j’ai croisée à<br />

une soirée.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 27


NANIE<br />

Et comment s’appelle cette demoiselle ?<br />

PHILOU<br />

Irina.<br />

NANIE<br />

Envoutant. C’est slave, non ?<br />

PHILOU<br />

Biélorusse.<br />

NANIE<br />

Bien… Tu as planqué l’argenterie, au moins ?<br />

PHILOU<br />

Je suis peut-être macho, mais pas xénophobe, moi.<br />

NANIE<br />

Et tu le prouves ! Tu n’as jamais pensé à écrire une série de bouquins du genre : « Philou et la<br />

Biélorusse », « Philou et la Danoise », « Philou et la Péruvienne »…<br />

PHILOU<br />

Et toi, « Nanie et les hommes de sa vie »- ah, non, pardon ! Je ne vois pas de quoi meubler un<br />

chapitre ou deux.<br />

NANIE<br />

Et « <strong>Le</strong>s mémoires d’un âne », ça te dit pas de les réécrire ?!<br />

PHILOU<br />

Allez, Nanie… On n’a plus dix ans, on ne peut pas continuer à s’engueuler comme ça : c’est<br />

ridicule.<br />

NANIE<br />

Pourquoi, Philou ? Si je continue, tu feras comme d’habitude à aller pleurer dans les jupes de<br />

Maman et lui dire combien j’ai été méééééééééchante avec toi ?<br />

PHILOU<br />

Nanie…<br />

NANIE<br />

Hé, Philou, c’est bon : ça a toujours été comme ça. Moi, je me ramène à la maison avec un<br />

bac A1 avec mention et on me répond qu’après tout, ce n’est pas un bac C ; et toi, tu aurais pu<br />

faire ta crotte au milieu du salon qu’on l’aurait mis sous globe pour l’admirer sans l’abîmer…<br />

(Elle fait mine de faire caca accroupie et de le mettre sous globe sur la dernière phrase.)<br />

PHILOU<br />

Tu exagères ! Papa et Maman ont organisé une super- fête quand tu as eu ton bac.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 28


NANIE<br />

Une super-fête ? Avec un mousseux qui faisait plus de trous dans l’estomac qu’un commando<br />

de mite et un gâteau au chocolat qui m’a valu une couronne à la prémolaire !<br />

PHILOU<br />

T’es jamais contente ! Moi, ils ne m’ont rien organisé quand j’ai obtenu mon BTS.<br />

NANIE<br />

Et pour cause ! Tu étais absent parce qu’ils t’avaient payé un voyage aux US.<br />

PHILOU<br />

C’était pour parfaire mon anglais.<br />

NANIE<br />

A Malibu ?! Moi, pour améliorer mon anglais, je me suis retrouvée dans une bourgade des<br />

Highlands où je comprenais mieux les moutons que les autochtones !<br />

PHILOU<br />

Allez, après les biélorusses, les écossais !<br />

NANIE<br />

Je n’ai rien contre l’Ecosse, Philou, mais j’aurais de loin préféré me perfectionner dans la<br />

langue avec un sauveteur floridien qu’avec les mégères de bed and breakfast qui sentaient<br />

aussi fort que leurs troupeaux.<br />

PHILOU<br />

J’ai pas choisi, Nanie.<br />

NANIE<br />

Je le sais, c’est ce qui a toujours fait pencher la balance en ta faveur.<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que tu veux dire ?<br />

NANIE<br />

(Elle imite tour à tour son père et sa mère.)<br />

« Philippe, qu’est-ce que tu veux faire comme sport ? – Je ne sais pas, Papa. Comme tu<br />

veux. » ; « Philippe, qu’est-ce que tu veux faire après le bac ? – Je ne sais pas, Maman.<br />

Comme tu veux. » ; « Philippe, ce serait bien si tu t’intéressais à Corinne Berthez… ». Sitôt<br />

dit, sitôt fait, sitôt sautée, et v’la la Calypso qui barbotte en liquide amniotique !<br />

PHILOU<br />

T’es dure. Regarde comme ils étaient fiers de toi quand tu as fait partie de l’équipe de GRS au<br />

Collège…<br />

NANIE<br />

Oh, oui ! J’entends encore Maman : « Ce que tu peux être raide, Stéphanie! Prends exemple<br />

sur Corinne Berthez, regarde comme elle fait bien la roue. ». Moi aussi, je savais la faire !<br />

PHILOU<br />

Ah, ah, ah !!!<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 29


NANIE<br />

C’est ça, rigole… Tiens, prends mon verre deux secondes : je vais te la faire, moi, la roue !<br />

PHILOU<br />

Nanie, tu vas te faire mal…<br />

NANIE<br />

Mate la technique : tout dans les jambes !<br />

(Elle exécute une demi roue lamentable avant de s’écrouler. Philou s’esclaffe)<br />

