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Maitre Fernand de Cordoue et l'Universite de Paris au XVe siecle

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M4ITRE<br />

FERNAND DE CORDOUE<br />

- Document<br />

II II II Il II II 111111! liii Ill Ili<br />

0000005561681<br />

ET<br />

L'UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVC SIÈCLE<br />

PAR<br />

JULIEN HAVET<br />

PARIS<br />

1883<br />

VBJBLiQTHEQUE4


MAITRE FERNAND DE CORDOUE<br />

ET<br />

L'UNIVERSITÉ, DE PARIS AU XV SIÈCLE.<br />

I. Deux passages sur l'histoire <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, tirés d'une chronique alleman<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> Neubourg-sur-le-Danube. - II. Documents sur <strong>Fernand</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>. - III. Vie <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>. - IV. Œuvres <strong>de</strong><br />

<strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>. - Appendice textes allemands.<br />

I.<br />

Dans un volume récent <strong>de</strong>s Monumenta Gerrnaniae historica'<br />

n été publiée une chronique alleman<strong>de</strong> en prose, la Sâchsischc<br />

W'eltchronik, écrite entre 1230 <strong>et</strong> 1250 par un clerc <strong>de</strong> la famille<br />

<strong>de</strong> Repgow 2, parent d'Eike von Repgow, l'<strong>au</strong>teur du Sachsenspiegel.<br />

A la suite du texte primitif <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te chronique, l'éditeur,<br />

M. L. Weiland, a imprimé plusieurs continuations dues à <strong>de</strong>s<br />

<strong>au</strong>teurs d'époque diverse. Dans l'une <strong>de</strong> ces additions, dite Vierte<br />

Bairische Forts<strong>et</strong>ung, écrite probablement entre 1443 <strong>et</strong> 1455,<br />

j . Monujnenta German lac histarica, <strong>et</strong>c., Scriptorum qui vcrnacula lingua<br />

zisi sunt t. 11, 1-lannoverae, 1877, in-q. - Un <strong>au</strong>tre titre porte Deutsche<br />

Chroniken und an<strong>de</strong>re Gesclzichtsbûcher <strong>de</strong>s Mitt<strong>et</strong>alters, II, Banc!.<br />

2. Aujourd'hui Reppich<strong>au</strong> (Anhalt).


MAITRE FERNAND DE CORDOUE<br />

par un bourgeois <strong>de</strong> Neubourg-sur-le-Danube, en Souabe, on<br />

trouve, mêlés <strong>au</strong>x récits <strong>de</strong>s événements d'Allemagne, <strong>de</strong>ux courts<br />

passages qui intéressent l'histoire <strong>de</strong> la ville <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong><br />

<strong>Paris</strong>. Il n'est peut-être pas inutile <strong>de</strong> signaler ces <strong>de</strong>ux morce<strong>au</strong>x<br />

à l'attention <strong>de</strong>s lecteurs français <strong>et</strong> d'en donner ici une traduction<br />

en notre langue. A la suite <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te traduction, on trouvera une<br />

notice sur le personnage qui fait l'obj<strong>et</strong> du second récit, Le but <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te notice n'est pas d'exposer <strong>de</strong>s faits nouve<strong>au</strong>x, mais seulement<br />

<strong>de</strong> coordonner <strong>de</strong>s détails épars dans divers écrits <strong>et</strong> <strong>de</strong> débrouiller<br />

les confusions qui s'étaient produites sur quelques points.<br />

Le premier passage où la chronique <strong>de</strong> Neubourg parle <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />

ne contient qu'un récit entièrement fabuleux, à propos du meurtre<br />

du duc d'Orléans, en 1407. Il f<strong>au</strong>t y voir seulement un curieux<br />

spécimen <strong>de</strong>s travestissements que la légen<strong>de</strong> fait parfois subir à<br />

l'histoire, même à courte distance <strong>de</strong>s événements<br />

« En ce temps-là, le roi <strong>de</strong> France fit détruire l'école <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>;<br />

voici pourquoi. Il y avait un duc d'Orléans, qui était serviteur<br />

du roi. Ce duc sortit une nuit à cheval pour festoyer <strong>et</strong> aller servir<br />

<strong>de</strong> belles dames. li rencôntra la même nuit <strong>de</strong>s étudiants, qui<br />

allaient <strong>au</strong>ssi festoyer, comme font telles gens. Le duc voulut<br />

savoir qui ils étaient <strong>et</strong> ce qu'ils faisaient là. Ils dirent que la ville<br />

leur était libre pour aller à pied comme à lui pour aller à cheval.<br />

Alors il dégaina <strong>et</strong> voulut tuer les étudiants. Les étudiants se<br />

défendirent <strong>et</strong> tuèrent le duc d'Orléans. Or le duc d'Orléans avait<br />

un frère, qui jura sur les saints qu'il ferait tuer tant d'étudiants<br />

qu'il se ferait un bain <strong>de</strong> leur sang. Les étudiants le surent <strong>et</strong> se<br />

mirent en marche <strong>et</strong> allèrent <strong>au</strong> palais du roi <strong>et</strong> voulurent enlever<br />

<strong>de</strong> force le duc du palais du roi. Ceux <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> apprirent<br />

cela <strong>et</strong> ne voulurent pas le perm<strong>et</strong>tre, ils s'interposèrent <strong>et</strong><br />

firent jurer paix <strong>au</strong> duc, qui promit 4e ne rien faire à <strong>au</strong>cun étudiant<br />

pour c<strong>et</strong>te c<strong>au</strong>se. Or les étudiants, <strong>de</strong>vant le palais du roi,<br />

étaient <strong>au</strong> nombre <strong>de</strong> trente-<strong>de</strong>ux mille, tous étudiants inscrits.<br />

Quand le roi vit tant d'étudiants, il ordonna <strong>de</strong> supprimer l'école<br />

<strong>et</strong> voulut qu'il n'y eût plus d'étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> dit que personne n'était<br />

assuré contre eu*, s'ils voulaient faire quelque chose à lui ou à la<br />

ville.<br />

Le second passage offre tin peu plus d'intérêt. Il concerne <strong>de</strong>s<br />

i. Vierte Bairische Forts<strong>et</strong> 1-ung, chapitre 15; volume cité, pages 361-362.<br />

Voy. le texte allemand à l'Appendice, n I.


ET L'UNJVER5IT1 DE PARTS,<br />

faits déjà connus, mais sur lesquels il apporte <strong>de</strong>s détails nouve<strong>au</strong>x.<br />

En voici la traduction <strong>au</strong>ssi littérale que possible<br />

ci Ceci est une partie d'une l<strong>et</strong>tre qui a été écrite <strong>au</strong> chancelier<br />

<strong>de</strong> Brabant 2 par quelqu'un <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, comme l'on compte <strong>de</strong>puis<br />

la naissance du Christ quatorze cents ans <strong>et</strong> dans la quarantesixième<br />

année <strong>de</strong>puis, l'avant-<strong>de</strong>rnier jour du mois <strong>de</strong> décembre,<br />

qui est le second mois d'hiver 3:<br />

« Ensuite je fais savoir à Votre Dilection que presque toute la<br />

ville <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> est en ce moment émue d'étonnement, parce que<br />

nous avons vu <strong>de</strong>s choses merveilleuses <strong>et</strong> nous ne les croyons<br />

pas, <strong>et</strong> nous les entendons <strong>et</strong> nous ne les comprenons pas. Il est<br />

arrivé à <strong>Paris</strong> un jeune homme, avec huit chev<strong>au</strong>x, appelé Fariandus<br />

<strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, Espagnol <strong>de</strong> nation, natif du roy<strong>au</strong>me <strong>de</strong> Castille<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, qui est âgé <strong>de</strong> vingt ans moins un,<br />

<strong>et</strong> qui est'chevalier en armes <strong>de</strong> bataille, maître ès arts libér<strong>au</strong>x,<br />

doctàr en droit spirituel <strong>et</strong> temporel, maître en mé<strong>de</strong>cine <strong>et</strong> docteur<br />

en la sainte Écriture; <strong>et</strong> il est accompli dans tous ces arts <strong>et</strong><br />

<strong>au</strong>ssi habile dans l'un que dans l'<strong>au</strong>tre, <strong>et</strong> en même temps courtois<br />

en toutes choses <strong>et</strong> parfaitement aimable <strong>et</strong> mo<strong>de</strong>ste. II a en<br />

mémoire <strong>et</strong> sait par coeur presque toute la Bible, maître Nicolas<br />

<strong>de</strong> Lyre <strong>et</strong> ce qu'ont écrit saint Thomas d'Aquin, Alexandre <strong>de</strong><br />

Hales, Scot <strong>et</strong> Bonaventure. Il est habile <strong>au</strong>ssi à prononcer <strong>de</strong>s<br />

sentences <strong>et</strong> à les prouver <strong>et</strong> confirmer par toutes les lois écrites,<br />

temporelles <strong>et</strong> spirituelles, avec la glose; il sait <strong>au</strong>ssi tout le livre<br />

du Décr<strong>et</strong>, <strong>et</strong> encore tout le livre <strong>de</strong> maître Avicenne <strong>et</strong> ce qu'ont<br />

fait maîtres Galien <strong>et</strong> Hippocrate <strong>et</strong> be<strong>au</strong>coup d'<strong>au</strong>tres livres <strong>de</strong><br />

mé<strong>de</strong>cine. I-1 est si habile dans les arts libér<strong>au</strong>x qu'il est difficile<br />

<strong>de</strong> croire qU'Aristote en ait su là-<strong>de</strong>ssus plus que lui. Il sait <strong>au</strong>ssi<br />

z. Vierte )3airische Forts<strong>et</strong>j'ung, chapitre 38; volume cité, pages 373-374.<br />

Ce chapitre, dans le manuscrit, est copié d'une <strong>au</strong>tre main que le reste <strong>de</strong> la<br />

chronique. Voy. le texte allemand à l'Appendice, n' li.<br />

2. Le chancelier <strong>de</strong> Brabant, <strong>de</strong>puis 1445 jusque vers 1461, fut un chevalier<br />

nommé Goswin van<strong>de</strong>r Ityt, qui mourut en 1465. (Chr. Butkcns, Trophées<br />

tant sacrés que prophanes du duché <strong>de</strong> Brabant. La Haye, 1724, in-fol.,<br />

L li, P. 362.)<br />

3. s Des an<strong>de</strong>rn -wintermonads , c'est-à-dire le second <strong>de</strong>s mois désignés<br />

par le nom <strong>de</strong> mois d'hiver, Winterrnonat. La nomenclature alleman<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

mois, en usage <strong>au</strong> moyen àge, n'a jamais été fixée d'une façon certaine; un<br />

méme nom servait à désigner, tantôt un mois, tantôt un <strong>au</strong>tre. - C<strong>et</strong>te date<br />

est comptée en prenant Je commencement <strong>de</strong> l'année à Nol ; elle répond <strong>au</strong><br />

3o décembre 1445, nouve<strong>au</strong> style.


MAITItE PERNAND DE CORDOUE<br />

4<br />

tous les textes <strong>et</strong> les ouvrages qu'ont fait maître Averroès, qui a<br />

écrit sur les livres d'Aristote, <strong>et</strong> maître Albert <strong>et</strong> be<strong>au</strong>coup d'<strong>au</strong>tres<br />

maîtres. A ce qu'on dit encore, il sait toute la métaphysique, qui<br />

est l'art surnaturel, <strong>et</strong> toute la rhétorique, qui est l'art <strong>de</strong> la courtoisie<br />

du discours. lisait <strong>au</strong>ssi écrire,lire <strong>et</strong> parler cinq langues,<br />

c'est à savoir, latin, hébreu, grec, chaldéen, arabe, <strong>et</strong> il a été<br />

dans ma chambre <strong>et</strong> il a écrit lesdites langues <strong>et</strong> j'ai encore l'écrit<br />

par <strong>de</strong>vers moi. Il a <strong>au</strong>ssi répondu suffisamment à toutes les ques-<br />

,fions <strong>et</strong> à tous lesdiscours insidieux, <strong>et</strong> je l'ai moi-même souvent<br />

entendu répondre <strong>au</strong>x docteurs, sur toutes sortes d'arts, <strong>et</strong> à tous<br />

&ux qui voulient l'interroger <strong>et</strong> lui tenir <strong>de</strong>s discours insidieux<br />

sur toute matière. Il y a maintenant <strong>de</strong>ux ans passés qu'il est parti<br />

d'Espagne, envoyé par le roi <strong>de</strong> Castille; il a été dans les h<strong>au</strong>ts pays<br />

welches 4 , où il a répondu publiquement dans presque toutes les<br />

universités ou h<strong>au</strong>tesÎ écoles. Et il dit lui-même que dans sa jeunesse<br />

-il a appris en sept jours le Doctrinal d'Alexandre, qu'il r<strong>et</strong>ient encore<br />

en sa mémdire; <strong>et</strong>, quoi qu'il lise <strong>et</strong> si vite qu'il le lise, il comprend<br />

néanmoins tout <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>ient en sa mémoire. li a <strong>au</strong>ssi écrit<br />

sur un livre <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine appelé l'Almageste <strong>de</strong> Ptolémée 2 <strong>et</strong> sur<br />

une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la Bible <strong>et</strong> be<strong>au</strong>coup sur l'Apocalypse, le<br />

livre du mystère,. <strong>et</strong> il a fait <strong>au</strong>ssi be<strong>au</strong>coup d'<strong>au</strong>tres livres. Il sait<br />

