12 / <strong>Spirit</strong> # 46 © Stéphanie Renard
La petite cuisine d’en marge Trouver un nom pour son restaurant, ce n’est vraiment pas évident. L’idée est venue d’un ami du chef. Il a rajouté le « r » de Renimel au nom de la rue, Mage. 8 rue Mage, Toulouse 05 61 53 07 24 Ça va plutôt bien pour vous. Une étoile décrochée six mois après votre ouverture en 2008, le prix Lucien-Vanel dans la foulée et dernièrement le titre de « Grand de demain » décerné par le Gault et Millau. Ça ne vous fait pas tourner la tête toutes ces récompenses ? Non, pas du tout. Car ces titres ne me sont pas destinés. Ils sont attribués à une é<strong>qui</strong>pe. Une seule personne ne fait pas la réussite d’un restaurant. Je ne suis pas un chef au sens classique du terme. En cuisine, j’épluche les légumes, je dresse les assiettes, je fais la plonge, je passe le balai brosse... comme tout le monde ! C’est fini le temps où les chefs restaient sur un tabouret à donner des ordres. Mon é<strong>qui</strong>pe, c’est ma deuxième famille. L’étoile, c’est une fierté pour nous tous, <strong>qui</strong> prouve que notre travail est apprécié. Mais la pression, elle est ailleurs, dans la salle, à chaque service, pour offrir du plaisir aux clients. Qu’ils repartent avec la banane, voilà notre récompense ! Justement, c’est quoi votre secret pour leur donner « la banane » ? Les surprendre ! Ma cuisine est complètement irréfléchie, spontanée. Je me laisse guider par l’inspiration du moment et les produits du marché. Je m’amuse. Je n’ai pas peur de faire de faute de goût. Ça n’existe pas en cuisine. À partir du moment où le dosage est bien fait, l’accord fonctionne. Bien sûr, il y a des mariages hasardeux mais avec l’expérience et la maturité, on ac<strong>qui</strong>ert des techniques, on connaît les saveurs, les produits et on arrive à les associer. D’où l’idée du menu secret... En fait, d’une difficulté, on a fait un atout. Ici, la cuisine est toute petite, très étroite. Impossible de stocker et donc, impossible de faire une « vraie » carte. Et puis, on voulait que les gens rentrent dans notre univers. Alors, on a inventé un menu où les convives se laissent mener sans savoir ce qu’ils vont manger. On a gardé la même idée pour les autres menus. Seuls le produit de base et la garniture sont indiqués, mais sans plus de détails. De même, on ne distribue qu’une carte par table et celui <strong>qui</strong> s’assoit sur « la mauvaise chaise » devient le chef de table et remporte l’addition ! Ne jamais goûter vos plats, c’est pour garder la ligne ? Ma femme dit souvent que je dois avoir la mémoire remplie de cases gustatives pour chaque aliment. C’est vrai que je n’ai aucune recette écrite et que je n’ai jamais mangé un seul de mes plats. Quand je concocte la carte, environ toutes les trois, quatre semaines, je pars d’une couleur, d’une forme, d’un graphisme et je dessine l’assiette. Ça surprend un peu les nouveaux venus dans l’é<strong>qui</strong>pe. L’hiver est ma période préférée car j’y trouve tous mes produits fétiches, les Saint-Jacques, la truffe, les légumes oubliés comme le cerfeuil tubéreux ou la butternut. Vous êtes comme Obélix, tombé dans la marmite tout petit ? Exactement ! Pourtant, personne n’était du métier. Mais chez nous, on avait l’amour du bien manger et une passion pour les repas gastronomiques. Entrée froide, chaude, viande, poisson, fromage, dessert... ça durait des heures ! Mon père et ma mère s’amusaient énormément en cuisine. Ils se régalaient à recevoir entre nous frank Renimel sous une bonne étoile C’est l’une des figures montantes de la gastronomie toulousaine, <strong>qui</strong> vous claque la bise et vous tutoie d’emblée. Silhouette menue et cheveux blonds ondulés, on imagine plus Frank Renimel surfant la vague qu’en cuisine. Ce chef iconoclaste sait avec justesse comment faire battre nos sens dans son restaurant délicatement intitulé : En Marge. Propos recueillis par Séverine Clochard la famille et les amis et à leur faire plaisir. J’ai participé assez tôt, vers 11 ans. Le gâteau de semoule est la première recette que j’ai maîtrisée. J’en faisais tout le temps ! Au chocolat, au caramel... J’ai pris beaucoup de poids ! À 13 ans, j’ai décidé de faire le lycée hôtelier de Toulouse. Je suis allé voir comment ça se passait, j’ai demandé qu’on me parle du métier. J’étais très déterminé. J’ai promis à mon grand-père que j’ouvrirais un restaurant et que je décrocherais une étoile. Le prochain défi de Frank Renimel, ce sera quoi ? Voir plus grand ! On a acheté un corps de ferme à Aureville, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse. Ça nous a pris deux ans mais ça y est, les travaux ont commencé. On devrait ouvrir en juin prochain. On passera d’une salle de 30 m 2 à près de 200 ! Avec quelques chambres aussi. Six, huit, pas plus. Mais on n’a pas l’intention de faire 70 couverts non plus. On veut garder l’ambiance <strong>qui</strong> règne ici, quelque chose de familial et de cosy à la fois, mais cette fois, avec des murs de pierre et de la charpente apparente. Et les photos de vos enfants en guise de tableaux ! Oui, comme ici. Avec Isabelle, ma femme, on voulait que les gens se sentent comme dans notre salon, comme si on les invitait « chez nous ». É<strong>qui</strong>librer vie de famille et vie professionnelle est très important pour moi. C’est pour cette raison que le restaurant est fermé du dimanche au mardi, pendant les vacances de Noël, une partie de l’été et au moment de la rentrée. Ce nouveau projet, c’est aussi une manière d’être plus près d’eux. Le soir, je pourrais m’éclipser pour le bisou. Je suis un vrai papa poule ! Quand je n’ai pas le moral en cuisine, il me suffit de jeter un œil sur la bouille de mes enfants tout sourire, et ça repart ! Vous êtes du genre à aimer le stress ? Le coup de feu, c’est ce <strong>qui</strong> me plaît. J’aime ces instants « un peu chauds » car c’est là que je suis le plus efficace. C’est comme dans les sports que je pratique, le surf, le snow... tous les sports de glisse. J’aime la vitesse et ces moments d’adrénaline. Le palmarès du prochain Michelin <strong>qui</strong> arrive bientôt, ça vous stresse ? Je sais que les 3 inspecteurs lieux du aux guide petits sont passés. oignons Radio casserole fonctionne très bien ! Mais leur verdict ne me stresse pas plus que ça. Bien sûr, ce serait pour moi une 1- reconnaissance. Le marché Victor-Hugo… Si je fais ce métier, c’est C’est pour là aller que le se plus trouvent haut la possible. plupart de Je mes vise fournisseurs, une deuxième étoile, de pour Bellocq conserver le poissonnier la première. en passant par Samaran ou Xavier le fromager. J’y vais même en famille, le dimanche, quand je ne travaille pas, pour préparer le repas du week-end. 2- La coutellerie des Capitouls… J’avais récupéré un stock de vieilles lames, d’il y a 50, 60 ans, et je leur ai confié. Ils les ont montées sur des manches. Le résultat est magnifique. Un travail d’artisan comme je l’aime. 3- Marc Deloche, le bijoutier… J’aime son design original mais accessible, ses pièces brutes et assez massives. En plus, c’est un Toulousain ! <strong>Spirit</strong> # 46 / 13