PHILOU<br />

Waouw ! Tu as été… Aérienne !<br />

NANIE<br />

C’est facile de se moquer… Oh, j’ai la tête qui tourne, moi…<br />

PHILOU<br />

Profites-en pour te regarder le cul ! (Il recherche les bouteilles des yeux.) Il faut soigner le mal<br />

par le mal. Nom de Dieu ! Qu’est-ce que c’est que cette horreur ?<br />

NANIE<br />

De quoi tu parles ?<br />

PHILOU<br />

La sculpture infâme dans laquelle tu mets tes cendres.<br />

NANIE<br />

Pourquoi ? Tu crois qu’elle était mieux, toi, ta boîte à bijoux faite à partir d’un emballage de<br />

callendos, sans doute ?<br />

PHILOU<br />

C’est toi qui as fait cette merde ? Ah, ah, ah ! N’empêche que, ma boîte à bijoux, elle, trône<br />

toujours sur la table de chevet de Maman. (Il saisit le cendrier) Et où as-tu retrouvé cette<br />

petite merveille ?<br />

NANIE<br />

Au niveau de la vitrine à bibelots.<br />

PHILOU<br />

C’est drôle : je ne l’avais jamais vu.<br />

NANIE<br />

Mais si, la vitrine à bibelots à côté du grand Bouddha en bois de bambou… (Elle marque un<br />

temps d’arrêt, puis lui tapote le crâne.) Tiens, rapport à Bouddha : je vois que vous avez de<br />

plus en plus la même coiffure…<br />

PHILOU<br />

Ca me donne un petit côté « Bruce Willis », à ce qu’elles disent.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 30


NANIE<br />

Moi, j’aurais dit « Guy Montagné », mais ça se discute, bien sûr.<br />

PHILOU<br />

Et qu’est-ce que ça peut faire ?<br />

NANIE<br />

Ben, si tu veux, quand tu vas voir l’ousbèque, là…<br />

PHILOU<br />

Biélorusse.<br />

NANIE<br />

Ouais, peu importe ! Bref ! Quand tu vas voir « Irina », elle va te dire : (Elle prend l’accent<br />

russe) Mon chéri, fais-moi l’humour comme Guy Montagné !<br />

PHILOU<br />

Je te signale que mon humour l’a fascinée !<br />

NANIE<br />

J’espère que tu lui as raconté la blague du chauve qui se lève une pute de l’est ! Hou, c’est bon<br />

de rigoler !<br />

PHILOU<br />

Ca… Ca ne t’était plus arrivé depuis 1983, non ?<br />

NANIE<br />

Oh, ça va… Tu sais pas rigoler, toi. Destresse, Montagné ! (Temps d’arrêt.) Oh, tu fais la<br />

gueule ? C’est bon, Philou, j’déconnerai plus avec Montagné.<br />

(Elle pouffe en regardant à nouveau le crâne de Philou. Il se renfrogne. Silence de quelques<br />

secondes.)<br />

PHILOU<br />

Tu ne crois pas qu’on aurait autre chose à se dire, pour une fois qu’on peut passer un peu de<br />

temps tous les deux ?<br />

NANIE<br />

Ah, frérot, ce n’est pas moi qui ai lancé des sujets aussi édifiants que ta vie passée avec<br />

Corinne-la-reine-du-Polichinelle-express et tes coucheries des pays de l’est.<br />

PHILOU<br />

Je suis bien obligé de meubler avec mes histoires, tu ne me racontes pas les tiennes.<br />

NANIE<br />

Peut-être parce qu’il n’y a rien à raconter… (Silence prolongé) Et oui, moi aussi, j’aimerais<br />

bien qu’on puisse déconner sur moi un peu, même en m’appelant Guy Montagné.<br />

PHILOU<br />

C’est quand même toi qui prétends que ton célibat est un choix.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 31


NANIE<br />

C’est mon abstinence qui en est un. Je préfère ça aux rencontres d’un soir.<br />

PHILOU<br />

Quant à moi, je préfèrerai avoir moins de choses à dire.<br />

NANIE<br />

C’est vrai… ?<br />

PHILOU<br />

Non !!!<br />

(Il se met à rire en s’allongeant sur la terrasse)<br />

NANIE<br />

Merci de considérer mon malheur avec autant de complaisance…<br />

PHILOU<br />

Je t’en prie : c’est de la part de Montagné ! Hé ! Tu vois ce que je vois, là, sur le mur ? (Il<br />

désigne une cible de fléchettes) Ca fait une éternité que je n’ai pas joué à ça !<br />

NANIE<br />

Moi, j’y ai joué le mois dernier encore<br />

(Avec sa réplique, elle va chercher les fléchettes et revient en en tendant une partie à Philou)<br />

PHILOU<br />

Où ça ?<br />

(Ils commencent tour à tour à lancer les fléchettes dans la cible)<br />

NANIE<br />

A Londres, quand j’y ai passé le week-end avec Seb et Dadou.<br />

PHILOU<br />

Ah bon ? <strong>Le</strong>s femmes peuvent jouer dans les pubs, maintenant ?<br />

NANIE<br />

Et oui, frérot ! Nous sommes au vingt-et-unième siècle. Pousse toi, c’est à moi… C’était<br />

génial ce week-end-là.<br />

PHILOU<br />

Ah oui ? Pas mal, dis donc, pour un premier lancé ! Et comment ils tirent les fléchettes, dans<br />

les bars gays de Londres ?<br />

NANIE<br />

Figure-toi que mes amis sont évolués : nous avons fait toutes sortes de bars, pour faire plaisir<br />

à tout le monde !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 32


PHILOU<br />

Ah ? Une tournée chez les gays, une autre chez les lesbiennes et une dernière virée chez les<br />

vieilles filles ?<br />

NANIE<br />

Ta perfidie ne me déconcentrera pas… Hop, allons compter les points : je pense que je t’ai<br />

ratatiné !<br />

(Ils se rapprochent de la cible. Philou fait malencontreusement choir l’une des fléchettes de<br />

