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4 péchés givrés sarah truong-qui - Spirit Magazine

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© Sarah Darnault<br />

culture ARTS VIVANTS<br />

Sous le sable<br />

« J’ai vécu 20 ans avec ce texte avant d’oser le porter sur un plateau<br />

». Et voilà qu’Éric Sanjou ose. Le chef de troupe d’Arène<br />

Théâtre se sent enfin prêt à mettre en scène Le public de Lorca. En<br />

un sens, ça ne pouvait pas mieux tomber. À l’heure où l’actualité<br />

des planches est plus vive sur le contexte des spectacles que sur<br />

leur contenu – voir les récentes « affaires » Castellucci et Rodrigo<br />

García -, la pièce du dramaturge espagnol revêt une acuité toute<br />

particulière. En 2012 comme dans les années 30, lorsque Lorca<br />

écrit la pièce, l’artiste pose encore et toujours la question de son<br />

engagement dans l’acte de création. « La pièce est difficile et pour<br />

le moment injouable », déclarait-il, conscient qu’à filer ainsi la métaphore<br />

d’une vie libérée des entraves de la morale, cela dérangerait.<br />

Difficile et injouable, la pièce ne l’est pas moins aujourd’hui,<br />

mais pour des questions plus pragmatiques de « dimensions » :<br />

pléthore d’acteurs, de décors, un budget de création pharaonique<br />

en somme. Mais ce serait douter de la ténacité, du savoir-faire et<br />

de la folie douce d’un metteur en scène comme Sanjou, habitué<br />

des spectacles chorales (La Nuit des Rois, La Chanson de Roland).<br />

Le public, ce sont trois amis <strong>qui</strong> font irruption dans le bureau d’un<br />

directeur de théâtre pour le contraindre à choisir entre un « théâtre<br />

à ciel ouvert », on dirait aujourd’hui « de divertissement », et un<br />

théâtre de la vérité enfouie, secrète, que Lorca appelle « sous le<br />

sable ». Ainsi débute une sorte de jeu de la vérité entre un huissier,<br />

un infirmier, deux dames, un berger bègue et que sais-je encore,<br />

tous faits de chair et de rêves. Une dizaine de comédiens, trois<br />

fois plus de costumes, des soieries et la musique de Prokofiev<br />

immergent les spectateurs, placés au sein du dispositif scénique.<br />

Ce public <strong>qui</strong> va même jusqu’à endosser l’habit d’un personnage<br />

à chacune des représentations. Ici, pas de projections de ketchup<br />

à craindre pour les premiers rangs, mais n’oubliez pas, vous faites<br />

partie du spectacle, vous en êtes le titre…<br />

\ Karine Chapert \<br />

42 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Le Public<br />

De Federico García Lorca<br />

Mise en scène Éric Sanjou<br />

Du 25.01 au 2.02,<br />

relâche le 29.01, Le Ring<br />

8 /12 e<br />

www.theatre2lacte.com<br />

Pantagruélique !<br />

Jean Bellorini n’a pas peur des textes-monuments. Son adaptation<br />

théâtrale des Misérables de Victor Hugo avait laissé un goût<br />

magnifique. Le voilà <strong>qui</strong> revient au TNT avec sa troupe Air de lune,<br />

et son nouveau-né, Paroles Gelées, inspiré du Quart Livre et de<br />

quelques autres textes de Rabelais. Autre époque, autre langue,<br />

mais une orgie de mots en perspective. « Ma première envie est de<br />

faire entendre, chanter, vibrer, danser notre langue à sa naissance,<br />

en cet instant où l’on passe du Moyen-âge à la Renaissance…<br />

Paroles gelées se veut un acte de foi en la langue, à la fois savante<br />

et populaire, et <strong>qui</strong> ne survit qu’en se réinventant sans cesse ».<br />

La mettre en scène en 2012, en faisant le choix d’un mélange de<br />

vieux français et de mots contemporains, c’était aussi donner à<br />

découvrir Rabelais autrement que par le truchement du cours de<br />

littérature du lycée. « J’aime l’idée que le théâtre ranime une chose,<br />

un texte, un auteur, qu’on croit connaître ».<br />

\ Repas de mots \<br />

Certes Paroles Gelées convoque Panurge, Pantagruel, et toute la<br />

joyeuse verve satirique rabelaisienne. Mais Bellorini et ses 13 comédiens-musiciens-ouvriers<br />

sont là pour faire résonner le texte aujourd’hui,<br />

maintenant, du haut de sa belle insolence. L’épopée de<br />

Pantagruel vers les îles lointaines, n’est rien d’autre que l’exploration<br />

du monde, terrible et monstrueux. Dans son radeau, la troupe<br />

embarque pour un voyage imaginaire et symbolique, pour un repas<br />

de mot. Autour d’une table de banquet, et les pieds dans l’eau, les<br />

comédiens vont littéralement s’épuiser à se jeter ce beau texte à<br />

travers la figure. Avec pour mission de se noyer dans la langue,<br />

d’en épuiser la force, la harangue, le souffle, la provocation. Le rire<br />

aussi. Non, Rabelais n’est pas à ranger dans le tiroir de la littérature<br />

rébarbative, compliqué, élitiste. Tout au contraire, il a traversé les<br />

siècles parce qu’il aborde des thèmes populaires et qu’il parle de<br />

son temps de manière iconoclaste. Le bras d’honneur joyeux d’un<br />

homme conscient de naviguer dans « la merde du monde ». Actuel,<br />

on vous dit. \ S.P. \<br />

Paroles gelées<br />

d’après Rabelais, mise en scène Jean Bellorini, du 11 au 21.01,<br />

TNT, www.tnt-cite.com, 05 34 45 05 05<br />

© Klaus Enrique

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