<strong>au</strong>ssi la musique, l'art du chant <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'ordonnance <strong>de</strong>s airs, <strong>et</strong> il<br />

sait non seulement jouer <strong>de</strong> tous instruments <strong>et</strong> y jouer <strong>de</strong>s airs,<br />

mais <strong>au</strong>ssi les faire lui-même. Il a répondu encore, en présence<br />

du roi <strong>de</strong> France, à tout ce qu'on lui a <strong>de</strong>tùandé <strong>de</strong>s arts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

oeuvres <strong>de</strong> chevalerie, <strong>et</strong> il a répondu <strong>au</strong>ssi à toutes les questions<br />

qu'on lui a faites; <strong>et</strong>, <strong>au</strong> suj<strong>et</strong> dudit roi <strong>de</strong> France, il a fait une<br />

épître très courtoise, où il l'engage à gar<strong>de</strong>r la paix. Et, pour<br />

finir en peu <strong>de</strong> mots, selon ce qu'on dit <strong>et</strong> ce qui a été écrit à<br />

quelques-uns <strong>de</strong> l'université par d'<strong>au</strong>tres, il sait tout ce qu'on<br />

peut savoir par l'intelligence spéculative intérieure <strong>et</strong> le travail<br />

extérieur, <strong>et</strong> c'est pourquoi les uns le tiennent, <strong>de</strong> nature <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

i. « In obcrn Walschen taa<strong>de</strong>n. » Le nom <strong>de</strong> Wiilsch en allemand s'applique<br />

tantôt à tous les peuples <strong>de</strong> langue romane, Français, Italiens, <strong>et</strong>c.,<br />

tantôt <strong>au</strong>x Italiens en particulier. Jean Trithème, qui, comme 011 le verra<br />

plus loin, n connu <strong>et</strong> en partie traduit ce texte, écrit « Romano s rege<br />

Castellœ n'isus orator; in omnibus Italiœ Galliœque gymnasiis publicis<br />

disputans convicit omnes. »<br />

2. L'Almageste ou la Gran<strong>de</strong> Composition <strong>de</strong> Cl<strong>au</strong><strong>de</strong> Ptolémée est un livre<br />

<strong>de</strong> cosmographie <strong>et</strong> non <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine.


ET L'UN1VER5IT DE PARIS.<br />

naissance, pour bon, les <strong>au</strong>tres pour m<strong>au</strong>vais. Les uns disent<br />

qu'il tient les susdits arts du diable, les <strong>au</strong>tres disent qu'il les<br />

tient <strong>de</strong> Dieu. Be<strong>au</strong>coup <strong>au</strong>ssi estiment que c'est l'Antéchrist ou<br />

un <strong>de</strong> ses disciples; chacun parle selon son , opinion <strong>et</strong> sélori' ce<br />

qu'il lui semble. On n'a jamais entendu parler <strong>de</strong> si gran<strong>de</strong> merveille.<br />

On estime <strong>au</strong>ssi qu'il n'est pas possible qu'il ait lu <strong>au</strong>tant<br />

<strong>de</strong> choses qu'il en a en sa mémoire; <strong>et</strong>, quand il veut, il peut<br />

encore y ajouter <strong>et</strong> apprendre ce qui lui plaît. Il fut arrêté <strong>et</strong><br />

interdit par l'université <strong>et</strong> par l'évêque <strong>et</strong> par les seigneurs<br />

du parlement; <strong>et</strong>, dans une gran<strong>de</strong> assemblée <strong>de</strong> tous les étudiants<br />

<strong>et</strong> membres <strong>de</strong> l'université, qui eut lieu à Saint-Bernard,<br />

le chef <strong>de</strong> l'université lui proposa très durement plusieurs articles,<br />

qu'il avait entendus <strong>de</strong> plusieurs personnes, qui dans la teneur<br />

même <strong>de</strong>s termes semblaient étranges <strong>et</strong> bizarres, <strong>et</strong> l'invita à<br />

répondre sur chaque point. Il fit <strong>de</strong>s réponses <strong>au</strong>ssi excellentes<br />

que courtoises <strong>et</strong> mo<strong>de</strong>stes, disant toujours qu'il n'était qu'un<br />

enfant ignorant, <strong>et</strong> <strong>de</strong> façon qu'à ses réponses il n'était possible<br />

<strong>de</strong> rien répliquer; ainsi, sur sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, il fut laissé quitte<br />

<strong>et</strong> libre. Il désire être à Noël <strong>au</strong>près'du duc <strong>de</strong> Bourgogne, puis<br />

il veut revenir à <strong>Paris</strong> <strong>et</strong> y répondre publiquement dans toutes'<br />

les facultés <strong>et</strong> tous les arts <strong>et</strong> veut <strong>de</strong>venir membre <strong>de</strong> l'université<br />

mais peu <strong>de</strong> personnes croient qu'il le fasse. Néanmoins,<br />

après lesdites réponses, il reçut be<strong>au</strong>coup d'honneurs <strong>de</strong> la part<br />

<strong>de</strong>s seigneurs du parlement <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'évêque <strong>et</strong> <strong>de</strong> be<strong>au</strong>coup d'<strong>au</strong>tres.<br />

Il est parti lequatorzième jour du second mois d'hiver ou décembre,<br />

<strong>et</strong> j'espère que vous le verrez <strong>et</strong> que vous entendre vous-même<br />

<strong>de</strong> sa bouche be<strong>au</strong>coup d'<strong>au</strong>tres choses, dont il y a bien lieu <strong>de</strong><br />

s'émerveiller. »<br />

II.<br />

Le personnage qui fait l'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> ce récit,. <strong>Fernand</strong> (<strong>et</strong> non<br />

Fariandus) <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, n'est pas un inconnu. Divers chroniqueurs<br />

ont parlé <strong>de</strong> lui, son épitaphe a été r<strong>et</strong>rouvée dans une<br />

église <strong>de</strong> Rome, quelques-uns môme <strong>de</strong> ses ouvrages nous sont<br />

parvenus. Aussi plusieurs <strong>au</strong>teurs, <strong>de</strong>puis la renaissance <strong>de</strong>s<br />

l<strong>et</strong>tres, lui ont-ils consacré <strong>de</strong>s notices biographiques plus ou<br />

moins étendues'. -<br />

,. Est. Pasquier, les Recherches <strong>de</strong> la France, I. VI, chap. 39 (éd1tion <strong>de</strong><br />

,G21, in-fol., P. 57g-580); Abr. Bzovius, Annalium ecciesiasticorun,


MAFX'ItE FERNAND DE CORDOUE<br />

Les documents ou récits relatifs à <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> étant<br />

tous assez courts, on peut en m<strong>et</strong>tre ici le texte compl<strong>et</strong> sous les<br />

yeux du lecteur.<br />

Son épitaphe se trouvait <strong>au</strong>trefois dans l'église Saint-Jacques-<strong>de</strong>s-<br />

Espagnols à Rouie; elle a été publiée, d'abord par Perez Bayer<br />

dans une note ajoutée à la Bibliotheca Hispana v<strong>et</strong>us <strong>de</strong> N. Antonio<br />

1 , ensuite <strong>et</strong> plus correctement par M. Vincenzo Forcella2.<br />

M. Ch. Grandjean, <strong>de</strong> l'école française <strong>de</strong> Rome, a bien voulu la<br />

tomusXVïII, 1627, in-fol,, p. 594 (ana. iSor, cxix); Denys Go<strong>de</strong>froy, Histoire<br />

<strong>de</strong> Charles VII, 1661, in-fol., P. 549-550; Bulteus (du Boulay), Historia<br />

universitatis<strong>Paris</strong>iensis, t. V, 160 , in-fol., p. 534; Lannoy, Regii Navarrœ<br />

gymnasii <strong>Paris</strong>iensis Historia, pars 1, 1677, p. 157-158; Nie. Antonio,<br />

Bibliotheca Hispana [nova], t. I, iGp, in-fol,, p. 285-286; le même, Bibliotheca<br />

Hispana velus, t. II, 1696, in-fol., p. og-io; le même, Bibliotheca<br />

Hispana nova, nouv éd., t. I, 1783, in-fol., p. 373-374; le même, Bibliotheca<br />

Hispana p<strong>et</strong>its, éd. .Fr. Potez Bayer, t. lI, 188, in-fol., p. 3ig-32o<br />

<strong>et</strong> en note p. 320-322; Fabricius, .Bibliotheca Latina ntedicr <strong>et</strong> infi,nœ artatis,<br />

<strong>au</strong> mot FERNANDUS, sive FERD1NANDUS, <strong>de</strong> Corduba; Crévier, Histoire <strong>de</strong><br />

l'université <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, t. IV, 161 , in-12, P. 140-142; Biographie universelle<br />

(Mich<strong>au</strong>d), <strong>au</strong> mot FERDINAND DE Connouz, article sighé B - s (Bacons);<br />

J.-G.-Th. Groesse, Lel,rbuch chier allgerneinen Literlirgeschichte, Il. Band,<br />

3. Abtheilung, 2. l-lœlfte, 1843, in-8', p. gz; Nouvelle Biographie générale<br />

(Didot), t. Xl,col. Soo, <strong>au</strong> mot ColtnovA (<strong>Fernand</strong>o nE), <strong>et</strong> t. XVII, col. 42042t,<br />

<strong>au</strong> mot FERDINAND DE Conoouz; Vall<strong>et</strong> <strong>de</strong> Viriville, Histoire <strong>de</strong> Chartes VII,<br />

t. 111, 1865, in-8', p. 96-99; Alfred Franklin, Dictionnaire <strong>de</strong>s noms, surnoms<br />

<strong>et</strong> pseudonymes latins <strong>de</strong> l'histoire littéraire du moyen aga, 1875, gr.<br />

in-8', col. i8o; A. Budinszky, Vie Universitàt <strong>Paris</strong> und die Fremdcn an<br />

<strong>de</strong>rselben im Mitt<strong>et</strong>alter, i86, in-8', p. 20g; Ulysse Chevalier, Répertoire<br />

<strong>de</strong>s sources historiques du moyen-dge, bio-bibliographie, coI. 727, <strong>et</strong>c. Les<br />

notices les plus exactes <strong>et</strong> les plus complètes sont celle <strong>de</strong> Perez Bayer dans<br />

son édition <strong>de</strong> la Bibliotheca Hispana velus d'Antonio <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> Vall<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

Viriville- - Maître <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> s eu <strong>de</strong>ux homonymes, qu'il no f<strong>au</strong>t<br />

pas confondre avec lui, comme cela est déjà arrivé pour l'un d'entre eux- Le<br />

premier ne m'est connu que par ce passage <strong>de</strong> S. Mazzctti (Repertorio di<br />

tutti i projessori a,,tichi e ,no<strong>de</strong>rni -----di Bologna, 1848, in-8', n' tigg,<br />

p. 125) : « FERNANDO da Cordova Fa L<strong>et</strong>tore di Filosofia morale <strong>de</strong>l 1395.<br />

Le second naquit à Mexico en 1565 <strong>et</strong> mourut en i 589; on trouve l'histoire<br />

<strong>de</strong> sa vie dans les <strong>de</strong>ux ouvrages suivants Alonso Remon, Vida y Muerte<br />

<strong>de</strong>l siervo <strong>de</strong> Dias don <strong>Fernand</strong>o <strong>de</strong> Cordouay- Bocanegra, (Madrid, 161,<br />

in-4'); Rodrigo Men<strong>de</strong>z Silva, Epitome <strong>de</strong> la admirable, y exemplar vida<br />

<strong>de</strong> D. <strong>Fernand</strong>o <strong>de</strong> Cordoba Bocançgra, ( Madrid, 1649, in-16).<br />

i. N. Antonio, I3ibliot/zeca Hispa"a p<strong>et</strong>its, t. Il, 1788,. p- 321.<br />

z. Forcella, Iscriioni <strong>de</strong>lle chiese e d'altri ed/icU di Ro,na, vol. III, Reins,<br />

1873, in-4', p ziG, n' 5 ,2.