Nanie de la cible.)<br />

PHILOU<br />

Finalement, ça ne te fait pas grand chose.<br />

NANIE<br />

Et ma fléchette plantée dans la mouche avant que tu ne la fasses bêtement tomber, alors ?<br />

PHILOU<br />

Elle n’y était pas.<br />

NANIE<br />

Que si, tricheur ! Je suis sûre que tu l’as fait exprès !<br />

PHILOU<br />

Nanie, cette fléchette était presque dans la mouche. Tu veux qu’on évalue ce qu’une<br />

« presque-mouche » te rapporte comme points ?<br />

NANIE<br />

(Elle lui flanque une grande tape sur l’épaule)<br />

Elle était dedans ! ! !<br />

PHILOU<br />

Ca va pas, non !<br />

(Il lui rend sa tape et ils en arrivent à se rouler par-terre. La scène est très animée et ils se<br />

battent à la manière des enfants.)<br />

PHILOU<br />

T’es contente ? ! T’as déchiré, ma chemise !<br />

NANIE<br />

Ca lui donnera peut-être un peu plus de gueule !<br />

PHILOU<br />

J’ai passé l’âge de customiser mes fringues. Et toi, t’as vu ta dégaine : on dirait Jeanne Mas<br />

qui va animer un loto de la police !<br />

NANIE<br />

Ca vaut mieux que d’avoir un look de sociétaire des « Grosses Têtes », crâne d’oeuf ! (Elle<br />

ouvre la porte d’où on entend s’échapper « A la queue leu-leu ») Je préfère rentrer et<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 33


affronter la honte d’une danse endiablée là-dessus que de rester ici plus longtemps à me faire<br />

insulter par un macho primaire ! ! !<br />

(Nanie rentre en claquant la porte. Philou reste seule et rentre l’air penaud sa chemise dans<br />

son pantalon, puis s’assoit en regardant la bouteille, hésite à se resservir, puis se ressert<br />

quand même. Nanie revient en courant sur la terrasse.)<br />

NANIE<br />

Merde, merde, merde ! ! ! Il est là ! Il est là ! Il est là ! ! !<br />

PHILOU<br />

Merde, merde, merde ! ! ! Qui ?! Qui ?! Qui ?!<br />

NANIE<br />

Nicolas ! ! ! Nicolas ! ! !<br />

PHILOU<br />

(en chantan)t<br />

Nicolas, mon premier amour s’appelle comme toi…<br />

NANIE<br />

Tu ne crois pas si bien dire !<br />

(Elle se tapit contre le mur de la villa, et pendant toute la scène, court de toutes parts en<br />

essayant de se cacher dans les endroits les plus inapropriés.)<br />

PHILOU<br />

Non ? Nicolas ? Nico ?<br />

NANIE<br />

Oui ! ! ! Nicolas-Nico !<br />

PHILOU<br />

Ca alors ! Ca fait des années ! Où il était ?<br />

NANIE<br />

En taule !<br />

PHILOU<br />

Déconne !<br />

NANIE<br />

Non, déconne pas du tout ! Je l’ai largué par lettre à peine il y est entré.<br />

PHILOU<br />

Ce n’est pas la plus mauvaise chose que tu aies faite…<br />

NANIE<br />

(emphatique jusqu’à la fin de la scène)<br />

Il doit sûrement me chercher pour attenter à mes jours…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 34


PHILOU<br />

Ou alors, Papa l’a invité pour qu’il l’initie au violon, hi, hi, hi !<br />

NANIE<br />

Calembours grotesque comparé au danger de mort qui me guète ! (Elle tente de se cacher<br />

derrière un volet qui se dégonde aussitôt) Putain de volet ! ! ! Tu ne veux pas entrouvrir la<br />

porte et regarder ce qu’il fait ?<br />

PHILOU<br />

( Il entrouvre la porte)<br />

Il discute avec Maman, c’est ça ?<br />

NANIE<br />

Exactement. Oh, mon dieu ! Il la travaille au corps pour savoir où je suis… Maman ne se<br />

doute même pas qu’elle est en train de trahir sa propre chair…<br />

PHILOU<br />

Oh ! J’avais pas vu !<br />

NANIE<br />

Quoi ???<br />

PHILOU<br />

Sympa, la robe d’été de Maman : ça me donne envie de commander les coussins.<br />

NANIE<br />

C’est une création hors de prix de chez « Madame Zouzou of Paris », béotien !<br />

PHILOU<br />

Mais pourquoi elle a acheté cet oripeau ?<br />

NANIE<br />

C’est un cadeau, j’imagine…<br />

PHILOU<br />

Qui peut détester Maman à ce point ?<br />

NANIE<br />

Je l’aime de tout mon cœur, crétin ! Iiiiiiih ! ! ! J’entends du bruit…<br />

PHILOU<br />

Mais oui, il vient par ici…<br />

NANIE<br />

Détourne son attention !<br />

PHILOU<br />

Trop tard… Ah, salut, Nico ! Ca fait une paye, dis donc ! Nanie ? Elle est juste là sur la<br />

terrasse…<br />

NANIE, chuchotant très fort<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 35


Salaud ! ! ! Pétochard ! Tu sauves ta peau en vendant la mienne ! Tu auras mon cadavre<br />

rancunier sur la conscience, faux frère ! (Elle attrape le manche à balai.) Où est-il ? ! Si je<br />

meurs, ce sera dans l’honneur en combattant jusqu’au bout ! ! ! Où est-il ? ! ! !<br />

