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4 péchés givrés sarah truong-qui - Spirit Magazine

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Numéro #46 - Janvier 2012 - Toulouse - spiritmagazine.fr - zéro euro<br />

Culture • Tourisme • Habitat • Mode • Gastronomie • Sorties • Famille<br />

spécial montagne<br />

4 <strong>péchés</strong> <strong>givrés</strong><br />

fooding<br />

<strong>sarah</strong> <strong>truong</strong>-<strong>qui</strong><br />

événement<br />

made in asia


SOMMAIRE<br />

30<br />

4 <strong>péchés</strong> <strong>givrés</strong><br />

Cette année, la montagne se<br />

déguste à la carte. Au programme,<br />

de luxueuses mignardises, de<br />

grands plats familiaux, de voluptueux<br />

entremets. Les aventuriers<br />

ne sont pas en reste, ils craqueront<br />

pour de pétillants amuse-bouches.<br />

Hors-piste, s’il vous plaît !<br />

▼<br />

12<br />

Entre-nous<br />

Renimel, chef étoilé<br />

Franck Renimel n’est pas un chef<br />

comme les autres. Sa cuisine<br />

explosive et généreuse déroute<br />

autant que son allure de surfeur.<br />

Rencontre décontractée avec<br />

un homme en état de grâce.<br />

20<br />

▼<br />

Tables & comptoirs<br />

L’impériale cuisine de<br />

Sarah Truong-Qui<br />

L’Empereur de Hué, dirigé avec<br />

délice par Sarah Truong-Qui, est<br />

une invitation au voyage gustatif.<br />

Bien éloigné du tourisme roboratif.<br />

16<br />

Ouvre-toit<br />

La pierre à l’édifice<br />

Edmond Lay est précurseur d’une<br />

conception écologique<br />

de l’architecture. Avec la précision<br />

d’un sculpteur il a choisi chacun<br />

des blocs rocheux <strong>qui</strong> composent<br />

la maison de Guy Auriol. ▼<br />

28<br />

Shopping<br />

En mode hiver<br />

Au placard le fuseau pat d’eph’<br />

et la combinaison fluo ! Profitons<br />

des premiers flocons pour sortir<br />

un panier garni de vêtements<br />

techniques, beaux... et chauds !<br />

24 En ville<br />

Autour<br />

de Saint-Sernin<br />

<strong>Spirit</strong> redécouvre la place<br />

emblématique. Adresses<br />

incontournables et perles rares.<br />

▼<br />

14<br />

Mode de vie<br />

Parfait Toulousain ?<br />

Les Toulousains sont engagés dans<br />

un virage à 180 degrés. Désormais,<br />

il faudra se tenir à carreau les soirs<br />

de déboires. Voici les nouvelles<br />

règles à coller sur son frigo.<br />

39<br />

Cahier culture<br />

Maintenant, dansez !<br />

Made in Asia ouvre le bal, J. Edgar<br />

l’orchestre, Bloom l’alimente,<br />

Mailaender s’en moque et Imany<br />

le ferme avec malice. <strong>Spirit</strong><br />

ne vous laissera pas faire<br />

tapisserie en janvier !<br />

La couv.<br />

<strong>Spirit</strong> a eu un coup de cœur<br />

pour les Années polaroides de<br />

Niconito, graphiste, musicien<br />

et photographe toulousain<br />

touche-à-tout. Cette photo<br />

extraite de la série est un<br />

parfait exemple de son<br />

travail, <strong>qui</strong> sous l’apparence<br />

anodine du quotidien, soulève<br />

ce qu’il faut de poétique,<br />

d’incongru, d’évocateur.<br />

Histoire de raviver le plaisir<br />

d’une expo trop courte aux<br />

Musicophages, <strong>Spirit</strong> joue les<br />

prolongations tout le mois de<br />

janvier et fixe rendez-vous en<br />

juillet aux Faites de l’image,<br />

pour le prochain accrochage<br />

de ces belles années.<br />

www.cartblanch.org<br />

Noël s’éloigne. Les sapins font le trottoir. Les guirlandes lumineuses et<br />

les boules de verre retrouvent la boîte un peu fanée dont elles étaient<br />

sorties au début du mois de décembre. Reste le sentiment d’avoir<br />

fait une pause. D’avoir remis les compteurs à zéro. Finalement, 2012<br />

est arrivée... prétentieuse comme une nouvelle année, ambitieuse<br />

comme un nouveau départ. Pourtant, entre crasses politiques et crise<br />

économique, les perspectives sont douloureusement incertaines. La<br />

catastrophe semble tapie, sourde et menaçante, prête à bondir à la<br />

moindre occasion. C’est en tout cas ce que pense une poignée de<br />

diseurs de mauvaise-aventure, dont font partie ceux <strong>qui</strong> prédisent<br />

le cataclysme pour le 21.12.2012, sous prétexte que le calendrier<br />

des Incas ne va pas plus loin (sic). Il faut croire qu’en ces périodes<br />

troubles, on aime parler de la fin du monde et instrumentaliser la<br />

peur. Pour <strong>qui</strong> ou pourquoi... pas besoin de faire un dessin ? 2012,<br />

c’est tout à la fois les élections (françaises, russes, américaines) et les<br />

grands rendez-vous financiers. La morosité aurait donc con<strong>qui</strong>s tout<br />

l’Hexagone. Tout ? Non ! Dans ce paysage désolant, un (gros) village<br />

d’irrésistibles Toulousains fait front. Le budget de la ville, en hausse de<br />

4,5 % par rapport à l’année dernière, défie les lois d’une croissance<br />

en berne. Des projets urbanistiques, voire pharaoniques, pleuvent des<br />

fenêtres du Capitole. Un tramway au-dessus de la Garonne, un Quai<br />

des savoirs sur les allées Jules-Guesde, une maison de l’image au<br />

Mirail, une salle de spectacle à Borderouge, deux groupes scolaires...<br />

voilà 725 millions alloués à une liste non exhaustive d’investissements<br />

pour l’avenir. Du côté de la démographie, même confiance dans<br />

l’avenir. Toulouse connaît la plus forte croissance de France, et même<br />

d’Europe, gagnant chaque année environ 19 000 habitants. Et si 2012<br />

n’était pas si sombre qu’il n’y paraît ? \ Léa Daniel \<br />

SPIRIT est un magazine gratuit édité par Urban Press, www.urban-press.com - 18 rue des Couteliers, 31000 Toulouse - tél. 05 61 14 03 28 - fax. 05 61 14 25 22 - info@urban-press.com / Retrouvez SPIRIT sur www.spiritmagazine.fr<br />

Directeur de la publication : Laurent Buoro - Directeur du développement : Loïc Blanc - Rédaction : Léa Daniel, Carole Lafontan, Lionel Nicaise, Baptiste Ostré, Stéphanie Pichon, Mathilde Raviart, redaction@spiritmagazine.fr / Graphisme : Julie Leblanc, Christophe Gentillon /<br />

Ont collaboré à ce numéro : Christian Authier, Loïc Blanc, Isabelle Bonnet-Desprez, Karine Chapert, Thomas Delafosse, Isabel Desesquelles, Anaïs Florance, Hadrien Gonzales, Karine Jamin, Valérie Lassus, Anne Le Stang, Alex Masson, Audrey Sommazi, Laurent Sorel, Virginie<br />

de Vinster / Photos : Matthieu Borrego, Polo Garat, Sébastien Maurette / Publicité : Damien Larrieu, Sophie Hemardinquer, + 33 5 61 14 78 37 - pub@urban-press.com / Administration : adm@urban-press.com / Imprimerie : Roularta (Belgique). Papier issu des forêts gérées<br />

durablement (PEFC)<br />

Dépôt légal à parution - ISSN : 2116-3146<br />

L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système<br />

de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. Ne pas jeter sur la voie publique.<br />

<strong>Spirit</strong> # 46<br />

La fin d’un monde<br />

Le supplément Altiservice<br />

« Pyrénées, les 6 stations au sommet »<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 3


c’est dans l’air<br />

give me<br />

4 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

S’il fallait en<br />

retenir 5, voici<br />

les événements<br />

<strong>qui</strong> méritent<br />

une place dans<br />

votre agenda.<br />

1 3<br />

5<br />

du 25.01<br />

au 10.02<br />

festival<br />

made in asia<br />

Le rendez-vous toulousain spécialisé<br />

dans l’importation artistique<br />

made in Asia, rapporte<br />

dans les bagages de sa 5e édition<br />

un florilège de créateurs<br />

venus de Taïwan, la petite Formose,<br />

réputée pour son avantgarde<br />

culturelle <strong>qui</strong> donne le<br />

ton en Orient et fait fantasmer<br />

l’Occident. De la Nouvelle vague<br />

tawanaise au cinéma, au parcours<br />

d’art contemporain, il sera<br />

démontré que la culture asiatique<br />

est devenue perméable au<br />

monde <strong>qui</strong> l’entoure. L’ouverture<br />

coup de poing du festival<br />

avec le Monodrame de Hsu Yen<br />

annonce le ton de cette édition<br />

résolument contemporaine. La<br />

programmation n’oubliera pas<br />

de rappeler quelques fondamentaux<br />

traditionnels, et d’élargir<br />

à la Corée ou au Vietnam.<br />

Page 40<br />

Le 11.01<br />

Help me Eros © DR<br />

cinéma<br />

J. edgar<br />

Peu importent les dernières<br />

déceptions (Invictus, Au-delà),<br />

peu importe le battage médiatique,<br />

un film de Clint Eastwood,<br />

ça ne se rate pas ! Et J. Edgar<br />

marque le retour d’un cinéaste<br />

en forme. Avec un sujet à sa<br />

taille – la vie de John Edgar<br />

Hoover, patron du FBI pendant<br />

48 ans – il maîtrise et sublime le<br />

genre du biopic. Sur les traces<br />

d’un homme de l’ombre, Clint<br />

éclaire les dessous de l’histoire<br />

américaine tout en auscultant<br />

les failles d’un homme tourmenté.<br />

Leonardo DiCaprio y brille<br />

plus que jamais, même sous les<br />

tonnes de ma<strong>qui</strong>llage. Le temps<br />

de l’Oscar serait-il venu ?<br />

Page 44<br />

du 13.01<br />

au 25.02<br />

design<br />

Bloom<br />

La Fondation Espace Écureuil<br />

ouvre grand les coulisses du<br />

luxe et du beau, en accueillant<br />

la prestigieuse agence Trend<br />

Union et son magazine Bloom.<br />

Détecteur de tendances, arpenteur<br />

du monde, prescripteur<br />

de goût, le magazine expose<br />

ses coups de cœur dans<br />

un parcours coloré et fleuri.<br />

Normal, quand on a fait du végétal<br />

et du rapport à la nature<br />

son credo. Designers, céramistes,<br />

photographes, stylistes<br />

occupent le terrain de l’art<br />

contemporain, et s’érigent en<br />

penseurs de l’objet de demain.<br />

Tout à fait dans l’air du temps.<br />

Page 48<br />

Le 19.01<br />

2 4<br />

J.Edgar © Warner Bros. Pictures France<br />

© Mike Meiré<br />

musique<br />

imany<br />

En 2012, il y a encore des producteurs<br />

musicaux <strong>qui</strong> ont du<br />

flair. Ainsi Malick N’diaye, <strong>qui</strong><br />

avait découvert Ayo, a déniché<br />

Imany dans des bars new yorkais.<br />

La belle, d’origine comorienne,<br />

ancienne manne<strong>qui</strong>n,<br />

a depuis explosé. Son premier<br />

disque The Shape of a Broken<br />

Heart est devenu aussi sec<br />

disque d’or. Il faut dire qu’avec<br />

son timbre rauque, et ses chansons<br />

habitées, elle ne laisse<br />

pas vraiment le choix. <strong>Spirit</strong> a<br />

rencontré cette nouvelle voix<br />

de la folk, que beaucoup comparent<br />

à Tracy Chapman. Elle,<br />

ça l’agace un peu.<br />

Page 52<br />

Les 13 &<br />

20.01<br />

© Erik Damiano<br />

famille<br />

le petit<br />

chaperon rouge<br />

Promenons-nous dans les bois<br />

pendant que le loup n’y est<br />

pas Le problème du petit chaperon<br />

rouge, c’est que le loup<br />

rôde, prêt à le dévorer, du moins<br />

l’effrayer. Sylain Huc, chorégraphe<br />

et danseur, a eu envie<br />

d’attiser nos peurs, exprès pour<br />

jouer avec nos nerfs, et activer<br />

la machine à frissons dans une<br />

version moderne et percutante<br />

du conte de Perrault. Devant ce<br />

duo dansé pour personnages à<br />

capuches sur bande son hitchcockienne,<br />

il ne sera pas dit<br />

qu’on ne rigolera pas aussi. Ouf !<br />

Page 58<br />

© Khatim Ketfi


c’est dans l’air<br />

6 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Bouillon<br />

de Kultur<br />

L’Allemagne n’est plus seulement<br />

le pays de la saucisse, des<br />

méchants footballeurs et des<br />

Birkenstock. Désormais, on lui<br />

envie sa scène artistique foisonnante.<br />

La faute à Berlin, capitale<br />

branchée par excellence. À<br />

Toulouse, où vivent près de<br />

6 000 Allemands, on célèbre la<br />

vitalité culturelle du pays voisin,<br />

à l’occasion de la semaine<br />

franco-allemande. On y explorera<br />

la tradition du cabaret, rendue<br />

célèbre par Marlene dans l’Ange<br />

Bleu, avec l’expo « Le monde –<br />

un cabaret », 110 ans de cabaret<br />

littéraire, au Goethe Institut inaugurée<br />

par un vrai « Kabarett »<br />

avec l’actrice Aurélie Youlia. Au<br />

CMAV on déambulera à travers<br />

les constructions colorées de<br />

l’architecte berlinois Bruno Taut,<br />

figure iconoclaste du début du<br />

siècle. Couleur toujours, dans<br />

une veine plus kitsh, avec les<br />

statuettes dorées d’Ottmar Hörl,<br />

à la galerie Bulles d’Art. Et pour<br />

regarder vers l’avenir, on se<br />

rendra au concert des Peilsender,<br />

quatre garçons dans le<br />

vent, inscrivant leur pop dans le<br />

sillage des Beatles.<br />

Du 13 au 25.01,<br />

programme sur www.toulouse.fr,<br />

Goethe Institut 05 61 23 08 34<br />

© Sébastien Maurette<br />

Galerie de portraits<br />

Photographiste ! Si JiF avait une carte de visite, voilà ce<br />

qu’il écrirait en guise de profession. Portraitiste à nul autre<br />

pareil, il shoote tout ce que la scène artistique compte de<br />

meilleur. Son studio est forcément mobile et incongru :<br />

toilettes, baignoires, coulisses... Son travail a également<br />

mis en lumière « l’underground », comme aiment l’appeler<br />

ceux <strong>qui</strong> n’en font pas partie : djs, artistes, créateurs d’ici<br />

et d’ailleurs. Son dernier acte ? Un livre : C’était mieux<br />

maintenant (Édition Populaire). On veut bien le croire.<br />

l’image<br />

du mois<br />

Le Lifting de Saint-Sauveur ?<br />

Chaud<br />

aux fesses !<br />

Il fallait l’inventer, le Tabéret, petit tabouret de<br />

vachet à trois pieds avec housse interchangeable,<br />

en forme de béret. 100 % en laine<br />

d’Espagne, s’il vous plaît, histoire de tenir nos<br />

petites fesses au chaud, avec ou sans cheminée.<br />

Dernière nouveauté du catalogue Design<br />

Pyrénées, toujours prêt à dégainer du naturel,<br />

de l’authentique et de l’original, il a été conçu<br />

par les designers Godefroy de Virieu & Stefania<br />

di Petrillo, et se décline en deux tailles. Pour les<br />

housses-bérets (de la marque Blancq-olibet,<br />

labellisée « entreprise du patrimoine vivant ») il<br />

y a 14 coloris interchangeables pour varier les<br />

plaisirs. Quant à l’assise en bois de frêne, prélevé<br />

dans le Jura, elle est garantie sans vernis<br />

ni traitement chimique de surface. On pourrait<br />

presque le rebaptiser le Tabéretcolo.<br />

De 119 à 139 e, www.designpyrenees.com<br />

La gestion du port Saint-Sauveur, sur les bords du Canal du Midi, est passée dans les mains de la mairie de Toulouse depuis le<br />

1 er janvier. Et alors ? Alors, ça risque de changer le visage de ce port, jusque-là réservé aux plaisanciers et péniches. Pour l’heure,<br />

rien de concret. Mais la mairie promet de faire du seul port toulousain du Canal du Midi, un lieu agréable où touristes et gens du cru<br />

auront envie de flâner. Pour que ces derniers consentent à mettre les pieds dans l’eau ou à se reposer, bercés par les timides remous<br />

du canal, de grandes idées affluent : espace loisirs, départ d’activités nautiques en tout genre, circuits de visites en péniches.<br />

Pour l’heure, encore des hypothèses. Dossier à suivre.<br />

Katerine © Jif 2010 : citizenjif.com<br />

600<br />

Toulousains utilisent les billets flashy<br />

du Sol Violette pour régler leurs achats<br />

chez les (quelques) commerçants<br />

partenaires. La monnaie alternative<br />

a été mise en circulation en mai dernier.<br />

À l’heure où l’euro flanche, si c’était elle,<br />

la valeur sûre ?<br />

© Jean-Jacques Ader


À l’abordage<br />

Les descendants de Rackham Le Rouge et de John Cook débarquent<br />

du Nord, de Suède et d’Allemagne pour prendre d’assaut la vie politique<br />

française. Auront-ils autant de réussite que leurs camarades berlinois <strong>qui</strong><br />

ont fait entrer 15 députés au Parlement local ? À voir... À Toulouse, ils ne<br />

sont pas encore très nombreux - une dizaine - et appellent au ralliement,<br />

en organisant notamment un apéro par mois. Derrière la bannière rouge et<br />

noir flanqué d’une croix occitane des pirates de Midi-Pyrénées, se cache un<br />

combat moderne de flibustiers geek <strong>qui</strong> se concentre sur les abus de l’univers<br />

informatique et, plus largement, la défense des valeurs de la propriété<br />

intellectuelle. Autant dire qu’Hadopi est leur meilleur ennemi. Objectif :<br />

l’abordage des législatives de juin 2012. Va falloir encore ramer.<br />

midi-pyrenees.partipirate.org<br />

un dimanche<br />

à l’Orangerie<br />

L’Orangerie de Rochemontès, à quelques kilomètres<br />

de Toulouse, semble avoir été conçue<br />

pour recevoir des récitals. Élégante, intime,<br />

racée. Pas étonnant que Catherine Kauffman-<br />

Martin ait élu cette bâtisse de brique rouge,<br />

ouverte sur neuf hectares de jardin en bord de<br />

Garonne, comme écrin d’une nouvelle saison<br />

de musique classique <strong>qui</strong> s’ouvrira par un<br />

concert le 29 janvier. Elle connaissait déjà bien<br />

le lieu et ses propriétaires avant de se lancer<br />

dans cette direction artistique, sans aucune<br />

subvention. Dans cette belle salle de 300 m 2 ,<br />

pouvant accueillir jusqu’à 250 personnes,<br />

le public entre dans un rapport intime avec<br />

les musiciens, un peu comme dans un salon<br />

musical du XVIII e siècle. La saison à venir promet<br />

des répertoires variés : musique baroque<br />

costumée en janvier, duo violon piano en mars<br />

avec Clara Cernat et Thierry Huillet, et récital<br />

romantique en juin avec la pianiste Muza<br />

Rubackyté. Aujourd’hui Catherine Kauffman-<br />

Martin pense déjà à la saison prochaine. Denis<br />

Pascal, Marie-Paule Milone, le Chœur de<br />

Chambre Les Éléments, sont déjà annoncés.<br />

www.orangerie-de-rochemontes.com , 05 62 72 23 35<br />

design<br />

à St-Étienne<br />

Les habitués de Saint-Étienne<br />

ont peut-être déjà croisé<br />

Déborah Mézergues au Cosy<br />

Café, qu’elle tient avec son<br />

mari depuis 8 ans. Depuis fin<br />

octobre, elle a traversé la place<br />

pour concrétiser l’une de ses<br />

passions : le design. Ainsi est<br />

né Berthe + Eugénie, nouvelle<br />

adresse déco toulousaine, un<br />

hommage aux prénoms de<br />

ses deux grands-mères. Après<br />

trois ans à courir le Salon<br />

maisons et objets, Déborah y<br />

a fait un marché éclectique,<br />

de la très chic (et très chère)<br />

lampe Micha de Kunzel +<br />

Deygas, aux insolites skis de<br />

chaise de Marie Thurnauer, <strong>qui</strong><br />

vous transforment un simple<br />

fauteuil en un rocking chair<br />

de haut vol. Berthe + Eugénie<br />

affiche quelques exclusivités<br />

sur Toulouse comme Cousu<br />

de Fil Blanc (savons précieux),<br />

les créations « lumineuses »<br />

des designers grecs 157+173,<br />

ou les lampes bouteilles de la<br />

Maison Martin Margiela.<br />

3 place Saintes-Scarbes, Toulouse,<br />

05 61 53 50 89, du mardi au samedi


c’est dans l’air<br />

8 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

© Helicium<br />

En<br />

vue<br />

Verre de vent<br />

Pour tous les amateurs de vin un peu pressés,<br />

du genre à zapper l’étape carafe à décanter et<br />

autre préciosités œnologiques, une nouvelle<br />

génération de verre existe. Inventée par un<br />

gars du coin de surcroît. Après trois années de<br />

recherches, Arnaud Baratte, designer formé à<br />

l’œnologie installé à Paleville (Tarn), vient de<br />

donner naissance au verre Helicium. Sur le<br />

principe de l’éolienne, trois mini-pales situées<br />

dans le socle du verre permettent fluidité,<br />

oxydation optimale et brassage des saveurs<br />

du vin. Une technologie brevetée depuis 2008.<br />

L’étape de la mise en carafe est désormais<br />

une option, autant que faire tourner son vin<br />

dans le verre pour en dégager les arômes. Et<br />

en plus, ils ont prévu quatre formats, du verre<br />

à pied classique (grand ou petit), au verre à<br />

effervescence en passant par le gobelet. Pas Lafontan<br />

de malentendu, ce verre ne fera pas non plus<br />

d’une piquette un grand cru.<br />

Carole ©<br />

De 18,50 e à 25 e, www.arnaudbaratte.fr Berlin<br />

11 janvier<br />

9h, ouverture des magasins, et début<br />

de la bousculade. Les soldes de l’hiver<br />

2012 sont déclarés ouverts ! On gage<br />

que certain(e)s auront pris leur mercredi<br />

pour l’occasion. Que les agoraphobes se<br />

planquent, ça durera jusqu’au 14 février.<br />

air france au jeu du low cost<br />

Nouvelles destinations, nouveaux avions, nouveaux prix. Toulouse-Blagnac se transforme en une véritable<br />

plateforme aérienne internationale. Pour répondre aux compagnies low cost, Air France a lancé<br />

la contre-attaque et ouvrira au 1 er avril prochain, une nouvelle base avec 16 nouvelles destinations, en<br />

plus des 12 déjà existantes. Rêvons un peu : Malaga, Athènes, Bruxelles, Genève, Hambourg, Malte,<br />

Naples, Prague, Séville, Berlin (photo ci-dessus), Venise, Vienne, Casablanca, Marrakech, Istanbul et<br />

Tunis. Objectif : attirer quelques 800 000 passagers de plus par an. Et pour nous, payer moins cher.<br />

Air France promet des allers simples à partir de 50 e, histoire de s’aligner sur Easyjet ou Vueling.<br />

Vérification faite pour Berlin : l’aller est bien à 50 e, mais le retour à 117 e. Pas dit que les prix soient<br />

si low, finalement. Avec les deux autres bases que sont Nice, Marseille, ceux <strong>qui</strong> font du ciel « le plus<br />

bel endroit de la terre » s’attendent à un joli pactole de 950 millions d’euros. Quant aux Toulousains <strong>qui</strong><br />

pensent déjà aux vacances du printemps, les réservations sont ouvertes.<br />

Pauline martinod, femme à barbes<br />

Cette fille-là est loin d’être rasoir. Coiffeuse bio, un poil galeriste aussi. Clic, clic, sa vie va vite.<br />

Encore plus lorsqu’elle manie le coupe-chou, le nom un brin barbare du rasoir à la grand-papa.<br />

À 35 ans, Pauline Martinod est la seule et unique barbière de Toulouse. Un métier d’homme pour<br />

les hommes… en bustier noir à dentelles, et tatouage dans le cou. « La première fois, ils ont un<br />

peu d’appréhension. Mais on me dit que je suis très douce. La preuve, quand je rase mon papa, il<br />

s’endort. » Barbes, boucs et autres moustaches, tout y passe. Le rituel est immuable, on jurerait<br />

voir De Niro en Al Capone. La brune barbière savonne au blaireau, rase au coupe-chou, enlève<br />

le feu du rasoir à la pierre d’alun. Tout se termine en massage et friction dans une chaude<br />

serviette blanche. Ces gestes d’un autre temps, elle les a appris chez LE maître-barbier<br />

parisien, Alain Blackman. « Un vieux monsieur en complet trois-pièces installé dans le<br />

Marais <strong>qui</strong> taille la barbe de Johnny Hallyday », précise-t-elle, en s’asseyant sur l’antique<br />

barber chair de son salon ABorigin, ouvert il y a deux ans. « J’aime, redessiner une barbe<br />

de trois jours, impeccable, classe. » Enfant, Pauline avait rêvé d’être coiffeuse, normal.<br />

Mais barbière, ça fait tout de même moins rêver les petites filles ! « C’est peut-être<br />

à force de regarder des films d’époque. » Aujourd’hui son salon décline les produits<br />

naturels, expose des jeunes artistes, et organise même des soirées groovy sur le canal<br />

du Midi. Une vie somme toute très peu barbante. \ Isabelle Bonnet-Desprez \<br />

7 rue du Sénéchal, www.aborigin.fr<br />

168<br />

millions d’euros.<br />

C’est le budget<br />

de la culture voté pour<br />

l’année 2012 à Toulouse.<br />

1 million de crédits<br />

prévisionnels ont été<br />

alloués pour La Machine<br />

de Montaudran et la<br />

future Maison de l’image.<br />

3 millions pour la nouvelle<br />

salle de concert<br />

de Borderouge.<br />

© Julie Leblanc


© Olivier Minh un<br />

jeu d’enfant<br />

Un vent venu du nord de l’Europe souffle sur la ville rose. Il est vrai qu’en matière<br />

de mobilier design les Danois ne sont pas en reste. Ils le prouvent une fois de<br />

plus avec l’enseigne Flexa, spécialiste des chambres d’enfants. Un de plus en<br />

somme… Pas tout à fait. Le concept est simple, mais il fallait y penser : le lit évolue<br />

avec le temps et devient modulable. Donc, à partir d’un lit simple de 190 x 90 cm,<br />

ce dernier peut prendre de la hauteur en laissant de la place à une cabane, des<br />

