4 péchés givrés sarah truong-qui - Spirit Magazine
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© Bodega Films<br />
culture cinéma<br />
Voyage<br />
en douce<br />
Sortie le 04.01<br />
Les Acacias est un film très particulier, en cela<br />
qu’il ne s’y passe quasiment rien, ou plutôt<br />
qu’il s’y passe tout. Peut-être parce que Pablo Giorgelli y capte le<br />
plus grand dénominateur commun au monde : le besoin d’amour.<br />
Mais qu’il ne le fait apparaître et grandir, que progressivement.<br />
À vrai dire, le premier quart d’heure des Acacias a de quoi rebuter.<br />
Sans un mot ou presque, on y suit Ruben, un routier argentin,<br />
charger dans son camion une cargaison de bois, avant de<br />
prendre la route pour relier le Paraguay à Buenos Aires. Cette<br />
longue entrée en matière se résume à cet homme et son véhicule.<br />
Tout ou presque y est vu de l’intérieur de la cabine, la ligne d’horizon<br />
devenant celle de la fenêtre ouverte du chauffeur. Mais aussi,<br />
pense-t-on, celle du cinéma d’auteur d’Amérique latine le plus<br />
raide (pour ne pas dire le plus rébarbatif). À tort, tout s’éclaircit<br />
lorsque le routier accueille à bord Jacinta, une jeune femme et<br />
son bébé. Elles doivent passer la frontière.<br />
Les Acacias est donc un road-movie. Mais pas tant celui <strong>qui</strong> avale<br />
des kilomètres de macadam, que celui <strong>qui</strong> raconte la route que<br />
vont faire Ruben et Jacinta pour s’apprivoiser. Plus que du minimalisme,<br />
Giorgelli est adepte d’une totale simplicité, suivant pas à<br />
pas la communication naissante entre ces deux personnes. Ils se<br />
pensaient étrangers mais découvrent qu’ils ont beaucoup en commun,<br />
la solitude et l’appartenance à une même classe ouvrière.<br />
Peu à peu, on s’installe avec le réalisateur sur la banquette arrière,<br />
à observer comment ils brisent le silence <strong>qui</strong> les sépare, comment<br />
ils effectuent le voyage l’un vers l’autre. Giorgelli parvenant à un<br />
absolu miracle : évacuer le potentiel ennui d’un tel postulat pour le<br />
remplacer par une émotion de plus en plus palpable, transmettre à<br />
sa caméra la tendresse avec laquelle il regarde ce drôle de couple.<br />
Qui transformerait n’importe <strong>qui</strong> en midinette, le cœur vibrant devant<br />
cette romance beaucoup plus haletante que prévu.<br />
46 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />
\ Alex Masson \<br />
Les Acacias<br />
De Pablo Giorgelli<br />
Avec Germán De Silva,<br />
Hebe Duarte, Nayra<br />
Calle Mamani<br />
© Grove Hill Productions<br />
dans l’œil<br />
du cyclone<br />
Personne ou presque n’a vu lors de sa discrète<br />
Sortie le 04.01<br />
sortie française Shotgun Stories, le premier<br />
film de Jeff Nichols. C’était pourtant l’occasion de découvrir un<br />
cinéaste capable de raconter l’Amérique profonde, rurale, comme<br />
si Terrence Malick avait mis en images certains albums de Bruce<br />
Springsteen. C’est d’un autre cinéaste – M. Night Shyamalan - et<br />
un autre groupe - REM et leur chanson « It’s the end of the world as<br />
we know it » - que l’on rapprochera Take Shelter. L’environnement<br />
des deux films est assez similaire : la classe ouvrière, une famille,<br />
et une menace sourde. Curtis LaFourche (Michael Shannon, impressionnant)<br />
voit son quotidien de mineur de fond perturbé par de<br />
drôles de rêves. Il y voit une pluie d’oiseaux morts ou une tornade<br />
s’approcher de son foyer. Et ce, de manière si réaliste, qu’il finit<br />
par se demander si ces visions ne sont pas prémonitoires. Son<br />
comportement en devient altéré, au point que sa femme et leurs<br />
proches se demandent s’il n’a pas perdu la raison.<br />
Le lien avec Shyamalan ? Cette capacité à faire basculer la vie<br />
ordinaire de personnes non moins ordinaires dans une zone grise<br />
d’in<strong>qui</strong>étude. De tout faire vaciller en plaçant le suspense non pas<br />
du côté de la série B fantastique, mais en laissant planer un doute :<br />
<strong>qui</strong> est dément ? Curtis ou les autres ? Nichols parvient même<br />
à prolonger des thèmes que Shyamalan a laissé de côté depuis<br />
Signes : la solitude d’un personnage face à un profond bouleversement<br />
de ses valeurs. L’autre lien est celui du faux-semblant. Oui,<br />
il y a un énorme twist de scénario à la fin du film, mais la vraie<br />
surprise de Take Shelter est son invitation à faire face à la réalité<br />
de l’époque. Il devient d’autant plus terrorisant quand il pointe<br />
du doigt une menace réelle, cette crise économique <strong>qui</strong> partout<br />
menace. Nichols indiquant clairement que l’on pourrait bien tout<br />
perdre en un instant et que quand ça arrivera, il vaudra mieux se<br />
serrer les coudes plutôt que de paniquer. \ A. M. \<br />
Take Shelter<br />
De Jeff Nichols. Avec Michael Shannon (II),<br />
Jessica Chastain, Tova Stewart