PHILOU<br />

A Fleury, je pense…<br />

NANIE<br />

Quoi ? ! ! !<br />

PHILOU<br />

C’était pas lui, Nanie ! C’était le cousin Cédric de Châteauroux qui discutait avec Maman. Ta<br />

mémoire visuelle te joue des tours, ma vieille !<br />

NANIE<br />

Tu aimes voir souffrir les gens, hein ? !<br />

PHILOU<br />

C’est bon, Nanie, c’était une blague.<br />

NANIE<br />

Petite précision : quand on fait une blague et qu’elle fait rire tout le monde, c’est amusant. Si<br />

elle ne fait rire que soi-même, c’est con ! ! ! Sadique, va !<br />

PHILOU<br />

C’est vrai que je suis un groooooos sadique…La preuve : je laisse Maman porter tes<br />

cadeaux…Puisque tu lui en fais, à elle.<br />

NANIE<br />

Là, tu fais référence au cadeau de mariage que je ne vous ai pas fait… J’ai une explication.<br />

PHILOU<br />

Je serais curieux de l’entendre.<br />

NANIE<br />

J’avais prévu une encyclopédie.<br />

PHILOU<br />

Tu n’avais pas besoin d’en faire autant… Et pourquoi ne pas nous l’avoir offerte alors ?<br />

NANIE<br />

A cause de Corinne : j’ai eu peur qu’elle ne comprenne pas l’histoire du bouquin ! (Elle<br />

s’esclaffe)Ah, tiens, je vais me rattraper.<br />

(Elle se lève en hâte et va fouiller dans l’entrée.)<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que tu fous ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 36


NANIE<br />

T’occupe ! Ah, le voilà ! (Elle revient vers Philou et lui tend une boîte de jeu d’enfant) Je l’ai<br />

retrouvé de quand on était petit !<br />

PHILOU<br />

(En examinant la boîte)<br />

C’est quoi ?<br />

NANIE<br />

Un jeu de l’oie, pour la changer des petits chevaux !<br />

PHILOU<br />

Puisque tu t’estimes beaucoup plus forte que Corinne, tu n’as qu’à me montrer tes prouesses.<br />

On joue ?<br />

NANIE<br />

Quand tu veux !<br />

(Elle s’assoit en tailleur en face de lui et déballe le jeu. Philou s’assoit en tailleur à son tour.)<br />

NANIE<br />

Il n’y a plus de règle à l’intérieur… Bah, tant pis ! A nous deux !<br />

PHILOU<br />

Tu me laisses l’honneur de commencer. (Il tire le dé.) J’avance…J’y suis !<br />

NANIE<br />

Qu’est-ce que ça représente ?<br />

PHILOU<br />

Un portail, je crois… Si je me souviens bien, ça m’emmène directement à la case 12 et je<br />

rejoue !<br />

NANIE<br />

C’est facile de prétendre ça quand il n’y a plus la règle dans la boîte !<br />

PHILOU<br />

(Il tire le dé)<br />

Ah ! Je tombe sur l’oie : je double mon avance. (Il se saisit du cendrier) J’avais vraiment<br />

jamais vu cette pièce de maître… Elle était où ?<br />

NANIE<br />

Dans la vitrine à bibelots, j’t’ai dit…Qu’est-ce que c’est que cette bête ? Tu vois un chat ou<br />

un renard, toi ?<br />

PHILOU<br />

(regardant vers le jardin)<br />

Où ça ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 37


NANIE<br />

Mais non, sur la case : un chat ou un renard ?<br />

PHILOU<br />

Ben, c’est un renard : il a la tête qui sort d’un terrier.<br />

NANIE<br />

Tu te souviens de ce que ça signifie ?<br />

PHILOU<br />

Non. Rien, je crois.<br />

NANIE<br />

Bien sûr, chaque fois que ça tombe sur moi, c’est soit rien, soit un truc horrible.<br />

PHILOU<br />

C’est le hasard.<br />

NANIE<br />

Il a bon dos, le hasard ! A toi…<br />

PHILOU<br />

(Il jette le dé)<br />

Quatre ! Merde ! <strong>Le</strong> puits : je dois y rester jusqu’à ce que tu tombes dessus !<br />

NANIE<br />

J’adore le juste retour des choses.<br />

PHILOU<br />

Tu ne m’as pas répondu.<br />

NANIE<br />

A quoi ?<br />

PHILOU<br />

Où tu as trouvé ce petit chef-d’œuvre de fête des mères ?<br />

NANIE<br />

Au niveau de la vitrine à bibelots, je te l’ai dit… Ca sent la victoire, mon vieux : je prends une<br />

avance considérable…<br />

PHILOU<br />

C’est bizarre que je ne l’aie jamais vu… A quel niveau, exactement ?<br />

NANIE<br />

Merde !!!! Il soutenait le pied bancal de la vitrine, t’es content ? !<br />

(Nanie se retourne pour attraper ces cigarettes. Philou déplace son pion.)<br />

NANIE<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 38


J’ai plus de clopes, la poisse… Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Tu as reculé mon<br />

pion !<br />

PHILOU<br />

Pas du tout !<br />

NANIE<br />

Ne me prends pas pour une idiote ! Je me trouvais sur une jolie petite baraque avec une<br />

barrière jaune, et là, je suis sur un fermier rougeaud !<br />

PHILOU<br />

T’es sûre ? J’ai rien touché.<br />

NANIE<br />

Ca doit être le renard, alors.<br />

(Il se met à rire en regardant l’image du fermier)<br />

NANIE<br />

Pourquoi tu ris ?<br />

PHILOU<br />

Ton fermier, là, il me rappelle ta première conquête !<br />

NANIE<br />

Mais je ne me suis jamais tapée de fermier, ça va pas la tête !<br />

PHILOU<br />

(Tout le long de la réplique, elle fait mine de ne pas voir ce dont il parle)<br />