étagères ou encore un bureau. Autre possibilité : le lit se transforme en un espace<br />

de jeu si on y ajoute un tunnel ou un toboggan. À moins qu’il ne devienne un lit<br />

superposé. Même principe avec la décoration, <strong>qui</strong> s’adapte à l’âge. Le thème de<br />

la jungle pour les petits se transforme en ambiance chevalier ou robot pour les<br />

grands. « Pas moins de 1 000 configurations sont possibles. Ce <strong>qui</strong> permet à l’enfant<br />

de 4 ans de conserver son lit jusqu’à sa majorité ! », claironne Michel Mathias,<br />

le gérant de la boutique toulousaine.<br />

Flexashop, 22 rue du Rempart-St-Étienne, Toulouse, 05 31 54 84 31, www.flexa.dk<br />

La ruée vers<br />

nailloux…<br />

Sera-t-elle de courte durée ? L’ouverture du<br />

village des marques de Nailloux a provoqué<br />

un petit raz-de-marée dans le Lauragais :<br />

trois kilomètres de bouchons le 23 novembre<br />

et 84 000 visiteurs en 5 jours. C’est qu’il était<br />

quasi impossible d’échapper au plan com’<br />

- dont on retiendra la vision un brin sexiste<br />

de la femme - mené tambour battant dans<br />

la presse, dans le métro, dans les rues de<br />

Toulouse et d’ailleurs. Difficile aussi en ces<br />

temps de crise, juste avant les fêtes, de faire<br />

la sourde oreille aux appels du porte-<br />

monnaie, devant « l’unique outlet du grand<br />

sud » se vantant d’appartenir à une « nouvelle<br />

génération ». En décembre, ils ont été entre<br />

50 et 70 000 à s’y rendre chaque semaine, à<br />

la recherche d’une pièce de la saison dernière<br />

à prix cassé, dans les 62 boutiques déjà ouvertes<br />

sur les 125 prévues d’ici 2016. Calvin<br />

Klein, Kookaï, Desigual, Zadig et Voltaire…<br />

suffisent pour l’heure à attirer les adeptes<br />

de mode et du bain de foule. Seront-ils<br />

assez pour atteindre les objectifs ambitieux :<br />

1,7 millions de visiteurs la première année,<br />

3 millions en vitesse de croisière ?<br />

Le canal<br />

se déplume !<br />

Depuis 2006, la maladie<br />

du chancre coloré, importée<br />

des États-Unis via les<br />

caisses de munitions des<br />

GI’s, s’est attaquée aux<br />

platanes <strong>qui</strong> bordent les<br />

rives du canal du Midi.<br />

Apparu dans l’Aude, le<br />

chancre gagne chaque<br />

année du terrain. Près d’un<br />

millier de platanes, sur<br />

les 42 000 existants, ont<br />

déjà été abattus. Ils sont<br />

remplacés par des tilleuls<br />

argentés et, aujourd’hui,<br />

par des platanors, un superclone<br />

<strong>qui</strong> résiste au chancre.<br />

« Il faudrait passer à la<br />

vitesse supérieure et couper<br />

entre 3 et 4 000 platanes<br />

par an », explique Jacques<br />

Noisette, responsable com’<br />

des Voies Navigables de<br />

France Sud-Ouest <strong>qui</strong> gèrent<br />

le canal. Il n’y a pas de<br />

remède à la maladie <strong>qui</strong> se<br />

propage au fil de l’eau et par<br />

les blessures infligées aux<br />

arbres par les amarrages.<br />

Seule bonne nouvelle : Midi-<br />

Pyrénées est pour l’instant<br />

épargné. Jusqu’à quand<br />

pourrons-nous faire notre<br />

footing à l’ombre ?<br />

© Flexashop


c’est dans l’air<br />

Ze<br />

BuZZZ<br />

10 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

oncopôle :<br />

bientôt un pilote à bord ?<br />

Par Isabelle Bonnet-Desprez<br />

Y<br />

a-t-il un pilote dans l’avion ? Il ne s’agit pas ici de se lancer dans la<br />

critique moderne du film éponyme mais de soulever la question suivante<br />

: y aura-t-il bientôt un commandant à bord du titanesque vaisseau<br />

Oncopôle – anciennement baptisé Cancéropôle, mais ça c’était<br />

avant l’été pour ceux <strong>qui</strong> auraient raté les épisodes précédents de cette passionnante<br />

saga toulousaine* ? Dans les milieux autorisés, la rumeur est persistante<br />

depuis le printemps. Extraits choisis. « Il faut aller vers une gouvernance<br />

commune : une sorte de locomotive médico-scientifique. Or, pour l’instant, nous<br />

en sommes plutôt au millefeuille ! » regrettait en avril Christophe Cazaux, viceprésident<br />

de Toulouse Cancer Campus. Même écho du côté des labos privés<br />

avec le directeur de Sanofi-Aventis Toulouse, Xavier Tabary. « Nous avons besoin<br />

d’un patron <strong>qui</strong> chapeaute le tout, capable sur son nom seul, de mettre en place<br />

une fondation puissante <strong>qui</strong> amènera l’argent nécessaire, et d’attirer les quelque<br />

200 meilleurs chercheurs internationaux qu’il nous faudra à Toulouse sur les 20<br />

prochaines années. » L’é<strong>qui</strong>page du nouvel avion-cargo toulousain est unanime.<br />

Il faut quelqu’un pour diriger le navire. Et rapidement. Mais voilà, le recrutement<br />

d’un capitaine hors norme, ça prend du temps. Cet été, un cahier des charges<br />

du poste et un recrutement international était annoncé… Mais depuis, silence<br />

radio. Allô, Papa Tango l’Onco, ici Charly : nous recevez-vous ? Biiiiiiip. Pourquoi<br />

un tel retard à l’allumage ? « Ce projet est compliqué dans son montage. Nous<br />

avons eu des difficultés à coordonner les é<strong>qui</strong>pes de soins médicaux du CHU<br />

et de Claudius-Regaud, ainsi que les é<strong>qui</strong>pes de recherche venant de diverses<br />

unités toulousaines (Inserm, UPS, CNRS…) », explique Catherine Xuereb, chargée<br />

de mission à la préfecture de la Haute-Garonne. En novembre, enfin, une<br />

petite annonce paraît dans la revue scientifique de renom Nature : l’Oncopôle<br />

de Toulouse recherche un Directeur pour son Institut Universitaire du Cancer<br />

(UCI) – c’est le nom de la future plateforme commune recherche et soins <strong>qui</strong><br />

devrait sortir de terre route d’Espagne en avril 2013. Une nomination serait-elle<br />

proche ? Pas si vite. Car désormais, Toulouse n’a plus vraiment la main. La balle<br />

est dans le camp du Search Comity International – déjà constitué et sans aucun<br />

Toulousain – <strong>qui</strong> doit auditionner, puis sélectionner cinq candidats pour mars<br />

2012 dans l’idéal ; les partenaires toulousains se réservant seulement le droit<br />

d’en biffer un ou deux de la liste. Aux ministres de la Santé et de la Recherche<br />

de le désigner ensuite officiellement. Une chose est sûre désormais : le fameux<br />

pilote devra prendre les commandes au plus tard au 1er janvier 2013. Dernière<br />

ligne droite donc, avant un décollage immédiat.<br />

* Unique sur le plan international, l’Oncopôle de Toulouse, impulsé suite à l’explosion de l’usine AZF,<br />

doit devenir d’ici 2014 un vaste campus de cancérologie, du laboratoire de recherche jusqu’au lit du<br />

patient. Pour rappel, les responsables toulousains n’avaient pas pu nommer le projet « Canceropôle »,<br />

l’appellation étant déjà attribuée.<br />

haut les masques !<br />

Après 24 ans d’absence, le carnaval revient<br />

(enfin) dans les rues de Toulouse. Le jour<br />

du printemps en plus ! Rendez-vous le 21.03,<br />

place du Capitole et déguisé.<br />

vraiment manquant<br />

C’est dit, le Chaînon Manquant<br />

se fait la malle après 10 ans de festival,<br />

à Figeac, puis Cahors. Les élus locaux se lamentent,<br />

la troupe se réjouit d’augmenter la voilure<br />

du côté de Laval. Et nous, on dit bonne chance !<br />

coup de baguette en réseau<br />

Le vénérable Orchestre National<br />

de Toulouse a rejoint Facebook<br />

le 1 er décembre et diffusé son premier<br />

concert live sur la webtv medici.fr.<br />

J’aime !<br />

PSSST<br />

c’est la rumeur !<br />

so british<br />

On prépare son plus bel anglais avant<br />

de filer à la médiathèque José-Cabanis<br />

le 27.01. Pourquoi ? Because David Lodge,<br />

le plus caustique des auteurs anglais, est là !<br />

Nice to meet you.<br />

le pavé en a marre<br />

Le théâtre du Pavé tentait une ultime levée<br />

de fonds en décembre au jouant tout le mois<br />

le Dr Knock avec une é<strong>qui</strong>pe de bénévoles.<br />

Verdict dans les semaines à venir. On y croit !


12 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

© Stéphanie Renard


La petite cuisine<br />

d’en marge<br />

Trouver un nom pour<br />

son restaurant, ce n’est vraiment<br />

pas évident. L’idée est venue<br />

d’un ami du chef. Il a rajouté<br />

le « r » de Renimel au nom<br />

de la rue, Mage.<br />

8 rue Mage, Toulouse<br />

05 61 53 07 24<br />

Ça va plutôt bien pour vous. Une étoile décrochée six mois<br />

après votre ouverture en 2008, le prix Lucien-Vanel dans la foulée<br />

et dernièrement le titre de « Grand de demain » décerné par<br />

le Gault et Millau. Ça ne vous fait pas tourner la tête toutes ces<br />

récompenses ?<br />

Non, pas du tout. Car ces titres ne me sont pas destinés. Ils sont<br />

attribués à une é<strong>qui</strong>pe. Une seule personne ne fait pas la réussite<br />

d’un restaurant. Je ne suis pas un chef au sens classique du<br />

terme. En cuisine, j’épluche les légumes, je dresse les assiettes,<br />

je fais la plonge, je passe le balai brosse... comme tout le monde !<br />

C’est fini le temps où les chefs restaient sur un tabouret à donner<br />

des ordres. Mon é<strong>qui</strong>pe, c’est ma deuxième famille. L’étoile, c’est<br />

une fierté pour nous tous, <strong>qui</strong> prouve que notre travail est apprécié.<br />

Mais la pression, elle est ailleurs, dans la salle, à chaque<br />

service, pour offrir du plaisir aux clients. Qu’ils repartent avec la<br />

banane, voilà notre récompense !<br />

Justement, c’est quoi votre secret pour leur donner « la banane » ?<br />

Les surprendre ! Ma cuisine est complètement irréfléchie, spontanée.<br />

Je me laisse guider par l’inspiration du moment et les<br />

produits du marché. Je m’amuse. Je n’ai pas peur de faire de<br />

faute de goût. Ça n’existe pas en cuisine. À partir du moment<br />

où le dosage est bien fait, l’accord fonctionne. Bien sûr, il y a<br />

des mariages hasardeux mais avec l’expérience et la maturité, on<br />

ac<strong>qui</strong>ert des techniques, on connaît les saveurs, les produits et<br />

on arrive à les associer.<br />

D’où l’idée du menu secret...<br />

En fait, d’une difficulté, on a fait un atout. Ici, la cuisine est toute<br />

petite, très étroite. Impossible de stocker et donc, impossible de<br />

faire une « vraie » carte. Et puis, on voulait que les gens rentrent<br />

dans notre univers. Alors, on a inventé un menu où les convives<br />

se laissent mener sans savoir ce qu’ils vont manger. On a gardé<br />

la même idée pour les autres menus. Seuls le produit de base et<br />

la garniture sont indiqués, mais sans plus de détails. De même,<br />

on ne distribue qu’une carte par table et celui <strong>qui</strong> s’assoit sur « la<br />

mauvaise chaise » devient le chef de table et remporte l’addition !<br />

Ne jamais goûter vos plats, c’est pour garder la ligne ?<br />

Ma femme dit souvent que je dois avoir la mémoire remplie de<br />

cases gustatives pour chaque aliment. C’est vrai que je n’ai aucune<br />

recette écrite et que je n’ai jamais mangé un seul de mes<br />

plats. Quand je concocte la carte, environ toutes les trois, quatre<br />

semaines, je pars d’une couleur, d’une forme, d’un graphisme et<br />

je dessine l’assiette. Ça surprend un peu les nouveaux venus dans<br />

l’é<strong>qui</strong>pe. L’hiver est ma période préférée car j’y trouve tous mes<br />

produits fétiches, les Saint-Jacques, la truffe, les légumes oubliés<br />

comme le cerfeuil tubéreux ou la butternut.<br />

Vous êtes comme Obélix, tombé dans la marmite tout petit ?<br />

Exactement ! Pourtant, personne n’était du métier. Mais chez<br />

nous, on avait l’amour du bien manger et une passion pour les<br />

repas gastronomiques. Entrée froide, chaude, viande, poisson,<br />

fromage, dessert... ça durait des heures ! Mon père et ma mère<br />

s’amusaient énormément en cuisine. Ils se régalaient à recevoir<br />

entre nous<br />

frank Renimel<br />

sous une bonne étoile<br />

C’est l’une des figures montantes de la gastronomie toulousaine, <strong>qui</strong> vous<br />

claque la bise et vous tutoie d’emblée. Silhouette menue et cheveux blonds<br />

ondulés, on imagine plus Frank Renimel surfant la vague qu’en cuisine.<br />

Ce chef iconoclaste sait avec justesse comment faire battre nos sens dans<br />

son restaurant délicatement intitulé : En Marge.<br />

Propos recueillis par Séverine Clochard<br />

la famille et les amis et à leur faire plaisir. J’ai participé assez tôt,<br />

vers 11 ans. Le gâteau de semoule est la première recette que j’ai<br />

maîtrisée. J’en faisais tout le temps ! Au chocolat, au caramel...<br />

J’ai pris beaucoup de poids ! À 13 ans, j’ai décidé de faire le lycée<br />

hôtelier de Toulouse. Je suis allé voir comment ça se passait, j’ai<br />

demandé qu’on me parle du métier. J’étais très déterminé. J’ai<br />

promis à mon grand-père que j’ouvrirais un restaurant et que je<br />

décrocherais une étoile.<br />

Le prochain défi de Frank Renimel, ce sera quoi ?<br />

Voir plus grand ! On a acheté un corps de ferme à Aureville, à<br />

une vingtaine de kilomètres de Toulouse. Ça nous a pris deux ans<br />

mais ça y est, les travaux ont commencé. On devrait ouvrir en juin<br />

prochain. On passera d’une salle de 30 m 2 à près de 200 ! Avec<br />

quelques chambres aussi. Six, huit, pas plus. Mais on n’a pas l’intention<br />

de faire 70 couverts non plus. On veut garder l’ambiance<br />

<strong>qui</strong> règne ici, quelque chose de familial et de cosy à la fois, mais<br />

cette fois, avec des murs de pierre et de la charpente apparente.<br />

Et les photos de vos enfants en guise de tableaux !<br />

Oui, comme ici. Avec Isabelle, ma femme, on voulait que les gens<br />

se sentent comme dans notre salon, comme si on les invitait<br />

« chez nous ». É<strong>qui</strong>librer vie de famille et vie professionnelle est<br />

très important pour moi. C’est pour cette raison que le restaurant<br />

est fermé du dimanche au mardi, pendant les vacances de Noël,<br />

une partie de l’été et au moment de la rentrée. Ce nouveau projet,<br />

c’est aussi une manière d’être plus près d’eux. Le soir, je pourrais<br />

m’éclipser pour le bisou. Je suis un vrai papa poule ! Quand je n’ai<br />

pas le moral en cuisine, il me suffit de jeter un œil sur la bouille de<br />

mes enfants tout sourire, et ça repart !<br />

Vous êtes du genre à aimer le stress ?<br />

Le coup de feu, c’est ce <strong>qui</strong> me plaît. J’aime ces instants « un peu<br />

chauds » car c’est là que je suis le plus efficace. C’est comme<br />

dans les sports que je pratique, le surf, le snow... tous les sports de<br />

glisse. J’aime la vitesse et ces moments d’adrénaline.<br />

Le palmarès du prochain Michelin <strong>qui</strong> arrive bientôt, ça vous<br />

stresse ?<br />

Je sais que les 3 inspecteurs lieux du aux guide petits sont passés. oignons<br />

Radio casserole<br />

fonctionne très bien ! Mais leur verdict ne me stresse pas plus que<br />

ça. Bien sûr, ce serait pour moi une 1- reconnaissance. Le marché Victor-Hugo… Si je fais ce<br />

métier, c’est C’est pour là aller que le se plus trouvent haut la possible. plupart de Je mes vise fournisseurs,<br />

une deuxième<br />

étoile, de pour Bellocq conserver le poissonnier la première. en passant par Samaran ou Xavier le<br />

fromager. J’y vais même en famille, le dimanche, quand je ne<br />

travaille pas, pour préparer le repas du week-end.<br />

2- La coutellerie des Capitouls…<br />

J’avais récupéré un stock de vieilles lames, d’il y a 50, 60 ans,<br />

et je leur ai confié. Ils les ont montées sur des manches.<br />

Le résultat est magnifique. Un travail d’artisan comme je l’aime.<br />

3- Marc Deloche, le bijoutier…<br />

J’aime son design original mais accessible, ses pièces brutes<br />

et assez massives. En plus, c’est un Toulousain !<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 13


mode MOdE de dE vie vIE<br />

Les 4 commandements<br />

du parfait Toulousain<br />

À grands coups d’arrêtés municipaux et d’injonctions citoyennes ou écolo, l’homo urbanicus<br />

toulousain opère sa mue, pour devenir un habitant modèle et... obéissant. Par Hadrien Gonzales<br />

DE BOIRE SUR La VOIE PUBLIqUE, TU T’aBSTIENDRaS Adieu<br />

les packs de bière consommés à même la place Saint-Pierre ou sur<br />

le boulodrome du cours Dillon. Exit le pique-nique en amoureux, au<br />

bord de la Garonne, à siroter un verre de vin. Depuis le 15 août, il est<br />

interdit de boire de l’alcool dans les rues du centre-ville. Désormais<br />

les apéros devront se restreindre aux terrasses et comptoirs des<br />

cafés. Aux tables basses des uns, aux cuisines des autres, c’est<br />

selon. Et pas la peine d’aller courir le kebab après 2h du mat’ pour<br />

avoir du rab, là aussi c’est rideau pour les noctambules. La réputation<br />

festive (option beuverie) de la ville a du plomb dans l’aile. Au<br />

lieu d’aller s’encanailler, on opte pour l’ambiance design du bar de<br />

l’Hôtel du Grand Balcon : les infusions Kusmi sont servies jusqu’à<br />

2h du matin (4,5 €). Le breuvage est sain et de saison.<br />

TRaNqUILLE, PÉPèRE, TU RESTERaS Pour vivre heureux, et en<br />

collectivité, vivons tran<strong>qui</strong>lle. Tel serait le nouveau dicton de la ville<br />

rose. Dans ce monde rêvé par nos élus, on festoierait avec modération,<br />

et de préférence chez soi, gentiment. La ville a donc inventé<br />

un outil unique en France, l’Office de la Tran<strong>qui</strong>llité, censé jouer les<br />

entremetteurs zélés quelque part entre (ré)conciliation et délation,<br />

au moyen de six médiateurs et un numéro de téléphone accessible<br />

24h/24. À sa tête, Bruno Domingo, sorte de Julien Courbet local,<br />

espère ainsi régler « tous les petits désagréments <strong>qui</strong> empêchent<br />

de bien vivre ensemble au quotidien » : tags, éclairage public, mais<br />

surtout conflits de voisinage et nuisances sonores… Cette initiative a<br />

reçu, le 15 décembre dernier, le Décibel d’or, euphémisme quand tu<br />

nous tiens ! Simple comme un coup de fil ! « L’intention est louable,<br />

mais parler de tran<strong>qui</strong>llité est une astuce de com’, estime l’artiste<br />

Mathieu Tremblin <strong>qui</strong> lancera au printemps l’Office de la créativité,<br />

un projet d’interventions urbaines soutenu par la Mairie. Pour moi,<br />

une ville vivante n’est pas une ville tran<strong>qui</strong>lle. »<br />

14 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

À VÉLO TU TE DÉPLaCERaS D’ici quelques années, vous pariez<br />

combien que tous les Toulousains auront les mollets de Jeannie<br />

Longo ? On sent comme une lassitude chez les automobilistes :<br />

Toulouse serait la championne de France des bouchons, d’après<br />

une étude publiée en 2011 par le développeur de GPS TomTom.<br />

L’arrivée du Vélouse en 2007 a dopé la tendance. Désormais, 8%<br />

des trajets intra-muros se feraient à vélo. Le nombre des stations<br />

a bien augmenté et les engins sont disponibles 24h/24 depuis juin<br />

dernier. La ville n’affiche pas moins de 250 km d’aménagements<br />

cyclables… malgré de nombreux itinéraires en pointillés. Cependant,<br />

le vélo ne régle pas tout. Sans voiture, difficile d’aller se faire une<br />

toile à l’Utopia à Tournefeuille ou un concert au Phare ou au Bikini.<br />

Par crainte des alcootests après la fête, on en connaît <strong>qui</strong> prévoient<br />

leur sac de couchage et passent la nuit sur le parking.<br />

TES DÉChETS TU TRIERaS « J’vais pas t’la faire à l’envers /<br />

Le verre c’est dans les containers / Carton, papier, emballages /<br />

Pas d’enfantillages… » Adopte une poubelle, le tube écolo des<br />

rappeurs bordelais MC Cub et Mister Tri est hyper efficace.<br />

À Toulouse, la fine fleur des chanteurs n’a pas encore pris le<br />

mic’ pour défendre l’environnement. Mais la Mairie sert d’avantgarde,<br />

jamais à cours d’idée pour nous éduquer. Dernière tendance<br />

éco-citoyenne : en novembre, la communauté urbaine<br />

délivrait son millième composteur individuel de jardin. Qu’on se<br />

le dise, la mesure s’applique aussi à nos 30 millions d’amis. À<br />

force de se plaindre de leurs rues crottées, les Toulousains se<br />

voient intimer l’ordre de ramasser eux-mêmes les excréments<br />

de leurs toutous. À moins que ces derniers n’aient le bon goût<br />

de se diriger d’eux-mêmes vers les cani-sites et cani-parcs, que<br />

la ville va é<strong>qui</strong>per en 2012 d’hormones destinées à les attirer.<br />

On n’arrête pas le progrès…<br />

Le prix de<br />

l’imperfection<br />

• Je me gare à l’arrache<br />

sur la route ou une piste<br />

cyclable : 35 €.<br />

• Je prends un sens interdit<br />

(même à vélo) : 135 €.<br />

• Je fais une fête chez moi<br />

un peu trop bruyante :<br />

jusqu’à 450 €.<br />

• Je bois des bières le soir<br />

en bord de Garonne :<br />

jusqu’à 38 €.<br />

• Je colle des affiches sur<br />

les murs : 12 € par affiche.<br />

• Je graffe : jusqu’à 7 500 €<br />

• Je jette mes ordures dans<br />

la rue : de 35 € à 1 500 €<br />

• Mon chien s’oublie<br />

sur le trottoir (ou moi !) :<br />

de 35 € à 1 500 €<br />

© Stéphanie Pichon


ouvre-toit<br />

16 / <strong>Spirit</strong> # 46


des pierres<br />

à l’édifice<br />

La maison du docteur Guy Auriol a été conçue par l’un<br />

des architectes français les plus doués de sa génération.<br />

Fidèle à ses convictions, Edmond Lay a façonné la pierre<br />

pour construire ce repaire, abolissant les frontières entre<br />

l’intérieur et l’extérieur.<br />

Texte : Léa Daniel / Photos : arnaud Saint-Germès<br />

À<br />

la voir, enracinée dans cette lourde terre béarnaise, on pourrait croire que la maison<br />

conçue par Edmond Lay a toujours existé. Elle aurait pu naître dans un caprice tellurique<br />

ou émerger tel le dommage collatéral d’une inconstante tectonique des plaques.<br />

Pas du tout ! Malgré ses courbes revêches et sa silhouette rocheuse, cette étonnante<br />

demeure est l’œuvre d’un visionnaire. Natif de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées, l’homme<br />

a grandi rebelle à toute forme d’académisme. Alors qu’il étudie l’architecture aux Beaux-Arts de<br />

Paris, il est sur le point de tout abandonner, lassé par le conformisme de l’enseignement. Heureusement,<br />

il rencontre Louis Arretche. Professeur à l’atelier, celui-ci donne un nouveau souffle<br />

à ses études. Très vite, ils travaillent ensemble. Lui le salarié. Arretche, le patron à <strong>qui</strong> il doit ses<br />

premiers voyages à l’étranger. Le plus marquant l’entraîne aux États-Unis, où Lay côtoie Franck<br />

Lloyd Wright, l’un de ses pères spirituels. Ainsi élevé à une nouvelle conception de l’habitat, il<br />

poursuit ses réflexions sur un courant naissant : « l’archologie », contraction d’architecture et<br />

d’écologie. De retour en France, il fonde sa propre agence et travaille principalement dans le<br />

Sud-Ouest où il réalise le siège de la Caisse d’Épargne dans le quartier Mériadeck de Bordeaux.<br />

Un immeuble organique, presque vivant.<br />

\ La première pierre \<br />

Emballé par cet impressionnant édifice bordelais signé de la main de Lay, Guy Auriol contacte<br />

l’architecte pour le projet personnel <strong>qui</strong> l’occupe. Nous sommes en 1978, et le plan est rapidement<br />

tracé. 180 m 2 de surface habitable, un grand espace de plain-pied ouvert sur le sud et réunissant,<br />

tout à la fois, le salon, la salle à manger, un petit salon et une cuisine ouverte dont on envie les<br />

crédences rocheuses. Quand la suite parentale se love tout près d’une salle de bain privative,<br />

les chambres des enfants investissent les volumes du toit, reliées par une galerie suspendue. La<br />

pierre et le bois sont partout. À l’image des murs de façade, ils sont un savant assemblage percé<br />

de fentes, ouvert par endroit, incliné à d’autres. En regardant cet épiderme poreux, on voit à quel<br />

point l’architecte s’intéresse aux relations <strong>qui</strong> existent entre l’intérieur et l’extérieur, aux rapports <strong>qui</strong><br />

naissent entre le paysage et l’habitat, l’habitat et l’homme. « Je ne recherche qu’à exprimer ce que<br />

je ressens. Je m’intéresse à la façon dont on vit dans ce que je construis » dira-t-il de son travail.<br />