ET L'UNIVERSIT DE DAR[S.<br />

- 7<br />

chercher pour moi à Saint-Jacques-<strong>de</strong>s-Espagnols; il a constaté<br />

qu'elle ne s'y trouve plus. Voici le texte donné par M. Forcella<br />

O M<br />

FERDINANDO CORDVBEN PONT . MAX<br />

HYPODJACONO<br />

DTSCJPL!NAR oMNrvn COGNITIONE INCLYTO<br />

cvlvs INGENIVM - AC DISSERENDr ACYMEN<br />

CVNCTAR . GENTIVM GIMNASLA 5TvPVERE<br />

VIRO OMNIVM vzRTvTvM GENERE ORNATISS<br />

MODESTIA VERO AC PROBITATE INSIGNI<br />

QYl Vin 5ACRAR . LInERAR .. 5TVJMIS<br />

INNOCENTISS. ACTA MVLTISQVE DOCTRINAE.<br />

-MONVMENT POSTERITATI RELICTIS<br />

HOMINEM EXVIT<br />

ANNO AETATIS LXV .SALIS CHRISTIAN.<br />

MCcCCt_.Xxxvr<br />

GEORGIVS CAR . P0RTvGAL . B . M.<br />

posvrr<br />

Perez Bayer nous apprend en outre que c<strong>et</strong>te épitaphe était<br />

accompagnée <strong>de</strong>s armoiries du mort, qu'il décrit en ces termes<br />

« Subditur nudus clypeus in quo aquila <strong>de</strong>xttorsurn versa intentâque<br />

acie solem intuens, in cuius pectore atque alis <strong>de</strong>cussata<br />

crux.<br />

Deux chroniques contemporaines, celle <strong>de</strong> Mathieu d'Escouchy<br />

<strong>et</strong> celle qui est connue sous le nom <strong>de</strong> Journal d'un bourgeois <strong>de</strong><br />

<strong>Paris</strong>, contiennent chacune un chapitre relatif <strong>au</strong> passage <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> à <strong>Paris</strong>. Le Bourgeois <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> avait été témoin<br />

oculaire <strong>de</strong> ce qu'il raconte; Mathieu d'Escouchy, qui habitait<br />

Péronne, déclare écrire d'après la relation d'un docteur en théologie<br />

nommé maître Jean <strong>de</strong> l'Olive. Les <strong>de</strong>ux récits présentent<br />

entre eux une gran<strong>de</strong> ressemblance <strong>et</strong> donnent à peu prés les<br />

mêmes détails.<br />

Chronique <strong>de</strong> Mathieu d'Escouehy, chapitre VIII<br />

De la venue en <strong>Paris</strong> d'un josne clerc natif <strong>de</strong>s Espaingues. - En<br />

cest an mil ecce quarante cinq vint es parties du royamme <strong>de</strong> France<br />

ung josne clerc, aagé <strong>de</strong> vingt ans ou environ, lequel, comme il disoit


8<br />

MATTRE FERNAND DE CORDOUE<br />

estoit natif <strong>de</strong>s Espaingnes; <strong>et</strong> sy estoit <strong>de</strong> moienne stature, assez belle<br />

personne <strong>et</strong> moult agreable a tous gens qui <strong>de</strong> lui avoient cJngnpissance,<br />

<strong>et</strong> le plus excellent en tourtes sciences qui se trouvast en tous les pays <strong>et</strong><br />

ou il repairoit, par especial en ciergie, <strong>et</strong> estoit dhevallier en armes,<br />

docteur en théologie <strong>et</strong> mé<strong>de</strong>cine, en loix <strong>et</strong> en <strong>de</strong>cr<strong>et</strong>, se coagnoissoit<br />

en l'art <strong>de</strong> musique plus que nul <strong>au</strong>ltre, jouoit <strong>de</strong> tous instrumens<br />

tant bien que nul ne t'en pooit passer, bailloit les raisons <strong>et</strong> instructions<br />

comment ilz se <strong>de</strong>voient faire, <strong>et</strong> en jouant <strong>de</strong> l'espee a <strong>de</strong>ux mains<br />

s<strong>au</strong>ltoit contre son adversaire <strong>et</strong> arriere <strong>de</strong> lui vingt piez ou plus,<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> jeu ne trouvoit son pareil. Finablement, apprez qu'il eust esté<br />

en divers lieux dudit royamme <strong>de</strong> France, vint a <strong>Paris</strong>, ou, en la presence<br />

<strong>de</strong> quarante ou cinquante <strong>de</strong>s meilleurs clercs <strong>de</strong> l'université,<br />

fut examiné <strong>et</strong> enquis par moult <strong>de</strong> fois sur pluseurs sciences, a quoy<br />

il rcspondy sy bien, sy sagement, par si bonnes raisons, que nul d'eulx<br />

ne le savoit <strong>de</strong> rien reprendre <strong>et</strong> corrigier; <strong>et</strong>, qui plus est, en leur<br />

presence redarguoit <strong>et</strong> reprenoit les livres <strong>de</strong> saint Hierosme, saint<br />

Aligustin <strong>et</strong> <strong>au</strong>itres <strong>de</strong> saincte Eglise. U fut en plainne université, ou<br />

il y avoir bien ni mil clercs, <strong>et</strong> y fut pluseurs argumens, mais tous<br />

ne le scurent <strong>de</strong> rien reprendre. Fut <strong>au</strong>ssi en parlement <strong>et</strong> ailleurs,<br />

mais ne trouva quelque resistance. Et, apprez qu'il eust esté par certain<br />

temps <strong>au</strong>dit lieu <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, s'en partit <strong>et</strong> nia a Gand, <strong>de</strong>vers le<br />

duc <strong>de</strong> Bourgoingne, ou il fut par <strong>au</strong>cune espace, <strong>et</strong> la fut d g rechief<br />

examiné par notables clercs, mais oncques ne virent son pareil. Et<br />

apprez se partit <strong>de</strong> la pour aler en Engl<strong>et</strong>erre, mais, pour ce qu'il<br />

ne peut passer, s'en r<strong>et</strong>ourna par Allemaiagne, <strong>et</strong> <strong>de</strong>puis long temps<br />

apprez fut peu nouvelle <strong>de</strong> lui sur les marches <strong>de</strong> France.<br />

En oultre, apprez qu'il fut party <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, comme dit est <strong>de</strong>ssus, <strong>au</strong>cuns<br />

<strong>de</strong>s plus saiges <strong>et</strong> renommez clercs <strong>de</strong> l'université, en bon nombre,<br />

se assamblerent ensamble pour parler <strong>et</strong> avoir advis l'un aveuc l'<strong>au</strong>tre<br />

<strong>de</strong> sa science, <strong>et</strong> enfin, la matcre bien débattue, ne leur sambloit point<br />

estre possible que en l'espace <strong>de</strong> cent ans ung homme peult aprendre<br />

<strong>et</strong> r<strong>et</strong>enir ce qu'il savoir. Et a ceste c<strong>au</strong>se y avoir <strong>de</strong>s plus saiges qui<br />

faisoient grand doubte qu'il n'eust acquis sa science par art magicque<br />

<strong>et</strong> que ce ne fast Ante-Crist ou <strong>de</strong> ses dissiples. Car aveuc ce ilz regar<strong>de</strong>rent<br />

<strong>et</strong> estudiereat curieusement <strong>et</strong> par moult <strong>de</strong> fois en leurs livres,<br />

parlant <strong>de</strong> la venue dudit Ante-Crist sy trouvoient qu'il <strong>de</strong>voit<br />

naistre en temps <strong>de</strong> guerre, <strong>de</strong> pere crestiea <strong>et</strong> d'une mere juifve<br />

qui faindroit estre crestienne, <strong>et</strong> seroit nay en adultere, <strong>et</strong> a sa naissance<br />

seroit le peuple peu charitable l'ung envers l'<strong>au</strong>tre; trouvoieat,<br />

aveuc ce, qu'il seroit posseddé du diable, qui lui acqueroit sa science,<br />

mais il ne s'en dortoir pas <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> <strong>et</strong> le cuidroit avoir par son propre<br />

engin; <strong>et</strong> sy seroit crestiea jusques a l'ange <strong>de</strong> xxvui ans, <strong>et</strong> en sa<br />

josnesse visiteroit les princes pour ex<strong>au</strong>lcer <strong>et</strong> publier sa science, <strong>et</strong><br />

<strong>au</strong> xxvru' an <strong>de</strong> sa nativité s'en iroit a Hierusalem, ou les juifs le ave-


ET L'UNIVERSLTg DE PARIS.<br />

- 9<br />

roient comme Dieu, <strong>et</strong> regnera jusques UUXXXII O an <strong>de</strong> son nage, <strong>et</strong><br />

durant son m<strong>au</strong>vais regne fera tant <strong>de</strong> crunutez <strong>et</strong> persecucions que<br />

Dieu nostre createur le fera <strong>de</strong>struire par feu <strong>et</strong> foudre qui viendra<br />

du ciel; <strong>et</strong> ce se fera vers la fin du mon<strong>de</strong>.<br />

Touttes lesquelles besoingnes <strong>de</strong>ssus dictes <strong>de</strong>clairiees ung notable<br />

docteur en theologie nommé maistre Jehan <strong>de</strong> l'Olive certifie par ses<br />

l<strong>et</strong>tres, <strong>et</strong> dit qu'il avoit esté present a faire tous les examens <strong>et</strong><br />

interrogacions qui avoient esté faictes a <strong>Paris</strong> par la <strong>de</strong>ssus dicte université<br />

n icellui clerc, dont <strong>au</strong>cuns estoient esmerveilliez. Et n'a point<br />

esté nouvelle, a la venté; que <strong>de</strong>puis longtemps on ait sceu qu'il soit<br />

<strong>de</strong>venu l.<br />

Journal d'un bourgeois <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />

Item, en'èelluy an, vint ung jeune homme qui n'avoit que xx ans<br />

ou environ, qui savoit tous les vii ars liber<strong>au</strong>x, par le tesnioihg <strong>de</strong><br />

tous les clercs <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, <strong>et</strong> si savoir jouer , <strong>de</strong> tous<br />

instrumens, chanter <strong>et</strong> <strong>de</strong>schnnter mieulx que nul <strong>au</strong>tre, paindre<br />

<strong>et</strong> enluminer mieulx que oncques on sceust n <strong>Paris</strong> ne ailleurs. Item,<br />

en fait <strong>de</strong> guerre, nul plus appert, <strong>et</strong> jouoit d'une espee a <strong>de</strong>ux<br />

mains si merveilleusement que nul ne s'i comparast, car, quant il<br />

veoit son ennemy, il ne failloit point a saillir sur luy xx-ou xxiru pas<br />

a ung s<strong>au</strong>lt. Item, il est maistre en ars, maistre en me<strong>de</strong>cine,<br />

docteur en lois, docteur en <strong>de</strong>cr<strong>et</strong>, docteur en theologie, <strong>et</strong> vraiement<br />

il a disputé a nous <strong>au</strong> colliege <strong>de</strong> Navarre, qui estions plps<br />

<strong>de</strong> cinquante <strong>de</strong>s plus panfaiz clercs <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, <strong>et</strong> plus<br />

<strong>de</strong> in mil <strong>au</strong>tres clercs, <strong>et</strong> a si h<strong>au</strong>ltement bien respondu a toutes les<br />

questions que on lui a faictes que c'est une droicte merveille a -<br />

croire, qui ne l'<strong>au</strong>roit veu. Item, il parle latin trop subtil, grec,<br />

cbreu, caldicque, arabicque <strong>et</strong> tous <strong>au</strong>tres langaiges. Item, il est,<br />

chevalier en armes. Et vraiement, se ung homme povoit vivre e ans<br />

sans boire, sans menger <strong>et</strong> sans dormir, il ne <strong>au</strong>roit pas les sciences -<br />

qu'il sc<strong>et</strong> tout par cueur aprinses. Et pour certain il nous fist tres<br />

grant freour, car il sc<strong>et</strong> plus que ne pu<strong>et</strong> savoir nature humaine, car<br />

il reprent tous les tut docteurs <strong>de</strong> saincte Eglise bref, c'est <strong>de</strong> sa<br />

sapience la non pareille chose du mon<strong>de</strong>. Et nous avons en Escrip- *<br />

ture que Ante-Crist sera engendré en advoutire <strong>de</strong> pere chrestian <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> niere juive qui se faindra chrestianne <strong>et</strong> chascun cui<strong>de</strong>ra qu'elle<br />

le soit, il sera né <strong>de</strong> par le <strong>de</strong>able en temps <strong>de</strong> toutes guerres, <strong>et</strong> que<br />

toutes jeunes gens seront <strong>de</strong>guisés d'abit, tant femmes que hommes,<br />

par orgueil comme par luxure, <strong>et</strong> sera grant hayne contre les grans<br />

j . Chronique <strong>de</strong> Mathieu d'Escouchy, publiée pour la Société <strong>de</strong> l'histoire<br />

<strong>de</strong> France par G. du Fresne <strong>de</strong> I3c<strong>au</strong>court, t. 1, 1863, in-8', p. 69-72.