Mais si…A Clermont… Eté 88… Oh, Nanie, rappelle-toi ! <strong>Le</strong> fils du fermier… L’étable…<br />

Maman, qui avait retrouvé du foin partout dans ta culotte…<br />

NANIE<br />

Il m’avait juste montré le petit veau qui venait de naître.<br />

PHILOU<br />

Nanie, tout le village a été au courant dès le lendemain…<br />

NANIE<br />

<strong>Le</strong> sale petit sous-développé de bouseux ! Incapable de tenir sa langue !<br />

PHILOU<br />

Ca, c’est à toi de nous le dire.<br />

NANIE<br />

Tu te rends compte que, même à la campagne où les gens sont censés être restés simples et<br />

valeureux, on trouve quand même des connards qui, non content de nous avoir baisées et<br />

plaquées aussitôt, vont se vanter que vous n’avez été pour eux qu’un évidoir !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 39


PHILOU<br />

Vous tenez toutes le même discours. Sous prétexte que vous n’êtes pas le seul pôle d’intérêt<br />

d’un homme, il devient un connard.<br />

NANIE<br />

C’est à dire que, la plupart du temps, on rencontre un mec tout feu-tout flamme, qui n’aime<br />

que nous, qui se sent différent depuis qu’il nous a rencontrée…<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que vous voulez qu’on vous dise ? C’est ce que vous demandez.<br />

NANIE<br />

Oh ! Salaud ! Mon propre frère, tenir ses propos ! Nous les femmes, on a besoin de<br />

romantisme…<br />

PHILOU<br />

Et des mensonges qui vont avec.<br />

NANIE<br />

Bref ! ! ! On rencontre ce garçon qui nous fait passer pour la huitième merveille du monde -<br />

après sa mère ; ça, c’est récurent- et on se rend compte au bout d’un moment qu’on passe<br />

après sa bagnole, sa Playstation, Téléfoot… !<br />

PHILOU<br />

Vous, vous nous faites bien passer après les copines, le shopping et le brushing !<br />

NANIE<br />

<strong>Le</strong>s copines… ?<br />

PHILOU<br />

(Il minaude.)<br />

« Oui, mon trésor, je sais qu’on ne s’est pas vu depuis une semaine, mais tu sais, c’est<br />

Myriam, elle a toujours été là pour moi : je ne peux pas lui faire ça. Je sais que ça ne faisait<br />

que quatre jours qu’ils étaient ensemble, mais elle a vraiment cru en lui. »<br />

NANIE<br />

Ok… Mais le shopping ?<br />

PHILOU<br />

(Il minaude à nouveau.)<br />

« Mais si , mon chéri, je suis consciente que tu as des emmerdes au boulot, mais que pensestu<br />

de ce petit tailleur à moitié prix de chez Gucci ? »<br />

NANIE<br />

D’accord, mais le brushing…<br />

PHILOU<br />

(Il minaude encore.)<br />

« Ah, , non, pas ce soir, je sors de chez le coiffeur ! Il faut que je sois nickel pour demain,<br />

c’est l’anniversaire de Judith. Me touche pas ! Tu me vois que pour le cul ou quoi ? ! » Je<br />

m’étonne qu’à fréquenter autant de pintades, je n’ai pas encore chopé la grippe aviaire !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 40


NANIE<br />

Et oui ! On a besoin de se trouver belles et solidaires des copines… Mais il n’y en a qu’un<br />

seul qui pourrait comprendre ça.<br />

PHILOU<br />

(moqueur)<br />

Seb ?<br />

NANIE<br />

Même pas… Non, je parlais de « Lui » : l’Homme Idéal… Et encore : vu que je le connais<br />

pas, celui-là, si ça se trouve, c’est un connard…Et tu sais : je m’y connais, en connards, vu<br />

que je n’ai rencontré que ça…Oh, l’horreur : t’imagines si je l’avais pas reconnu au milieu de<br />

tous ces connards ?… L’homme idéal EST un connard… Alors, ça…<br />

PHILOU<br />

Et bien, tu attendras avant de le retrouver.<br />

NANIE<br />

Pourquoi ?<br />

PHILOU<br />

Parce que tu viens de tomber à ma place dans le puits ! A moi. J’atterris sur cette adorable<br />

vache.<br />

NANIE<br />

Vous regarderez passer les trains ensemble…<br />

PHILOU<br />

Tiens , tiens ! Je suis à deux cases de la victoire, soeurette…<br />

NANIE<br />

Tu es au courant qu’il faut faire le nombre exact pour gagner.<br />

PHILOU<br />

Je le sais… Et deux ! Victoire !<br />

(Il se lève et exécute une ridicule danse de la victoire en braillant. Nanie range nerveusement<br />

le jeu dans sa boîte.)<br />

PHILOU<br />

Je t’ai laminée, ratatinée, pulvéri… Déconne pas, Nanie : c’est pas la peine de faire cette tête.<br />

NANIE<br />

Ca a toujours été pareil : tu as toujours gagné et tu t’en es toujours pavané !<br />

PHILOU<br />

Hé, calme tes humeurs, ma vieille. Tu vas pas me les briser pour une victoire à ce jeu idiot !<br />