\ Le mythe de la caverne \<br />

À l’intérieur, l’ambiance est surannée. On jurerait pouvoir siroter un whisky glace avec Tony Curtis<br />

et Roger Moore, confortablement installé dans le canapé en cascade <strong>qui</strong> borde la cheminée. Avec<br />

son mobilier sixties et ses influences seventies, cette maison a des allures de reine élégante <strong>qui</strong><br />

aurait gardé sa garde-robe d’antan. Elle comporte aussi sa part de mystère, ses zones d’ombre<br />

où la nature pourrait l’emporter. C’est le cas de la salle de bain où les parois rocheuses et le sol<br />

de pierre composent un décor de caverne. Mais alors qu’on se croit perdu dans les tréfonds de la<br />

terre, l’architecte rattrape les esprits déboussolés. Il suffit de se retourner pour ne pas sombrer :<br />

une vasque sculptée, des lumières disposées autour d’un miroir comme dans une loge de star, une<br />

baignoire « naturelle » du meilleur effet. Pourquoi choisir entre nature et culture ?<br />

Pierre de carrière :<br />

Guy Auriol et Edmond Lay sont allés chercher leur matière première à Bidache, une carrière près de Bayonne.<br />

Le propriétaire se rappelle que Lay est resté pendant tout le temps du gros-œuvre, orientant les maçons<br />

comme un sculpteur installerait ses blocs pour former son œuvre. Le résultat est impressionnant.<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 17


ouvre-toit<br />

1 - Le séjour forme un noyau dur<br />

autour duquel gravitent les autres<br />

pièces de la maison.<br />

2 - Les portes sont peu<br />

nombreuses remplacées par des<br />

passages et des rétrécissements<br />

<strong>qui</strong> guident la circulation entre les<br />

différents espaces. La cuisine est<br />

sobrement ouverte sur le reste<br />

de la pièce à vivre.<br />

3 - Les chambres sont bardées<br />

de bois, comme le serait une<br />

cabane. Les angles jouent des<br />

coudes pour briser la monotonie<br />

des lignes. Le plafond s’ouvre<br />

pour dégager une belle hauteur,<br />

dans un jeu de décalages <strong>qui</strong> défie<br />

les lois de la symétrie.<br />

4 - Le petit salon est un<br />

concentré des principes <strong>qui</strong><br />

régissent la construction. Première<br />

règle : l’association de matériaux<br />

<strong>qui</strong> contrastent et se répondent<br />

(verre, bois, pierre). Seconde<br />

règle : la lumière, qu’il ne faut<br />

pas entraver. Dernière règle :<br />

une architecture d’intérieur tirée<br />

à quatre épingles.<br />

18 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

1<br />

2


4<br />

3<br />

5<br />

Fiche technique<br />

architecte : Edmond Lay (né en 1930),<br />

il reçoit le Grand Prix National<br />

de l’Architecture en 1984<br />

année de réalisation : 1980<br />

Superficie : 150 m 2 au sol et 180 m 2 habitables<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 19


Tables & compToirs<br />

Les humeurs vagabondes<br />

de l’Empereur de Hué<br />

Le restaurant de Sarah Truong-Qui propose une cuisine vietnamienne pleine d’énergie, d’audace<br />

et de maîtrise. Bon voyage. Par Christian authier<br />

Faut-il encore présenter Sarah Truong-Qui ? On pourrait<br />

dire que son Empereur de Hué est une « institution », si ce<br />

n’était faire offense au jeune âge de la chef et à sa cuisine<br />

aussi audacieuse que juste, aventureuse et maîtrisée, <strong>qui</strong><br />

revisite les traditions en les trempant dans les horizons lointains<br />

depuis presque dix ans. Le restaurant vietnamien de la rue des<br />

Couteliers s’est ainsi forgé une solide réputation, qu’il convient de<br />

temps en temps de confronter au réel. On connaît trop de prétendus<br />

« meilleurs restaurants de… » (viandes, poissons…) <strong>qui</strong><br />

ne tolèrent guère l’implacable principe de réalité gastronomique :<br />

« C’était bon ? », « A-t-on envie de revenir ? ».<br />

La soirée avait commencé, non loin de là, avec une bouteille de<br />

Substance, le divin champagne d’Anselme Selosse (voir <strong>Spirit</strong> de<br />

décembre) <strong>qui</strong> porte à l’euphorie méditative, mais aussi à l’exigence.<br />

Il était temps d’aller dîner et de s’installer dans la petite salle remplie<br />

et bourdonnante de l’Empereur. Autour de nous, cela ripaillait et parlait<br />

fort. Visiblement, des gens pas mécontents de leur sort. La carte,<br />

courte et prometteuse, n’affichait pas cette ribambelle d’entrées et<br />

de plats dont la profusion tente souvent de masquer l’approximation<br />

des produits et de l’exécution.<br />

Notre commensale nous avait averti. Elle aime beaucoup les épices<br />

quand elles sont douces. Sinon, elle est capable de prendre feu.<br />

En dépit de ses précautions envers des crevettes annoncées « bien<br />

poivrées », elle dévora ses plats en étant sensible à l’aspect grandiose<br />

du mélange (gingembre, ail…) avec des couleurs tendres, <strong>qui</strong><br />

annonçaient déjà le printemps, ou de la coriandre verte comme les<br />

forêts et l’espérance. De notre côté, après avoir été tenté par un<br />

20 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

calamar sauté à l’ail, citronnelle et petit chou chinois (25 e), on opta<br />

pour le porc noir de Bigorre confit au caramel et au poivre (21,50 e).<br />

Le porc, joliment saisi, slalomait dans un sucré-salé <strong>qui</strong> ne ratait<br />

pas la cible. Du côté des classiques, soupe ph (14,50 e), on n’est<br />

pas déçu. Mieux, on redécouvre un éclat oublié, à l’image des nems<br />

(13,50 e) <strong>qui</strong> rappellent sans esbroufe leur appellation d’origine : pâtés<br />

impériaux. L’utilisation des herbes et des épices ne sert pas ici<br />

à pallier la déficience gustative des produits, mais sont la signature<br />

du chef. Impériale…<br />

\ Cuisine chaude et étoilée \<br />

Cela dit, on regrettera une carte des vins un peu trop sage <strong>qui</strong>, malgré<br />

quelques références honorables (le gewurztraminer de Schlumberger,<br />

le cahors de Matthieu Cosse, le Montlouis effervescent de<br />

Jacky Blot…), ne possède pas la touche d’originalité et de singularité<br />

<strong>qui</strong> se marierait parfaitement à la cuisine d’auteur que compose<br />

Sarah Truong-Qui. Quand le dessert arriva, une mousse au chocolat<br />

douce et puissante, escortée d’une glace fringante, la salle s’était vidée<br />

et la conversation pouvait épouser des tons plus bas. La tuile au<br />

sésame se grignotait délicieusement dans des craquements pleins<br />

de regrets. On n’aurait pas voulu partir. Il faudra donc revenir.<br />

Dehors, la nuit était chaude et étoilée, propice à l’humeur vagabonde,<br />

à prendre au hasard un train <strong>qui</strong> part, à descendre le Mékong<br />

en chantant des airs farceurs. Finalement, dîner à L’Empereur de<br />

Hué, c’est comme lire un bon roman ou voir un bon film. Après les<br />

avoir <strong>qui</strong>ttés, leurs images, leurs histoires, leurs saveurs, continuent<br />

de nous accompagner.<br />

La table du mois<br />

L’Empereur de hué<br />

17 rue des Couteliers<br />

05 61 53 55 72<br />

Ouvert tous les soirs<br />

sauf dimanche et lundi.<br />

Sarah Truong-Qui © Polo Garat - Odessa


Livre<br />

Écritures œnologiques<br />

Le vin, ce sont les écrivains <strong>qui</strong> en parlent le mieux. La preuve avec<br />

la réédition de Voyage à Bordeaux 1989 et Voyage en Champagne<br />

1991 aux éditions des Équateurs. Jean-Paul Kauffmann, l’auteur<br />

de La Chambre noire de Longwood, évoque ses passions et ses<br />

curiosités dans une langue <strong>qui</strong> parlera aussi bien aux initiés qu’aux<br />

béotiens. Ces textes furent publiés voici une trentaine d’années.<br />

Ils sont devenus un témoignage d’une époque où la spéculation,<br />

la standardisation des goûts et l’œnologie moderne n’avaient pas<br />

encore accompli leur grande entreprise d’acculturation. \C.A.\<br />

Voyage à Bordeaux 1989 et Voyage en Champagne 1991,<br />

Jean-Paul Kaufmann, éditions des Équateurs, 12 € chacun.<br />

expérience<br />

C’est moi le chef !<br />

Le zinc <strong>qui</strong> aligne la dizaine de vins cuits faits maison donne la<br />

tonalité : à l’Auberge de Fountescut la convivialité n’est pas un<br />

concept, c’est une évidence. L’apéritif se prend au bar, lieu de rencontre<br />

des convives. Le maître des lieux, Jean-François Martin,<br />

y sert une cuisine traditionnelle, imaginative et généreuse. Cuisinier<br />

depuis 30 ans, initié à la gastronomie de haut niveau, ce fils<br />

de pâtissier a décidé de varier les plaisirs et d’ouvrir sa cuisine<br />

à ses amis et clients. C’est en petit groupe de 6 personnes qu’il<br />

vous confie l’élaboration du menu, de l’épluchage à la cuisson, de<br />

l’assaisonnement au dressage de l’assiette. La session s’achève<br />

par le repas autour d’une grande table où auront pris place les<br />

invités des apprentis. Un moment délicieux, à 50 km de Toulouse<br />

en direction de Foix, par la vallée de l’Arize. \ Loïc Blanc \<br />

auberge de Fontescut, Sieuras (Ariège), 05 61 69 25 48.<br />

Différentes formules possibles à la demande.<br />

La bouteille du mois<br />

L’eau<br />

de châteldon<br />

Pas de vin pour débuter l’année,<br />

mais de l’eau. Attention,<br />

pas n’importe laquelle puisque<br />

nous avons choisi l’eau de<br />

Châteldon, la Rolls des eaux<br />

gazeuses, dont ne sont commercialisées<br />

que trois millions<br />

de bouteilles par an (la production<br />

quotidienne d’une marque<br />

courante). « Les eaux de Châteldon<br />

guériront Votre Majesté<br />

quelquefois, la soulageront<br />

souvent et la consoleront toujours<br />

», annonçait à Louis XIV<br />

son médecin. Des bonbonnes<br />

étaient donc acheminées d’Auvergne<br />

jusqu’à Versailles. L’étiquette<br />

d’ailleurs s’en souvient<br />

puisqu’elle affiche le Roi Soleil.<br />

Voilà pour la légende, car les<br />

vertus curatives de l’eau de<br />

Châteldon n’auraient été découvertes<br />

qu’en 1770… Peu<br />

importe, puisqu’en 2012, la<br />

Châteldon est toujours très<br />

bonne. Avec ses bulles fines,<br />

elle est l’eau gazeuse <strong>qui</strong> séduira<br />

même les inconditionnels de<br />

l’eau plate. Faites le test. \C.A.\<br />

Prix : 3 €. Chez Nicolas,<br />

Monoprix...<br />

© Chateldon<br />

ouverture<br />

Le Recantou :<br />

épicerie associative<br />

Inaugurée début décembre, l’épicerie associative Le Recantou<br />

propose en vente directe des produits locaux de qualité (fruits,<br />

légumes, viandes, fromages, laitages…) fournis par des agriculteurs<br />

et des exploitants engagés dans cette démarche coopérative.<br />

Par ailleurs, le lieu dispose d’un espace librairie et organise<br />

des débats. Produire local, penser global… \C.A.\<br />

Le Recantou, 42 rue des 7 Troubadours, Toulouse.<br />

Banc d’essai<br />

Le radis noir<br />

Après les agapes festives, voici venu le temps du profil bas et des<br />

bonnes résolutions. Oubliés foie gras, chapons, huîtres et autres<br />

gourmandises, un peu d’ascèse ne pourra pas faire de mal. Depuis<br />

longtemps, un ami, pourtant porté sur les plaisirs de la table et de<br />

la Dive, nous vantait les mérites du radis noir, qu’il consomme, une<br />

fois l’an, sous forme d’ampoules, pendant trois semaines afin de<br />

remettre son foie d’aplomb. Pourquoi pas ? Pour mettre toutes<br />

les chances de notre côté, c’est donc vers un radis noir certifié<br />

bio de l’enseigne Boutique Nature que notre choix s’est orienté.<br />

Traditionnellement reconnu pour ses bienfaits sur la digestion et le<br />

bien-être hépatique, il se présente ici dans une boîte de vingt ampoules<br />

phyto-concentrées. Les plantes sont ainsi soumises à une<br />

double macération dans l’eau et dans l’alcool, procédé permettant<br />

d’extraire la quasi-totalité des substances actives, contrairement à<br />

une simple macération dans l’eau. Qu’on se rassure sur la valeur<br />

alcoolique d’une ampoule, elle est nulle, l’acool s’étant séparé en<br />

fin de production. L’ampoule de 10 ml de radis noir, é<strong>qui</strong>valent à<br />

2500 mg de plante sèche, est à prendre une fois par jour diluée<br />

dans un verre d’eau : le matin à jeun ou une demi-heure avant<br />

un repas. Évidemment, pour maximiser les effets de la cure, il est<br />

conseillé de ne pas boire d’alcool et de manger sainement pendant<br />

le traitement… Alors, c’est comment ? Il faut admettre qu’on sent<br />

bien, en buvant la décoction, que l’on agit pour une œuvre… Sans<br />

être foncièrement répugnant, le goût de carton et de bois mort<br />

ne tend pas à l’épanouissement des papilles. Encore une fois, ce<br />

n’est pas le but. Allez, un effort… \C.A.\<br />

Prix : 10 € la boîte de vingt ampoules.<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 21<br />

© Philippe Samson


Tables & compToirs<br />

au coin du feu<br />

#2<br />

42 rue Pharaon<br />

M° Carmes<br />

05 61 52 37 13<br />

22 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Pour contrarier les frimas et réchauffer<br />

l’ambiance, <strong>Spirit</strong> conseille la ripaille devant les<br />

flammes. Quatre bons plans resto-cheminée.<br />

Par Christian authier - Photos Matthieu Borrego<br />

7 rue des Paradoux<br />

M° Es<strong>qui</strong>rol<br />

05 61 25 53 54<br />

Comme le nom l’indique, il ne s’agit pas vraiment d’un restaurant pour les appétits<br />

chichiteux. Tout ici est XXL : des charcuteries aux viandes grillées, sans que la<br />

générosité ne nuise à la qualité. Briques toulousaines, bois et cheminée rutilante<br />

plantent le décor. La cuisine du Sud-Ouest défile gaillardement, assise sur des produits<br />

régionaux <strong>qui</strong> ne trichent pas. Le terroir et la tradition se montrent sous leur<br />

meilleur visage, à l’image du cassoulet aux fèves (« le fevoulet »). Garder une place<br />

pour les desserts, point d’orgue d’une soirée gourmande. C’est d’ailleurs ouvert<br />

uniquement le soir. À midi, il faudrait être effectivement un ogre pour affronter cette<br />

exubérance gastronomique.<br />

La Braisiére<br />

Si La Braisière a fait peau neuve voici<br />

quelques mois, elle n’a évidemment pas<br />

sacrifié son âtre, <strong>qui</strong> a forgé la renommée<br />

de l’endroit. Bien sûr, co<strong>qui</strong>llages et huîtres<br />

s’affichent, mais ce sont les viandes grillées<br />

au feu de bois (côtes de bœuf, rognons de<br />

veau, magrets entiers, brochettes…) que<br />

les amateurs aiment à retrouver dans une<br />

ambiance rétro-moderne. On ressort de là<br />

les joues rosies et la faim apaisée. À noter<br />

que cette vénérable institution est ouverte<br />

tous les jours.<br />

#3<br />

11 rue des Tourneurs<br />

M° Es<strong>qui</strong>rol<br />

05 61 25 76 97<br />

La Cendrèe<br />

Un cadre très chevaleresque (une ancienne<br />

demeure de Capitoul) et une somptueuse<br />

cheminée du XV e siècle font du restaurant de<br />

la rue des Tourneurs (côté Es<strong>qui</strong>rol) un lieu à<br />

part. La cheminée ne fait pas que de la figuration<br />

car les viandes sont invitées à faire un<br />

tour au feu de bois. La carte nous plonge en<br />

plein cœur du Sud-Ouest. Au programme :<br />

souris d’agneau braisée ou côte de bœuf…<br />

Compter entre 45 et 50 e, menus à 23 et à<br />

30 e, formules du midi à 12 e.<br />

#1<br />

#4<br />

6 rue de l’Étoile<br />

M° François-Verdier<br />

05 61 63 13 43<br />

Le Point d’Ogre<br />

Le Bistrot<br />

de l’Étoile<br />

Entre la place Dupuy et le boulevard Carnot,<br />

ce Bistrot décoré de vieilles plaques<br />

publicitaires avance une carte aguicheuse,<br />

à la fois traditionnelle (salade de cabécou<br />

au miel, souris d’agneau confite à la crème<br />

d’ail…) et décalée (pain perdu de cœur<br />

de canard aux pommes, Saint-Jacques<br />

aux endives caramélisées à l’orange). On<br />

n’oublie pas la cheminée et la cuisson au<br />

feu de bois <strong>qui</strong> contribuent à l’harmonie de<br />

l’ensemble. Formule du midi de 10 à 14 e,<br />

le soir de 22,50 à 27 e.


Cercles et poussoir<br />

Kit macarons<br />

48 empreintes<br />

Moule en fonte<br />

anti adhérent<br />

NORDICWARE<br />

Colorants Alimentaires<br />

LES ARTISTES<br />

MAISON HABIAGUE<br />

44, rue Alsace Lorraine 31 000 TOULOUSE<br />

Tél. 05 61 21 56 61 Fax : 05 61 21 11 77<br />

Du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 19h<br />

Le samedi de 10h à 19h<br />

www.habiague.com<br />

44 rue Alsace Lorraine 31 000 TOULOUSE Tél. 05 61 21 56 61 Fax : 05 61 21 11 77<br />

Du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 19h. Le samedi de 10h à 19h<br />

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Siphon chaud<br />

et froid MASTRAD<br />

Robot MAGIMIX<br />

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Le Cuisine Système<br />

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vous aidera à réaliser<br />

à la perfection toutes<br />

vos préparations pour<br />

les grandes tables<br />

jusqu’à 8 personnes<br />

<strong>Spirit</strong> # 39 / 1


en ville<br />

Saint-Sernin dans sa bulle<br />

Au centre la basilique, imposante, intimidante presque. Le repère. Autour, un drôle de vide,<br />

mélange de permanence et d’agitation lycéenne. Sur les traces de lieux chargés d’histoires,<br />

et sur la voie de jolies perles bien embusquées, <strong>Spirit</strong> a fait le tour du propriétaire.<br />

Textes hadrien Gonzales, Christian authier - Photos Matthieu Borrego, Stréphanie Pichon - Illustrations Julie Leblanc<br />

24 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Tout un poème<br />

Paris a son Olympia, Toulouse sa Cave Poésie. Sur un air de plaisanterie,<br />

1 le fondateur René Gouzenne avait osé la comparaison il y a quelques<br />

années. Il n’avait pas tout à fait tort. Cette voûte en brique, <strong>qui</strong> fleure<br />

bon l’humidité, en a vu défiler des stars. Le guitariste Bernardo Sandoval (<strong>qui</strong><br />

sera de passage en mai), la chanteuse Juliette, la comédienne Marina Foïs et<br />

l’humoriste Vincent Roca y ont fait leurs premiers pas. Sans parler de Clémentine<br />

Célarié : une inconditionnelle. On s’y sent bien, et les artistes s’attardent toujours<br />

après le spectacle. Un credo : défendre de belles écritures, quelles que soient<br />

les formes artistiques. Et ça lui réussit. Ses deux salles accueillent 16 000 spectateurs<br />

chaque année. Les mardis, place aux « 40 Rugissants », soit autant de<br />

personnalités du monde culturel toulousain venant lire en voisin un auteur cher.<br />

À venir, Correspondances de Gaston Gallimard (le 10.01), ou Contes de la folie<br />

ordinaire de Charles Bukowski (le 17.01).<br />

La Cave Poésie, 71 rue du Taur, 05 61 23 62 00, www.cave-poesie.com<br />

Halte aux blockbusters<br />

2<br />

« Notre vocation n’est pas de passer de la soupe. Nous ne sommes pas<br />

un supermarché à blockbusters. » Ça a le mérite d’être clair. Pour Buny<br />

Gallorini, la directrice, l’ABC sera d’art et d’essai ou il ne sera pas. « C’est<br />

un lieu pionnier, il porte une tradition. » Il sera é<strong>qui</strong>pé numérique au cours du premier<br />

semestre 2012… mais surtout, ne parlez pas de 3D ! Dans les années 50 déjà,<br />

alors que la culture « art et essai » n’en était qu’à ses balbutiements, le Ciné-Club<br />

louait cette salle pour y projeter des films. Tout ce que le 7 e art français compte<br />

de grands noms est passé par ici. « À part Truffaut et Godard ». Les rencontres<br />

artiste-public se poursuivent encore au moins deux fois par mois. Depuis la rénovation<br />

achevée en 2009, l’espace d’exposition temporaire, en haut des escaliers<br />

derrière la caisse, se prête à merveille aux discussions entre cinéphiles. Prochain<br />

grand rendez-vous : Kino Polska avec entre autres Tu ne tueras point de Kieslowski,<br />

Les Innocents Charmeurs de Wajda et Le Locataire de Polanski.<br />

aBC, 13 rue Saint-Bernard, 05 61 21 20 46, www.abc-toulouse.fr<br />

mon caf’<br />

3<br />

Depuis la terrasse, l’abside romane de la<br />

basilique ressemble à un pâté de sable<br />

parfaitement réussi. Le Café St-Sernin<br />

est une institution pour des générations de mauvais<br />

élèves <strong>qui</strong> viennent ici passer le temps en<br />

séchant les cours. Les plus sérieux s’installent<br />

dans l’arrière-salle, seuls, pour réviser un devoir<br />

de maths, ou en groupe pour préparer un exposé.<br />

Daniel et sa bande squattent les banquettes<br />

depuis les années fac. Ils n’en ont pas bougé<br />

depuis 1978 ! « Il y avait un petit côté intellectuel,<br />

avec ses soirées d’animation littéraire et<br />

philosophique. » Le lieu fut engagé aussi : pendant<br />

la guerre, le café était une des bases de la<br />

Résistance, un repaire pour les pilotes anglais<br />

en transit vers l’Espagne. Aujourd’hui c’est Jean<br />

Daurau-Bedin, le patron (également propriétaire<br />

du Van Gogh, place St-Georges, et patron du<br />

Mon Caf’ avant sa fermeture place du Capitole),<br />

<strong>qui</strong> compte bien raviver la tradition en programmant<br />

des rendez-vous littéraires.<br />

Café St-Sernin, 2 rue Saint-Bernard,<br />

05 61 21 22 27


Bouillon de culture<br />

4<br />

De l’extérieur, c’est une bâtisse grande et calme, un hôtel<br />

particulier du XIX e siècle. À l’intérieur, en revanche, c’est l’effervescence<br />

culturelle. Entre ateliers multimédia, cours d’art<br />

plastique, de musique ou de danse, le Centre culturel Bellegarde<br />

s’agite à tous les étages. Les badauds traînent au rez-de-chaussée,<br />

dans de beaux salons aux cimaises bleues <strong>qui</strong> servent d’espace<br />

d’exposition - en ce moment c’est Lionel Loetscher. Le lieu chargé<br />

d’histoire se visite aussi, prochain rendez-vous le 7 janvier.<br />

Centre culturel Bellegarde, 17 rue Bellegarde, entrée libre,<br />

05 62 27 44 88, www.centrebellegarde.toulouse.fr<br />

des cookies,<br />

et de l’amour autour<br />

5<br />

7<br />

1<br />

Question partage des tâches, Anne et François-Xavier sont<br />

un couple exemplaire. La première tient la caisse et le coin<br />

sandwichs pendant que le second est tout à ses fourneaux.<br />

Leur boulangerie est la seule du quartier à fabriquer ses propres<br />

produits. C’est une affaire <strong>qui</strong> roule, une jolie love story, entre l’artisan<br />

et son ancienne cliente, passée il y a six ans de l’autre côté<br />

du comptoir. Leur créneau, le cookie : 250 petits gâteaux ronds<br />

(attention, c’est très sucré) sont vendus chaque jour aux habitants<br />

du quartier, tous devenus accros ! « Je suis Breton : la biscuiterie,<br />

c’est notre domaine de prédilection », affirme le patron. Pour les<br />

deux tourtereaux, le repos aussi, c’est sacré : la boutique ferme<br />

tous les week-ends, pendant les vacances de Noël, et six semaines<br />

pendant l’été. Vous êtes prévenus.<br />

Boulangerie aFX, 64, rue du Taur, 05 61 21 31 72<br />

5<br />

8<br />

6<br />

3<br />

2<br />

Parole<br />

de chineur<br />

6<br />

4<br />

Il y a quelques années, les puces du<br />

samedi s’étalaient jusque dans la rue<br />

du Taur. Il suffisait de disposer quelques<br />

objets sur une couverture pour participer à cet<br />

ancêtre du Boncoin. Désormais, seuls les brocanteurs<br />

sont autorisés à cameloter leurs anti<strong>qui</strong>tés.<br />

Petit mobilier, jouets anciens, vêtements<br />

d’occasion croisent le fer avec de vieilles bicyclettes<br />

retapées ou d’anciens appareils photos<br />

argentiques. Les jours de chance, on trouve<br />

même quelques perles : des sièges de cinéma,<br />

des livres rares, de la vaisselle en porcelaine<br />

presque pas ébréchée. Trouver son bonheur<br />

se résume à trois mots : se baisser, chiner et<br />

négocier. Bien plus popu que les broc’ des allées<br />

Jules-Guesde, ces puces-là ressemblent à<br />

leurs sœurs bruxelloises. En fin de marché, on<br />

file siroter un café dans ce petit coin de paradis<br />

qu’est la buvette du musée Saint-Raymond et<br />

déballer ses trouvailles.<br />

Tous les samedis jusqu’à 13h, place St-Sernin<br />

Vous avez dit<br />

bistronomie ?<br />

7<br />

Depuis septembre, Aziz Mokhtari et<br />

Vincent Tenes ont ouvert Les P’tits<br />

Fayots, resto de poche (une vingtaine<br />

de couverts) au cadre à la fois épuré et chaleureux,<br />

où l’on peut voir Aziz concocter sa « cuisine<br />

bistronomique ». Les plats alternent audace<br />

et tradition - Saint-Jacques caramélisées à la<br />

tatin d’échalotes, veau confit et pi<strong>qui</strong>llos au chou<br />

braisé, rumsteak Rossini et gratin de pommes<br />

de terres, filet de maigre avec croûte d’herbe,<br />

légumes poêlés sauce aigre-douce - avec une<br />

belle agilité, tandis que parfois la simplicité vise<br />

en plein centre : brandade de morue à l’huile<br />

d’olive (extra !). Ouvert midi et soir, du mardi au<br />

samedi, le resto propose des formules déjeuner<br />

(14 et 19 e) d’un remarquable rapport qualité /<br />

prix. Très bonne sélection de vins.<br />

Les P’tits Fayots, 8 rue de l’Es<strong>qui</strong>le,<br />

05 61 23 20 71<br />

Sixtine sur Garonne<br />

8<br />

On la surnomme « la chapelle Sixtine », à<br />

cause des riches peintures <strong>qui</strong> recouvrent<br />

ses murs et ses voûtes en lambris. C’est<br />

un ancien couvent des Carmélites érigé rue du<br />

Périgord aux XVII e et XVIII e siècles. Un ensemble<br />

de huit tableaux, signés du grand peintre toulousain<br />

Jean-Baptiste Despax, accrochés dans<br />

la nef, retrace d’ailleurs l’histoire des deux fondateurs<br />

de l’ordre du Carmel, Elie et Elisée. Le<br />

lieu accueille parfois des concerts (l’acoustique<br />

y est remarquable) et des manifestations artistiques,<br />

comme le Printemps de Septembre.<br />

Chapelle des Carmélites, ouverte tous<br />

les jours, entrée libre, 1 rue du Périgord<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 25