10<br />

MArTRE FERNAND DE CORDOUE<br />

signeurs, pour ce qu'ilz seront très crueix <strong>au</strong> menu peuple. Item,<br />

toute sa science sera <strong>de</strong> par le dyable <strong>et</strong> il cui<strong>de</strong>ra qu'elle soitdc par<br />

nature. Il sera chrestien jusques a xxvii' ans <strong>de</strong> son ange, <strong>et</strong> visitera<br />

en celui temps les grans signeurs du mon<strong>de</strong>, pour monstrer sa grant<br />

sapience <strong>et</strong> pour avoir gram renommée diceulx. Au xxviii' an vendra<br />

<strong>de</strong> [!isej en ?] Iherusalem; <strong>et</strong>, quant les juifs incredules verront sa<br />

grant sapience, ilz çreront en luy <strong>et</strong> diront que c'est Messins, qui promis<br />

leur estoit, <strong>et</strong> l'aoureront comme Dieu. Adong envoyera ses disciples<br />

par le mon<strong>de</strong>, <strong>et</strong> God <strong>et</strong> Magod le suyveront, <strong>et</strong> regnera par<br />

ni ans <strong>et</strong> <strong>de</strong>my. A xxxii ans, les dyables l'emporteront; <strong>et</strong> adong les<br />

juifs, qui <strong>au</strong>ront esté <strong>de</strong>ceupz, Hz se convertiront à la foy chresticane;<br />

<strong>et</strong> après vendront Enoch <strong>et</strong> I-lelye, <strong>et</strong> après sera tout chrestien, <strong>et</strong> sera<br />

l'Euvangille <strong>de</strong> sainct, qui dit Et flot unum ovUle <strong>et</strong> unus poster,<br />

adong approuvé. Et le sang <strong>de</strong> ceulx qu'il <strong>au</strong>ra fait tormenter pour<br />

ce qu'ilz ne vouidrent adourer criera a Dieu vengence, <strong>et</strong> adong vendra<br />

sainct Michel, qui le trébuchera, lui <strong>et</strong> toux ses ministres, ou par-<br />

Tons puis d'enfer. Ainsi comme davant est dit le raconterent les<br />

<strong>de</strong>vantdiz docteurs <strong>de</strong> celluy homme <strong>de</strong>vant dit, lequel est venu d'Espaigne<br />

en France; <strong>et</strong> pour vray, selon Danyel <strong>et</strong> l'Apocalipce, Antecrist<br />

doit nestre en Babiloine en Caldée4.<br />

Jean <strong>de</strong> Trittenheim ou Triihême, dans sa chronique <strong>de</strong><br />

Sponheim, a consacré à <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> un paragraphe, que<br />

l'on <strong>de</strong>vait compter jusqu'ici <strong>au</strong> nombre <strong>de</strong>s sources originales<br />

<strong>de</strong> sa biographie. Mais, en comparant ce texte à celui <strong>de</strong> la<br />

chronique <strong>de</strong> Neubourg, on reconnaît que Trithème s'est servi<br />

<strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong> reproduite par c<strong>et</strong>te chronique <strong>et</strong> qu'il s'est<br />

borné à la traduire en latin, en l'abrégeant un peu. Une phrase<br />

seulement du texte <strong>de</strong> Trithème, la <strong>de</strong>rnière, contient un renseignement<br />

que la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong> ne donnait pas<br />

Verunt ista nobis scribentihus Ferrandus Cordubensis ad memoriam<br />

reducitur, qui anno nccccxtv juvenis annorum xx, miles <strong>au</strong>ratus,<br />

artium, medicinœ <strong>et</strong> sacrœ theologiœ doctor, cum vii, equis <strong>de</strong> 1-Tispania<br />

venit in Franeianit <strong>et</strong> totam <strong>Paris</strong>iorum scholam sua mirabili scientia<br />

vertit in stuporem. Erat enim ornai facultate scripturarum doctissirnus,<br />

vira <strong>et</strong> conversatione honestissimus, non sieur ille <strong>de</strong> quo jam diximus<br />

nrrogans <strong>et</strong>superbus 2, sed humilis multum <strong>et</strong> reverentia plenus. Memo-<br />

i. Journal d'un bourgeois <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, 1405-1449, publié d'après les manuscrits<br />

<strong>de</strong> Rome <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> par Alexandre Tu<strong>et</strong>ey (pour la Société <strong>de</strong> l'histoire<br />

<strong>de</strong> <strong>Paris</strong>), iSSi, in-8, p. 381-38; 860-865.<br />

z. Dans le paragraphe précé<strong>de</strong>nt, Trithèrne avait parié d'un savant italien,<br />

qui s'était montré à Lyon en i5o,.


ET L'UNTVERSITI DE PARIS. I I<br />

riter tenuit Bibliam totam, Nicol<strong>au</strong>rn quoque <strong>de</strong> Lyra, scriptaS. Thomœ<br />

Aquinatis, Alexandri <strong>de</strong> Hales, Johannis Scoti, Bonaventuit <strong>et</strong> aliorum<br />

in theologia complurium, Decr<strong>et</strong>um quoque <strong>et</strong> omnes utriusque<br />

juris libros, <strong>et</strong> in medicinis Avicennam, Galenum, Hippocratem, <strong>et</strong><br />

Aristotelem atque Albertum, omnesque philosophim <strong>et</strong> m<strong>et</strong>aphysices<br />

libros <strong>et</strong> commentaria ad unguem, ut aiunt, memoria conservabat.<br />

In allegando fuit promptissimus, in disputando acutus <strong>et</strong> nullo unquam<br />

superatus. Denique linguas Hebraicain, Groecam, Latinam, Arabiearn<br />

<strong>et</strong> Caldœam perfecte legit, scripsit ne intellexit. Romam a rege Castellai<br />

missus orator, in omnibus Italiœ Galliœque gyrnnasiis publicis disputans<br />

convicit cannes, ipse n nemine vel in minimo convictus. Varia<br />

<strong>de</strong> ipso inter doctores <strong>Paris</strong>ienses movebâtur opinio, allis magum<br />

ilium ac doernone plenum cavillantibus, alus sentientibus contrarium.<br />

Non <strong>de</strong>fuerunt qui Antichristum pufarent, propter incredibilem scientiam<br />

scripturarum, qua cunctos mortales vi<strong>de</strong>batur excellere. Coinmentaria<br />

quttdam in Almagestum Ptolomei edidit <strong>et</strong> Apocalypsim<br />

divi Johannis expositione puicherriina illustravit. Scripsit ingenli sui<br />

<strong>et</strong> alia quœdam picore eruditionis opuscula, quorum titulos ad memoriam<br />

bac vice non potuimus revocare. Iste <strong>Fernand</strong>us erat qui Carolo<br />

duci Burgundionum astronomica vaticinatione longe antea proedixit<br />

interitum, quem 111e spernens non suspicabatur esse tain proximuin 1.<br />

M. Vall<strong>et</strong> <strong>de</strong> Viriville a signalé <strong>et</strong> cité en partie un passage<br />

d'un registre <strong>de</strong>s archives municipales <strong>de</strong> Châlons-sur-Marne,<br />

relatif <strong>au</strong> même personnage. Je dois une copie exacte <strong>de</strong> ce fragment<br />

à l'obligeance <strong>de</strong> M. Pélicier, archiviste <strong>de</strong> la Marne<br />

Item, en ladite année, environ les advens, vint a <strong>Paris</strong> ung josne<br />

homme d'environ XXIII ou xxnn ans, natif du pais d'Espaigne, nommé<br />

maistre Ferrant <strong>de</strong> Corduba, chevalier en armes, maistre en ars, docteur<br />

en loys <strong>et</strong> en <strong>de</strong>cr<strong>et</strong>, docteu'r en theologie, docteur en me<strong>de</strong>cine,<br />

astrologien, parlant grec, ehrcu, cal<strong>de</strong>en <strong>et</strong> latin <strong>et</strong> françois, musicien'<br />

<strong>et</strong> moult abile, lequel fut examiné par l'université.<br />

Item, en ladite année, environ le karesme, renommée commune<br />

fut que ledit maistre Ferrant avoit esté pris ri Couloingne <strong>et</strong> attaint<br />

<strong>de</strong> heresie <strong>et</strong> d'avoir ung diable avec luy qui luy enseignait tout ce<br />

qu'il disoit, <strong>et</strong> fut ars <strong>au</strong>dit Couloingrie 2.<br />

Le poète Georges Chastellain fait allusion en ces termes à Fer.<br />

j - Chronicon Sponheinzense, ad ana. iSor, dans Johannis Trithemii<br />

Opera historica ... ex bib?iofljeca Marquardi Freheri, Francofurti, iôoi , -<br />

in-fol., li, p. 415.<br />

2. Troisième registre <strong>de</strong>s délibérations du conseil <strong>de</strong> ChAlons-sur-Marne,<br />

1431 . 1446, 2.


12<br />

MAITRE FERNAND DE CORDOUE<br />

nand <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, dans sa Recollection <strong>de</strong>s merveilles advenues<br />

en notre temps'<br />

J'ay vu par excelleàce<br />

Jeune homme <strong>de</strong> vingt ans<br />

Avoir toute science<br />

Et les <strong>de</strong>grés m'ontans,<br />

Soy vantant sçavoir dire<br />

Ce qu'oncques fut escript<br />

Par seule fois le lire<br />

Comme un jeuife antecrist.<br />

Enfin E. du J3oulay, l'historien <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, cite un<br />

court extrait d'une pièce <strong>de</strong>s archives <strong>de</strong> l'université, qui concerne<br />

également le docteur espagnol<br />

Huiuscè Doctoris mentio hab<strong>et</strong>ur in Actis Nationis Gall. né diem zz.<br />

Decemb. aientibus lectas fuisse litteras quasdam ad Ducem Burgundiœ<br />

transmittendas, Ne veut adhiberefi<strong>de</strong>m dictis cuiusdam Doctoris<br />

I-hspani qui se obtulerat Vniuersitati responsurum; qui tarnen noluit<br />

respon<strong>de</strong>re, sed se excus<strong>au</strong>it dicendo quod celerrinzè crat iturus apud<br />

D. Ducem dictum.<br />

Les ouvrages <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> qui nous sont parvenus<br />

fournissent <strong>au</strong>ssi <strong>de</strong>s renseignements pour sa biographie; il sera<br />

parlé <strong>de</strong> ces ouvrages plus loin, chapitre IV. -.<br />

Ili.<br />

<strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, <strong>Fernand</strong>us Cordubensis, est le nom par<br />

lequel le personnage qui nous occupe s'est désigné lui-même,<br />

dans <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses ouvrages, sa préface <strong>au</strong> De animalibus d'Albert<br />

le Grand, imprimé huit ans avant sa mort, en 1478, <strong>et</strong> son traité<br />

De jure medios exigendifructus, dédié <strong>au</strong> pape Sixte IV. Il f<strong>au</strong>t<br />

donc préférer c<strong>et</strong>te forme du nom <strong>au</strong>x variantes données par les<br />

divers documents, Ferdinand (Ferdinandus) dans l'inscription <strong>de</strong><br />

Saint-Jacques-<strong>de</strong>s-Espagnols, Ferrant dans le registre <strong>de</strong> Châlons,<br />

Fariandus dans la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>, telle que l'a reproduite le<br />

chroniqueur <strong>de</strong> Ncubourg-sur-le-Danube, Ferrandus dans l'abrégé<br />

,. Œuvres <strong>de</strong> Georges Chastellain, publiées par le baron Kervyn lc L<strong>et</strong>ten-<br />

1,ovc. Bruxelles, 1863-1866, in-8', t. VII, p. igi.<br />

z. Bulzeus, Historia univers j(atjs <strong>Paris</strong>iensis, t. V, 1670, in-fol., p. 534.


ET L'UNtVFRSrTg DE PARTS.<br />

latin <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te même l<strong>et</strong>tre inséré <strong>au</strong> Chroniçon Sponheirnense <strong>de</strong><br />

Trithème. Le surnom Cordubensis pouvait être, soit un nom <strong>de</strong><br />

famille, soit plutôt une simple désignation <strong>et</strong>hnique; la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong><br />

(ci-<strong>de</strong>ssus, chapitre 1) affirme que <strong>Fernand</strong> était a natif du<br />

roy<strong>au</strong>me <strong>de</strong> Castille <strong>et</strong> <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> ». Il <strong>de</strong>vait être <strong>de</strong><br />

famille noble, puisque, <strong>au</strong> moment <strong>de</strong> son passage à <strong>Paris</strong>, les<br />

<strong>au</strong>teurs s'accor<strong>de</strong>nt à dire qu'il était « chevalier en armes ». Les<br />

armoiries <strong>de</strong> sa famille étaient gravées sur son tombe<strong>au</strong> à Rome;<br />

on en a vu plus h<strong>au</strong>t la <strong>de</strong>scription, à la suite <strong>de</strong> son épitaphe.<br />

Il naquit sans doute vers 1421.-L'<strong>au</strong>teur <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>,<br />

celui du Journal d'un bourgeois <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, Mathieu d'Escouchy<br />

<strong>et</strong> Georges Chastellain le font <strong>de</strong> quelques années plus jeune, car<br />

ils ne lui attribuent, en 15, que vingt ou même dix-neuf ans<br />

d'âge; mais le rédacteur du registre <strong>de</strong> Châlons, mieux informé,<br />

dit que <strong>Fernand</strong> était âgé, à c<strong>et</strong>te date, « d'environ xxiii ou<br />

xxiiii ans ». En eff<strong>et</strong>, son épitaphe dit positivement qu'il mourut<br />

en 1486, âgé <strong>de</strong> 65 ans 4 . -<br />

On peut présumer qu'il eut une enfance studieuse, mais on<br />

n'en sait rien <strong>de</strong> positif, en <strong>de</strong>hors d'un propos <strong>de</strong> lui, rapporté<br />

ci-<strong>de</strong>ssus dans la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>. Il contait qu'étant enfant il<br />

avait appris en une semaine le texte entier du Doctrinal ou grammaire<br />

latine d'Alexandre <strong>de</strong> Villedieu, qui se compose <strong>de</strong> 2454 vers -<br />

hexamètres 2 . - « On assure, dit la Biographie universelle, qu'à<br />

l'âge <strong>de</strong> cinq ans il savait parfaitement lire, écrire, <strong>de</strong>ssiner, <strong>et</strong><br />

pinçait très agréablement <strong>de</strong> la guitare. A dix ans il avait terminé<br />

r- Pour traduire c<strong>et</strong>te indication en langage exact, il f<strong>au</strong>t se rappeler qu'on<br />

commençait souvent alors l'année, à Rome, soit dès le aS décembre, soit nu<br />

contraire seulement <strong>au</strong> 25 mars. La mort <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> se place<br />

donc du aS décembre 1485 <strong>au</strong> 24 mars 1487. L'indication <strong>de</strong> son âge étant<br />

donnée en années complètes, sans désignation <strong>de</strong> mois <strong>et</strong> <strong>de</strong> jours, il f<strong>au</strong>t<br />

entendre qu'<strong>au</strong> moment <strong>de</strong> sa mort il avait <strong>au</strong> moins 65 ans juste <strong>et</strong> <strong>au</strong> plus<br />

65 ans 364 jours. En le supposant mort le 25 décembre 1485, à l'âge <strong>de</strong><br />

65 ans 364 jours, il serait né le 26 décembre 1419 en le supposant mort<br />

le 24 mars 1487, A 65 ans juste, il serait né le 24 mars 1422. Mais, si l'on<br />

veut, en outre, qu'<strong>au</strong>x avents <strong>de</strong> 1445 (aS novembre) il n'eût pas plus <strong>de</strong> 24 ans,<br />

ainsi que l'affirme le registre municipal <strong>de</strong> Châlons-sur-Marne, il ne f<strong>au</strong>t pas<br />

Je faire nattre avant le 29 novembre 1420. Les dates extr€mes entre lesquelles<br />

sa naissance semble <strong>de</strong>voir être comprise sont donc, en <strong>de</strong>rnière analyse, le<br />

29 novembre 1420 <strong>et</strong> le 24 mars 1422.<br />

z. C. Thurot, De Alexandri <strong>de</strong> Villa-DeiDoctrinali. Pansus, ,85o, in-86,<br />

p_28.


