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4 péchés givrés sarah truong-qui - Spirit Magazine

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Tables & compToirs<br />

Les humeurs vagabondes<br />

de l’Empereur de Hué<br />

Le restaurant de Sarah Truong-Qui propose une cuisine vietnamienne pleine d’énergie, d’audace<br />

et de maîtrise. Bon voyage. Par Christian authier<br />

Faut-il encore présenter Sarah Truong-Qui ? On pourrait<br />

dire que son Empereur de Hué est une « institution », si ce<br />

n’était faire offense au jeune âge de la chef et à sa cuisine<br />

aussi audacieuse que juste, aventureuse et maîtrisée, <strong>qui</strong><br />

revisite les traditions en les trempant dans les horizons lointains<br />

depuis presque dix ans. Le restaurant vietnamien de la rue des<br />

Couteliers s’est ainsi forgé une solide réputation, qu’il convient de<br />

temps en temps de confronter au réel. On connaît trop de prétendus<br />

« meilleurs restaurants de… » (viandes, poissons…) <strong>qui</strong><br />

ne tolèrent guère l’implacable principe de réalité gastronomique :<br />

« C’était bon ? », « A-t-on envie de revenir ? ».<br />

La soirée avait commencé, non loin de là, avec une bouteille de<br />

Substance, le divin champagne d’Anselme Selosse (voir <strong>Spirit</strong> de<br />

décembre) <strong>qui</strong> porte à l’euphorie méditative, mais aussi à l’exigence.<br />

Il était temps d’aller dîner et de s’installer dans la petite salle remplie<br />

et bourdonnante de l’Empereur. Autour de nous, cela ripaillait et parlait<br />

fort. Visiblement, des gens pas mécontents de leur sort. La carte,<br />

courte et prometteuse, n’affichait pas cette ribambelle d’entrées et<br />

de plats dont la profusion tente souvent de masquer l’approximation<br />

des produits et de l’exécution.<br />

Notre commensale nous avait averti. Elle aime beaucoup les épices<br />

quand elles sont douces. Sinon, elle est capable de prendre feu.<br />

En dépit de ses précautions envers des crevettes annoncées « bien<br />

poivrées », elle dévora ses plats en étant sensible à l’aspect grandiose<br />

du mélange (gingembre, ail…) avec des couleurs tendres, <strong>qui</strong><br />

annonçaient déjà le printemps, ou de la coriandre verte comme les<br />

forêts et l’espérance. De notre côté, après avoir été tenté par un<br />

20 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

calamar sauté à l’ail, citronnelle et petit chou chinois (25 e), on opta<br />

pour le porc noir de Bigorre confit au caramel et au poivre (21,50 e).<br />

Le porc, joliment saisi, slalomait dans un sucré-salé <strong>qui</strong> ne ratait<br />

pas la cible. Du côté des classiques, soupe ph (14,50 e), on n’est<br />

pas déçu. Mieux, on redécouvre un éclat oublié, à l’image des nems<br />

(13,50 e) <strong>qui</strong> rappellent sans esbroufe leur appellation d’origine : pâtés<br />

impériaux. L’utilisation des herbes et des épices ne sert pas ici<br />

à pallier la déficience gustative des produits, mais sont la signature<br />

du chef. Impériale…<br />

\ Cuisine chaude et étoilée \<br />

Cela dit, on regrettera une carte des vins un peu trop sage <strong>qui</strong>, malgré<br />

quelques références honorables (le gewurztraminer de Schlumberger,<br />

le cahors de Matthieu Cosse, le Montlouis effervescent de<br />

Jacky Blot…), ne possède pas la touche d’originalité et de singularité<br />

<strong>qui</strong> se marierait parfaitement à la cuisine d’auteur que compose<br />

Sarah Truong-Qui. Quand le dessert arriva, une mousse au chocolat<br />

douce et puissante, escortée d’une glace fringante, la salle s’était vidée<br />

et la conversation pouvait épouser des tons plus bas. La tuile au<br />

sésame se grignotait délicieusement dans des craquements pleins<br />

de regrets. On n’aurait pas voulu partir. Il faudra donc revenir.<br />

Dehors, la nuit était chaude et étoilée, propice à l’humeur vagabonde,<br />

à prendre au hasard un train <strong>qui</strong> part, à descendre le Mékong<br />

en chantant des airs farceurs. Finalement, dîner à L’Empereur de<br />

Hué, c’est comme lire un bon roman ou voir un bon film. Après les<br />

avoir <strong>qui</strong>ttés, leurs images, leurs histoires, leurs saveurs, continuent<br />

de nous accompagner.<br />

La table du mois<br />

L’Empereur de hué<br />

17 rue des Couteliers<br />

05 61 53 55 72<br />

Ouvert tous les soirs<br />

sauf dimanche et lundi.<br />

Sarah Truong-Qui © Polo Garat - Odessa

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