SHOPPING<br />

26 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Stylisme Virginie De Vinster<br />

Photos Polo Garat


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• Chaise et coussin chez Greloo Concept, 43 rue Pharaon • Veste et pantalon en Gore tex®, masque et gants, Oakley, doudoune femme et boots Nike, bonnet Landing,<br />

casque Giro, snowboard Signal fait main en Californie, fixations Flux : le tout vendu chez Hurley, 2 rue du Fourbastard • Appareil photo Nikon 1<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 27


SHOPPING<br />

28 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

• Chaise Raviolo chez Design Follies, 21 rue Croix-Baragnon • Et pour toi c’est quoi l’art ?, édité par l’association Entrez sans Frapper, www.entrezsansfrapper.net<br />

• Sac, écharpe, casque audio chez Oklahoma, 4 rue des Puits-Clos • Tenue de ski, masque, casque et chaussures de ski chez Salomon, 68 rue de la pomme


• Tenue Burton et gants chez Carhartt, 56 rue des tourneurs • Chapka chez Sun Bell Store, 17 rue Cujas • Chaussures de montagne Sorel et raquettes chez Patagonia,<br />

2 rue du Coq-d’Inde • Fauteuil, plaids et noisettes chez ID and CO, 4 place Saint-Étienne • Bâton de randonnée, bûche, allumettes et Tabéret chez Design Pyrénées<br />

• Manteau de fourrure et legging Mini Rodini • Luge et skis vintage, coussin crochet Nilla, le tout chez Les Affreux Jojo’s, 5 rue Saint-Ursule • Bottes fourrées enfant<br />

chez Petipa, 5 rue du Fourbastard<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 29


© natura<br />

SpécIAl MOntAgnE<br />

30 / <strong>Spirit</strong> # 46


4 <strong>péchés</strong> <strong>givrés</strong><br />

aventure / volupté / luxe / famille<br />

Dossier réalisé par Léa Daniel, Stéphanie Pichon & Mathilde Raviart<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 31


spécial montagne<br />

aventure<br />

Télex<br />

// Font-Romeu se met à l’heure<br />

du DC Live Snow park,<br />

comme Saint-Lary.<br />

Puce embarquée<br />

sur le casque et caméra<br />

le long de la piste,<br />

la vidéo se regarde<br />

le soir sur internet.<br />

// Une voile, des skis,<br />

la pente : le speedriding.<br />

À tester à Peyragudes<br />

05 61 79 29 23<br />

ou Saint-Lary<br />

05 62 40 09 97<br />

// Le 11.02 c’est le slalom<br />

géant, le 12.02 le slalom tout<br />

court. L’Andorre accueille<br />

pour la première fois<br />

de son histoire deux épreuves<br />

phares de la Coupe du<br />

monde de ski alpin féminin.<br />

32 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Exit les sentiers balisés, adieu les pistes damées. Si on la prend du bon côté,<br />

la montagne devient un terrain de jeu à faire frissonner... de plaisir.<br />

Balade du bout du monde<br />

dans les Encantats<br />

Il porte bien son nom ce massif-là : les Encantats, parc national espagnol « enchanteur<br />

». Peut-être encore un peu plus l’hiver, lorsqu’on l’explore enneigé, vide<br />

(ou presque) de randonneurs, pur. Versant sud ou versant nord, Jean Duvocelle,<br />

dit Jeannot, les connait comme sa poche depuis le temps qu’il y accompagne les<br />

touristes, été comme hiver, avec son association Natura. Son excursion de 6 jours<br />

et 5 nuits promet des journées silencieuses et magiques sur tapis blanc, des nuits<br />

conviviales dans le confort rustique des refuges. Peu importe que l’on ait déjà pratiqué<br />

la raquette, pourvu qu’on ait un minimum de condition physique. C’est qu’il faut<br />

s’avaler les 5h30 de marche quotidienne, passer des cols à plus de 2 500 m (l’Ellui,<br />

les Carboneres), s’enfoncer dans la poudreuse, dévaler les pentes aussi raides que<br />

vierges. Mais l’effort valait le coup devant les lacs magnifiques du parcours (Maurici,<br />

Estany Long), les vues majestueuses sur l’Aneto, les vols de gypaètes très haut dans<br />

le ciel bleu, les refuges douillets. Le soir, on se réchauffe à coup de rouge catalan, de<br />

soupe à l’ail et de vin chaud, avant de s’écrouler, ronflant, dans les lits du dortoir. La<br />

montagne avec un grand M, loin de tout, que l’on <strong>qui</strong>ttera par une dernière descente<br />

sur le tracé du GR11. Étape tapas obligatoire en val d’Aran avant de retrouver la<br />

civilisation. Elle semblait pourtant si loin…<br />

Un départ par semaine du 5.02 au 15.02, 6 jours et 5 nuits, groupes de 5 à 12.<br />

604 e par personne. Portage réduit (affaires personnelles). 05.62.97.99.65.<br />

www.e-natura.com<br />

Briser la glace<br />

Cure<br />

de poudreuse<br />

Marre de descendre des pistes encombrées<br />

des zig-zag des skieurs ? Envie de dévaler enfin<br />

l’autre flan de la montagne ? Avide de sensations<br />

fortes ? C’est le moment de filer au domaine de<br />

Bernazaou à Luz-Ardiden. Des guides expérimentés<br />

de l’ESF y proposent une balade horspiste<br />

sur une neige vierge et fraîche, en ski ou en<br />

snow. Départ en bas des pistes pour atteindre,<br />

en télécabine, le plus haut point de la station à<br />

2 500 mètres d’altitude. Ensuite, c’est parti pour<br />

3 heures et près de 1 250 mètres de dénivelé à<br />

dévaler entre amis, à quatre ou dix, maximum.<br />

Descente vertigineuse garantie au cours d’une<br />

matinée loin des traces de dameuse. Nul besoin<br />

d’être un champion de la glisse, mais un bon<br />

niveau de ski est tout de même re<strong>qui</strong>s pour pouvoir<br />

suivre et profiter des somptueux paysages.<br />

Les 11.01, 8.02 et 8.03, 50 e/pers, location<br />

du matériel Arva compris, ESF 05 62 92 86 99<br />

Se rêver en plongeur sous glace façon Jean-Marc Barr des Pyrénées... Dans le lac de la Laquette, à<br />

Piau-Engaly, une combinaison, une bouteille et c’est le rêve Grand Bleu <strong>qui</strong> se réalise. Non, il ne fait<br />

pas froid dans une eau à 3°C, il suffit de se couvrir comme un bibendum. Un cordon de sécurité vous<br />

relie en permanence à un moniteur de l’é<strong>qui</strong>pe de Piô Plongée, pour une plongée sans décompression,<br />

sans palier de sécurité, à 5 mètres maximum de profondeur. Dessous la luminosité est extrême,<br />

les truites vous suivent, les bulles glissent sous la glace. Manquent seulement les yeux amoureux de<br />

Rosanna Arquette.<br />

Ouvert jusqu’au 25.03. Baptèmes de plongée, 75 e. 06 59 66 58 19 ou 06 47 00 65 27<br />

www.plongee-sous-glace.fr<br />

© Natura<br />

© Jacques Sierpinski


Télex<br />

Pour gravir la montagne du côté doux de la pente, il suffit de se plonger dans<br />

les eaux des bains d’altitude ou goûter à la bonne chère... et ça on sait faire !<br />

Tous en cabane !<br />

Le berger n’est pas là, profitons-en pour squatter sa cabane estivale. Un vrai refuge<br />

pastoral construit en rondins et matériaux naturels. L’atteindre, c’est déjà s’évader.<br />

Une heure de rando en raquettes depuis le Chioula, accompagnés par un guide,<br />

sac et affaires sur le dos. Quelque part entre la famille Ingalls et Davy Crockett, on<br />

expérimente les grands espaces et la vie au rythme de la nature, pour un week-end<br />

ou 5 jours. Le chalet à 1 600 m d’altitude se chauffe au bois et au poêle. Les soirs<br />

de tempête, l’électricité peut manquer. Mais n’est-ce pas le charme de la cabane ?<br />

Celui du strict minimum, où une bonne soupe et un jeu de cartes suffisent…<br />

Jusqu’à 6 personnes, séjours du dimanche au vendredi, ou le week-end.<br />

Pyrénées Rando Nature, 05 61 64 05 61, www.pyrenees-rando-nature.fr<br />

À toute vapeur<br />

Les saveurs<br />

d’Etchemaïté<br />

Imaginez une auberge familiale, dans une vallée<br />

montagnarde, <strong>qui</strong> vous accueillerait avec générosité<br />

autour d’une cheminée. Etchemaïté s’est<br />

intallé à Larrau (64) depuis trois générations, et<br />

sa réputation court de part et d’autre des Pyrénées.<br />

Autrefois la carte se composait d’omelettes<br />

simples et de soupes généreuses. Aujourd’hui la<br />

cuisine montagnarde a pris de subtiles saveurs.<br />

On ne se contente pas de servir le bon produit<br />

local (et il n’en manque pas : fromage de brebis,<br />

agneau de montagne, ventrèche), on vous le<br />

transforme avec brio. En témoigne l’inoubliable<br />

spécialité maison, une poêlée de ris d’agneau<br />

aux cèpes, salade de choux caramélisés aux lardons,<br />

ou le médaillon de cochon de lait grillé au<br />

jus épicé et sa galette de maïs. Aux frontières du<br />

Pays basque, les mariages terre mer abondent :<br />

les calamars font risette à la ventrèche, et l’anguille<br />

se poêle avec les lardons. Interdiction de<br />

faire l’impasse sur les douceurs, ce n’est pas<br />

tous les jours qu’on peut s’offrir des crèmes brûlées<br />

(au lait de brebis) et des profiteroles de cet<br />

acabit-là. Comme on ne vous assassine pas au<br />

moment de la douloureuse, on poursuit le voyage<br />

avec une petite eau de vie du pays. À la vôtre !<br />

hôtel restaurant Etchemäité, 64 560 Larrau,<br />

05 59 28 61 45, menus 18-24 e,<br />

www.hotel-etchemaite.com<br />

Bordes<br />

Séverine ©<br />

// L’éco-gîte Solayan<br />

On pourrait littéralement s’étendre sur les bancs de pierre <strong>qui</strong> nous plongent avec<br />

délice dans les eaux chaudes des bains romains. On aurait envie de s’attarder sur le<br />

à Aspet invente l’hibernation bois sec et chaud d’un des deux saunas en verre, avec vue sur les Pyrénées. Mais<br />

écolo dans sa belle demeure l’expérience la plus saisissante de Balnéa se déguste à l’extérieur, en immersion<br />

aux matériaux naturels, avec totale dans les bains japonais. On commence par un couloir d’eau. Il fait chaud :<br />

un spa chauffé aux panneaux 33°C. On marche à son allure sur un parterre de galets, frôlant des jets <strong>qui</strong> massent<br />

solaires.<br />

doucement les jambes. Et après ? Il suffit de suivre le parcours balisé <strong>qui</strong> chemine<br />

entre trois bassins. Le premier s’agite de remous. On s’y installe pour profiter<br />

// Bain de soleil<br />

du mouvement : le souffle est long et les yeux rivés sur la montagne alentour. On<br />

sur chaises longues.<br />

s’avance doucement vers le second bain à 37°C. Seule la tête sort de l’eau dans<br />

La nouvelle terrasse<br />

cette ambiance vaporeuse. Vient enfin le troisième et dernier bassin. 40°C ! La cha-<br />

solarium du bar<br />

leur est à son comble, la magie opère. Le corps s’échappe et l’esprit s’envole. Et<br />

d’Aulian, à Luz Ardiden, toujours, la nature autour de nous. Bien sûr, il faudra réussir à sortir de ces eaux<br />

nous invite à déchausser. bleues turquoise et revenir à l’intérieur. On se réconfortera vite dans l’une des multiples<br />

propositions de ce complexe élégant : douche au seau, bulle de baignade<br />

// Arrêt obligé<br />

sonore, massages... Ici pas de spa au rabais. En se promenant dans les couloirs, le<br />

à la plus réputée des salles moindre détail est soigné. Pour compléter le tableau, le restaurant panoramique sert<br />

hors-sac sur le plateau une cuisine entièrement préparée au wok, diététique et vitaminée. À la sortie, le lac<br />

de Bigorre, aux Angles. de Loudenvielle est parfait pour une petite randonnée de deux heures. Revigorant !<br />

Ici la braise n’attend<br />

que la tranche de filet Balnéa, entre 9 et 17 e (pass famille 44 e), serviette fournie, 3 e pour les enfants<br />

pour des grillades<br />

de moins de 3 ans (serviette, couche et brassard compris), 65 510 Loudenvielle,<br />

à point. 05 62 49 19 19, www.balnea.fr<br />

© S.A.E.M.G.E.T.L / Balnéa<br />

Volupté<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 33


spécial montagne<br />

Luxe<br />

Télex<br />

// Le Pic du midi<br />

ouvre désormais<br />

toute la saison,<br />

sans interruption, jour et nuit.<br />

Alors on se laisse tenter<br />

par une nuit au sommet<br />

dans les chambres<br />

de l’Observatoire<br />

www.picdumidi.com<br />

// Skions classe<br />

avec le matériel<br />

de chez Boheme,<br />

des skis et snow<br />

en beau bois vernis<br />

faits à la main<br />

www.boheme.fr<br />

// Ne pas se contenter<br />

de roboratif et filer<br />

à la table du Viscos,<br />

à Saint-Savin.<br />

Le terroir de Bigorre<br />

y est exploré avec<br />

finesse et inventivité<br />

05 62 97 02 28<br />

34 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Se plonger dans un jacuzzi, s’affaler sur un lit king size ou survoler les cîmes<br />

enneigées à bord d’un hélico... et si le luxe n’était plus bling-bling ?<br />

une folie en hélico<br />

Qui n’a jamais rêvé, coincé sur un téléski par moins 10°C, pris dans une queue<br />

au télésiège, de voler jusqu’en haut de la piste ? Ah, passer plus de temps à<br />

descendre qu’à attendre… Un fantasme. Et l’héliski fut. Le luxe suprême, un<br />

hélico à soi pour dévaler des pentes intactes, des kilomètres de poudreuse,<br />

seul, face à la montagne. L’activité a beau être interdite en France depuis 1985<br />

par la loi Montagne (interdiction d’héliporter pour des loisirs), les prestataires la<br />

contournent allègrement en allant « héliskier » sur les versants étrangers, l’Espagne<br />

en l’occurrence dans les Pyrénées. La société Héliski a sa base à Vielha<br />

en val d’Aran, à deux pas de Baqueira. Son terrain de jeu ? 400 km 2 entre 1500<br />

et 3 000 m d’altitude avec le pic Besiberri comme repère, une cinquantaine de<br />

« runs » (comprenez pistes de ski non balisées), pour des descentes entre 500<br />

et 1 200 m de dénivelé. Évidemment, le must, c’est se payer ça entre amis, sans<br />

intrus. En partant à la demi-journée, vous aurez le temps de deux à trois descentes,<br />

mais les forfaits « privilège » peuvent se prolonger à la semaine pour les<br />

très fortunés. Car oui, l’héliski est une pratique <strong>qui</strong> se monnaye cher, très cher.<br />

Pour le forfait « découverte » sur une demi-journée, il vous en coûtera 290 e<br />

par personne, faut-il encore que vous soyez nombreux. Imaginez le prix pour<br />

la semaine entière. Finalement, le télésiège, ça ne serait pas moins bruyant ?<br />

héliport de Vielha, Betren (Val d’Aran), 06 8170 70 68,<br />

www.pyrenees-heliski.com<br />

Spa, my name is spa<br />

Ambiance « 007 » dans les tunnels souterrains du luxueux complexe hôtelier<br />

situé à Soldeu, en Andorre. Ils relient discrètement les trois Sport Hotels<br />

à un spa <strong>qui</strong> a le don de battre tous les records : 1 850 m d’altitude, 5 000<br />

m 2 entièrement dédiés aux joies de l’eau cristalline. Les jacuzzis extérieurs<br />

sont conçus pour bouillir de plaisir devant les cimes enneigées de la<br />

chaîne des Pyrénées. Les piscines sont taillées sur mesure pour détendre<br />

des muscles sollicités par une journée passée sur une motoneige. Quant<br />

au hammam, il saura remettre sur pied les skieurs <strong>qui</strong> auront tout donné<br />

sur les pentes de l’immense Grandvalira. Attention, ce spa est un paradis<br />

sur 5 étages où le luxe n’est pas seulement décoratif. Aux commandes<br />

des soins et des massages, on retrouve des professionnels habiles et des<br />

produits généreux. Un vrai repaire de gentlemen !<br />

Sport Wellness Mountain & Spa, Crta General S/N, Soldeu (Andorre),<br />

+376 870510, www.sportwellness.ad/fr<br />

© H. Thivierge<br />

aux premières<br />

lodges<br />

D’abord il y a l’espace, un luxe rare pour des vacances<br />

au ski. 300 m 2 , même à douze, ça vous laisse<br />

des recoins d’intimité. Dans ce Lodge des Sens,<br />

dans le village de Bolquère à quelques minutes de<br />

Font-Romeu Pyrénées 2 000, tout est à l’avenant.<br />

Les lits sont king size, les canapés en cuir, la cheminée<br />

géante, la vue panoramique sur la montagne.<br />

Un sauna privé et un spa extérieur, six télévisions<br />

(était-ce bien nécessaire ?), cinq salles de bain, un<br />

billard et un juke box vous font comprendre qu’ici,<br />

la prestation est haut de gamme. Une déco rustique<br />

mais pas trop, où bois et pierre, se marient, complète<br />

la carte confort de ce chalet d’exception.<br />

Chalet 12 personnes,<br />

2 000/2 500 € le week-end, 3 000/ 6 000 € la semaine,<br />

Lodge des Sens, Les Fermes de Bolquère,<br />

rue de sonnailles, 66 210 Bolquère, 04 68 04 09 69,<br />

www.lodge-des-sens.com.<br />

© Lodge des Sens


spécial montagne<br />

famille<br />

Télex<br />

// Il faut bien une journée,<br />

et encore intense,<br />

pour faire le tour des activités<br />

de Naturlandia, l’Eco-park<br />

d’Andorre. Toboggan,<br />

ski de fond, motoneiges<br />

et chiens de traineaux.<br />

www.naturlandia.ad<br />

// Le mardi soir<br />

à Peyragudes,<br />

on se retrouve au bas<br />

des pistes pour voir<br />

comment se fabrique<br />

le gâteau à la broche,<br />

et déguster à l’œil.<br />

// Mijanes se lance<br />

cette saison dans<br />

le snake glisse ou comment<br />

dévaler 500 m de piste<br />

de luge avec virages<br />

en tir groupé.<br />

www.donezan.com<br />

36 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

La neige en famille peut vite se transformer en un véritable parcours du<br />

combattant. Pour que tout le monde en profite, même les plus grands, il existe<br />

les adresses <strong>qui</strong> rendent la neige encore plus moelleuse.<br />

Beille, l’hiver en pente douce<br />

À une heure et demie de route de Toulouse, le plateau de Beille joue les territoires du<br />

bout du monde, au milieu des vallons et de la forêt. L’été, le GR10 traverse cet immense<br />

replat d’altitude (entre 1 700 m et 2 100 m) offrant aux mollets du randonneur<br />

un peu de repos. L’hiver, c’est le royaume des pistes de ski de fond, et des parcours<br />

en raquettes, profitant des pentes douces et des paysages sauvages. La station,<br />

<strong>qui</strong> a le mérite d’avoir préservé son environnement, a joué la carte de la détente<br />

en famille, sans stress, à prix tout doux. Pas d’hébergement sur le plateau mais un<br />

domaine de 70 km de pistes de ski de fond, des terrasses ensoleillées à vous donner<br />

des envies de sieste, et des zones ludiques pour que les enfants découvrent la<br />

neige. Cette année l’espace nordique à été entièrement revisité. Les pistes de luge<br />

font également peau neuve avec un tapis roulant et quatre nouveaux couloirs de<br />

descente. On vient aussi sur le plateau pour ses balades en chien de traîneau depuis<br />

la base d’aventure Angaka, <strong>qui</strong> foisonne d’idées : nuits en bivouac, construction<br />

d’Igloo, découverte de la faune hivernale, et, depuis cet hiver, une balade en traîneau<br />

mais à… cheval. Le week-end on arrivera à temps pour la « course pour rire » <strong>qui</strong> a<br />

lieu tous les samedis à 15h, un relais en ski de fond gratuit et ouvert à tous, <strong>qui</strong> se<br />

termine par un « Nordic Vin » ou un « Chocolat Show ». Torride.<br />

www.beille.fr, 05 34 09 35 35<br />

Sans faute de carre<br />

Le ski avec enfants, même tout petits, c’est possible ! À Gourette, au milieu des mélèzes<br />

sur le haut de la station, le Club Belambra Lou Sarri a tout prévu pour que les séjours<br />

des familles ne se transforment pas en marathon du baby-sitting. Le club enfants<br />

prend en charge les petits dès 3 mois au Club Poussins. Accueillis par des professionnels<br />

de la petite enfance, ils pourront jouer dans des salles de jeux, faire la sieste en<br />

salle de repos, et même rester manger le midi des repas é<strong>qui</strong>librés. Pour les ados, le<br />

programme sera aussi serré avec pièces de théâtre, séances ma<strong>qui</strong>llage et activités<br />

sportives… Pendant ce temps, les parents dévaleront sans remord les 30 km de piste,<br />

ou bulleront au sauna. Qui dit mieux ?<br />

Club Belambra Lou sarri, 627 € par adulte du 24/12 au 31/12 , 357 € par adulte<br />

du 07/01 au 14/01, www.belambra.fr,<br />

Traquer<br />

la petite bête<br />

Un bonnet à queue de castor, des chaussures<br />

bien chaudes, un blouson sans courant d’air,<br />

c’est parti pour traquer la bête sauvage et suivre<br />

les empreintes laissées dans la neige. Au Parc<br />

de vision du Val Louron, on joue un peu pour<br />

de faux aux trappeurs du grand nord, mais on<br />

y apprend pour de vrai les traces laissées par<br />

la faune de montagne. L’ancien « Aventure<br />

Park » dans la forêt du Lapadé devient cet hiver<br />

la « forêt aux traces ». C’est une empreinte de<br />

lapin ? Non d’ours, de marmotte ou peut-être de<br />

biche… Sur ce parcours enneigé, on se laisse<br />

tenter par plusieurs thématiques. L’option traces<br />

nous fait suivre les empreintes d’une quarantaine<br />

d’espèces pour arriver jusqu’à leur terrier,<br />

tanière, gîte ou couche et y découvrir leur milieu<br />

de vie sans se faire repérer par l’animal. Sur le<br />

sentier géologie, place à la reconnaissance des<br />

roches <strong>qui</strong> reconstituent tout le long du chemin,<br />

l’histoire de la chaîne des Pyrénées. Sur<br />

le sentier des essences forestières, il va falloir<br />

lever la tête pour apprendre le nom des arbres,<br />

savoir les reconnaître et repérer leur rôle dans<br />

la biodiversité. Après toutes ces découvertes, la<br />

forêt n’aura plus de secret pour eux. Ils pourront<br />

se réchauffer dans le chalet d’accueil, en<br />

découvrant la diversité de la faune, la flore et les<br />

minéraux de la région. Et pour ne pas repartir les<br />

mains vides, un atelier de moulage est proposé<br />

afin garder un petit souvenir de l’arbre du jour ou<br />

de la grosse bête traquée dans la neige. Grrrrr…<br />

4 € pour les enfants de 5 à 12 ans, 7 € pour<br />

les adultes, moulage 2 € l’empreinte au choix,<br />

www.val-louron-ski.com 05 62 99 95 35


38 / <strong>Spirit</strong> # 46


L’évier © Lionel Loetscher<br />

cahier culture<br />

ÉVÉnemenT (p.40)<br />

aRTS ViVanTS (p.42)<br />

CinÉma (p.44)<br />

eXPo (p.48)<br />

muSiQue (p.52)<br />

famiLLe (p.56)<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 39


ÉVÉNEMENT ARTS VIVANTS<br />

festival<br />

made in Taïwan, furieusement<br />

Made in Asia, cin<strong>qui</strong>ème. Cette nouvelle édition démarre par un choc frontal avec la jeune scène<br />

taïwanaise. Les clichés orientaux en prennent pour leur grade avec les créations musclées<br />

et frénétiques de troupes en prise avec leur temps. 100 % sans chichi. Par Stéphanie Pichon<br />