14 MArTRn FERNAND DE CORDOUE<br />

ses cours <strong>de</strong> latinité <strong>et</strong> <strong>de</strong> rhétorique, <strong>et</strong> sa mémoire était déjà si<br />

prodigieuse qu'il apprenait par coeur trois ou quatre pages <strong>de</strong><br />

Cicéron après les avoir lues une seule fois. » Il est à craindre que<br />

ces détails ne soient <strong>de</strong> pure imagination, car le rédacteur <strong>de</strong> la<br />

Biographie universelle ne dit pas avoir connu d'<strong>au</strong>tres documents<br />

que ceux qui sont à notre disposition, <strong>et</strong> ceux-ci né nous apprennent<br />

rien <strong>de</strong> pareil. Le même <strong>au</strong>teur affirme qu'ensuite <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Cordoue</strong> « servit sous Jean II <strong>de</strong> Castille » (ce roi régna <strong>de</strong> 5406<br />

1454) « dans les guerres contre les M<strong>au</strong>res, où il se distingua<br />

par sa valeur a, puis qu'il « occupa tour à tour les différentes<br />

chaires <strong>de</strong> plusieurs universités d'Espagne, <strong>et</strong> un grand nombre<br />

<strong>de</strong> disciples le suivait partout. » Ces assertions, dont la première<br />

a été <strong>de</strong>puis reproduite trop légèrement par plusieurs <strong>au</strong>teurs 1 , ne<br />

paraissent pas mieux fondées que la précé<strong>de</strong>nte. Sur la jeunesse<br />

<strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, jusqu'à sa venue en France, nous ne<br />

savons que ce qu'on a vit dans la l<strong>et</strong>tre <strong>au</strong> chancelier <strong>de</strong> Brabant,<br />

à savoir qu'un peu plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans avant son arrivée à <strong>Paris</strong>,<br />

soit vers 1443, âgé <strong>de</strong> vingt <strong>et</strong> un ou vingt-<strong>de</strong>ux ans, il avait<br />

quitté l'Espagne, chargé par le roi <strong>de</strong> Castille d'une mission â<br />

l'étranger. C'est, ce semble, en Italie que le roi l'envoyait. Tri.<br />

thème, en empruntant ce fait à la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>, a cru pouvoir<br />

préciser davantage <strong>et</strong> affirmer que <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> était allé<br />

en ambassa<strong>de</strong> à Rome; c'est possible, probable même, mais on<br />

ne s<strong>au</strong>rait l'affirmer2.<br />

En Italiè, <strong>Fernand</strong> commença à faire montre <strong>de</strong> son savoir, en<br />

l'étalant dans <strong>de</strong>s séances publiques, données en présence <strong>de</strong>s docteurs<br />

ou <strong>de</strong>s étudiants <strong>de</strong>s diverses universités. Puis, d'Italie, il<br />

t. Nouvelle Biographie générale, t. XI; Grsse; Budinszky.<br />

2. Trithèrne, en outre, a supprimé l'indication <strong>de</strong> l'écrivain allemand sur<br />

l'époque <strong>de</strong> la mission confiée à <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>. Les <strong>au</strong>teurs mo<strong>de</strong>rnes,<br />

qui n'ont connu que Trithème <strong>et</strong> non son original, ont cherché à suppléer<br />

par conjecture à ce silence <strong>et</strong> sont tombés ainsi dans <strong>de</strong>s erreurs singulières,<br />

que la connaissance <strong>de</strong> la chronique <strong>de</strong> Neubourg perm<strong>et</strong> d'écarter définitivement.<br />

Dans la Nouvelle Biographie générale, t. X\'lI, on lit « Ferdinand<br />

V, dit le Catholique ... n'hésita pas à lui confier diverses missions<br />

importantes à Rome <strong>et</strong> à <strong>Paris</strong> (1475). o Selon la Biographie universelle,<br />

« en 1469, Ferdinand l'envoya à Rome vers le pape Alexandre VI, qui l'accueillit<br />

avec tous les honneurs que ses talents méritaient- i Or, en 1469, ni<br />

Ferdinand ni Alexandre VI ne régnaient encore. M. Groesse n répété l'indication<br />

<strong>de</strong> la Biographie universelle, en supprimant le nom <strong>de</strong> Ferdinand,<br />

mais en conservant celui d'Alexandre VI. M. Budinszky, copiant à son tour


ET L ' UNIVERSITÉ DE PARIS. aS<br />

passa, dit Mathieu d'Escouchy, « es parties du royatnmc <strong>de</strong><br />

France», <strong>et</strong>, « apprez qu'il eust esté en divers lieux dudit royamme<br />

<strong>de</strong> Franco, vint a <strong>Paris</strong>. » Sur la route <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, apparemment,<br />

il rencontra Charles VII, soit à Châlons, où le roi était en août<br />

1445, soit en Touraine, où il résida à partir <strong>de</strong> septembre, soit<br />

en quelque point intermédiaire'. Alors eut lieu l'entrevue mentionnée<br />

par le correspondant du chancelier <strong>de</strong> Brabant, entrevue<br />

dans laquelle <strong>Fernand</strong>, en présence du roi, répondit à tout<br />

ce qu'on lui <strong>de</strong>manda « <strong>de</strong>s arts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s oeuvres <strong>de</strong> chevalerie n<br />

<strong>et</strong> à toutes les <strong>au</strong>tres questions qu'il plut <strong>au</strong>x assistants <strong>de</strong> , lui<br />

faire. Il arriva à <strong>Paris</strong> en 15, dans les <strong>de</strong>rniers jours du mois<br />

<strong>de</strong> novembre ou les premiers jours du mois suivant' il resta<br />

environ quinze jours <strong>et</strong> repartit le 14 décembre s. Les textes qui<br />

M. Groesse, parait s'être aperçu <strong>de</strong> la difficulté chronologique ; il n cru apparemment<br />

tout concilier en intervertissant les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers chiffres du millésime<br />

<strong>et</strong> il n mis 1496 <strong>au</strong> lieu <strong>de</strong> 1469. C'était remplacer un anachronisme<br />

par un <strong>au</strong>tre en 1496, il y avait dix ans que <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> était<br />

mort. .La f<strong>au</strong>sse correction <strong>de</strong> M. Budinszky n induit en erreur M. Ulysse<br />

Chevalier, qui a placé la mort <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> en 1496, nu lieu <strong>de</strong> 1485.<br />

j. Vall<strong>et</strong> <strong>de</strong> Viriville, Histoire <strong>de</strong> Charles Vii, t. ItI, p. go, note 2<br />

« iS août, le roi à Cbâlons; 26, 28, à Sens; le '6 septembre à Montils-lez-<br />

Tours. » - Cf. Ordonnances, t. XIII, p. 452-453.<br />

2. c Environ les advens n (registre <strong>de</strong> Châlons-sur .Marne). L'avent, en<br />

,5, Commença le aS novembre.<br />

3. L<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>, ci-<strong>de</strong>ssus, chapitre I, <strong>de</strong>rnières lignes. —On a reproché<br />

à l'<strong>au</strong>teur du Journal d'un bourgeois <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> <strong>de</strong> s'être trompé sur la date<br />

<strong>de</strong> la venue <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'avoir placée en 1446, après<br />

Pâques (G. <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>court Chronique <strong>de</strong> Mathieu d'Escoucliy, t.1, p. 69, note ;<br />

Vall<strong>et</strong> <strong>de</strong> Viriville, Histoire <strong>de</strong> Charles VI'!, t. III, p. 96, note 2). Ce reproche<br />

n'est pas fondé. Le morce<strong>au</strong> relatif à <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> vient, dans le<br />

Journal, immédiatement après le récit <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers faits <strong>de</strong> l'année 1445,<br />

vieux style, c'est-à-dire <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s premiers jours d'avril 1446, nouve<strong>au</strong><br />

style; l'<strong>au</strong>teur l'introduit par ces mots . Item, en celluy an, vint ung jeune<br />

homme, <strong>et</strong>c. j Ces mots, en celluy an, désignent sans doute l'année dont<br />

les événements viennent d'être racontés, non celle qui va suivre l'année<br />

1445, vieux style, non l'année 1446. C'est un supplément que l'<strong>au</strong>teur du<br />

Journal ajoute, après coup, pour compléter le récit <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> 1445. Il y a<br />

Peut-être là une f<strong>au</strong>te <strong>au</strong> point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'art <strong>de</strong> la composition, mais il n'y<br />

a pas d'erreur <strong>de</strong> chronologie. - Dans Trithème, le récit relatif à <strong>Fernand</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, quoique exactement daté <strong>de</strong> 1445, n'est pas placé dans le chapitre<br />

relatif à c<strong>et</strong>te année; il est introduit inci<strong>de</strong>mment sous l'année ,Soi.<br />

De là une erreur <strong>de</strong> Bxovius, qui, dans ses Annales ecclesiastici, n placé en<br />

j 5o r la venue <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> à <strong>Paris</strong>. C<strong>et</strong>te erreur a passé <strong>de</strong>s<br />

annales <strong>de</strong> t3zovius dans la Bibliotheca Hispana no pa <strong>de</strong> N. Antonio (édi-


16<br />

• MAITRE FERNAND DE CORDOUE<br />

oit été cités <strong>au</strong>x <strong>de</strong>ux chapitres précé<strong>de</strong>nts font assez connaître<br />

• l'admiration qu'il excita à <strong>Paris</strong>, ses talents si divers, sa science<br />

merveilleuse, sa courtoisie, sa bonne mine. Sur ce point, la l<strong>et</strong>tre<br />

• alleman<strong>de</strong> rapportée par le chroniqueur <strong>de</strong> Neubourg ajoute peu<br />

<strong>de</strong> chose à ce qu'on savait déjà; mais elle fournit quelques détails<br />

nouve<strong>au</strong>r qui font mieux comprendre l'atti tu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong><br />

<strong>Paris</strong> à l'égard du docteur étranger, les épreuves qu'on lui imposa<br />

<strong>et</strong>jes circonstances <strong>de</strong> son départ.<br />

En lisant dans le Bourgeois <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> t Et vraiement il a disputé<br />

a nous <strong>au</strong> colliege <strong>de</strong> Navarre, qui estions plus <strong>de</strong> cinquante<br />

* <strong>de</strong>s plus jarfaiz clercs <strong>de</strong> l'université <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, <strong>et</strong> plus <strong>de</strong> ni mil<br />

<strong>au</strong>tres clercs, m on croirait qu'il s'agit d'une seule assemblée <strong>de</strong><br />

l'université, où étaient plus <strong>de</strong> trois mille clercs, dont cinquante<br />

• .<br />

- «'<strong>de</strong>s plus parfaiz t. Le récit <strong>de</strong> Mathieu d'Escouchy fait voir<br />

• déjà que cela doit être compris <strong>au</strong>trement <strong>Fernand</strong>, dit-il, fut<br />

examiné <strong>et</strong> enquis par moult <strong>de</strong> fois t, <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s assemblées<br />

partielles, en la presence <strong>de</strong> quaranteou cinquante <strong>de</strong>s meilleurs<br />

- '-'- clercs » ; ce fut une <strong>de</strong> ces assemblées restreintes qui eut lieu <strong>au</strong><br />

collège <strong>de</strong> Navarre <strong>et</strong> à laquelle assista l'<strong>au</strong>teur du Journal. Une<br />

• <strong>au</strong>tre fois, , <strong>et</strong>' une fois seulement, le docteur espagnol « fut en<br />

plainne université, ou il y avoit bien in mil clercs, <strong>et</strong> là, comme<br />

ailleurs, il u fist pluseurs argumens, mais tous ne le sentent <strong>de</strong><br />

• rien reprendre. » L'<strong>au</strong>teur <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong> nous fait connaître<br />

l'occasion <strong>et</strong> le lieu <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te assemblée extraordinaire, qui<br />

• •eut lieu, dit-il, à Saint-Bernard. <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>, quand il<br />

• y parut, n'était élus libre. Son savoir merveilleux avait attiré les<br />

soupçons <strong>de</strong> l'<strong>au</strong>torité <strong>et</strong> sans doute <strong>au</strong>ssi la jalousie <strong>de</strong>s docteurs<br />

<strong>de</strong> <strong>Paris</strong>; doutant ou feignant <strong>de</strong> douter s'il tenait ses talents <strong>de</strong><br />

Dieu ou du diable, l'université, l'évêque, le parlement avaient été<br />

dtaccord pour le poursuivre <strong>et</strong> le faire arrêter. Ce fut un véritable<br />

interrogatoire qu'il subit <strong>de</strong>vant les trois mille étudiants<br />

assemblés à Saint-Bernard. Il s'en tira tout à son honneur « il<br />

fit, àit l'écrivain allemand, <strong>de</strong>s réponses <strong>au</strong>ssi excellentes que<br />

courtoises <strong>et</strong> mo<strong>de</strong>stes... On ne pouvait rien lui répliquer. » En<br />

parlemefït <strong>et</strong> ailleurs, dit Mathieu d'Escouchy , il fut <strong>au</strong>ssi appelé<br />

tions <strong>de</strong> 1672 <strong>et</strong> <strong>de</strong> 1783) <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'ouvrage d'Antonio dans la Nouvelle Biographie<br />

générale, t. XVII; elle a été reproduite, en <strong>de</strong>rnier lieu, à ma connaissance,<br />

par M. Franklin. Elle avait déjà été relevée <strong>et</strong> rectifiée par Perez<br />

Bayer, dans son édition <strong>de</strong> la Bibi iotheca Hispana v<strong>et</strong>us (1788).