Je t’ai éclatée : je t’ai éclatée, c’est tout !<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 41


NANIE<br />

Je ne comprends pas comment Corinne a pu te supporter toutes ces années ! ! !<br />

PHILOU<br />

Elle avait un truc en plus que tu n’as pas!<br />

NANIE<br />

Oui : un chromosome.<br />

PHILOU<br />

Non : de l’humour.<br />

NANIE<br />

Elle avait un autre truc que je n’ai pas: son abonnement au club de sport… En plus de<br />

conserver pendant sept ans de mariage cette plastique superbe, ça lui a donné l’occasion de se<br />

barrer avec son prof de body-pump…<br />

PHILOU<br />

Nanie, tu vas trop loin… Moi, je ne te parle pas de ta fixette depuis quinze ans sur un<br />

homosexuel…<br />

NANIE<br />

Je ne vois pas le rapport.<br />

PHILOU<br />

Ah bon ? Tu ne vois pas ? Tu ne vois pas que tu te retrouves aujourd’hui à faire semblant de<br />

t’abriter sous ton soi-disant souci d’indépendance ?<br />

NANIE<br />

T’es pas drôle du tout.<br />

PHILOU<br />

Et toi, tu te trouves marrante à me rappeler que je viens de divorcer d’une pique-assiette<br />

écervelée ? Tu te trouves sans doute tordante de souligner ma calvitie et de me rappeler que, si<br />

je me lève des nanas, ce sont forcément des demi-putes ?<br />

NANIE<br />

Et toi, tu te crois sympa de me rappeler ce que j’éprouve pour Seb… Heureusement qu’il est<br />

là, lui ! Peux-tu en dire autant de tes potes de beuverie ? !<br />

PHILOU<br />

Tout a fait ! ! ! Ils étaient là, eux, quand Corinne m’a largué ! Comme ils continuent d’être là<br />

quand j’ai des coups de blues !<br />

NANIE<br />

Et moi, alors, qui suis ta soeur ? Moi, je sers à quoi ?<br />

PHILOU<br />

Nanie, tu ne me donnes pas de nouvelles depuis que je me suis marié, et, chaque fois qu’on se<br />

croise, soit tu me parles de banalités, soit tu m’évites. Ne me la joue pas petite sœur frustrée,<br />

veux-tu.<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 42


NANIE<br />

(étranglée)<br />

T’avais qu’à pas quitter la maison si tôt…<br />

PHILOU<br />

Qu’est-ce que ça vient faire là-dedans ?<br />

NANIE<br />

Corinne t’a arraché de ton foyer alors que tu étais à peine adulte. Corinne a arraché de toi un<br />

enfant que tu ne voulais pas. Et toi, au lieu de contester, de te rebeller, tu t’es laissé faire… Et<br />

à cause d’elle et de ta faiblesse, je me suis retrouvée toute seule…Je me suis retrouvée toute<br />

seule contre Papa et Maman, qui ont redoublé d’attention envers toi, compte tenu de ta<br />

situation… Ce qui n’a eu pour résultat que de faire grandir toute la différence qu’il y a<br />

toujours eu entre toi et moi, simplement parce que je ne suis qu’une fille…<br />

PHILOU<br />

C’est de ma faute, ça ? !<br />

NANIE<br />

Avant que tu ne partes, même si tu acceptais le privilège dont tu jouissais, tu me défendais<br />

toujours quand nos parents étaient injustes envers moi. Et tu m’as abandonnée…<br />

PHILOU<br />

Il aurait fallu que je reste toute ma vie à la maison pour comprendre que tu avais besoin de<br />

moi ? Je ne marche pas, Stéphanie…<br />

NANIE<br />

Mais sois honnête, Philippe ! Rappelle-toi !<br />

(Nanie s’assoit et se met à pleurer dans sa main. Lumière flash-back. Voix off des parents qui<br />

se chevauchent.)<br />

PAPA<br />

Ma pauvre fille, tu ne seras jamais raisonnable…<br />

MAMAN<br />

Tu n’as pas les mêmes capacités que Philippe, mais ce n’est pas une raison pour être<br />

fainéante…<br />

PAPA<br />

Stéphanie ! Qu’est-ce que c’est que ce bulletin de notes…<br />

MAMAN<br />

Regarde-toi : c’est normal que tu ne gardes aucun garçon, on n’attrape pas les mouches avec<br />

du vinaigre…<br />

PAPA<br />

Tu n’as pas besoin d’aide, Stéphanie : ce qui te manque, c’est de la volonté…<br />

PAPA et MAMAN ensemble<br />

Qu’est-ce que tu vas faire de ta vie, Stéphanie…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 43


Philou pose une main hésitante sur l’épaule de Nanie. Nanie se lève subitement, court vers la<br />

porte et entre dans la maison. Philou se lève aussi et s’arrête devant la porte ouverte en<br />

regardant à l’intérieur. On entend au travers de la musique les voix de Nanie et de sa mère.)<br />