Cela fait bien longtemps que l’électronique et les textiles<br />

ne font plus la gloire de Taïwan, l’ancienne Formose.<br />

Aujourd’hui ce sont ses artistes <strong>qui</strong> s’exportent, et plutôt<br />

bien. Comme si l’Europe, friande de son cinéma<br />

depuis 30 ans, s’était désormais focalisée sur ses arts vivants.<br />

Danse, théâtre, performance, vidéo, tout explose dans une multiplicité<br />

de genres et de talents que les capitales européennes<br />

s’arrachent. Chaque année le Off d’Avignon offre un plateau<br />

taïwanais à la Condition des Soies, apportant une visibilité aux<br />

jeunes troupes ensuite programmées un peu partout en Europe.<br />

Made in Asia l’a compris, ouvrant son festival par une pièce au<br />

théâtre Garonne et poursuivant par quelques beaux morceaux de<br />

danse contemporaine.<br />

\ Trouble et exaltation \<br />

Dans le Monodrame de Hsu Yen du Shakespeare’s Wild Sisters<br />

Group, exit les clichés asiatiques. Point de délicatesse, de zen<br />

attitude, d’art martial ou de jolis imprimés. Comme pour mieux<br />

démontrer qu’aujourd’hui l’Asie s’est défaite de ses habits traditionnels,<br />

le metteur en scène Baboo et la grande actrice Hsu<br />

Yen-Ling, s’engouffrent - en chinois - dans le texte 41 de fièvre<br />

de la poétesse américaine Sylvia Plath. Que se passe-t-il dans la<br />

tête d’une femme la nuit avant son suicide ? Ambiances grises,<br />

40 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

paroles choc pour une performance pleine de trouble et d’exaltation,<br />

dans laquelle l’actrice n’hésite pas à baisser la garde,<br />

sur le fil du rasoir, pour jouer la folie. Qui a vanté le calme et la<br />

délicatesse des belles asiatiques ? Ici elles se déchaînent, peu<br />

importe l’hystérie, peu importe le tempo. On retrouve ce même<br />

don de soi, dans Loop me, solo pour la danseuse Su-Wen-Shi.<br />

La compagnie Yilab y recherche la confusion des genres avec<br />

la vidéo, pointe les ressorts et les limites d’un monde tout numérique.<br />

Dans un solo de chair et d’images, le corps de Su<br />

Wen Chi est le réceptacle de notre temps, pris de frénésie au<br />

rythme d’une musique obsédante. Retour au calme avec le beau<br />

Traverse du danseur et chorégraphe Shang Chi-Sun. Qu’on ne<br />

s’y trompe pas, là encore la proposition artistique se veut sans<br />

concession, mais on y redécouvre la lenteur et l’épure, la pureté<br />

d’une danse sans détour. Né à Taipei, le danseur est connu pour<br />

la vitesse de ses mouvements et sa merveilleuse fluidité, dans<br />

les pièces de Sasha Waltz notamment. Pétri de ces frottements<br />

entre Orient et Occident, il viendra partager son expérience lors<br />

d’une conférence dansée à l’université Paul-Sabatier. Profitonsen,<br />

parce que la scène taïwanaise lorgne désormais avant tout<br />

du côté du public chinois. Taïwan, ouverte depuis les années<br />

80 à la démocratie, représente une liberté de ton, une ouverture<br />

sur le monde, une avant-garde artistique dont les Chinois sont<br />

friands. Peut-être encore plus que les Européens…<br />

Monodrame de Hsu Yen,<br />

les 25 et 26.01, 20h30,<br />

théâtre Garonne, 11-22 e<br />

Loop me et Traverse<br />

le 27.01, 21h,<br />

Espace Bonnefoy, 3-8 e<br />

Conférence dansée<br />

de Shang Chi-Sun,<br />

26.01, salle CAP,<br />

université Paul-Sabatier,<br />

entrée libre<br />

www.festivalmadeinasia.com<br />

Traverse © Dr Achim Plum


encre<br />

sympathique<br />

\ littérature \<br />

Elle a reçu les plus prestigieux<br />

prix littéraires coréens. Et pour<br />

cause, en trempant sa plume<br />

dans l’encre du quotidien, Eun<br />

Hee-Kyung déploie une écriture<br />

réaliste et saisissante. Après<br />

Les boîtes de ma femme, son<br />

grand succès, elle revient sur le<br />

devant de la scène avec Cocktail<br />

Sugar et autres nouvelles de<br />

Corée (chez Zulma). Sa venue<br />

à Ombres Blanches pour Made<br />

in Asia apparaît donc comme<br />

une évidence, tant elle pose un<br />

regard juste sur ses contemporains,<br />

et livre une vision ultraféminine<br />

de la Corée du Sud.<br />

À cœur ouvert !<br />

> 2.02, à partir de 18h,<br />

Ombres Blanches, entrée libre<br />

Trek artistique en 5 étapes<br />

\ art contemporain \<br />

Le parcours d’art contemporain taïwanais pourrait commencer à<br />

l’espace Bonnefoy ou au Lieu Commun, par les œuvres au stylo<br />

bille de Tzeng Yong Ning. Porté sur le geste répétitif il nous livre<br />

des dessins colorés tirant vers le psychédélique. La balade se<br />

poursuit au Pavillon Blanc, où les vidéos de Yu Cheng-Ta nous<br />

renvoient avec humour aux fractures culturelles. Changement de<br />

direction artistique à Labège, cueillis par un beau « Ah », vidéo<br />

polyphonique empreinte de spiritualité de Tsai Char-Wei , et troublés<br />

par les photographies de Wu Shi-Tsung, <strong>qui</strong> n’aime rien tant<br />

que jouer les magiciens dans des tirages pas si éloignés de la<br />

peinture. Terminus à la médiathèque José-Cabanis, où l’on s’oublie<br />

dans les installations de Luo Jing-Zhong, avant un dernier<br />

regard au grand patchwork de peintures de Chuang Che-Wei.<br />

Le voyage fut intense. > Voir programme ci-contre.<br />

Quand la troisième génération déferle<br />

\ cinéma \<br />

En 1982, In Our Time signé par quatre jeunes réalisateurs (dont Edward Yang) marqua la naissance de la<br />

nouvelle vague du cinéma taïwanais, à laquelle prit part aussi Hou Hsiao-hsien. Depuis, il y a eu une 2 e<br />

vague, celle de Tsai Ming-liang et surtout d’Ang Lee (Tigre et dragon). Et voici donc la 3 e fournée, mise<br />

à l’honneur à la Cinémathèque. Jeunes cinéastes des années 2000, ils ont encore renouvelé l’héritage,<br />

et cheminé du côté de l’expérimentation. Singing Chen, révélée par le docu-fiction Je m’appelle A-min,<br />

en est l’une des figures. À Toulouse elle présentera son deuxième film Dog Man Dog, histoire philosophique<br />

de dieux, de chiens et d’êtres humains en déshérence. Dans une même veine désenchantée,<br />

Chang Tso Chi, trimbale dans Butterfly un ancien gangster dans les méandres d’un passé pesant. Au<br />

rayon expérimentation, on retiendra Beautiful Crazy, de Lee Chiu-Yuan, une œuvre poétique totalement<br />

dégagée d’un récit linéaire, ou Help Me Eros, de Lee Kang-Sheng, <strong>qui</strong> propose un film de grande allure<br />

dans les bas-fonds de Taipei, avec quelques scènes très crues. Pour ceux <strong>qui</strong> veulent resituer l’héritage<br />

de ces jeunes noms du cinéma taïwanais, l’Utopia propose un retour aux sources avec The Terrorizers<br />

d’Edward Yang (1986).<br />

> Les 4 et 5.02, Cinémathèque de Toulouse, le 31.01 à l’Utopia Toulouse<br />

© Charwei Tsai<br />

Tigre et dragonne<br />

\ rock \<br />

Kim Thuy Nguyen a beau être d’origine vietnamienne, c’est<br />

en français qu’elle avance son rock rageur, ou ses comptines<br />

délicates, c’est selon l’humeur. De son passé vietnamien, elle<br />

a retenu les propos politiques, ceux de parents réfugiés, <strong>qui</strong><br />

n’avaient pas peur de l’engagement. Plus connue sous le nom de<br />

Ina-Ich, « son persistant » en vietnamien, la rockeuse autodidacte<br />

- sa formation, c’était le piano classique - et seule compositrice<br />

à bord, vient de sortir son 2 e album « L’année du tigre ».<br />

Un opus <strong>qui</strong> convoque l’électro-punk (Marilyn), le hard rock<br />

(Animal, Regarde-moi), les arrangements mélodiques (Pendule,<br />

Notre valse), et les chansons à texte (Sans visage). La voix, plus<br />

convaincante dans les morceaux posés, a tendance à s’emballer<br />

un peu dans les trémolos, pleine de tics dès que les guitares<br />

crachent un rock FM, tendance Axelle Red. Mais il y a de<br />

la conviction dans cette voix accrocheuse, <strong>qui</strong> ose s’attaquer à<br />

un genre en désuétude, le rock chanté en français. À voir si sur<br />

scène, entourée d’un batteur, d’un guitariste et d’un bassiste, elle<br />

conserve la même énergie. > Le 01.02, 20h30, Connexion Café, 10 e.<br />

© Nicolas MESSYASZ - www.messyasz.fr Help me Eros © DR<br />

made in asia<br />

25.01<br />

SHAKESPEARE’S WILD<br />

SISTERS GROUP / théâtre /<br />

Jusqu’au 26.01 - Théâtre Garonne<br />

20h30 – 11 € / 22 €<br />

TZENG YONG NING / Peinture /<br />

Jusqu’au 11.02 – espace Bonnefoy<br />

18h - gratuit<br />

27.01<br />

LOOP ME ET TRAVERSE<br />

/ danse / Espace Bonnefoy<br />

21h 3 €/8 €<br />

PARKING / cinéma /<br />

Odyssud – 20h30 – 4 €<br />

28.01<br />

YU CHENG-TA / vidéo /<br />

Jusqu’au 11.02 - Pavillon blanc<br />

Colomiers – 16h – gratuit<br />

ASIAN SENSATION<br />

/ village asiatique /<br />

Jusqu’au 29.01 – place du Capitole<br />

10h à 18h – gratuit<br />

31.01<br />

CIE EMMANUEL GRIVET<br />

ET MOON YUMI / danse /<br />

Studio de danse Tournefeuille<br />

21h – 6 €<br />

01.02<br />

PAROLES DANSÉES / conférence /<br />

Galerie Confort des étrangers<br />

19h – 6 €<br />

INA-ICH / rock /<br />

Connexion café – 20h30 – 10 €<br />

02.02<br />

PAUSE MUSICALE<br />

/ cithare et flûte / Salle du Sénéchal<br />

12h30 – gratuit<br />

TSAI CHAR-WEI ET WU SHI-TSUNG<br />

/ vidéo - photo /<br />

Jusqu’au 25.02 – maison Salvan<br />

Labège – 19h – gratuit<br />

03.02<br />

TEN DRUM<br />

/ percussions taïwanaises /<br />

Salle Nougaro – 20h30 – 13 €/20 €<br />

04.02<br />

CHUANG CHE-WEI<br />

ET LUO JING-ZHONG<br />

/ peinture - installations /<br />

Jusqu’au 26.02 – Médiathèque<br />

José-Cabanis – 18 h – gratuit<br />

MISTER CANDLE / photo /<br />

Jusqu’au 26.02 - Médiathèque<br />

José-Cabanis - gratuit<br />

TROISIEME NOUVELLE VAGUE<br />

TAIWANAISE / cinéma /<br />

Jusqu’au 05.02 – Cinémathèque - 6.50 €<br />

07.02<br />

SOIRÉE COURTS MÉTRAGES<br />

/ cinéma / l’ABC – 21h – 5.50 €<br />

08.02<br />

XINXIN NANGUAN ENSEMBLE ,<br />

JIANG NAN, LES PASSIONS<br />

/ musique traditionnelle baroque /<br />

Théâtre du Capitole – 18h – gratuit<br />

09.02<br />

PASCAL CONTET ET WU WEI<br />

/ accordéon - sheng /<br />

Jusqu’au 10.02 - Espace<br />

Croix-Baragnon – 20h30 – 5 €/10 €<br />

10.02<br />

HONG KONG DONG<br />

/ electro-pop-rock /<br />

Connexion café – 20h30 – 10 €<br />

du 12.02 au 26.02<br />

TAÏWAN SI LOIN, SI PROCHE,<br />

30 ANS DE CINEMA / cinéma /<br />

dimanche et jeudis– Médiathèque<br />

José-Cabanis – 15h ou 17h - gratuit<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 41


© Sarah Darnault<br />

culture ARTS VIVANTS<br />

Sous le sable<br />

« J’ai vécu 20 ans avec ce texte avant d’oser le porter sur un plateau<br />

». Et voilà qu’Éric Sanjou ose. Le chef de troupe d’Arène<br />

Théâtre se sent enfin prêt à mettre en scène Le public de Lorca. En<br />

un sens, ça ne pouvait pas mieux tomber. À l’heure où l’actualité<br />

des planches est plus vive sur le contexte des spectacles que sur<br />

leur contenu – voir les récentes « affaires » Castellucci et Rodrigo<br />

García -, la pièce du dramaturge espagnol revêt une acuité toute<br />

particulière. En 2012 comme dans les années 30, lorsque Lorca<br />

écrit la pièce, l’artiste pose encore et toujours la question de son<br />

engagement dans l’acte de création. « La pièce est difficile et pour<br />

le moment injouable », déclarait-il, conscient qu’à filer ainsi la métaphore<br />

d’une vie libérée des entraves de la morale, cela dérangerait.<br />

Difficile et injouable, la pièce ne l’est pas moins aujourd’hui,<br />

mais pour des questions plus pragmatiques de « dimensions » :<br />

pléthore d’acteurs, de décors, un budget de création pharaonique<br />

en somme. Mais ce serait douter de la ténacité, du savoir-faire et<br />

de la folie douce d’un metteur en scène comme Sanjou, habitué<br />

des spectacles chorales (La Nuit des Rois, La Chanson de Roland).<br />

Le public, ce sont trois amis <strong>qui</strong> font irruption dans le bureau d’un<br />

directeur de théâtre pour le contraindre à choisir entre un « théâtre<br />

à ciel ouvert », on dirait aujourd’hui « de divertissement », et un<br />

théâtre de la vérité enfouie, secrète, que Lorca appelle « sous le<br />

sable ». Ainsi débute une sorte de jeu de la vérité entre un huissier,<br />

un infirmier, deux dames, un berger bègue et que sais-je encore,<br />

tous faits de chair et de rêves. Une dizaine de comédiens, trois<br />

fois plus de costumes, des soieries et la musique de Prokofiev<br />

immergent les spectateurs, placés au sein du dispositif scénique.<br />

Ce public <strong>qui</strong> va même jusqu’à endosser l’habit d’un personnage<br />

à chacune des représentations. Ici, pas de projections de ketchup<br />

à craindre pour les premiers rangs, mais n’oubliez pas, vous faites<br />

partie du spectacle, vous en êtes le titre…<br />

\ Karine Chapert \<br />

42 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Le Public<br />

De Federico García Lorca<br />

Mise en scène Éric Sanjou<br />

Du 25.01 au 2.02,<br />

relâche le 29.01, Le Ring<br />

8 /12 e<br />

www.theatre2lacte.com<br />

Pantagruélique !<br />

Jean Bellorini n’a pas peur des textes-monuments. Son adaptation<br />

théâtrale des Misérables de Victor Hugo avait laissé un goût<br />

magnifique. Le voilà <strong>qui</strong> revient au TNT avec sa troupe Air de lune,<br />

et son nouveau-né, Paroles Gelées, inspiré du Quart Livre et de<br />

quelques autres textes de Rabelais. Autre époque, autre langue,<br />

mais une orgie de mots en perspective. « Ma première envie est de<br />

faire entendre, chanter, vibrer, danser notre langue à sa naissance,<br />

en cet instant où l’on passe du Moyen-âge à la Renaissance…<br />

Paroles gelées se veut un acte de foi en la langue, à la fois savante<br />

et populaire, et <strong>qui</strong> ne survit qu’en se réinventant sans cesse ».<br />

La mettre en scène en 2012, en faisant le choix d’un mélange de<br />

vieux français et de mots contemporains, c’était aussi donner à<br />

découvrir Rabelais autrement que par le truchement du cours de<br />

littérature du lycée. « J’aime l’idée que le théâtre ranime une chose,<br />

un texte, un auteur, qu’on croit connaître ».<br />

\ Repas de mots \<br />

Certes Paroles Gelées convoque Panurge, Pantagruel, et toute la<br />

joyeuse verve satirique rabelaisienne. Mais Bellorini et ses 13 comédiens-musiciens-ouvriers<br />

sont là pour faire résonner le texte aujourd’hui,<br />

maintenant, du haut de sa belle insolence. L’épopée de<br />

Pantagruel vers les îles lointaines, n’est rien d’autre que l’exploration<br />

du monde, terrible et monstrueux. Dans son radeau, la troupe<br />

embarque pour un voyage imaginaire et symbolique, pour un repas<br />

de mot. Autour d’une table de banquet, et les pieds dans l’eau, les<br />

comédiens vont littéralement s’épuiser à se jeter ce beau texte à<br />

travers la figure. Avec pour mission de se noyer dans la langue,<br />

d’en épuiser la force, la harangue, le souffle, la provocation. Le rire<br />

aussi. Non, Rabelais n’est pas à ranger dans le tiroir de la littérature<br />

rébarbative, compliqué, élitiste. Tout au contraire, il a traversé les<br />

siècles parce qu’il aborde des thèmes populaires et qu’il parle de<br />

son temps de manière iconoclaste. Le bras d’honneur joyeux d’un<br />

homme conscient de naviguer dans « la merde du monde ». Actuel,<br />

on vous dit. \ S.P. \<br />

Paroles gelées<br />

d’après Rabelais, mise en scène Jean Bellorini, du 11 au 21.01,<br />

TNT, www.tnt-cite.com, 05 34 45 05 05<br />

© Klaus Enrique


© David Poulin<br />

© Clément Dambrin et Mathieu Delcourt<br />

Sur les planches<br />

en piste,<br />

dr freud<br />

Chez son psychiatre, un<br />

homme entend des voix lui<br />

ordonner de se suspendre à<br />

un trapèze par les orteils ; une<br />

femme surmonte son agoraphobie<br />

en jouant à l’araignée...<br />

Le cirque contemporain ne<br />

cesse de nous surprendre<br />

avec des thématiques <strong>qui</strong><br />

étaient plutôt celles du théâtre.<br />

Ainsi, les onze artistes de la<br />

compagnie canadienne Les<br />

7 doigts de la main sont de<br />

véritables explorateurs de la<br />

scène, avec une prédilection<br />

pour les sujets à hauteur<br />

d’homme. Dans Psy, écrit, mis<br />

en scène et chorégraphié par<br />

Shana Carroll, cirque, danse<br />

et décors sont au service de<br />

virtuoses venus éclairer nos<br />

névroses avec humour et poésie.<br />

Une séance surréaliste...<br />

\ Valérie Lassus \<br />

Du 4 au 8.01, 21h<br />

(dimanche à 15h), 16/27 e,<br />

Odyssud, 05 61 71 75 10,<br />

www.odyssud.com<br />

Champagne ?<br />

Cocktail 7, Nous sommes de<br />

la pisse dans une coupe de<br />

champagne : le titre de la septième<br />

création de Molotov n’y<br />

va pas par quatre chemins.<br />

Autrement dit, nous sommes<br />

des merdes déguisées en<br />

meringues. Face à l’hypocri-<br />

sie du monde, à la doucereuse<br />

acceptation de la violence<br />

et du mépris infligés aux<br />

hommes et à la nature pour<br />

le profit de quelques-uns, il y<br />

a comme une envie de vomir.<br />

Révolte et résignation sont les<br />

deux moteurs à explosion de<br />

ces quatre-là, nés en tant que<br />

comédiens au début d’un XXIe siècle effrayant. Dans cette<br />

pièce sans scénario, bouffonneries<br />

et transgressions n’ont<br />

pour but que de faire craquer<br />

la bonne société, de bouleverser<br />

les rôles pour se libérer.<br />

Vous reprendrez bien une p’tite<br />

coupe ? \ V.L. \<br />

Du 3 au 14 janvier, 21h,<br />

8/12 e, théâtre du Grand-<br />

Rond, 05 61 62 14 85,<br />

grand.rond.free.fr<br />

Bloody<br />

entertainment<br />

La question est de savoir, avec<br />

ces deux créations présentées<br />

au Garonne (Bloody Mess<br />

et The Thrill of it all), si Tim<br />

Etchells, adore ou abhorre le<br />

théâtre ? À décaper la scène<br />

au gros gag <strong>qui</strong> tâche avec<br />

tant de brio, à bousiller avec<br />

tant de malice ses propres<br />

œuvres, à ridiculiser ses performers,<br />

il doit bien avoir une<br />

raison ? Et si c’était juste pour<br />

nous faire rire ? Nous faire<br />

nous bidonner pour que l’on<br />

cesse de prendre nos désirs<br />

et angoisses refoulées au sérieux<br />

? En nous montrant que<br />

la perfection n’est pas de ce<br />

monde, Forced Entertainment<br />

nous offre une potion ahurissante<br />

pour prendre du recul.<br />

En avant ! \ V.L. \<br />

Bloody Mess, 24 et 25.01,<br />

20h, The Thrill Of It All,<br />

27 et 28.01, 20h30,<br />

6/22 e, Théâtre Garonne,<br />

05 62 48 54 77,<br />

www.theatregaronne.com<br />

The Thrill of it all © DR


culture cinéma<br />

44 / <strong>Spirit</strong> # 46


© Warner Bros. Pictures France<br />

À cœur<br />

Hoover<br />

Clint Eastwood s’encorde avec Leonardo DiCaprio et<br />

Dustin Black pour l’ascension de la face cachée du plus<br />

fameux des patrons du FBI. Sans atteindre des sommets,<br />

J.Edgar se glisse habilement dans les coulisses<br />

de l’histoire américaine. Un biopic oscarisable à souhait.<br />

Par Stéphanie Pichon<br />

Sortie le 11.01 Après les deux déceptions engendrées par Invictus<br />

et Au-delà, Clint Eastwood avait besoin<br />

de redorer son blason de monstre du cinéma américain. Montrer<br />

qu’à l’âge honorable de 82 ans, il en avait encore dans le ventre.<br />

Tant qu’à faire, il a choisi un gros morceau, John Edgar Hoover,<br />

monsieur FBI pendant 48 ans, l’homme <strong>qui</strong> a vu passer huit présidents,<br />

et piloté les grands épisodes - et les moins reluisants - de<br />

l’histoire américaine. Du taillé pour Clint : noir, ambigu, avec dans<br />

le rôle-titre Leonardo DiCaprio et au script Dustin Lance Black,<br />

scénariste en vogue depuis le très beau Harvey Milk. L’Académie<br />

des Oscars, friande du genre, appréciera. Qui sait, Leonardo décrocha<br />

peut-être - enfin ! - sa statuette…<br />

Quand Clint Eastwood sait à ce point s’entourer - et on n’oublie<br />

pas les seconds rôles Armie Hammer, révélé dans The Social<br />

Network, et Judi Dench - et qu’il maîtrise la palette de sa réalisation,<br />

classique, précise, limpide, le résultat ne peut pas vraiment<br />

décevoir. J. Edgar a cette dose de complexité <strong>qui</strong> le rend digeste<br />

malgré ses 2h15 et son genre bien casse-gueule.<br />

\ DiCaprio, grand numéro \<br />

De ce personnage appartenant à la mythologie américaine - et<br />

pourtant à mille lieux du héros hollywoodien - il sait à la fois montrer<br />

l’agent fédéral <strong>qui</strong> a révolutionné l’institution américaine, et<br />

l’homme aux fêlures et blessures intimes. Applaudissements des<br />

deux mains pour DiCaprio, magistral, même sous les couches de<br />

ma<strong>qui</strong>llage nécessaires à un personnage qu’il interprète de 20 à<br />

77 ans. Jamais dans l’outrance, ni dans le trop psychologique, il<br />

insuffle ce supplément d’âme au « bulldog », dans un registre pas<br />

si éloigné du Aviator de Scorsese.<br />

Le recours aux ellipses (les périodes Kennedy et Nixon passent<br />

quasiment à la trappe) et le va-et-vient d’une grande fluidité entre<br />

les époques, allègent la leçon d’histoire pour se concentrer sur la<br />

figure d’un homme ayant passé sa vie à bâtir sa propre légende, au<br />

point de se vanter d’un meurtre de gangster qu’il n’a pas commis.<br />

Traitant avec des pincettes son homosexualité supposée, Clint ne<br />

s’en attarde pas moins sur les rapports ambigus avec Clyde Tolson,<br />

son adjoint et potentiel amant, dont Hoover fut inséparable<br />

jusqu’à sa mort en 1972. Il fait aussi de sa mère (formidable Judi<br />

Dench), capable de lâcher un cruel « je préfère avoir un fils mort<br />

qu’une pédale », la clef essentielle pour comprendre les désé<strong>qui</strong>libres<br />

du puissant. Décrit ainsi comme un être paranoïaque et<br />

sexuellement frustré, John Edgar Hoover n’est plus seulement cet<br />

être froid et calculateur calculateur, mais un homme pathétique,<br />

devenu sa propre caricature à la fin de sa carrière. Eastwood s’interrogerait-il<br />

aussi sur son propre mythe ?<br />

J. Edgar<br />

de Clint Eastwood<br />

avec Leonardo DiCaprio,<br />

Judi Dench, Armie Hammer,<br />

Naomi Watts<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 45


© Bodega Films<br />

culture cinéma<br />

Voyage<br />

en douce<br />

Sortie le 04.01<br />

Les Acacias est un film très particulier, en cela<br />

qu’il ne s’y passe quasiment rien, ou plutôt<br />

qu’il s’y passe tout. Peut-être parce que Pablo Giorgelli y capte le<br />

plus grand dénominateur commun au monde : le besoin d’amour.<br />

Mais qu’il ne le fait apparaître et grandir, que progressivement.<br />

À vrai dire, le premier quart d’heure des Acacias a de quoi rebuter.<br />

Sans un mot ou presque, on y suit Ruben, un routier argentin,<br />

charger dans son camion une cargaison de bois, avant de<br />

prendre la route pour relier le Paraguay à Buenos Aires. Cette<br />

longue entrée en matière se résume à cet homme et son véhicule.<br />

Tout ou presque y est vu de l’intérieur de la cabine, la ligne d’horizon<br />

devenant celle de la fenêtre ouverte du chauffeur. Mais aussi,<br />

pense-t-on, celle du cinéma d’auteur d’Amérique latine le plus<br />

raide (pour ne pas dire le plus rébarbatif). À tort, tout s’éclaircit<br />

lorsque le routier accueille à bord Jacinta, une jeune femme et<br />

son bébé. Elles doivent passer la frontière.<br />

Les Acacias est donc un road-movie. Mais pas tant celui <strong>qui</strong> avale<br />

des kilomètres de macadam, que celui <strong>qui</strong> raconte la route que<br />

vont faire Ruben et Jacinta pour s’apprivoiser. Plus que du minimalisme,<br />

Giorgelli est adepte d’une totale simplicité, suivant pas à<br />

pas la communication naissante entre ces deux personnes. Ils se<br />

pensaient étrangers mais découvrent qu’ils ont beaucoup en commun,<br />

la solitude et l’appartenance à une même classe ouvrière.<br />

Peu à peu, on s’installe avec le réalisateur sur la banquette arrière,<br />

à observer comment ils brisent le silence <strong>qui</strong> les sépare, comment<br />

ils effectuent le voyage l’un vers l’autre. Giorgelli parvenant à un<br />

absolu miracle : évacuer le potentiel ennui d’un tel postulat pour le<br />

remplacer par une émotion de plus en plus palpable, transmettre à<br />

sa caméra la tendresse avec laquelle il regarde ce drôle de couple.<br />

Qui transformerait n’importe <strong>qui</strong> en midinette, le cœur vibrant devant<br />

cette romance beaucoup plus haletante que prévu.<br />

46 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

\ Alex Masson \<br />

Les Acacias<br />

De Pablo Giorgelli<br />

Avec Germán De Silva,<br />

Hebe Duarte, Nayra<br />

Calle Mamani<br />

© Grove Hill Productions<br />

dans l’œil<br />

du cyclone<br />

Personne ou presque n’a vu lors de sa discrète<br />

Sortie le 04.01<br />

sortie française Shotgun Stories, le premier<br />

film de Jeff Nichols. C’était pourtant l’occasion de découvrir un<br />

cinéaste capable de raconter l’Amérique profonde, rurale, comme<br />

si Terrence Malick avait mis en images certains albums de Bruce<br />

Springsteen. C’est d’un autre cinéaste – M. Night Shyamalan - et<br />

un autre groupe - REM et leur chanson « It’s the end of the world as<br />

we know it » - que l’on rapprochera Take Shelter. L’environnement<br />

des deux films est assez similaire : la classe ouvrière, une famille,<br />

et une menace sourde. Curtis LaFourche (Michael Shannon, impressionnant)<br />

voit son quotidien de mineur de fond perturbé par de<br />

drôles de rêves. Il y voit une pluie d’oiseaux morts ou une tornade<br />

s’approcher de son foyer. Et ce, de manière si réaliste, qu’il finit<br />

par se demander si ces visions ne sont pas prémonitoires. Son<br />

comportement en devient altéré, au point que sa femme et leurs<br />

proches se demandent s’il n’a pas perdu la raison.<br />

Le lien avec Shyamalan ? Cette capacité à faire basculer la vie<br />

ordinaire de personnes non moins ordinaires dans une zone grise<br />

d’in<strong>qui</strong>étude. De tout faire vaciller en plaçant le suspense non pas<br />

du côté de la série B fantastique, mais en laissant planer un doute :<br />

<strong>qui</strong> est dément ? Curtis ou les autres ? Nichols parvient même<br />