ET L'tJNIvER5rTI DE PARIS. I<br />

â comparaître, mais c ne trouva quelque resistancd. 'On dut<br />

donc le rem<strong>et</strong>tre en liberté.<br />

Échappé <strong>de</strong> ce m<strong>au</strong>vais pas, <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> eut, sans<br />

<strong>au</strong>cun doute, gran<strong>de</strong> hâte <strong>de</strong> fuir une ville où les savants étrangers<br />

recevaient un accueil <strong>au</strong>ssi peu encourageant. En vain les<br />

clercs <strong>de</strong> l'université cherchèrent-ils à le r<strong>et</strong>enir en lui proposant<br />

encore <strong>de</strong> nouvelles questions ; il répondit qu'il était très<br />

pressé <strong>de</strong> se rendre à la cour du duc <strong>de</strong> Bourgogne, qu'il voulait<br />

y arriver pour les fêtes <strong>de</strong> Noël, qu'<strong>au</strong> reste il reviendrait à <strong>Paris</strong><br />

plus tard <strong>et</strong> qu'alors il répondrait â tout ce qu'on lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rait.<br />

Mais peu <strong>de</strong> gens à <strong>Paris</strong>, ajoute l'<strong>au</strong>teur <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>,<br />

croyaient qu'il dût revenir. Il est probable en eff<strong>et</strong> qu'il en avait<br />

peu d'envie. Il se dirigea rapi<strong>de</strong>ment vers la Flandre.<br />

En quittant <strong>Paris</strong>, <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> laissait les membres <strong>de</strong><br />

l'université en proie à un vif dépit. Le correspondant du chancelier<br />

<strong>de</strong> Brabant dit qu'après ses réponses dans la gran<strong>de</strong> assemblée<br />

tenue à Saint-Bernard, le parlement <strong>et</strong> l'évêque le traitèrent<br />

avec be<strong>au</strong>coup d'égards; il n'en dit pas <strong>au</strong>tant <strong>de</strong>s docteurs <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong>s clercs. Ceux-ci, sans doute, ne pouvaient lui pardonner <strong>de</strong><br />

s'être montré plus savant qu'eux tous <strong>et</strong> <strong>de</strong> les avoir vaincus<br />

dans toutes les discussions. En vain ils avaient combiné leurs<br />

efforts pour lui poser <strong>de</strong>s questions insidieuses, pour lui tendre<br />

les pièges les plus habiles, il s'était tiré <strong>de</strong> toutes les épreuves à<br />

son honneur <strong>et</strong> à leur honte. C'était une gran<strong>de</strong> humiliation que<br />

le jeune étranger avait infligée <strong>au</strong>x « meilleurs <strong>et</strong> <strong>au</strong>x « plus<br />

parfiz » clercs <strong>de</strong> la première université du mon<strong>de</strong>; <strong>et</strong>, vaincus<br />

par lui, ils n'avaient pas même eu la consolation <strong>de</strong> pouvoir le<br />

faire brûler comme sorcier! Ils pensèrent que tout n'était pas<br />

perdu <strong>et</strong> ils se hâtèrent d'aviser <strong>au</strong>x moyens <strong>de</strong> nuire <strong>de</strong> loin à<br />

celui qu'ils n'avaient pu confondre face à face. Aussitôt que <strong>Fernand</strong><br />

eut quitté <strong>Paris</strong>, <strong>au</strong>cuns <strong>de</strong>s plus saiges <strong>et</strong> renommez<br />

clercs <strong>de</strong> l'université, en bon nombre, dit Mathieu d'Escouchy,<br />

se assamblerent ensarnble pour parler <strong>et</strong> avoir advis l'un aveùc<br />

l'<strong>au</strong>tre <strong>de</strong> ta science. , Le résultat <strong>de</strong> la conférence fut que, non<br />

seulement, <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong>vait avoir fait un pacte avec le diable, mais<br />

qu'il était très probablement l'Antéchrist en personne. On s'occupait<br />

be<strong>au</strong>coup alors <strong>de</strong> l'Antéchrist. Le dominicain Jean <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>,<br />

dans son traité De Antichristo, en r 3oo, avait émis l'avis que le><br />

règne <strong>de</strong> l'Antéchrist <strong>et</strong> la fin du mon<strong>de</strong> arriveraient probablement


?,IAITRE FERNAND DE CORDOUE<br />

avant l'expiration du xv 0 siècle'. Un <strong>au</strong>tre dominicain, saint Vincent<br />

Ferrier, mort en 1419, avait affirmé que l'Antéchrist <strong>de</strong>vait être<br />

né en 1402 OU 1403 2• D'<strong>au</strong>tres livres, <strong>au</strong>xquels Mathieu d'Escouchy<br />

<strong>et</strong> le Bourgeois <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> font allusion sans malheureusement<br />

les désigner avec précision, contenaient sur l'Antéchrist toute sorte<br />

<strong>de</strong> détails, <strong>et</strong> l'on a vu dans le texte <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux <strong>au</strong>teurs les raisons<br />

par lesquelles on prouvait, à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces livres, que c'était l'Antéchrist<br />

qui venait <strong>de</strong> paraître en la personne <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>.<br />

• En même temps que les docteurs répandaient c<strong>et</strong>te opinion dans<br />

le public, une fraction <strong>de</strong> l'université, la nation <strong>de</strong> France, s'assemblait<br />

<strong>et</strong> arrêtait les termes d'une l<strong>et</strong>tre officielle, qu'elle faisait écrire<br />

en son nom <strong>au</strong> duc <strong>de</strong> Bourgogne, pour l'inviter à se défier <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong>.<br />

C'est la l<strong>et</strong>tre dont un extrait nous a été conservé par E. du<br />

Boulay <strong>et</strong> a été reproduit plus h<strong>au</strong>t. La nation y mandait <strong>au</strong> duc<br />

((<strong>de</strong> ne pas ajouter foi <strong>au</strong>x dires d'un certain docteur espagnol, qui<br />

s'était présenté à l'université en offrant <strong>de</strong> lui répondre, mais qui<br />

ensuite n'avait pas voulu répondre <strong>et</strong> s'était excusé en prétextant<br />

qu'il était obligé <strong>de</strong> se rendre tout <strong>de</strong> suite <strong>au</strong>près dudit seigneur<br />

duc. n -<br />

Au reste, ces ntanuvres ne paraissent pas avoir eu <strong>de</strong> succès.<br />

Parti <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> le 14 décembre, <strong>Fernand</strong>, qui, comme le remarque<br />

la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>, voyageait « avec huit chev<strong>au</strong>x s, put facilement<br />

arriver avant la Nol à Gand, où le duc Philippe tenait sa<br />

cour <strong>de</strong>puis le commencement du mois-'. Là, <strong>au</strong> témoignage <strong>de</strong><br />

j . « Non ergo credimus aliquem- esse certum <strong>de</strong> <strong>de</strong>terminatione temporis<br />

Antichristi, nec per revelationem, nec per Scripture inspectionem, nec per<br />

argumentutn, precipue quoad annum, dicm vel harem, quamvis secundum<br />

humants conjecturas credamus probabiliter, sine tamen omni assertione,<br />

hujus inundi cursum infra cc armes ab anno presenti, (lui est Mas<br />

CCCu, ab incarnatione Domini, ad tardius terminari. D (Bibliothèque natidnale,<br />

manuscrit lut. 13781, & gS r-, col. i; selon Quétif <strong>et</strong> Echard, Senptores<br />

ordinis Prœdicatorum, t. IL, 1721, in-fol., p. 335, col. z, ce Traciatus<br />

<strong>de</strong> Antichnisto<strong>de</strong> Jean <strong>de</strong> <strong>Paris</strong> a été imprimé àVenise, i5i6; in-4'.)<br />

2. Epistola dlvi Vincentil Ferrarii ad Benedictuni pp. Xlii, datée du<br />

27 juill<strong>et</strong> 1412<br />

Sic ergo pal<strong>et</strong> ex hujusmodi revelationibus, si verte suai,<br />

quod jam Antichristus est natus, <strong>et</strong> hab<strong>et</strong> compl<strong>et</strong>e novem armes suie maledictœ<br />

aflatis. » (Sancti paIns nostni Vincentii Ferrarii, Valentini, ordinis<br />

Pratdicatoru'n, Opuscuta, Valenti, i 591, in-S', P. siS.)<br />

3. Le duc avait célébré à Gand la Saint-André (3o novembre): Chroniques<br />

di Brabant <strong>et</strong> <strong>de</strong> Flandre, publiées par Ch. Plot (dans la Colléction <strong>de</strong><br />

chroniques belges inédites), Bruxelles, 1879, in-4', P. 203.


' ET L'UN!vERSITg DE PARIS. 19<br />

Mathieu d'Escouchy. il « fut par <strong>au</strong>cune espace » <strong>et</strong> « fut <strong>de</strong><br />

rechief examiné par notables clercs, mais onques ne virent sou<br />

pareil. » Ce fut là sans doute qu'il vit le poète Georges Chastellain,<br />

que nous savons avoir été présent <strong>au</strong>près du duc <strong>de</strong> Bourgogne<br />

à Gand en décembre 1445 , <strong>et</strong> qui plus tard rappela son<br />

souvenir dans les huit médiocres vers qui ont été cités plus h<strong>au</strong>t.<br />

Le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong> ces vers prouve que le bruit <strong>de</strong> la consultation <strong>de</strong>s<br />

docteurs <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, qui voulaient que <strong>Fernand</strong> fût l'Antéchrist,<br />

était parvenu jusqu'à Gand. Ce serait <strong>au</strong>ssi pendant ce séjour à la<br />

cour <strong>de</strong> Bourgogne que <strong>Fernand</strong>, s'il fallait ert croire Trithème,<br />

<strong>au</strong>rait prédit, <strong>au</strong> moyen <strong>de</strong> 'l'astrologie, la mort prématurée <strong>de</strong><br />

Charles le Téméraire (tué à Nancy en 1477). Mais Trithéme a<br />

ajouté ce renseignement à ceux qu'il avait tirés <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre <strong>au</strong><br />

chancelier <strong>de</strong> Brabant; or, en général, comme l'a fait remarquer<br />

M: Gaston <strong>Paris</strong>,, tout ce que Trithème ajoute <strong>au</strong>x sources<br />

qu'il a eues sous les yeux est <strong>de</strong> pure invention 2. Il peut bien<br />

en être ainsi dans ce cas.<br />

« Et apprez, dit Mathieu d'Escouchy, se parti <strong>de</strong> la pour aler<br />

en Engl<strong>et</strong>erre, mais, pour ce qu'il ne peut passer, s'en r<strong>et</strong>ourna<br />

par Allemaingne, <strong>et</strong> <strong>de</strong>puis long temps apprez fut peu nouvelle<br />

dé lui sur les marches <strong>de</strong> France. » Il courut sur lui, entre <strong>au</strong>tres<br />

bruits, une nouvelle f<strong>au</strong>sse, qui a été rapportée par le rédacteur du<br />

registre <strong>de</strong> Châlons. En 1446, « environ le karesme (c'est-àdire,<br />

pour c<strong>et</strong>te année, du 2 marg <strong>au</strong> 16 avril inclusivement)<br />

« renommée commune fut que ledit maistre Ferrant avoit esté<br />

pris à Couloingne <strong>et</strong> attaint <strong>de</strong> heresie <strong>et</strong> d'avoir ung diable avec<br />

luy qui luy enseignoit tout ce qu'il disoit, <strong>et</strong> fut ars <strong>au</strong>dit Couloingne.<br />

Il est assez vraisemblable que <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong><br />

soit allé à Cologne en 1446, il est possible qu'il y ait été encore<br />

accusé <strong>de</strong> sorcellerie <strong>et</strong> inquiété, mais il est certain qu'il n'y fut<br />

pas brûlé, puisqu'il ne mourut que quarante ans plus tard, à<br />

Rome, en 1486.<br />

Sur les <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> sa vie on sait peu <strong>de</strong> chose. Selon<br />

l'expression <strong>de</strong> Mathieu d'Escouchy, a n'a point esté nouvelle a<br />

.la venté que <strong>de</strong>puis long temps on ait sceu qu'il soit <strong>de</strong>venu-.<br />