MAMAN<br />

Ah ! Où étais-tu ? ! Je cherche ton appareil, mais il n’est pas dans ton sac ! Pourquoi est-ce<br />

que tu remets ta veste, Stéphanie ?<br />

NANIE<br />

Je n’ai pas très envie de rester, Maman. Merci d’avoir retrouvé mon sac.<br />

MAMAN<br />

J’ai aperçu un paquet de cigarettes dans ton sac, Stéphanie ! Tu t’es remise à fumer, c’est<br />

mal ! Mais, mais où vas-tu ? Tu reviens plus tard ?<br />

(Philou entre dans la maison. On entend à travers la musique les voix de Philou et de sa<br />

mère.)<br />

MAMAN<br />

Ah, te voilà, mon chéri ! Ta sœur vient de se rhabiller, elle m’a arraché son sac des mains et<br />

elle est partie en claquant la porte. Vous étiez ensemble ?<br />

PHILOU<br />

Oui, Maman.<br />

MAMAN<br />

Qu’est-ce qu’elle a encore ?<br />

PHILOU<br />

Rien de plus que d’habitude, Maman.<br />

(<strong>Le</strong> son baisse progressivement, autant au niveau de la musique et que des voix. La lumière se<br />

tamise de plus en plus.)<br />

MAMAN<br />

Tu avoueras quand même qu’elle est gonflée de partir comme ça le jour de la retraite de son<br />

père. Tout pour se rendre intéressante ! Elle ne changera jamais.<br />

PHILOU<br />

(un soupir triste dans la voix)<br />

Jamais… Il te reste du rouge, Maman ?<br />

MAMAN<br />

Bien sûr, mon chéri. Tiens, je te sers. Ah, heureusement que nous t’avons : je n’ai jamais<br />

compris ta sœur, on dirait qu’elle vient d’une autre planète et je me disais encore hier avec ton<br />

père que…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 44


(<strong>Le</strong> son en est arrivé progressivement à s’arrêter. La lumière est éteinte. La lumière se<br />

rallume, le rideau est fermé. 3 ans plus tard… La musique remonte progressivement et la voix<br />

de Philou retentit.)<br />

PHILOU<br />

Je t’entends très mal, ma chérie… Je sors dans le jardin… Attends deux secondes…<br />

(<strong>Le</strong> rideau s’ouvre et on voit sortir Philou. Il pose son verre et la bouteille sur la table et<br />

garde le téléphone à l’oreille. Il va dans les endroits les plus insolites et prend les positions<br />

les plus farfelues.)<br />

PHILOU<br />

Non, ma puce, le réseau passe toujours très mal, ici… Oui, ça se passe bien. Ah, tu connais<br />

ma mère : même le jour de son anniversaire, elle trouve le moyen de se plaindre… Ma<br />

sœur… ? Non, elle arrive plus tard… Si, j’angoisse un peu, mais ça va aller… Tu sais , au<br />

bout de trois ans d’absence et de silence radio, je ne sais pas si c’est une si bonne idée que<br />

ça… Oui, ma chérie, il me tarde de te revoir…<br />

(La porte s’ouvre très vite et Nanie apparaît sans que Philou ne la remarque. Elle porte une<br />

robe sexy.)<br />

PHILOU<br />

Je sais, ma puce…Si elle refusait, je crois que je… (Il s’est retourné et voit Nanie.) Je… Je te<br />

laisse, ma puce, à plus tard. (Il raccroche) Salut. Ce… C’était Francesca.<br />

NANIE<br />

Ta petite guêpe ? T’as pas utilisé de Baygon, alors ? Elle est à Milan, en ce moment ?<br />

PHILOU<br />

Quelques jours seulement pour rendre visite à ses parents : elle ne les voit pas beaucoup<br />

depuis qu’on est ensemble.<br />

NANIE<br />

Ensemble ? Je vois qu’on a attaqué les grandes œuvres ! Et plus de biélorusses pour satisfaire<br />

tes phases de béatitudes en son absence ?<br />

PHILOU<br />

Oh, de vieilles conneries tout ça… De vieilles conneries que j’ai envoyées balader… Comme<br />

mon boulot, il y a deux ans …<br />

NANIE<br />

J’ai appris ça… C’était courageux de tout envoyer bouler pour reprendre des études<br />

artistiques.<br />

PHILOU<br />

Et Corinne a du pour la première fois de sa vie entrer dans la vie active, vue la baisse de<br />

pension alimentaire… En parlant de boulot, Maman m’a dit que ça marchait plutôt bien pour<br />

toi.<br />

NANIE<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 45


Je n’ai pas à me plaindre. Ca fait presque un an que je suis directrice marketing pour une boîte<br />

de prod qui fonctionne plutôt bien. Je pense que je vais y rester le plus possible puisque je<br />

viens d’acheter un appartement.<br />

PHILOU<br />

Grand ?<br />

NANIE<br />

Beaucoup moins depuis que Seb – c’est bien ! - est revenu vivre avec moi. Je me suis<br />

habituée : il fait ça chaque fois que ça se termine entre lui et un mec ! Mais bon : cette fois-ci,<br />

il sait que ce ne sera que temporaire.<br />

PHILOU<br />

T’es sûre ?<br />

NANIE<br />

Certaine ! C’est du rouge que tu as dans ton verre ?<br />

PHILOU<br />

Oui, tu en veux un peu ?<br />

(Elle renifle le verre et ne boit pas.)<br />

PHILOU<br />

Et toi, alors, toujours persuadée que ton Homme Idéal s’est perdu au milieu des connards de<br />

ton passé ?<br />

NANIE<br />

Non, celui-là, ça devait être le Connard Idéal ! Tiens, Papa a enfin réparé le volet …<br />

PHILOU<br />

Tu te rappelles depuis quand il est cassé ?<br />

NANIE<br />

Si je m’en rappelle ! C’était il y a onze ans, quand j’ai eu mon BTS.<br />

PHILOU<br />

Tu étais archi-saoule, tu te souviens ?<br />

NANIE<br />

Comment l’oublier : on aurait pu m’opérer sans stériliser les bistouris!<br />

PHILOU<br />

Tu venais de faire passer Seb pour ton mec ; sauf qu’il était plus maquillé que Maman !<br />