à prolonger des thèmes que Shyamalan a laissé de côté depuis<br />

Signes : la solitude d’un personnage face à un profond bouleversement<br />

de ses valeurs. L’autre lien est celui du faux-semblant. Oui,<br />

il y a un énorme twist de scénario à la fin du film, mais la vraie<br />

surprise de Take Shelter est son invitation à faire face à la réalité<br />

de l’époque. Il devient d’autant plus terrorisant quand il pointe<br />

du doigt une menace réelle, cette crise économique <strong>qui</strong> partout<br />

menace. Nichols indiquant clairement que l’on pourrait bien tout<br />

perdre en un instant et que quand ça arrivera, il vaudra mieux se<br />

serrer les coudes plutôt que de paniquer. \ A. M. \<br />

Take Shelter<br />

De Jeff Nichols. Avec Michael Shannon (II),<br />

Jessica Chastain, Tova Stewart


La nuit de<br />

San Lorenzo<br />

de Paolo et<br />

Vittorio Taviani<br />

1986 – 112 mn<br />

d’art et d’essai<br />

La Cinémathèque de<br />

Toulouse laisse carte<br />

blanche pendant une<br />

semaine au producteur<br />

Marin Karmitz (MK2, c’est lui), <strong>qui</strong> a choisi, entre autres, La nuit de<br />

San Lorenzo des frères Taviani. En juillet 1944, dans la cathédrale de<br />

San Minciato, la commune natale de Paolo et Vittorio Taviani, a eu<br />

lieu un massacre des villageois par les nazis. Un fait <strong>qui</strong> obsèdera<br />

leur carrière de cinéaste et sera le sujet de leur premier film, un<br />

documentaire, en 1954. 30 ans plus tard, ils reprennent le thème<br />

dans une fiction. La nuit de San Lorenzo agite leur imaginaire plus<br />

que leur mémoire pour raconter ces heures terribles. \ I.D. \<br />

À la Cinémathèque de Toulouse, 18.01, 16h30, puis<br />

rencontre avec Marin Karmitz à 19h30<br />

Bruegel,<br />

le moulin<br />

et la Croix<br />

de Lech majewski<br />

2010 - 91 mn<br />

1564, les Flandres sont<br />

occupées par les Espagnols<br />

et Pierre Bruegel<br />

l’ancien achève son<br />

tableau Le Portement de<br />

la croix, représentation de la Passion du Christ <strong>qui</strong> donne aussi<br />

à voir son pays envahi, sous le joug de l’ennemi. Ce film programmé<br />

à l’ABC, dans le cadre de Kino Polska, entre littéralement<br />

dans le tableau et suit douze des 500 personnages représentés<br />

par Bruegel. Il fallait des acteurs puissants, Charlotte Rampling,<br />

Rutger Hauer et Michael York, pour transcender le talent du maître<br />

et en faire du cinéma. Photographe, poète, écrivain, scénariste et<br />

peintre lui-même, le réalisateur Lech Majewski s’est vu consacré<br />

une rétrospective de ses travaux au musée d’Art Moderne de<br />

New York, le MoMa, il y a cinq ans. \ I.D. \<br />

À l’aBC, depuis le 28.12, le 21.01 à 20h30, en ouverture de<br />

Kino Polska et en présence du réalisateur et de sa femme<br />

et actrice Dorota Lis<br />

Louise<br />

Wimmer<br />

de Cyril<br />

mennegun<br />

2011 - 80 mn<br />

À la suite d’un divorce<br />

difficile Louise<br />

Wimmer, la cinquantaine,<br />

se retrouve<br />

dans la précarité. Sa<br />

voiture est son dernier refuge et la voix de Nina Simone, toute<br />

la force qu’il lui reste pour ne pas céder. Ne pas se soumettre.<br />

Et faire d’un désespoir redoutable un espoir invincible. Premier<br />

long métrage du documentariste Cyril Mennegun, Louise Wimmer<br />

est un portrait de femme de notre temps. On la suit dans<br />

les méandres d’un monde brutal, indifférent, noir, et pourtant,<br />

ce film distille un sentiment de force et d’apaisement. Louise<br />

Wimmer est une guerrière, elle ne veut de mal à personne, elle<br />

veut vivre et c’est tout. \ I.D. \<br />

À l’Utopia Toulouse, à partir du 11.01, puis à l’Utopia<br />

Tournefeuille


culturE expo<br />

design<br />

Quand notre cœur fait Bloom<br />

Qui érige les tendances ? Qui parcourt le monde pour détecter les modes de demain?<br />

Qui influence les plus grands de son univers végétal ? C’est Bloom, luxueux magazine de l’agence<br />

Trend Union. La Fondation Espace Écureuil invite à déflorer les coulisses du luxe et du beau. Sans frais.<br />

Par Stéphanie Pichon<br />

Au commencement était la tendance. Avant même le<br />

design ou la haute couture. Li Edelkoort le sait bien,<br />

elle <strong>qui</strong> depuis des années sillonne la planète en<br />

grande prêtresse des modes, pour humer l’air de demain,<br />

et décider les formes, les couleurs, les objets <strong>qui</strong> finiront<br />

dans les magazines, les magasins de déco, ou les bureaux de<br />

design industriel. Avec comme unique credo le monde végétal,<br />

l’agence joue les avant-gardistes. C’est cette antériorité,<br />

cet « avant même la création » <strong>qui</strong> a attiré l’attention de Sylvie<br />

Coroller, directrice artistique de la Fondation Espace Écureuil.<br />

« Cela coïncidait parfaitement avec notre thématique de l’objet.<br />

Après l’exposition consacrée aux objets en fin de vie de Martine<br />

Camillieri, nous nous plaçons en amont de la fabrication, à<br />

l’autre bout de la chaîne. » Avec « Bloom, une vision végétale »<br />

la Fondation prend le risque d’exposer pour la première fois du<br />

design, de mêler art contemporain et objets, ambiances et vêtements.<br />

« C’est un monde très différent de celui de l’art contemporain,<br />

mais le design gagne les galeries aujourd’hui. Les deux<br />

mondes se côtoient de plus en plus ». C’est Vanessa Batut, ex-<br />

Castraise, aujourd’hui directrice de publication de Bloom, <strong>qui</strong> a<br />

pensé le parcours coloré, en dix artistes (designers, stylistes,<br />

céramistes…) et trois ambiances. Une exploration de la matière<br />

48 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

brute, une certaine vision du monde en symbiose avec les éléments<br />

naturels. Grand mur fleuri et salon élégant accueillent<br />

les visiteurs dans l’espace convivialité, histoire de feuilleter de<br />

luxueux magazines, et s’imprégner de l’univers-maison. Plus<br />

loin une grande table invite à dévorer - des yeux - la vaisselle<br />

éphémère en pâte à pain de Formafantasma, ou les belles céramiques<br />

en forme de fruits et légumes de Maaike Roozenburg,<br />

comme un clin d’œil aux natures mortes des maîtres flamands,<br />

la patrie d’origine de Li Edelkoort.<br />

\ anti bling-bling \<br />

Les artistes sélectionnés ont tous en commun ce retour à l’épure,<br />

au simple, loin, très loin d’une idée du luxe bling-bling. Les robes<br />

peintes d’Emilie Faïf, <strong>qui</strong> a signé une petite collection pour Isabel<br />

Marant, portent leurs motifs sur l’envers du vêtement, paysages<br />

délicats gardés pour soi, tournés vers l’intérieur, à mille lieux du<br />

culte de l’apparence. Dans le monde futur de Bloom, les poissons<br />

se gardent au frais dans un aquarium de cuisine, les jeans se délavent<br />

lentement dans le roulis des mers du Japon, et des fermes<br />

verticales auto-suffisantes hébergent et nourrissent jusqu’à 1000<br />

personnes. Utopiste peut-être, mais le monde avance vite, et<br />

Bloom sait être convaincant pour l’influencer. Vous verrez…<br />

Bloom, une vision végétale<br />

du 13.01 au 25.02<br />

Fondation Espace Écureuil,<br />

3 place du capitole,<br />

du mardi au samedi<br />

de 11h à 19h30,<br />

entrée libre<br />

Vernissage le 17.01, 18h,<br />

en présence de Vanessa Batut<br />

Conférence le 25.01, 16h30,<br />

avec le designer<br />

Franck Fontana<br />

www.caisseepargne-<br />

art-contemporain.fr<br />

05 62 30 23 30<br />

© Formafantasma


Radiateur © Lionel Loetscher<br />

culturE expo<br />

La nature contradictoire<br />

des choses<br />

Qu’on se le dise, en janvier, Lionel Loetscher est de la partie. Invité<br />

de trois centres culturels, l’artiste expose une rétrospective déguisée,<br />

en trois lieux comme pour mieux cerner l’essence protéiforme<br />

de sa réflexion. Car avec Loetscher nous n’avons pas à faire à<br />

une œuvre simpliste, pas plus qu’écologiste, mais à un projet <strong>qui</strong><br />

questionne la relation de l’homme à la - sa ? - nature. Dans ce<br />

qu’elle a de plus fondamental, écartant d’un revers de flash le sens<br />

commun. Ancien designer ergonome, le Nancéen est un dépeceur,<br />

un débiteur d’idées-reçues, un tailleur de mythes. Ses interprétations,<br />

aussi personnelles qu’elles soient, n’en sont pas moins<br />

universelles. « Pour entamer une réflexion, le beau a son utilité. Je<br />

crois plus en la force poétique d’une œuvre qu’en l’image choc. »<br />

Le parcours initiatique s’ouvre sur l’espace Saint-Cyprien à la découverte<br />

de tableaux photographiques à la limite du paysage, du<br />

portrait et de la nature morte. Au centre culturel Bellegarde, les repères<br />

du regardeur sont brisés par des photographies <strong>qui</strong> mettent<br />

en scène les artifices de notre perception. Vertige cérébral assuré.<br />

Point de photos à l’espace Bonnefoy mais une série de travaux<br />

numériques, <strong>qui</strong> interroge le trait et le geste propres au dessin et<br />

à la peinture. L’esthétique clinique distillée dans les séries photographiques<br />

de Loetscher repose sur le dépouillement extrême des<br />

compositions. Beauté in<strong>qui</strong>étante <strong>qui</strong> de prime abord ne laisse pas<br />

facilement filtrer le propos de l’auteur. Du petit théâtre de verdure<br />

aux cultures biologiques ironiques, partout la poésie règne en maîtresse.<br />

Lorsqu’on croit assister à de l’art-bsurde - un évier peut<br />

abriter un arbre… -, ces oxymores visuelles apparaissent finalement<br />

comme des évidences. Pour Loetscher le naturel n’est vraisemblablement<br />

jamais là où on l’attend.<br />

50 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Du 4 au 26.01,<br />

espace Saint-Cyprien,<br />

centre culturel Bellegarde,<br />

espace Bonnefoy<br />

07.01, visite commentée<br />

sur les trois lieux<br />

17.01, 18h30, conférence<br />

de Lionel Geny de l’Agence<br />

Hunting Scene, Espace<br />

Saint-Cyprien<br />

Entrée libre.<br />

farce attaque<br />

Si <strong>Spirit</strong> faisait dans le racoleur et le vite-dit bien-dit, on vous<br />

convoquerait fissa à Nègrepelisse en promettant une seule chose :<br />

la poilade. Du genre, Thomas Mailaender est un artiste contemporain,<br />

plasticien, performeur, photographe, <strong>qui</strong> fait le zouave à coup<br />

de photos incongrues. Il n’y a qu’à aller voir son site pour vérifier.<br />

Trop drôle. Vous vous en doutez, on ne s’arrêtera pas là, ce serait<br />

trop simple. Car sa démarche, derrière son air furieusement débile,<br />

est on ne peut plus sérieuse. À commencer par son « fun archive »,<br />

fatras foutraque d’images amateurs récoltées à l’infini sur internet.<br />

Sa base de travail <strong>qui</strong> nourrit depuis quelques années sa recherche<br />

de « moments accidentellement grotesques <strong>qui</strong> possèdent une<br />

monumentalité absurde et inattendue ».<br />

\ Potache dans le potage \<br />

C’est armé de cette banque d’images, qu’il s’est rendu par deux<br />

fois à Nègrepelisse fin 2011, à l’invitation de La Cuisine, pour aller<br />

au clash artistique avec des habitants volontaires. Se nourrissant<br />

de ces « archives » de l’insignifiant, il leur a fait rejouer les situations<br />

les plus cocasses, avec comme une envie de bonne chair, de<br />

bouffe, de mangeaille. Quelques mois plus tard, ces expériences<br />

du burlesque se retrouvent en photos, vidéos, installations et<br />

sculptures dans l’exposition « L’Union fait la farce » <strong>qui</strong> ouvre le<br />

14 janvier à la médiathèque de Nègrepelisse. « Thomas Mailaender<br />

nous livre ici une sorte d’éloge de la blague potache, d’une culture<br />

populaire à l’humour parfois grinçant dont le “murmure” ou plutôt<br />

le “brouhaha” se diffuse sur Internet entendu comme réceptacle<br />

et mémoire » décrypte Stéphanie Sagot, directrice artistique de la<br />

Cuisine, voyant dans ces détournements une façon « de faire sens,<br />

de bousculer les normes, systèmes ou manières de vivre imposés<br />

». On y verra une tête aux yeux grands ouverts posée dans une<br />

casserole, un jeu de mots à base de co<strong>qui</strong>llettes, des pains aux<br />

formes étranges aussi brûlés qu’ils ont été préparés avec amour<br />

par le boulanger du village, posés sur une table de lendemain de<br />

fête. Rira bien <strong>qui</strong> rira le dernier.<br />

\ S.P. \<br />

Thomas Mailaender<br />

Du 14.01 au 25.02, médiathèque de Nègrepelisse (82)<br />

Vernissage le 14.01 à 12h. www.la-cuisine.fr, 05 63 67 39 74<br />

www.thomasmailaender.com<br />

\ Anaïs Florance \ © Thomas Mailaender


© Louis Roland Trinquesse Le Serment à l’amour<br />

Dijon - Musée des Beaux Arts par François Jay<br />

© Vincent Debanne<br />

en direct des galeries<br />

Petits théâtres<br />

de l’intime<br />

Le musée des Augustin lance<br />

une invitation à pénétrer salons,<br />

cuisines, antichambres<br />

et intérieurs du XVIIe siècle<br />

français. Petits théâtres de l’intime<br />

s’empare de la peinture<br />

« de genre » française entre<br />

la Révolution et la Restauration<br />

pour un voyage dans le quotidien<br />

des maisons bourgeoises<br />

principalement, mais aussi des<br />

classes sociales plus pauvres.<br />

Ces œuvres valent autant par<br />

une technique précise et maitrisée<br />

que par les informations<br />

qu’elles délivrent. De la peinture<br />

documentaire en quelque<br />

sorte. Fruit d’une collecte auprès<br />

de collections publiques<br />

et privées, l’exposition dévoile<br />

des trésors rares, pièces de<br />

Fragonard et de sa belle sœur<br />

Marguerite Gérard, mais aussi<br />

de Greuze, Boilly ou Drolling.<br />

\ S.P. \<br />

Jusqu’au 22.01, Musée<br />

des Beaux-arts, Toulouse,<br />

05 61 22 21 82<br />

Vincent<br />

debanne<br />

Si on devait s’en tenir au titre<br />

de la nouvelle expo du Château<br />

d’eau Tribute to Archaic<br />

Devices on resterait vaguement<br />

dubitatifs. Mais il faut se<br />

confronter aux photographies<br />

à la fois documentaires et scénarisées<br />

de Vincent Debanne<br />

pour saisir toute la force suggestive<br />

de son travail. Incidents<br />

2009 - Dispositifs 2007<br />

- Dreamworks 2006 - Welcome<br />

to Children 2005 sont les<br />

quatre séries choisies où l’on<br />

aperçoit une préfecture en feu,<br />

comme un écho à la destruction<br />

de la Bastille, des hommes<br />

en salopette au travail, tels des<br />

ouvriers modèles du temps du<br />

communisme, des parkings<br />

de supermarché où les enfants<br />

participent à l’acte de consommation.<br />

Cet œil-là semble<br />

in<strong>qui</strong>et, du moins circonspect<br />

sur l’état du monde, du pouvoir,<br />

des classes sociales. Implacable.<br />

\ S.P. \<br />

Du 4.01 au 4.03,<br />

Le Château d’Eau,<br />

vernissage le 04.01 en<br />

présence du photographe,<br />

05 61 77 09 40,<br />

galeriechateaudeau.org<br />

Jean-Luc feixa<br />

Quoi de plus photogénique et<br />

graphique qu’un gratte-ciel,<br />

une gare, une esplanade ?<br />

Jean-Luc Feixa l’a compris. Ce<br />

photographe, journaliste, a<br />

construit une exposition photo<br />

en noir et blanc comme on<br />

trace des es<strong>qui</strong>sses architecturales.<br />

Pourtant Des Lignes<br />

et des Hommes ne pratique<br />

pas la photographie d’architecture,<br />

vide, léchée. Feixa<br />

aime croiser le monumental<br />

et l’humain. Dans ses tableaux<br />

d’ombre et de lumière, les silhouettes<br />

font sens, perdues<br />

ou alors totalement intégrées<br />

dans le paysage urbain. Pris<br />

au hasard de ses voyages<br />

dans le monde, New York,<br />

Toulouse, Bilbao, ces clichés<br />

racontent l’histoire d’une ville<br />

occidentale et sa relation aux<br />

hommes <strong>qui</strong> l’habitent. \ S.P. \<br />

Jusqu’au 27.01, Galerie<br />

Passage à l’art, 5 Grande<br />

Rue Saint-Nicolas,<br />

Toulouse, entrée libre.<br />

© Jean-Luc Feixa


culture musique<br />

« Je pose un regard<br />

sur la famille, sur l’afrique,<br />

j’apporte un point de vue personnel<br />

sur le monde <strong>qui</strong> m’entoure. »<br />

52 / <strong>Spirit</strong> # 46


Imany<br />

le 19.01<br />

au Bikini (Ramonville),<br />

à 20h30<br />

20 e<br />

Son dernier album :<br />

The Shape Of a Broken Heart<br />

M6 Interactions, 2011<br />

imany,<br />

la beauté grave<br />

Attention, phénomène ! Voix rauque et charme fou, Imany est devenue disque<br />

d’or dès son premier album The shape of a broken heart. Preuve que le disque<br />

n’est pas totalement mort. Et qu’une ancienne manne<strong>qui</strong>n peut devenir une<br />

vraie chanteuse. Propos recueillis par Lionel Nicaise<br />

Vous avez commencé la musique aux États-Unis, lorsque vous<br />

travailliez également comme modèle. C’était comment ces débuts<br />

new-yorkais ?<br />

Je devais rester 3 semaines, finalement je suis restée sept ans.<br />

Imany était mon nom de manne<strong>qui</strong>n, je l’avais tiré de mon film<br />

préféré de l’époque, Un Prince à New York avec Eddie Murphy.<br />

J’ai collectionné les petits boulots, parallèlement à l’enregistrement<br />

d’une maquette et de plusieurs scènes new yorkaises.<br />

Une fois rentrée à Paris, ma sœur est devenue mon manager.<br />

Après sept mois de concerts dans des bars et petites salles,<br />

le producteur Malick N’diaye (<strong>qui</strong> avait déjà découvert la chanteuse<br />

Ayo) m’a repérée.<br />

Dans quel rayon rangeriez-vous votre premier album? Folk ? Soul ?<br />

J’ai du mal à le mettre dans une case parce que je ne l’ai vraiment<br />

pas pensé comme ça. J’ai reçu des influences assez<br />

variées. Certaines chansons ont vécu sur la scène, parce que<br />

je viens de là. Il y a eu ensuite des millions d’écoutes avec le<br />

réalisateur, on s’est mis d’accord sur la couleur de l’album. Il<br />

s’avère qu’il y a beaucoup d’acoustique, ce qu’on voulait avant<br />

tout c’était des titres cohérents.<br />

La chanson éponyme de cet album raconte votre histoire<br />

d’amour avec l’Afrique. Quels autres thèmes abordez-vous<br />

dans vos chansons ?<br />

Les thèmes de la vie, des choses assez basiques comme<br />

l’amour, le non-amour, l’affirmation de soi, la liberté. Je pose<br />

un regard sur la famille, sur l’Afrique, j’apporte un point de<br />

vue personnel sur le monde <strong>qui</strong> m’entoure, ça peut être un<br />

reportage télé, une scène dans la rue, ou des choses de ma<br />

vie intime.<br />

Vous chantez la plupart du temps en anglais, mais aussi en<br />

comorien comme sur le titre « The Care ». Vos origines influencent-elles<br />

votre musique ?<br />

Elles jouent forcément. Ça oriente les choix artistiques qu’on<br />

fait, parce que c’est une partie de ce que l’on est. Mais je ne<br />

suis pas là pour écrire sur mes origines comoriennes. Je ne<br />

le porte pas comme un étendard. C’est ce que je suis, c’est<br />

logique que cela soit dans ma musique.<br />

L’écriture et la composition, vous pratiquez en solo ?<br />

J’écris seule, et je compose avec les autres, en fonction des<br />

titres. Je n’ai pas vraiment de rituel. J’essaie simplement<br />

d’écrire le plus souvent possible. Tôt le matin, tard le soir. Je<br />

ne m’impose pas d’écrire « le » tube. L’important, c’est d’écrire<br />

et s’il y a une bonne chanson à la sortie, tant mieux.<br />

La comparaison avec Tracy Chapman revient presque systématiquement.<br />

Pas trop agaçant à la longue ?<br />

Je ne sais pas trop pourquoi Tracy Chapman, à part le fait<br />

qu’elle ait une grosse voix, comme moi. Les gens ont souvent<br />

besoin de références pour savoir ce qu’ils achètent. Moi, je n’ai<br />

pas grandi dans la musique, j’ai été élevée au top 50. J’ai des<br />

goûts éclectiques, mais il faut que les mélodies m’interpellent.<br />

Ceci dit, cela me fait plaisir cette comparaison, parce que je<br />

suis fan. Elle fait partie de mes icônes avec Nina Simone, Billie<br />

Holiday, Nirvana, ou le hip hop des années 90 (à l’époque je<br />

n’écoutais rien d’autre !).<br />

C’est vous <strong>qui</strong> posez sur la photo de votre album. Un clin d’œil<br />

au milieu de la mode d’où vous venez ?<br />

C’est vrai que j’ai gardé un œil sur la mode. Peut-être que si je<br />

n’étais pas passée par le manne<strong>qui</strong>nat, je n’aurais pas eu cette<br />

exigence esthétique. Mais musicalement, cette expérience ne<br />

m’a pas servi.<br />

Comment se sent-on à la veille d’une première grande tournée ?<br />

Ce n’est pas vraiment la première. On avait déjà fait une tournée<br />

voix-guitare en France, d’ailleurs on était en première partie de Ben<br />

l’Oncle Soul au Bikini. Ce coup-ci, on revient avec le groupe, c’est<br />

autre chose. On défend vraiment l’album. On n’est plus la première<br />

partie, on n’est plus la découverte. Je suis super contente. Honnêtement,<br />

on n’en est qu’au début. On chante en anglais donc il y a<br />

des choses à faire dans d’autres pays. Le monde est vaste.<br />

Peut-on déjà parler d’un second album ?<br />

On y pense, de loin. Évidemment il y a des textes, des<br />

chansons <strong>qui</strong> existent déjà et d’autres <strong>qui</strong> continuent de se<br />

construire mais on n’est pas dans la dynamique du deuxième<br />

album. Le premier vient de sortir. Aujourd’hui ce <strong>qui</strong> compte<br />

c’est défendre le live en France et dans le monde.<br />

<strong>Spirit</strong> aime<br />

« Kisses in the dark »<br />

Chanson enivrante. Une beauté <strong>qui</strong> nous perd<br />

dans des contrées lointaines où seule la voix d’Imany<br />

nous est familière. Des baisers à en avoir le tournis.<br />

« Please and change »<br />

Second single extrait de l’album. On se laisse<br />

vite gagner par cette ode à la joie haute en couleurs.<br />

Donne une irrésistible envie de danser.<br />

« I’ve gotta go »<br />

Le tube. Il démarre avec une rage retenue.L’envolée<br />

mélodique est magnifique sur les refrains. Tout simplement<br />

notre favorite.<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 53


culture musique<br />

impro-focus<br />

[musiques improvisées]<br />

Oreilles intolérantes et/ou formatées<br />

s’abstenir. Du 4 au 14.01 on ne viendra<br />

pas au Mandala pour siroter un verre en<br />

écoutant du jâââzz, mais pour s’abreuver<br />

aux courants exigeants, tordus et<br />

magnifiques des musiques improvisées.<br />

La 3e édition d’impro-Focus – ((if))<br />

pour les intimes – se place résolument<br />

du côté de la recherche expérimentale,<br />

des mariages étranges, des incongruités<br />

musicales, pour le meilleur et<br />

pour… le bizarre. À commencer – dans<br />

le désordre – par Andy Moor, plus connu<br />

comme guitariste de The Ex, aco<strong>qui</strong>né<br />

cette fois avec Yannis Kyriakides, compositeur<br />

chypriote, pour d’électriques<br />

mélodies grecques et portugaises. Au<br />

rayon frissons sonores, on retiendra la<br />

tension bruitiste du duo Ramon Lopez<br />

et Christine Wodrascka ou l’exploration<br />

Eclecpilecptic d’Alexis Heroupoulos.<br />

Autre figure, locale cette fois-ci, Éric Lareine<br />

– décidément sur tous les fronts –<br />

pour son duo Reflex avec le pianiste Denis<br />

Badault. C’est qu’à Toulouse le petit<br />

monde improvisé s’agite, pour preuve<br />

la présence du quartet Farm Job, des<br />

synthés de Marc Demereau ou de Rétroviseur.<br />

Ce foisonnement libertaire se<br />

terminera sur un ciné-concert. Buñuel,<br />

Un chien andalou. Les rêves de Dali en<br />

images. La folle poésie continue…<br />

Du 4 au 14.01, le Mandala, 6/9 e,<br />

Pass 5 concerts 25 e, www.lemandala.com<br />

antonio Zambujo<br />

[fado]<br />

Il est finalement rare d’entendre le fado<br />

chanté par une voix masculine, en ces<br />

temps où les grandes stars du genre<br />

sont souvent des femmes. Mais il y a<br />

54 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Farm Job © Framboise Esteban<br />