•. Œuvres <strong>de</strong> Georges Chastellain, publiées par le baron Kervyn <strong>de</strong> L<strong>et</strong>tenhove,<br />

t. 1, p. XVI.<br />

2. Revue critique d'histoire <strong>et</strong> <strong>de</strong> littérature, 7' année, 1873, 2' 'cm., p. 3.<br />

3. Mathieu dEscouchy écrivait à Péronne, avant 1465 (Chronique <strong>de</strong>


20<br />

MAtTREFERMAND DE CORDOUE<br />

Pendant près <strong>de</strong> vingt ans, on perd toute trace <strong>de</strong> lui. Vers -les<br />

années 1463 à 1465 enfin, on le r<strong>et</strong>rouve à Rouie, <strong>au</strong>près du cardinal<br />

Bessarion, qui lui faisait écrire <strong>de</strong>s traités sur diverssuj<strong>et</strong>s<br />

<strong>de</strong> philosophie, <strong>et</strong> qui, par sa protection, l'avait fait nommer<br />

sous-diacre du pape. <strong>Fernand</strong> fut sans doute un <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong><br />

l'Académie <strong>de</strong> savants grecs <strong>et</strong> latins réunis <strong>au</strong>tour <strong>de</strong> Bessarion 1.<br />

Peut-être son talent d'helléniste lui avait-il valu la faveur <strong>de</strong><br />

l'illustre cardinal grec. Toutefois, on ne s<strong>au</strong>rait affirmer que Bessarion<br />

ait eu gran<strong>de</strong> confiance dans sa connaissance <strong>de</strong> la langue<br />

grecque, car, après l'avoir chargé d'une étu<strong>de</strong> comparative sur la<br />

valeur <strong>de</strong>s doctrines <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux grands philosophes <strong>de</strong> la Grèce<br />

ancienne, Platon <strong>et</strong> Aristote, il arrêta tout d'un coup son travail<br />

commencé <strong>et</strong> l'invita à traiter une <strong>au</strong>tre question, celle-ci <strong>de</strong><br />

pure spéculation <strong>et</strong> qui n'exigeait <strong>au</strong>cune connaissance linguistique.<br />

C<strong>et</strong>te brusque décision paraît avoir blessé un peu <strong>Fernand</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong>; dans la dédicace du nouvel ouvrage, qu'il lui adressa<br />

quelque temps après, tout en donnant à son bienfaiteur <strong>de</strong>s<br />

marques <strong>de</strong> son respect <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa reconnaissance, il ne put s'empêcher<br />

<strong>de</strong> laisser percer <strong>au</strong>ssi un peu d'humeur ou tout <strong>au</strong> moins<br />

<strong>de</strong> regr<strong>et</strong>'.<br />

A partir <strong>de</strong> ce moment, <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> paraît avoir passé<br />

le reste <strong>de</strong> sa vie à Rouie, en faveur <strong>au</strong>près du pape <strong>et</strong> <strong>de</strong>s cardin<strong>au</strong>x,<br />

<strong>au</strong>xquels il dédia plusieurs ouvrages 3 , <strong>et</strong> conservant jusqu'à<br />

la fin la dignité honorée <strong>et</strong> tranquille <strong>de</strong> sous-diacre du saintsiège<br />

4. Il mourut à Rome, comme on l'a vu plus h<strong>au</strong>t, entre le<br />

Mathieu d'Escouchy, publiée pour la Société <strong>de</strong> l'histoire <strong>de</strong> France par<br />

G. du Fresne <strong>de</strong> Be<strong>au</strong>court, t. 1, P. xxxix).<br />

r. H. Vast, le Cardinal Bessarion, <strong>Paris</strong>, 1878, in-8', p- 298 <strong>et</strong> suivantes.<br />

2. Pour tous ces faits, voy. ci-après, chapitre 1V, les extraits du traité De<br />

art ificio omnis, <strong>et</strong>c.<br />

3.Ci-après, chapitre IV: De pont ificiipatlii inysterio, dédié <strong>au</strong> cardinal François<br />

l'iccolomini; De jure niedios exigendi fructus, dédié <strong>au</strong> pape Sixte IV;<br />

traité sur les futurs contingents, écrit probablement pour Sixte IV.<br />

. Son épitaphe prouve qu'il était encore sous-diacre du pape <strong>au</strong> moment<br />

<strong>de</strong> sa mort VERDINANDO COROVOEN PONT. MAX HVPODIACONO. Il l'était <strong>au</strong> moins<br />

<strong>de</strong>puis le temps <strong>de</strong> la composition du De artificio, qui parait pouvoir être<br />

daté <strong>de</strong> 1463-1465. - Sur le collège <strong>de</strong>s sous-diacres du saint-siège ou<br />

sous-diacres apostoliques (supprimés <strong>et</strong> remplacés <strong>de</strong>puis 1655 paries <strong>au</strong>diteurs<br />

<strong>de</strong> rote), voy. G. Moroni, Di;ionrio di erudi;ione storiCo_eCClCsiaStica,<br />

in-8', vol. LXXI, p. 9-16, <strong>et</strong> les <strong>au</strong>tres passages indiqués <strong>au</strong> vol. VI <strong>de</strong><br />

l'indice, p. 231.


ET L'UNIVERsIfl DE PARIS. 21<br />

25 décembre 1485 <strong>et</strong> le 24 mars 1487, <strong>et</strong> fut enterré dans l'église<br />

Saint-Jacques-<strong>de</strong>s-Espagnols, où un tombe<strong>au</strong> lui fut élevé parles<br />

soins du cardinal portugais Georges da Costa, archevêque <strong>de</strong> Lisbonne<br />

l<br />

Iv.<br />

Une pat-tic seulement <strong>de</strong>s ouvrages écrits par <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong><br />

est parvenue jusqu'à nous. Ceux dont nous trouvons la<br />

mention dans divers <strong>au</strong>teurs, mais dont le texte est ou paraît<br />

perdu, sont <strong>au</strong> nombre <strong>de</strong> six.<br />

La l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>, écrite en décembre 1445, quand <strong>Fernand</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> était âgé d'environ vingt-quatre ans, lui attribue trois<br />

ouvrages<br />

10 Un commentaire sur l'Almageste ou la Gran<strong>de</strong> Composition<br />

<strong>de</strong> Cl<strong>au</strong><strong>de</strong> Ptolémée;<br />

20 Un commentaire <strong>de</strong> l'Apocalypse <strong>et</strong> <strong>de</strong> quelques <strong>au</strong>tres parties<br />

<strong>de</strong> la Bible;<br />

3 Une l<strong>et</strong>tre <strong>au</strong> roi <strong>de</strong> France, pour l'engager àgar<strong>de</strong>r la paix<br />

dans son roy<strong>au</strong>me.<br />

Ces indications ont été reproduites en partie par Trithéme<br />

(ci-<strong>de</strong>ssus, chapitre Il). Il ne paraît pas possible d'en contrôler<br />

l'exactitu<strong>de</strong>. L'<strong>au</strong>teur allemand n'ayant parlé probablement que<br />

par ouï-dire, nous ne savons môme pas si les écrits qu'il mentionne<br />

ont réellement existé.<br />

Conrad Gesner, dans sa .Bibliot/zeca universàli.ç, publiée en<br />

1545, ne mentionne pas <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> 2 ; mais l'édition<br />

<strong>au</strong>gmentée du même ouvrage, donnée par J. Simler en 1574, lui<br />

consacre <strong>de</strong>ux articles distincts, l'un sous le nom <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong>,<br />

l'<strong>au</strong>tre sous celui <strong>de</strong> Ferdinand 1 . L'un <strong>de</strong> ces articles ne fait que<br />

reproduire une partie <strong>de</strong>s indications <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>; les<br />

termes dans lesquels il est rédigé donnent lieu <strong>de</strong> croite que Simler<br />

avait sous les yeux le texte môme <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre <strong>et</strong> non pas seulement<br />

la paraphrase latine <strong>de</strong> Trithème<br />

1. Épitaphe GEORGIVS CAR. PORTVGAL. B. M. PosvIT. Georges da Costa, dit<br />

d'Alpedrinha, cardinal <strong>de</strong>puis 1476, s'était fixé à Rome Cfl '480 <strong>et</strong> mourut<br />

Cfl ,5o8.<br />

2. C. Gesner, Bibiiotheca universalis, Tiguri, 1545, in-fol.<br />

3. C. Gesner, Bibliotheca :.. <strong>au</strong>cta per losiam Simieruon Tigurinu,n, Tiguri,<br />

1574, in-fol., p. 196.


22<br />

MArTRE FERNAND DE CORDOUE<br />

<strong>Fernand</strong>us <strong>de</strong> Corduba, Fiispanus, scripsit in almagestum Ptolemci,<br />

<strong>et</strong> super magnam Bibliorum partem, prtesertim <strong>au</strong>tem copiose super<br />

Apocalypsim. Floruit anno D. 1445.<br />

L'<strong>au</strong>tre article indique <strong>de</strong>ux <strong>au</strong>tres ouvrages <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong>, dont<br />

le second nous est parvenu <strong>et</strong> sera indiqué ci-après, tandis que je<br />

n'ai pas rencontré la mention du premier ailleurs<br />

Ferdinandi Cordubensis, an sit licita pat cum Sarracenis. I<strong>de</strong>m <strong>de</strong><br />

annatis exigendis.<br />

Dans le traité De artificio omnis, <strong>et</strong>c., dont il va être question,<br />

<strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> fait allusion à <strong>de</strong>ux <strong>au</strong>tres ouvrages <strong>de</strong><br />

lui, qui ne semblent pas non plus nous être parvenus. L'un était<br />

un traité intitulé De discr<strong>et</strong>ione spirituunz. L'<strong>au</strong>tre, que <strong>Fernand</strong><br />

déclare n'avoir pas achevé, était une comparaison <strong>de</strong> la philosophie<br />

d'Aristote avec celle <strong>de</strong> Platon, entreprise sur l'ordre du<br />

cardinal Bessarion.<br />

Le nombre <strong>de</strong>s ouvrages conseriés <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong><br />

paraît être également <strong>de</strong> six ; <strong>de</strong>ux sont imprimés, les quatre<br />

<strong>au</strong>tres inédits.<br />

Les imprimés ont été décrits l'un <strong>et</strong> l'<strong>au</strong>tre par I-tain (Repertoriuni<br />

bibliographicwn, nos 545 <strong>et</strong> 5719). Le premier est une édition<br />

du traité <strong>de</strong>s anim<strong>au</strong>x, d'Albert le Grand, avec une préface<br />

<strong>de</strong> <strong>Fernand</strong>, qui donne ou prétend donner la traduction latine <strong>et</strong><br />

l'explication <strong>de</strong>s noms grecs <strong>et</strong> arabes employés par Albert.<br />

L'édition est datée <strong>de</strong> Rome, le 2 avril 1478. En voici le titre<br />

<strong>et</strong> la formule finale, d'après , l'exemplaire <strong>de</strong> la Bibliothèque<br />

nationale<br />

Ernâdi f cordubèfis beatiffimi domini<br />

F nti Sixti quarti fancteqz fedis aplice<br />

fubdiaconi artiû liberaliû <strong>et</strong> (acre theologie<br />

in orbe famofiffimi magiftri in <strong>de</strong> animali<br />

bus alberti libro pfacio incipit foeliciter.<br />

A la fin, avant la table<br />

Floc prefens Alberti magni <strong>de</strong> rcq propri<strong>et</strong>a<br />

tihus opus impreffum per egregium uirum<br />

domiaù Simoné Nicolai <strong>de</strong> luca lutins la-<br />

i. L'F initiale est tracée A la main en rouge.


ET L'uN,vERsl-rg DE PARIS. 23<br />

boratorij dflm Rome Anno domini milleflo<br />

cccc.lxxviii. pont. Sixti anno vii. die to fecû<br />

da inenfis aprilis.<br />

Finis Alberti magni <strong>de</strong> atalibus<br />

(In-fol., gothique. Bibi. nat., réserve, R iv.)<br />

L'<strong>au</strong>tre livre imprimé est une dissertation <strong>de</strong>stinée à établir le<br />

droit du saint-siège sur les revenus appelés annates. Dans l'intention<br />

<strong>de</strong> l'<strong>au</strong>teur, c<strong>et</strong>te dissertation <strong>de</strong>vait être suivie d'une secon<strong>de</strong><br />

partie, où il se proposait <strong>de</strong> traiter du pouvoir temporel du pape.<br />

Voici le commencement <strong>et</strong> la fin du traité sur les annales<br />

FERNANDI coRDvnENsIs SEDI5 APOSTOLICE<br />

svnDIACoNI Et 'N ORDE TERRARvM FAMO5ÎS<br />

51M' MAGISTRI DE IVRE MEDIOS EXIGENDI FRV<br />

CTvS QVOS VVLGO ANNATAS DICVNT ET RO<br />

MANI PONTIFICIS IN rEMPORALrnv5 POTESTA<br />

TE AD SIXTVM QVARTVM P0NTIFICEM MAXI<br />

MVM pRoLoGvs INCIPIT FOELIaTER.<br />

Ala fin :<br />

<strong>de</strong> mediis fructibus pôtifici maximo pendèdis quos<br />

uuigo annatas dicunt tractatus. Finit lege foeliciter.<br />

Sccundam huius opens partem <strong>de</strong> poteftate pape in tèporaiibus<br />

oh id in aiterum tranfculimus uolumen quod altiffima materia fit.<br />

& fpecialc <strong>de</strong>fi<strong>de</strong>rans opus.& quod principalior <strong>de</strong> mèdiis fructibus<br />

tractatus in mains uoiumen furrexerit.<br />

LAvS DEO<br />

(Sans lieu ni date, p<strong>et</strong>, in-fol.<br />

Bibi. nat., réserve, E inventaire, €341.)<br />

Sixte 1V ayant été pape <strong>de</strong> 1471 à 1484, ce livre, qui lui est<br />

adressé, a dû étre composé entre ces <strong>de</strong>ux dates extrêmes.<br />

Des quatre ouvrages inédits, l'un a été signalé dans un manuscrit<strong>de</strong><br />

la bibliothèque <strong>de</strong> Saint-Marc, àVenise, <strong>et</strong> dans unmanuscrit<br />

du Vatican, à Rome; <strong>de</strong>ux <strong>au</strong>tres, chacun dans un manuscrit<br />

du Vatican; le quatrième, dans <strong>de</strong>ux manuscrits <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>.<br />

Le premier ouvrage'est ainsi décrit, d'après l'exemplaire <strong>de</strong><br />

Venise, par Valentinelli, dans son catalogue <strong>de</strong>s manuscrits <strong>de</strong><br />

Saint-Marc'<br />

r. Valentinelli, Bibliotheca manuscripta ad S. Marci Ven<strong>et</strong>iarum, Codices<br />

Latini. t. 1V, 181 , in- g-, p. I74175.