NANIE<br />

Hi,hi,hi ! La gueule de Maman quand elle a découvert qu’il y avait plus de fond de teint que<br />

de sauce sur sa serviette de table ! La vache ! (Elle rit.) Je me souviens que tu m’avais<br />

emmenée ici au grand air. J’étais pilepoil en train de vomir dans les pétunias, quand Maman<br />

est arrivée pour présenter sa tendre progéniture à cette dame : « Voici mon fils, Philippe. Et<br />

voici…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 46


PHILOU et NANIE ensemble<br />

La sœur de Philippe !!!<br />

(Ils éclatent de rire)<br />

NANIE<br />

Et quand la dame a demandé si je me sentais mal et que tu as répondu : « Non, non, elle<br />

chasse les pucerons ! ».<br />

PHILOU<br />

Ah, ça ! Pour les pucerons, avec ce que tu leur as balancé, c’était « <strong>Le</strong> Jour d’après » ! (Il<br />

imite le puceron attaqué par le vomis) Non !!!Non !!! On n’a rien fait pour que la nature se<br />

venge de cette façon !<br />

NANIE<br />

Et l’autre, là, l’encéphale plat, la copine de Corinne, la marraine de Circé…<br />

PHILOU<br />

Calypso.<br />

NANIE<br />

Ouais. Je la revois encore : « Tout va bien, ma chérie ? Tu veux un bonbon au Ricklès ? ».<br />

PHILOU<br />

Et que tu lui as gerbé dans le décolleté !<br />

NANIE<br />

C’est les motifs de son petit haut : ça a dû me rappeler les pétunias !<br />

PHILOU<br />

Tu te souviens de sa réflexion : « Corinne, Corinne ! Ta belle-sœur a fait vovo sur mon<br />

Kookaï ! » ! Hé, tu sais qu’elle sera là, ce soir ?<br />

NANIE<br />

Sans blague ? Comment elle s’appelle, cette conne, déjà ?<br />

PHILOU<br />

Samantha. « Sam, pour faire court », comme elle dit !<br />

NANIE<br />

Hé, Philou : Sam…Kookaï…<br />

PHILOU et NANIE ensemble<br />

(Ils chantent)<br />

Sam Kookaï, Sam Kookaï, c’est la bataille, c’est la bataille ! ! !<br />

(Silence. Ils ne se regardent plus et sortent soudain une enveloppe chacun.)<br />

PHILOU et NANIE ensemble<br />

Je voulais te do…<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 47


PHILOU<br />

Toi d’abord !<br />

NANIE<br />

Non, toi, d’abord !<br />

PHILOU<br />

Toi d’abord !<br />

NANIE<br />

D’accord !<br />

(Nanie attrape la lettre, la décachette, et la lit.)<br />

NANIE<br />

C’est… C’est déconcertant. Merci de me le proposer : je…je vais y réfléchir.<br />

PHILOU<br />

(un peu déçu)<br />

Ah… ? (Il commence à ranger l’enveloppe dans sa poche, puis se ravise.) Je dois l’ouvrir<br />

maintenant ?<br />

NANIE<br />

Elle est faite pour ça.<br />

PHILOU<br />

(après avoir lu la lettre)<br />

Qui est au courant ?<br />

NANIE<br />

Personne, pour le moment. Tu y réfléchis, toi aussi… ?<br />

PHILOU<br />

J’y penserai…Je… Je vais chercher les chipos…<br />

(Il prend le chemin de la porte et se retourne au dernier moment.)<br />

NANIE<br />

(se jetant dans ses bras)<br />

C’est génial, Philou ! ! ! Oui, oui, oui, et encore oui !!!! Ils vont pas trop faire la gueule, tes<br />

copains footeux, que ce soit moi et pas eux qui signent à leur place le registre des témoins ? !<br />

PHILOU<br />

Je m’en tape ! ! ! Et toi, alors, ça fait combien de temps ? !<br />

NANIE<br />

Ca fait un peu plus de deux ans, maintenant !<br />

PHILOU<br />

Deux ans que t’es enceinte ?!!! Ca fait long, un peu, non ?<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 48


NANIE<br />

Mais non, idiot-bête ! Deux ans que je suis avec Pascal ! <strong>Le</strong> bébé, ça fait à peine deux mois.<br />

PHILOU<br />

Bon, d’accord, je veux bien être le parrain, mais à une condition : pas de prénom<br />

mythologique pour cet enfant!<br />

NANIE<br />

Ok ! Et j’essaierai d’avoir une robe dégueulasse de chez Madame Zouzou of Paris pour que<br />

Francesca soit la plus belle devant l’autel!<br />

(Silence. Ils se regardent et s’enlacent tendrement avant d’ouvrir la porte de la maison.<br />

Quand la porte s’ouvre, la musique de « Happy Birthday » de Stevie Wonder retentit.)<br />

NANIE<br />

Allez, Sam, prépare ton décolleté, atterrissage de vovo en vue !<br />

PHILOU<br />

Surprise, Maman! C’est Guy Montagné en personne qui vient te chanter « bon anniversaire »!<br />

(Ils rentrent bras dessus, bras dessous en riant.)<br />

FIN<br />

Ecoute-moi quand je te mens ! 49

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