© Rita Carmo<br />

Antonio Zambujo, 36 ans, petit prodige mis en avant par Caetano Veloso. Il revient<br />

aux sources du chant portugais, en y ajoutant le « cante aletenjano », chant polyphonique<br />

traditionnel de sa région natale. S’inscrivant dans une lignée à la fois populaire<br />

et classique, prince des nuits fadistes lisboètes, il se fait accompagner par deux<br />

guitares, une contrebasse et une clarinette, son instrument d’origine.<br />

Les 5 et 6.01, 20h30, Espace Croix-Baragnon, 5/10 e, 05 62 27 61 02<br />

dans le steel baroque<br />

[art lyrique et percussions]<br />

Les transcriptions de pièces instrumentales et vocales de Bach et de pièces sacrées<br />

et profanes de Vivaldi, Haendel, Purcell, sont au programme du trio féminin Lyric’O<br />

Steel. Le chant lyrique de la soprano Eliette Parmentier est soutenu par le duo de<br />

steel drums formé par Fabienne et Isabelle Rivière. Ce bidon incurvé, joué à l’aide de<br />

mailloches, est plus traditionnellement utilisé dans les musiques de rue, notamment<br />

antillaises. A priori contre-nature, son alliance avec les œuvres du répertoire classique<br />

donne une dimension plus intime à ces dernières. À découvrir.<br />

6.01, 21 h, Le Chapeau Rouge, 3/8 e, 05 61 22 27 77, http://lyricosteel.free.fr<br />

« film» (noirs)<br />

[jazzpoem]<br />

Des poètes modernes, amoureux du jazz, s’inspirent des musiques de films noirs<br />

pour un spectacle non-conventionnel. Enzo Cormann et Jean-Marc Padovani,<br />

deux complices officiant sous le nom de « jazz-poems », plantent le décor années<br />

cinquante des polars en noir et blanc. Les musiciens évoluent autour de la récitation<br />

de textes en s’autorisant une improvisation débordante. Dans une ambiance<br />

un peu sombre, deux écrans projettent des images de films noirs « classiques »,<br />

parmi lesquels Quand la ville dort de John Huston ou Les amants de la nuit de<br />

Nicholas Ray. Ici ce n’est pas l’assassin qu’on recherche, mais la chaleur d’une<br />

bande son jazzy pour animer la nuit.<br />

Du 11 au 14.01, 20h30, MJC Roguet Saint-Cyprien, 05 61 77 26 00<br />

cristina Branco<br />

[fado revisité]<br />

Échappé des vieux restaurants de l’Alafama à Lisbonne, le fado est un genre <strong>qui</strong><br />

– heureusement – se renouvelle. Dix ans après la mort d’Amalia Rodrigues, de<br />

jeunes talents portugais se réapproprient plus personnellement cette mélopée nostalgique<br />

(voir Antonio Zambujo à la Croix-Baragnon). Cristina Branco est en la face<br />

la plus célèbre. La voix, rauque, grave, vibrante, emprunte au registre traditionnel,<br />

mais pourrait tout aussi bien nous venir du jazz de Billie Holliday, ou du tango argentin.<br />

Se dispersant parfois dans des arrangements trop « variété », Cristina Branco<br />

n’en perd pas moins le souffle d’un chant parlant aux tripes. Incontestablement, la<br />

nouvelle dame du fado.<br />

Les 18 et 19.01, 20h30, Salle Nougaro, 20/26 e<br />

nicolas Jules<br />

[chanson]<br />

Dans le paysage de la chanson française, nul doute que Nicolas Jules n’est pas<br />

encore à sa juste place. Qui, en dehors d’un cercle d’initiés, a entendu parler de<br />

ce jeune dandy décalé. Pas grand monde, malgré des papiers plutôt élogieux dans<br />

la presse spécialisée. Nicolas Jules semble tenir à son modus operandi : faire profil<br />

bas, se la jouer discret, condition – apparemment – sine qua non d’une indépendance<br />

et d’une autonomie revendiquée. Sans maison de disque et sans plan<br />

promotionnel intrusif, Nicolas Jules trace son chemin accompagné de son batteur<br />

© Augusto Brazio<br />

et de son contrebassiste, donnant à ses<br />

compositions une chair assemblée dans<br />

le jazz, le rock et le blues. Mais c’est<br />

avant tout par ses textes, clamés d’une<br />

voix grave, que Nicolas Jules affirme<br />

et revendique sa personnalité. Écriture<br />

poétique, vocabulaire fouillé, ton planant.<br />

Lunaire, il l’est à coup sûr. Mais ce<br />

n’est probablement qu’en concert qu’il<br />

se met réellement en orbite.<br />

Les 19 et 20.01, 21h30, 10/12 e,<br />

Le Bijou, www.nicolasjules.com<br />

Jour 54<br />

[opéra radiophonique]<br />

Magma de mots, de sons et de musique.<br />

Bienvenue en terres iconoclastes et inclassables,<br />

où littérature et sons électroniques<br />

s’imbriquent. Jour 54 apporte<br />

une nouvelle suite au roman inachevé<br />

de Georges Perec, 53 jours. Ce projet<br />

d’opéra radiophonique, conduit par<br />

Pierre Jodlowski et invité du cycle Présences<br />

vocale du collectif éOle, s’imprègne<br />

de la complexité de la langue et<br />

de la pensée de l’auteur, recrachant une<br />

ode sensible <strong>qui</strong> pratique le mix jubliatoire<br />

du mot et du montage sonore.<br />

Les 20 et 21.01, 21h, Petit théâtre<br />

Saint-Exupère, Blagnac, 10/20 e<br />

ibrahim maalouf<br />

[jazz métissé]<br />

On pense à tort que la trompette appartient<br />

uniquement au jazz et à la<br />

soul. Ibrahim Maalouf est la preuve du<br />

contraire. S’il est difficile de classer le<br />

style musical de ce virtuose, c’est qu’il<br />

pioche dans toutes les influences, classique,<br />

jazz, hip hop, électro, pop-rock,<br />

et surtout orientale, lui <strong>qui</strong> est né à Beyrouth,<br />

dans une famille d’artistes : un<br />

père trompettiste, une mère pianiste,<br />

et un oncle écrivain (Amin Maalouf).<br />

Aujourd’hui, son univers musical inspire<br />

les plus grands de Vincent Delerm<br />

à -M-, de Thomas Fersen à Vanessa<br />

Paradis, et il continue de composer<br />

pour des ensembles classiques. Dans<br />

ses concerts, il développe des thèmes<br />

envoûtants, à la manière arabe, rendus<br />

plus acérés par des guitares rock ou<br />

des instrumentations funk. Un virtuose<br />

du métissage musical.<br />

26.01 à 20h30 au Bikini à partir de 23,50 e<br />

© Gaston Bergeret


mon côté punk<br />

[pas si punk]<br />

Ne nous fions pas totalement aux étiquettes. Leur « côté punk », n’est pas tant à<br />

chercher sur leur crête colorée et leurs riffs rageurs que dans le mix d’un grand bordel<br />

musical. À la base on peut dire que c’est la chanson <strong>qui</strong> les fédère tous. Tous ?<br />

Mourad Musset et Olivier Leite de la Rue Kétanou, Loïc Lantoine, Fatih Oulhaci du<br />

Théâtre du Fil et bien d’autres encore, partant du principe que brasser les genres<br />

musicaux, piocher ses membres dans différents groupes, et partir sur la route pour<br />

le seul plaisir d’être ensemble, suffisait à faire sens. En presque dix ans de scène,<br />

le collectif a marqué les esprits. Les fondateurs ont <strong>qui</strong>tté le navire, l’esprit punk est<br />

resté. Pour de vrai.<br />

Le 26.01, la Dynamo, 15/20 e, le 27.01, le Rio, Montauban, 12/16 e<br />

de l’oxygène pour les oreilles<br />

[festival]<br />

En 2002, Première-Pression s’allie avec le comité Ax-Animation et pose ses valises<br />

à Ax-les-thermes, le temps d’un festival de musiques actuelles en pleine saison de<br />

ski. Le succès remporté va grandissant au fil des années, jusqu’à accueillir 3 500<br />

spectateurs. Dix ans, l’âge rond du bilan ? L’édition 2012 est plutôt celle de la nouveauté<br />

: cette fois, l’O2 (de son petit nom) passe sur deux week-ends. Et s’installe<br />

même en altitude pour proposer de nouvelles sensations avec Dj’s et concerts live.<br />

Rien de changé par contre dans le programme musical (on y retrouve d’ailleurs les<br />

Marseillais de Nasser, dont l’électro-rock avait déjà retenti au pied de la station l’an<br />

dernier). Le festival a trouvé l’é<strong>qui</strong>libre entre têtes d’affiches et jeunes artistes en<br />

devenir. À part ça, entre un premier week-end <strong>qui</strong> commence très fort avec le duo<br />

électro South Central et un live du Peuple de l’Herbe annoncé comme une création<br />

unique, puis une deuxième salve sur trois jours avec pêle-mêle General Levy,<br />

Popof, Foreign Beggars et – surtout – Shaka Ponk, il y aura de quoi se réchauffer<br />

les oreilles. Le second round se fera à Cauterets en février.<br />

Les 27 et 28.01 et du 3 au 5.02, Ax-les-Thermes, we du 27 et 28.01, 16/18 e la soirée,<br />

26 e les 2 jours, we du 3 au 5.02, 16/18 e la soirée, 38 e les 3 jours, pass 5 jours 50 e,<br />

05 61 64 38 00, www.ax-animation.com, www.premiere-pression.com<br />

Prog : Ultravomit, Skip The Use, South Central, Le Peuple de l’Herbe, Filewile,<br />

Nasser, General Levy, Kanka, Cyberpunkers, Che Sudaka, Popof, Foreign Beggars,<br />

Anakronik Electro Orkestra, Shaka Ponk, Punky’z Blasterz<br />

toulouse tout blues<br />

[blues]<br />

Soirée d’inauguration au Bikini pour la toute jeune association Toulouse Blues Society.<br />

Une dizaine de groupes (Awek, Mannish Boys, Little Peter Blues Band, Jeff<br />

Zima, Les Chiens jaunes...) se succèderont sur une scène dont l’acoustique profitera<br />

aux rythmes d’un genre dont l’influence sur d’autres musiques (jazz, rock) n’est plus<br />

à démontrer. Née de la rencontre de passionnés de blues et du constat que la ville<br />

souffrait d’une certaine carence en la matière, la TBS se veut la déclinaison locale<br />

de fondations nationales et internationales (la Blues Foundation de Memphis), un<br />

cercle d’amateurs et de professionnels pour promouvoir le genre à travers concerts,<br />

expos, conférences et autres jams. Début février, elle s’installera à Saint-Jean pour<br />

des sessions animées tous les premiers jeudis du mois.<br />

27.01, 20 h 30, le Bikini (Ramonville), 10 e, 05 62 24 09 50, www.toulousebluessociety.com<br />

Prog : Awek, Daniel Antoine, Eric LaValette Band, Jeff Zima, Les Chiens Jaunes, Crazy<br />

Ducks, Little Peter Blues Band, Mannish Boys, Nicolas Blues du monde, Oli & the LP’s...<br />

Le peuple de l’herbe © Gilles Garrigos<br />

Justice<br />

[electro-rock]<br />

Il n’aura fallu que 28 minutes pour que la<br />

date de Justice à l’Olympia affiche sold<br />

out. Un record absolu ! Et on peut comprendre<br />

l’engouement <strong>qui</strong> a toujours entouré<br />

Gaspard Augé et Xavier de Rosnay,<br />

qu’ils jouent aux musiciens ou aux producteurs.<br />

Le clip d’« Audio Vidéo Disco »<br />

– le single du disque éponyme – aurait pu<br />

laisser penser que le groupe cruciforme<br />

s’était embourgoisé. Ambiance feutrée,<br />

coupe de champ’, tripotage de minichien<br />

et repas aux chandelles... autant<br />

d’images chicos choisies pour décrire la<br />

vie du duo le plus couru de la scène électro<br />

française. Cela mis à part, impossible<br />

de ne pas succomber à leurs tubes calibrés<br />

pour le live comme « Civilization » ou<br />

« Canon ». Leur musique un poil mégalodisco<br />

en appelle à la folie des grandeurs<br />

et c’est parfait sur scène. Lumière, beats,<br />

basses, tout est réuni pour faire hocher<br />

les têtes d’un fan club toujours partant<br />

pour la danse. Dommage que leur date<br />

toulousaine soit déjà au complet.<br />

28.01, 20h30, Bikini, www.lebikini.com<br />

détours de chant<br />

[chanson]<br />

Le festival de chanson sait jouer des<br />

solidarités toulousaines, ses 37 rendezvous<br />

se déclinent sur la plupart des salles<br />

de concert de la ville, du Bijou (dont le<br />

patron est l’organisateur) à la Dynamo,<br />

d’Odyssud au Bikini. Pour sa 11 e édition,<br />

à cheval sur janvier et février, il joue la<br />

carte des valeurs sûres, déjà vues, mais<br />

dont on ne se lasse pas : Arthur H et Izia<br />

mais sans Higelin (le papa des deux),<br />

Miossec, les Têtes Raides, R-Wan sans<br />

Java et Sanseverino. Du côté du Sud-<br />

Ouest, André Minvielle vient en voisin<br />

avec Lionel Suarez, pour un beau jazz<br />

gascon, et Éric Lareine pousse ses cris<br />

© Pedro Winter<br />

© Monsieur M.<br />

avec ses enfants (voir plus bas). Ayant<br />

le sens des responsabilités envers les<br />

générations futures, les organisateurs<br />

mettent les jeunes talents en avant dans<br />

des premières parties habilement réparties.<br />

Le KKC Orchestra (swing) et la Fine<br />

É<strong>qui</strong>pe, avant R-Wan, ou Chouf avant<br />

les Têtes Raides. Pour les plus curieux,<br />

le Bijou a même prévu une journée Coup<br />

de Pousses, avec à l’affiche La Reine<br />

des aveugles (chanson pirate), Lizzie (folk<br />

portugais), Dalele (chanteuse accordéoniste),<br />

La Mala Cabeza (tango dégénéré),<br />

et Bulle de Vers (chanson rock et réaliste).<br />

Les 10 jours se finiront par une nuit de<br />

reprises des chansons de Nougaro, histoire<br />

de raviver l’héritage.<br />

Du 28.01 au 11.02,<br />

www.detoursdechant.com, 05 62 73 44 72<br />

Prog : Les Franglaises, les Étrangers<br />

Familiers, Pauvre Martin, Brigitte, Clément<br />

Bertrand, Big Flo & Oli, Izia, Sanseverino,<br />

Paamath, Dimoné, Chloé Lacan, Enterré<br />

Sous X, Chouf, Têtes Raides, Arthur H,<br />

Récréation Nougaro, Émilie Cadiou,<br />

Éric Lareine, Miossec…<br />

les passions<br />

[musique baroque]<br />

En costumes d’époque et en musique,<br />

l’ensemble Les Passions – Orchestre<br />

baroque de Montauban rejoue la partition<br />

de la cour de Louis XIV en contant<br />

l’histoire d’une construction pharaonique,<br />

où l’on croise Colbert, Vauban<br />

ou les Couperin. S’il fallait une raison<br />

de plus de se rendre jusqu’à l’Orangerie<br />

de Rohcemontès, sachez que ce<br />

spectacle inaugure une nouvelle saison<br />

de musique classique, les dimanche<br />

après-midi. Aux manettes, la passionnée<br />

Catherine Kaufmann Saint-Martin,<br />

plus connue sous l’enseigne de son site<br />

internet, « Folle de musique ».<br />

29.01, 16h30, Orangerie de Rochemontès (82),<br />

20 e, www.les-passions.fr<br />

éric lareine<br />

et leurs enfants<br />

[chanson déglinguée]<br />

Papa chanteur, et ses enfants musiciens<br />

ne vous convient sûrement pas<br />

à une soirée musicale édulcorée. Avec<br />

Lareine, la chanson se désintègre,<br />

écartelée entre cabaret rock, free jazz,<br />

envolées poétiques et souffles improvisés.<br />

Oubliez les couplets-refrains bien<br />

agencés, ici le chemin mélodique se fait<br />

sinueux, exprès, les mots s’emportent,<br />

les rimes s’évaporent. À Toulouse,<br />

Lareine & co jouent à domicile, deux<br />

soirs même à la « Croix Ba ». Il fallait bien<br />

ça pour célébrer la sortie de leur nouvel<br />

album « Greffe de zèle ». Le chant subversif,<br />

la rage haute, et le verbe allumé,<br />

l’uppercut musical aura bien lieu.<br />

Les 30 et 31.01, 20h30, Espace<br />

Croix-Baragnon, Salle Bleue, 5/10 e<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 55


culture en famille<br />

La sortie du dimanche<br />

Gargas-nesplori@,<br />

les mains dans la préhistoire<br />

« Maman, pourquoi les Cro-Magnons faisaient des dessins dans les grottes ? » Et si on allait visiter<br />

une vraie grotte préhistorique ornée pour répondre aux questions embarrassantes. Gargas est l’une<br />

des rares encore ouverte au public et dispose – en plus – d’un centre numérique dernier cri, Nesplori@.<br />

Par Isabelle Bonnet-Desprez<br />

Ce matin-là, une légère brume enveloppe le petit<br />

village d’Aventignan. Nichées au cœur des<br />

Hautes-Pyrénées, les grottes préhistoriques ornées<br />

de Gargas ne se visitent pas comme ça. Seul<br />

Nicolas Ferrer, le responsable et guide, possède la clé de<br />

ce site préhistorique unique, découvert par Félix Régnault<br />

en 1906, célèbre pour ses peintures de mains négatives.<br />

Avant d’ouvrir la porte du sanctuaire, il rappelle qu’il est<br />

« interdit de prendre des photos et de toucher les parois.<br />

Le site est fragile : il faut le préserver. C’est l’une des rares<br />

grottes préhistoriques ornées encore ouverte au public ! »<br />

Les lumières froides, <strong>qui</strong> évitent que cette grotte blanche<br />

(c’est du calcaire) ne développe la maladie verte, s’allument<br />

puis s’éteignent sur notre passage. On descend à<br />

30m sous terre. Il fait 11°C. Des gouttes d’eau restent accrochées<br />

aux stalactites. Finement sculpté par le temps, le<br />

sanctuaire est majestueux, mystérieux.<br />

\ Mammouths et aurochs \<br />

Au premier croisement, on distingue cinq lignes de points noirs<br />

tracés au dioxyde de manganèse. « Signalisation du passage ou<br />

motifs claniques, explique le guide, on n’en connaît pas la signification.<br />

» Au fond de la première grotte, on devine les contours<br />

de deux bouquetins et d’un bison, dont la tête a disparu, ron-<br />

56 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

gée par la calcite. Obligés de baisser la tête pour emprunter le<br />

tunnel <strong>qui</strong> rejoint la seconde grotte, on <strong>qui</strong>tte l’impressionnante<br />

cathédrale verticale, pour entrer dans un monde horizontal et<br />

circulaire creusé par une rivière. Le sol ondule au fil des gours.<br />

D’imposantes stalagmites forment des piliers, façon cire de<br />

bougie. Là, un auroch, deux chevaux et un mammouth gravés<br />

s’entremêlent et, dans une niche, une main noire a été peinte.<br />

Plus loin, la grande paroi en dévoile des dizaines, rouges et<br />

noires. « Il y a 27 000 ans, des chasseurs de l’âge de pierre ont<br />

craché à la bouche ou tamponné le pigment sur le pourtour de<br />

leur main. L’absence de certaines phalanges fait la particularité<br />

de Gargas. On trouve ici plus de deux cents peintures de mains<br />

négatives ; soit la moitié des mains préhistoriques d’Europe ! »<br />

Une fois la visite terminée, passage obligé – et conseillé ! – au<br />

Centre d’interprétation numérique et préhistorique de Nesplori@,<br />

ouvert tout à côté en 2010. Ici, on touche – littéralement<br />

– du doigt la préhistoire à travers un parcours tactile, interactif<br />

et ludique. Grâce aux outils numériques les plus innovants, on<br />

découvre le sanctuaire des mains (un espace inaccessible de<br />

Gargas), on s’amuse à retrouver et redessiner le tracé des gravures<br />

d’animaux sur la paroi, on compare sur une table interactive<br />

sa main à celles peintes dans la grotte ornée. Et avant<br />

de partir, on laisse l’empreinte virtuelle – la mienne, c’est isa-<br />

16.053 – de sa main, bien sûr.<br />

Grotte de Gargas<br />

et Nestplori@<br />

route départementale 261,<br />

65 660 Aventignan.<br />

Visite de la grotte : 50 min.<br />

Ouvert toute l’année<br />

de 10h30 à 17h30,<br />

et de 10 à 18h en juillet/août.<br />

Pass Grottes<br />

de Gargas + Nestplori@ :<br />

12 €/adulte, 7 €/enfant ;<br />

Pass Famille à 29 €.<br />

Réservation conseillée<br />

au 05 62 98 81 50,<br />

www.nestploria.fr<br />

Nouveauté : balade de 2,2 km<br />

avec guide multimédia<br />

é<strong>qui</strong>pé GPS, sorte de petite<br />

vadrouille numérique locale<br />

à faire en famille.


après l’école !<br />

Les yeux dans la mare<br />

Claude Nuridsany et Marie Pérennou nous donnent une nouvelle<br />

occasion de prendre La clé des champs. Après Microcosmos, le<br />

tandem de réalisateurs met les pieds dans la mare et scrute à<br />

nouveau l’infiniment petit. Deux enfants à la campagne passent<br />

leur après-midi à découvrir un point d’eau, et le transformer<br />

en un mystérieux terrain de jeu. Mais les vrais stars ce sont les<br />

grenouilles et libellules, les têtards et les araignées d’eau. Dans<br />

ce long-métrage produit par Disney - et tourné dans l’Aveyron<br />

! - on retrouve leur méticuleux travail <strong>qui</strong> transforme des vies<br />

minuscules en poésie, avec cette capacité de filmer la nature<br />

comme un personnage à part entière, sans toutefois l’influencer<br />

ni la transformer. La bande son signée Bruno Coulais (où<br />

l’on retrouve Standley de Moriarty et Nosfell) est splendide, et la<br />

voix de Denis Podalydès finit de nous transporter dans le doux<br />

monde d’une enfance insouciante et rêveuse. \ Mathilde Raviart \<br />

au cinéma depuis le 21.12<br />

asian sensation<br />

Immersion totale à Taïwan pendant<br />

un week-end, est-ce possible ?<br />

Oui, au village du Nouvel An<br />

chinois, créé à l’occasion du festival<br />

Made in Asia, place du Capitole<br />

les 28 et 29.01. La traditionnelle<br />

parade célèbre cette année le<br />

signe du Dragon d’eau. Les multiples<br />

tentes <strong>qui</strong> accueillent ateliers<br />

et espace de restauration, laissent place en leur centre à une scène<br />

sur laquelle des démonstrations d’arts martiaux, de sabre coréen,<br />

de percussions traditionnelles s’enchaîneront gratuitement de 10h à<br />

19h. Le dragon et le tigre défileront tout au long du week-end pour<br />

célébrer la nouvelle année, <strong>qui</strong> selon l’astrologie chinoise, promet<br />

d’être épuisante, mais brillante. \ M. R. \<br />

Les 28 et 29.01, place du Capitole,<br />

www.festivalmadeinasia.com<br />

Complètement<br />

chiffré<br />

Une couverture d’un beau noir, très graphique,<br />

ça attire forcément l’œil au rayon<br />

des livres jeunesse. Olivier Couzou, tout<br />

juste revenu au Rouergue en tant que directeur<br />

artistique, revisite avec inventivité et<br />

panache l’histoire archi-connue de Boucle<br />

d’Or et les trois ours. De ce trio + 1, l’auteur<br />

a fait le pari d’un conte chiffré, où les numéros<br />

remplacement les mots, où les images se<br />

déchiffrent, où les figures des personnages se devinent, poétiques,<br />

incongrues. Le petit ours <strong>qui</strong> zozote n’est pas pour rien dans cette<br />

magie des chiffres et des lettres. Lisez donc ça « Quelqu’un 7 à 6<br />

sur ma 16 et l’a toute cazée, pleura petit ours 13 en colère ». Irrésistible,<br />

même pour les plus grands. \ S. P. \<br />

Boucle d’Or et les trois ours, Olivier Douzou, Le Rouergue,<br />

15 r, dès 3 ans.<br />

© thelma films<br />

la<br />

libraire<br />

a lu


© O’NavioID<br />

culture en famille<br />

la Belle et la Bête<br />

[conte surréaliste]<br />

le petit chaperon rouge<br />

[danse contemporaine]<br />

Qui a peur du grand méchant loup ? C’est<br />

nous ! En reprenant à son « conte » le classique<br />

Petit chaperon rouge, le jeune chorégraphe<br />

Sylvain Huc a l’intention de jouer avec<br />

nos nerfs, juste pour voir. On embarque dans<br />

ce conte-là comme on monterait sur des montagnes<br />

russes, avec la douce excitation du<br />

frisson. Sur scène, ils ne sont que deux dans<br />

un dispositif dépouillé : capuche rouge, féminine<br />

et naïve. Lui, capuche noire, effrayant<br />

et fascinant. Leurs corps deviennent réceptacles<br />

d’émotions, leurs bouches soufflent,<br />

crient, halètent. À l’écart, le musicien Xavier<br />

Coriat n’est pas pour rien dans les ambiances<br />

hitchcockiennes à vous faire vibrer l’échine.<br />

Entre deux montées d’angoisse, le rire éclate<br />

aussi. Ouf !<br />

Le 13.01, 19h, Centre culturel de Ramonville, 05 61 73<br />

00 48, 5,50/6 €. Le 20.01, 19h30, Théâtre Jules-Julien,<br />

05 61 25 79 92, 5/7 €, dès 7 ans<br />

les p’tits papiers<br />

[expo-ateliers]<br />

58 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

C’est un classique inépuisable que revisite<br />

le Shlemil Théâtre. L’histoire de ce<br />

conte, tout le monde la connaît : la Belle<br />

est enfermée dans le château de la Bête<br />

pour sauver la vie de son père. Lorsqu’elle<br />

découvre la Bête, elle voit par-delà le<br />

monstre et en tombe amoureuse. Grâce<br />

au mime, la danse, le cirque, la magie<br />

et la musique, ce spectacle apporte un<br />

nouveau regard sur la pièce. C’est un<br />

voyage extraordinaire, voire surréaliste,<br />

où toutes les bizarreries sont permises :<br />

un château hanté par des singes à roulettes,<br />

un lit trampoline, une marionnette<br />

de 3,50 m de haut en guise de Bête....<br />

Les décors et les masques des personnages<br />

ajoutent encore au mystère. Personne<br />

ne devrait y résister, sûrement<br />

pas les plus jeunes. Ils sortiront de cette<br />

féérie, comme après une bonne nuit de<br />

sommeil, la tête encore pleine de rêves.<br />

Les 13 et 14.01 à 20h, le 15.01 à 15h,<br />

Odyssud, Blagnac, 05 61 71 75 15. Dès 8 ans<br />

La Maison bleue, dans l’Ariège, met les mains dans la colle, pour son exposition<br />

évolutive Papel Art. Le 14.01, l’atelier collage animé par la peintre collagiste<br />

Chloé Bretzelle, est ouvert aux enfants à partir de 6 ans. Après avoir créé les<br />

personnages de leur univers, ils pourront repartir avec, en passant par la case<br />

goûter. Véronique Magny propose aussi un atelier de création de chapeau, toujours<br />

en papier, le 21 janvier. Cette plasticienne adepte de la recup’ enseignera<br />

l’art de la coiffe recyclée, aux petits comme aux grands.<br />

Le 14.01, atelier collage, participation libre, le 21.01, atelier chapeaux, 7 €, la Maison Bleue,<br />

la Bastide de Sérou (09,) 09 54 46 44 02, à partir de 6 ans<br />

où va l’eau ?<br />

[tout petits]<br />

Embarquement pour un monde de poésie pour<br />

les tout petits. Pour captiver les moins de 3 ans,<br />

Où va l’eau ? oublie la narration pour s’aventurer<br />

du côté de la sensation et la douceur. C’est que<br />

la comédienne Marie Blondel sait parler aux bébés,<br />

avec sa voix suave, son univers coloré, ses<br />

histoires d’eau et de canard empruntées aux<br />

livres de l’auteur belge Jeanne Hashbé. Pendant<br />

30 minutes, les enfants sont happés par<br />

cette fable aquatique et sans syntaxe. À deux<br />

doigts de la magie.<br />

Le 18.01, 10h30, 16h, 17h30, 5,50/6 €<br />

Centre culturel de Ramonville, 05 61 73 00 48 dès 1 an<br />

© Erik Damiano<br />

Y’a pas d’âge<br />

pour être cinéphile<br />

[cinéma]<br />

Cinémathèque Junior + P’tit ABC = nouvelles<br />

formules ciné pour les enfants et<br />

une carte cinéphile junior. Les deux structures<br />

se la jouent collectif pour défendre<br />

le cinéma jeunesse et développer l’offre.<br />

Le P’tit ABC choisira désormais un thème<br />

par trimestre pour la programmation<br />

des deux lieux. Ce sera « Conte et décomptes<br />

» pour ouvrir le bal, avec entre<br />

autres, Les trois mousquetaires, Pierre et<br />

le loup, Les Trois mariages de Laurel et<br />

Hardy, 1.2.3…Léon !, 7.8.9…Boniface.<br />

À la Cinémathèque, un ciné-club junior<br />

pour les 7-11 ans est ouvert. À tester.<br />

Du 22.01 au 04.03, à la Cinémathèque,<br />

05 62 30 30 10, et à l’ABC,<br />

05 61 21 20 46<br />

la ferme<br />

des Z’animaux<br />

[spectacle engagé]<br />

S’inspirant du texte métaphorique de<br />

George Orwell, les Z’Omni, quatuor<br />

féminin déjanté, choisit la forme burlesque<br />

pour se lancer dans la révolution<br />

animale, version basse-cour.<br />

Qui de l’œuf ou de la poule est arrivé<br />

le premier ? Telle est la question sur<br />

laquelle se penche cette « conférencespectacle<br />

» mêlant musique et théâtre,<br />

et oubliant de se prendre au sérieux.<br />

Veaux, vaches, moutons, coqs et poules<br />

se disputent le pouvoir. Et ne sousestimez<br />

pas les canards et les cochons,<br />

eux aussi savent faire la révolution.<br />

Les 24.01 et 26.01, 19h30, les 27.01 et<br />

28.01 à 21h, Théâtre du Pont-Neuf, 05 62 21<br />

51 78. 10/12 €, à partir de 10 ans<br />

terres !<br />

[théâtre]<br />

Le spectacle de Lise Martin, Terres !<br />

aborde avec simplicité et légèreté,<br />

autour d’une scène bac à sable, des<br />

questions très sérieuses et politiques :<br />

l’occupation des territoires, la propriété<br />

privée, la liberté. Kétal et Aride<br />

arrivent sur la terre prétendue promise<br />

à Kétal. Un immense terrain vide, qu’ils<br />

se partagent en traçant des lignes imaginaires.<br />

Mais voilà que deux autres<br />

personnages font leur apparition et<br />

réclament également leur part du gâteau...<br />

Un subtil jeu se met alors en<br />

place entre les personnages pour que<br />

le spectateur, <strong>qui</strong> mène intérieurement<br />

sa propre enquête, ne sache plus <strong>qui</strong><br />

a raison ou <strong>qui</strong> a tort. Terres ! est le<br />

premier spectacle du cycle « L’ivresse<br />

du pouvoir » au TNT.<br />

Le 25.01, à 14h30, le 27.01 à 20h<br />

et le 28.01 à 16h, TNT, www.tnt-cite.com,<br />

05 34 45 05 05, à partir de 9 ans<br />

un enfant sans nom<br />

[théâtre musical]<br />

Bienvenue dans la casse de Mister Tenaille,<br />

ferrailleur. Dans un décor fait de<br />

bric et de broc, des bruits mystérieux<br />

émergent d’un gros tas de métal, animant<br />

ainsi comédiens et marionnettes.<br />

Les spectateurs sont embarqués dans la<br />

quête d’identité d’un enfant <strong>qui</strong> n’a pas<br />

de nom. L’humour et la poésie accompagnent<br />

ce voyage dont le sujet n’est initialement<br />

pas très gai, les chansons aux<br />

paroles délirantes changent la donne. La<br />

cie Papaq revient donc avec ce spectacle<br />

théâtral et musical pour en mettre plein<br />

les oreilles et la vue à ceux <strong>qui</strong> n’ont encore<br />

jamais pris la sortie 23 de l’autoroute<br />

A 700 vers Montagne-les-fers.<br />

Le 25.01, à 14h30 à l’espace des Augustins de<br />

Montauban et le 27.01 à 20h, salle Jacques-Brel<br />

Castanet-Tolosan, 05 63 91 77 21, enfants 5 €,<br />

adultes 8 €, 05 62 71 70 44<br />

© Sylvain Guichard


culture CD<br />

Julien dyne<br />

60 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

Histoire d’allonger la liste des<br />

batteurs <strong>qui</strong> manient boîtes<br />

à rythmes et sampleurs,<br />

voici le Néo-Zélandais Julien<br />

Dyne. Dans la droite ligne<br />

des productions mid-tempo<br />

abstract/hiphop instrumental<br />

<strong>qui</strong> inondent les bacs depuis<br />

plusieurs années, Glimpse, le<br />

second album du bonhomme,<br />

sort sur le célèbre label<br />

BBE (J Dilla, King Britt,<br />

Spinna). Ambiances neo soul,<br />

electronique groovy<br />

et hip-hop jazz, durant 19<br />

titres où viennent s’inviter<br />

quelques belles voix (Lady<br />

6, Mara tk...) histoire de<br />

caresser l’oreille et casser<br />

la monotonie. Certains<br />

emploieront l’expression<br />

vulgaire « lounge » pour<br />

qualifier cette musique, nous<br />

on préférera dire qu’elle est<br />

chaleureuse et velouté. Julien<br />

Dyne semble résolu à faire<br />

baigner l’auditeur dans un<br />

état futuro/cosmic apte au<br />

bien-être. Le but semble bel<br />

et bien atteint. \T. D. \<br />

Glimpse / BBE records, 2011<br />

Bertrand chamayou<br />

eccentric Soul<br />

Le génial travail de ré-édition, que fait depuis<br />

2003 le label de Chicago Numero Group s’est<br />

enrichi d’une nouvelle référence : le numéro 39.<br />

Comme avec les autres compilations du genre,<br />

ce disque se concentre autour de la soul musique<br />

et du funk des années 60 et 70. Sur cette galette,<br />

on dévore une collection de groupes produits par<br />

le défunt label The Nickel & Penny. Comme Jerry<br />

Townes et son « Three Sides To A Triangle » ou<br />

encore Little Ben & the Cheers avec « I’m Gonna<br />

Get Even with You ». Les 24 pistes racontent en<br />

filigranne l’incroyable histoire de Richard Pegue,<br />

producteur influent à Chicago et grand homme<br />

de radio. Il a participé activement au remarquable<br />

travail de documentation et de collecte de ces<br />

musiques <strong>qui</strong> auraient mérité d’être rééditées<br />

avant. Bref, Numero Group c’est aussi tout<br />

simplement la possibilité d’écouter chez soi des<br />

chansons, sur support vinyle, dont les copies<br />

originales se vendent sur Ebay au prix d’une<br />

bonne Citroën Picasso d’occasion. Pensez-y !<br />

\ Thomas Delafosse \<br />

Va – Eccentric Soul : The Nickel & Penny Labels /<br />

Numero Group Records<br />

Monumental dans l’écriture d’une épopée pianistique que Franz Liszt entreprend dès la fin des<br />

années 1830, au plus fort de ses amours avec Marie d’Agoult. Voyage, pérégrination, pèlerinage,<br />

c’est certainement cette histoire-là que sait si bien nous raconter Bertrand Chamayou. Car son jeu<br />

donne à ressentir : bucolique pour évoquer les paysages de la Suisse, irisé pour nous faire toucher<br />

du doigt les atmosphères impalpables de l’eau, souverain quand il s’attaque à l’Italie de Dante ou<br />

de Michel-Ange... Le public de « Piano aux Jacobins » ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Le pianiste<br />

toulousain a con<strong>qui</strong>s sa place au niveau mondial (de Bolet à Arrau en passant par Berman ou<br />

Brendel), il relève ses défis avec sensibilité et grandeur, alliant une technique infaillible à une poésie<br />

incomparable. Voilà une intégrale <strong>qui</strong> rend un véritable hommage à Liszt pour son bicentenaire et<br />

<strong>qui</strong> fera date. Indispensable. \ L. S. \<br />

Les Années de Pèlerinage de Franz Liszt, intégrale, Bertrand Chamayou, piano / 3 CD / Naïve, 24 e<br />

le cd<br />

du mois<br />

Roberto alagna<br />

Roberto Alagna est à l’honneur chez ses deux<br />

maisons de disques, l’ancienne (EMI) et la<br />

nouvelle (DG). Côté cour, et il joue dans celle<br />

des grands en digne successeur de Pavarotti<br />

ou de Domingo, le ténor lyrique offre le florilège<br />

des héros qu’il a incarnés sur les plus grandes<br />

scènes d’opéras. Une compilation d’extraits<br />

allant de Roméo et Juliette à La Bohème pour<br />

retrouver cette voix lumineuse et irradiante,<br />

ce phrasé exemplaire. Entouré de partenaires<br />

fabuleux, Natalie Dessay, Angela Gheorghiu,<br />

Leontina Vaduva ou Thomas Hampson, les dix<br />

rôles de sa vie... C’est avec la même sincérité,<br />

que Roberto aborde l’Amérique Latine dans<br />

Pasión. Dans la droite ligne de ce <strong>qui</strong> a fait<br />

le succès de son Mariano ou de Sicilien,<br />

on retrouve sa générosité, le charme de sa<br />

voix aux couleurs chaudes, mais aussi cet<br />

indéniable plaisir de partager de vrais « tubes »<br />

comme Quizas, <strong>qui</strong>zas, <strong>qui</strong>zas ou la Historia<br />

de un amor, à deux voix avec la chanteuse<br />

mexicaine Lila Downs. Pour retrouver le sens<br />

véritable du mot populaire. \ Laurent Sorel \<br />

Mes plus grands rôles à l’Opéra / 3 CD / EMI Classics<br />

Pasión / 1 CD / Deutsche Grammophon<br />

© Alix Laveau<br />

© Richard Dumas / Naïve


La guerre sans la paix<br />

C’est le plus beau des voleurs<br />

On n’a pas envie d’y résister. Profiter de l’hiver pour s’adonner au plaisir régressif<br />

de cette lecture de l’adolescence <strong>qui</strong> ne trouve pas si facilement son pareil. Qui plus est,<br />

ce livre de poche réunit les deux aventures les plus célèbres du gentleman cambrioleur,<br />

Le bouchon de cristal et L’aiguille creuse. On a presque peur au moment de le relire. Et s’il<br />

venait à décevoir ce voleur diablement séduisant, s’il n’était pas fait pour la vie d’adulte.<br />

On aurait tort, élisez un dimanche, trouvez un feu <strong>qui</strong> crépite, une boisson <strong>qui</strong> tient chaud,<br />

et, livre en main, tout comme Maurice Leblanc vous direz : « il n’est pas mon ombre, je suis<br />

son ombre. Je lui obéis. » \ Isabel Desesquelles \<br />

Les aventures extraordinaires d’Arsène Lupin / Maurice Leblanc / Point Seuil / 9e90<br />

Il y a Ora, l’héroïne de ce roman<br />

et il y a tout. Un pays, Israël,<br />

déchiré par une guerre sans<br />

fin. Une mère dont le fils soldat<br />

peut être à tout instant porté<br />

disparu. Une femme fuyant<br />

l’annonce, conjurant le sort<br />

de l’attente par une fugue :<br />

puisqu’elle n’est pas chez<br />

elle, personne ne pourra lui<br />

annoncer la mort de son fils à<br />

la guerre. Sans les mots pour le<br />

dire, son fils échappera au pire.<br />

Dès les premières pages, avec<br />

un long et singulier dialogue<br />

entre la toute jeune Ora et<br />

celui <strong>qui</strong> sera son amour de<br />

jeunesse, on est happé par le<br />

destin en marche, l’inéluctable<br />

accompli. De Jérusalem en<br />

Galilée, de 1967 à nos jours,<br />

David Grossman décrypte ce<br />

que la guerre détruit, mais aussi<br />

ce qu’elle ne peut atteindre, le<br />

sentiment <strong>qui</strong> unit des êtres, fait<br />

une famille, un avenir, l’espoir<br />

quand même. \ I. D. \<br />

Une femme fuyant l’annonce /<br />

David Grossman / éditions Le Seuil /<br />

22,50 e<br />

Une femme puissante<br />

Les textes d’Annie Ernaux composent, sans nul doute, les<br />

pages majeures <strong>qui</strong> feront la littérature de notre temps. Le<br />

temps, justement, ce qu’il laisse et ce qu’il emporte, hante<br />

l’écrivain. Grâce à ce volume réunissant sous le titre, Écrire la<br />

vie, une grande partie de ses livres, du premier Les armoires<br />

vides, au texte phare que sont Les années, on redécouvre la<br />

puissance de cette femme <strong>qui</strong>, se racontant, nous raconte<br />

l’existence dans ses détails les plus infimes, les plus essentiels.<br />

La lire, c’est retrouver de façon troublante<br />

tout ce <strong>qui</strong> nous occupe, nous heurte, nous construit.<br />

C’est revenir sur notre vie en entrant dans la sienne.<br />

Il n’est qu’à tourner les cent premières pages inédites<br />

d’Écrire la vie où l’auteur nous livre des extraits de son<br />

journal rédigé depuis plus de quarante ans. Généreuse<br />

et toujours soucieuse d’avancer sans masque, elle partage<br />

également des photos intimes. Sa beauté ne se dément<br />

jamais, avec cet air d’une Dominique Sanda, telle qu’on la<br />

découvre à vingt ans. Et plus loin, ce regard aujourd’hui, d’une<br />

femme unique <strong>qui</strong> en contient d’innombrables. Une deuxième<br />

publication, L’atelier noir, nous fait entrer dans sa réflexion<br />

d’écrivain <strong>qui</strong> pense les mots et la manière pour le dire. « Je suis<br />

couchée sur des épaisseurs de chagrins, <strong>qui</strong> ne se distinguent<br />

pas les uns des autres, à l’intérieur d’une bulle. Pourtant, il n’en a<br />

pas toujours été ainsi. J’ai voulu des choses. » \ I. D. \<br />

Écrire la vie / annie Ernaux / éditions quarto / 25 e<br />

Le cahier Noir / annie Ernaux / éditions des Busclats / 15 e<br />

le<br />

livre<br />

du mois<br />

Biographie graphique<br />

culture Livres<br />

Des femmes <strong>qui</strong> font l’Histoire, celle avec un grand H, dessinées et racontées sous<br />

le prisme de leur enfance, c’est l’idée forte de cette nouvelle collection <strong>qui</strong> promet<br />

des biographies graphiques de Virginia Woolf, Diane Fossey ou Aliénor d’A<strong>qui</strong>taine.<br />

On a retenu celle consacrée à Françoise Dolto. C’est étonnant comme le dessin<br />

nous la restitue, petite fille, se posant de drôles, et indéniablement, de bonnes<br />

questions : « Au ciel, c’est quoi, c’est où, c’est comment au ciel ? »<br />

Elle insiste, elle ne pense qu’à ça d’ailleurs. L’illustratrice lui a fait un visage de<br />

lune et on est troublé. On entre dans le livre et on rencontre cette enfant, qu’a été<br />

l’illustre pédiatre et psychanalyste. On est avec elle mais... avant. Avant qu’elle ne<br />

soit tout ce que l’on a vu, entendu, tout ce que l’on sait d’elle. Le dessin nous la<br />

livre, familière. Et cependant, il accroît le mystère, car c’est tout Françoise Dolto<br />

mais… autrement. \ I. D. \<br />

Françoise Dolto L’heure juste / Marie-Pierre Farkas et Marianne Ratier / éditions Naïve / 23 e<br />

© C. Hélie Gallimard<br />

<strong>Spirit</strong> # 46 / 61


plan rapproché<br />

debout les filles !<br />

Rendez-vous est pris quartier Saint-Cyprien. Cheveux<br />

courts et doudounes fluos, Barbara Wolman et Joséfine<br />

Ajdelbaum, les fondatrices de la WebTV féministe<br />

pédagogique TéléDebout, font le pied de grue. Toutes<br />

les deux ont 45 ans, toutes les deux sont féministes depuis toujours.<br />

Assises au Riv’Gauche et sirotant un jus de pomme et un<br />

double café crème, les deux amies n’aiment pas trop parler d’elles<br />

en particulier. Elles préfèrent évoquer la situation des femmes en<br />

général. Car pour ces militantes, leur engagement sonne comme<br />

une évidence. « On se demande plutôt pourquoi il y a des femmes<br />

<strong>qui</strong> ne sont pas féministes », retournent-elles. Joséfine Ajdelbaum,<br />

la présidente de l’association V.Ideaux <strong>qui</strong> chapeaute TéléDebout,<br />

tente tout de même une explication perso : « Ma mère m’interdisait<br />

de jouer au foot de peur que j’aie plus tard – l’horreur pour une<br />

femme ! – de gros mollets… C’est bête, mais j’ai toujours eu le<br />

sentiment de n’être pas une fille comme il fallait ». Barbara Wolman<br />

saisit la balle au bond. « Oui, c’est ça. Dans nos vidéos et reportages,<br />

on veut montrer qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’être<br />

une fille. Il faut absolument sortir de ces rôles par trop stéréotypés.<br />

Allez, debout, les filles ! » lance la vidéaste, en guise de clin<br />

d’œil au film de la première féministe avec une caméra, Debout !<br />

Une histoire du mouvement de libération des femmes de Carole<br />

Roussopoulos.<br />

Mise en ligne le 27 septembre 2010, la WebTV pédago multiplie<br />

les supports visuels destinés aux enseignants dans sa rubrique<br />

L’école des femmes. « Les directives ministérielles sont claires :<br />

il faut parler de l’égalité des sexes aux jeunes, avancent-elles. Or<br />

les enseignants sont souvent démunis… » On trouve en ligne des<br />

reportages sur des femmes très différentes <strong>qui</strong> agissent contre le<br />

sexisme. Ça s’appelle Caméra au poing et c’est leur façon à elles<br />

de faire passer le message. « Le sujet reste tabou, surtout chez les<br />

jeunes filles, poursuit Barbara. Internet permet d’aborder la question<br />

dans la sphère de l’intimité. Car même si en apparence cela a<br />

évolué, elles sentent bien que quelque chose ne va pas… Nous, on<br />

62 / <strong>Spirit</strong> # 46<br />

veut leur dire que ce sentiment d’injustice est loin d’être ridicule ».<br />

Dernière idée en date des filles de TéléDebout, pour militer de<br />

manière ludique et créative : le lancement du concours de vidéo<br />

jeunesse « Buzzons contre le sexisme », ouvert aux 10-22 ans.<br />

« Vous avez envie de participer, seul-e, avec votre classe ou en<br />

é<strong>qui</strong>pe, au concours : les règles du jeu sont simples. Vous réalisez<br />

une vidéo drôle, sérieuse, révoltée ou déjantée, de 2 à 20 minutes,<br />

avec une caméra ou même votre téléphone portable. L’important,<br />

c’est d’avoir des idées, des choses à dire, à montrer et une grande<br />

envie que ça change... »<br />

Lancé en septembre dernier, le concours compte pas moins d’une<br />

centaine de participants et fait déjà le buzz. « C’est marrant, raconte<br />

Barbara, on est partenaires de L’Étudiant et de Julie, le magazine<br />

pour les filles de 8 à 12 ans. Et sur le site, on reçoit pas mal<br />

d’inscriptions de pitchounes ultra motivées. On adore ! »<br />

Côté jury, le casting du concours est pour le moins prestigieux.<br />

Dans le désordre, on y trouve la neurobiologiste Catherine Vidal,<br />

la journaliste reporter d’image Harriet Hirshorn, l’historienne Christine<br />

Bard, la réalisatrice Habiba Djahnine, la philosophe Geneviève<br />

Fraisse, la sociologue Virginie Houadec, etc. « Eh oui, sourientelles,<br />

c’est l’avantage d’être féministes depuis longtemps. Mais<br />

c’est aussi la preuve, s’il en fallait une de plus, qu’il y a encore<br />

beaucoup à faire… »<br />

Également formatrice jeunesse et sport, Joséfine boit une gorgée<br />

de café, puis enchaîne de son léger accent allemand, agacée :<br />

« Si peu de choses ont changé… Il y a peu, alors que je faisais<br />

une intervention dans une classe, un jeune garçon m’a dit : ‘‘Il y a<br />

des problèmes bien plus graves, madame. Comme la pauvreté.’’<br />

‘‘Oui, d’ailleurs, elle touche à 80 % les femmes’’, lui ai-je répondu.<br />

Comme si on n’avait pas le droit de nommer la gravité des violences<br />

faites aux femmes. Mais il n’y a rien de pire que de nier<br />

l’oppression, que de la rendre invisible ». Avec leur WebTV féministe<br />

pédagogique et leur concours vidéo jeunesse, les filles de<br />

TéléDebout tentent, à leur manière, de la faire sortir de l’ombre.<br />

Les avancées supposées ou réelles<br />

dans le domaine de l’égalité<br />

des sexes semblent parfois rendre<br />

les luttes féministes quelque peu<br />

has been. Caméra au poing,<br />

Télédebout déringardise le débat<br />

pour s’adresser aux jeunes.<br />

Rencontre avec ses deux fondatrices.<br />

Par Isabelle Bonnet-Desprez - Photo de Polo Garat / Odessa<br />

Le concours<br />

Pour participer à<br />

« Buzzons contre le sexisme »,<br />

il suffit d’avoir entre 10<br />

et 22 ans et d’envoyer sa<br />

vidéo de 2 à 20 minutes.<br />

Sur un mode documentaire<br />

ou fictionnel, on peut filmer<br />

de vraies personnes, mais<br />

aussi faire des séquences<br />

d’animations en utilisant des<br />

poupées, de la pâte<br />

à modeler… Une seule<br />

consigne : être inventif !<br />

Calendrier<br />

Les films doivent être<br />

envoyés avant le 15.03<br />

et l’annonce des gagnant(e)s<br />

aura lieu début avril 2012,<br />

avec remise des prix<br />

et projection des films<br />

primés. Les vidéos envoyées<br />

concourent dans deux<br />

catégories (autonome<br />

ou accompagnée)<br />

et dans trois tranches d’âges<br />

10-14 ans, 15-18 ans,<br />

19-22 ans. Les habitant(e)s<br />

de Toulouse participent – petit<br />

plus – au prix spécial<br />

Midi-Pyrénées.<br />

teledebout.org/concours


<strong>Spirit</strong> # 46 / 63

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