24 MArRE FERNAND DE CORDOUE<br />

Cod. 227 mcrnbr., saec. XV, attit. millim. 230, latit. millim. 16o<br />

[Zan<strong>et</strong>ti Ut. CCCLXXXI] B.<br />

<strong>Fernand</strong>i Cordubensis, <strong>de</strong> artificia omnis <strong>et</strong> investigandi <strong>et</strong> bi peniendi<br />

naturam scibilis, ad rever ..... Bij'arrionem [sic] episcopum ce.<br />

Prooemium inci .p. « Quos vi<strong>de</strong>s inter scholasticos <strong>et</strong> praestanti ingenio<br />

viros, vel sustulissé penitus, vel in dubium revocasse, sit ne artificium<br />

quo omne natura scibile in singulis disciplinis <strong>et</strong> investigari <strong>et</strong><br />

inveniri possit, eos constat rerum originem nescisse vi<strong>de</strong>ri.... »; mox<br />

v<strong>et</strong>o Itaque haec ars nohilis subtiliter <strong>et</strong> artificiosissime investiganda<br />

est, <strong>et</strong> tuo iussu <strong>et</strong> mea promissione dcbita Nam <strong>de</strong> duabus<br />

philosophiis, i<strong>de</strong>st Platonis <strong>et</strong> Aristotelis, utra alteri praest<strong>et</strong>, disserentem<br />

me subito e cursu suo revocavit voluntas tua; quippe qui<br />

iussisti intermittendum esse opus, <strong>et</strong> in artificium munis investigandi<br />

<strong>et</strong> inveniendi scibilis calamum esse referendum. Nam quo ad comparationem<br />

cum Aristotele Platonis attin<strong>et</strong>, ad multarn partem eius<br />

operi tractationem perduxeram... o. tilterius in Raymundum Lullum<br />

insurgit c criais notissimum, quem constat suo artiflcio omnia polliceri,<br />

<strong>et</strong> divina <strong>et</strong> humana sine aliquo discrimine, <strong>et</strong> earum disciplinarum<br />

quae naturali ratione attingi possunt, <strong>et</strong> earunJ quae lumen<br />

naturalis rationis pra<strong>et</strong>ergressae sunt.... Un<strong>de</strong> facile perspicere potes...<br />

virum hune laicum rnere fuisse <strong>et</strong> omnium litterarum expertem, sed<br />

per humorem melanconicum elevatum habuisse ingenium... o. De<br />

opens <strong>au</strong>tem data occasione disserens, haec hab<strong>et</strong> e Rem pro meritis<br />

meis difficiliorem fortassis tu feceris, cum tue aspirato favore<br />

atque beneficio, in sedis apostolicae subdiaconum creatus sim. ii<br />

J-lis omnibus placuit aliquantisper immorari, ut <strong>et</strong> opens, in sex<br />

particules digesti, indolem, <strong>et</strong> acre in iudicando <strong>au</strong>ctoris ingenium,<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>dicationis c<strong>au</strong>sac innotescant...<br />

Codicern, foliorum 92, splendidius titulo <strong>au</strong>reis litteris ac insigniis<br />

Bessarionis <strong>de</strong>pictis, arch<strong>et</strong>ypum puto un<strong>de</strong> exscriptus co<strong>de</strong>x Vaticanus<br />

3177..<br />

L'<strong>au</strong>tre exemplaire, celui du Vatican, a été vu <strong>et</strong> décrit par<br />

Antonio, qui ddnne quelques détails non mentionnés par Valen-<br />

tinelli1<br />

Opus hoc servatur in Vaticanoe bibliothecœ codice MS. 3177. cum<br />

hoc titulo Ferdinandi Cordubensis <strong>de</strong> Artificio omnis <strong>et</strong> investigandi<br />

<strong>et</strong> inveniendi natura scibilis, ad Rever. in Christo P. <strong>et</strong> omnium sapienzissimum<br />

D. D. Besarionem Episcopum Sabiniensem S. R. E.<br />

Cardinaleon <strong>et</strong> Patriarcham Constantinopolitanum, Nicaxnum vulgo<br />

appcJlatun... I<strong>de</strong>m in processu ejus<strong>de</strong>m prologi reprobat quasi me-<br />

i. J3ibliotheca Hispana nova, t. 1, 1783, p.. 374.


ET L'UNIVERSITÉ DE PARIS. 1 aS<br />

ptiis plenam, <strong>et</strong> fructu vacuam Raimundi Artem, citatque tractatum<br />

alium De Discr<strong>et</strong>ione Spirituum n se factum. De Raimundo v<strong>et</strong>o<br />

signatis verbis ait Un<strong>de</strong> facile conjicere potes virum hune laicum<br />

mere fuisse, <strong>et</strong> omnium literarunt expertem; sed per liumorem melancholicum<br />

elevatu,n habuisse ingenium, quo ubi fundamentis careas<br />

cruditionis atque doctrina?, nihil periculosius esse possit ut in extremos<br />

<strong>et</strong> fi<strong>de</strong>i orthodoxœ adverses labaris errores quod <strong>et</strong> in cc viro<br />

<strong>de</strong>prehensum est. Hoec 111e <strong>de</strong> Rairnundo. Opus ipsum quod sex partibus,<br />

sive ut ipse vocat particulis, contin<strong>et</strong>ur incipit Prima Particula<br />

hujus tractatus, qua ratione singulam veritatem natura scibilem<br />

<strong>et</strong> investigare <strong>et</strong> <strong>de</strong>,nonstrare possis <strong>et</strong>c. Liber est in fol. 62. charrie<br />

papyraccœ folioimm.<br />

C<strong>et</strong> ouvrage, dédié <strong>au</strong> cardinal Bessarion, patriarche <strong>de</strong> Constantinople,<br />

ne peut avoir été édrit plus tôt que l'année 1463, àti<br />

ce titre <strong>de</strong> patriarche <strong>de</strong> Constantinople fut conféré à Bessarion<br />

par le pape': D'<strong>au</strong>tre part, le passage où' <strong>Fernand</strong> parle d'une<br />

comparaison entre la philosophie d'Aristote <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> Platon,<br />

commencée par ordre <strong>de</strong>Bessarion donne à penser que celui-ci<br />

n'avait pas encore entrepris la rédaction <strong>de</strong> son ouvrage sur<br />

le môme suj<strong>et</strong>, In calumniatorem Platonis, qu'il commença en<br />

1465 1. La date <strong>de</strong> la rédaction du De art?/icio <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Cordoue</strong> peut donc être fixée, avec be<strong>au</strong>coup <strong>de</strong> probabilité, <strong>au</strong>x<br />

années 1463 à 1465.<br />

Antonio mentionne ensuite, à la bibliothèque du Vatican'<br />

De Pontificii Pallii Mysterio e: an pro ce aliquid temporale abs que<br />

simoniw labe exigi possit ad Reverendum in Christo Patrem <strong>et</strong><br />

Dom. Dom. Franciscum Piccolominevum S. R. E. Cardin. Diaconum<br />

S. Eustachii Scnensem vulgo appeilatum. Incipit Pallii, quo in arguS<br />

mentum extremi fastigii Pontificicv dignitatis amiciri solitos constat<br />

Novi Testamenti Pont(fices Maximos, tanta majestas est ut inter<br />

sacratas vestes nihil ni concipi sacratius possit. Justœ mous opus est,<br />

<strong>et</strong> vere luce dignum, quod Vaticanus contin<strong>et</strong> co<strong>de</strong>x inter MSS.<br />

numero 5739. signatus".<br />

François Piccolomini, <strong>au</strong>quel est dédié ce second traité, avait<br />

z. Vast, le Cardinal Bessarion, P. 302.<br />

2. Vast, P. 36o.<br />

3. Bibiiotlzeca Hispana nova, t 1, 1783, p. 374<br />

. Cf. Montf<strong>au</strong>con Bibliotheca bibliothecarum, manuscriptorunt nova,<br />

t. I, P. 14ob « Ferrandus Cordubensis <strong>de</strong> PalIii Pontificii Mystcrio. 573g.<br />

222.)


MArTRE FERNAND DE CORDOUE<br />

été fait cardinal en 1460. Il survécut à <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> <strong>et</strong> fut<br />

pape en i5o3 sous le nom <strong>de</strong> Pie III. Le De pont jficii pallii<br />

mysterio peut donc avoir été écrit à une date quelconque <strong>de</strong>puis<br />

1460 jusqu'à la Sort <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong>, vers 1486.<br />

Le troisième manuscrit du Vatican ne m'est connu que par<br />

c<strong>et</strong>te trop brève notice <strong>de</strong> Montf<strong>au</strong>con, qui ne perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> juger ni<br />

du contenu ni <strong>de</strong> la date <strong>de</strong> l'ouvrage qu'il renferme'<br />

1127. Ferdinandi Cordubcnsis <strong>de</strong> hoer<strong>et</strong>icis <strong>et</strong> damnatis.<br />

Enfin le <strong>de</strong>rnier écrit inédit <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong>, conservé à <strong>Paris</strong>, se<br />

trouve dans <strong>de</strong>ux manuscrits <strong>de</strong> la , Bibliothèque nationale, le<br />

manuscrit lai. 3169 (P' 16-25) <strong>et</strong> le manuscrit lai. 4152 (D'8i-88),<br />

tous <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> la fin du xv' siècle. Dans le manuscrit lût. 3169,<br />

l'ouvrage est précédé <strong>de</strong> ce titre, d'une écriture un peu postérieure<br />

à celle du texte TractatusM. <strong>Fernand</strong>i<strong>de</strong> Corduba. L'obj<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

ce traité est d'établir que « les propositions concernant un futur<br />

contingent peuvent être vraies ou f<strong>au</strong>sses. » La doctrine contraire<br />

était enseignée par Pierre <strong>de</strong> Rivo, docteur <strong>de</strong> Louvain; elle fut<br />

condamnée par le pape Sixte IV, en 1474. Le traité <strong>de</strong> <strong>Fernand</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> est probablement antérieur à c<strong>et</strong>te condamnation <strong>et</strong><br />

a dû contribùer à la faire prononcer. En voici le commencement<br />

<strong>et</strong> la fin: -<br />

Inter c-ruditissimos viros hodie magna dissensione certatur utrum<br />

propositiones <strong>de</strong> futuro contingenti vere esse possint vel false. Et<br />

argumentamur pro parte negativa, primo rationibus cujusdam P<strong>et</strong>ri<br />

<strong>de</strong> Rive, qui nunc islam partem tu<strong>et</strong>ur, <strong>de</strong>in<strong>de</strong> rationibus Aureoli...<br />

Quod v<strong>et</strong>o nituntur solvere rationes ex divinis litteris acceptas,<br />

jan-i in alio tractatu ostendimus cos aliter esse interpr<strong>et</strong>atos quarn<br />

Spiritus sanctus efflagitat, juxta intentum sacrorum interpr<strong>et</strong>urn, quod<br />

non modo falsi, sed <strong>et</strong> her<strong>et</strong>ici interpr<strong>et</strong>is est.<br />

D'après la date probable <strong>de</strong> leur composition, ces divers écrits<br />

<strong>de</strong> <strong>Fernand</strong> <strong>de</strong> <strong>Cordoue</strong> paraissent pouvoir se classer ainsi<br />

r <strong>et</strong> 2° Avant ou en 15 commentaire sur l'Almageste (mentionné<br />

dans la l<strong>et</strong>tre alleman<strong>de</strong>) ; commentaire sur l'Apocalypse <strong>et</strong><br />

d'<strong>au</strong>tres parties <strong>de</strong> la Bible (id.),<br />

3° En 1445 1 l<strong>et</strong>tre <strong>au</strong> roi <strong>de</strong> France (id.).<br />

4° <strong>et</strong> 50 Avant-le suivant: De discr<strong>et</strong>ione .pirituum (mentionné<br />

j . Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova, t. 1, p. io2a.


ET L'uNIvltRsITg DE PARIS. 27<br />

dans le De art jflcio) ; comparaison entre la philosophie d'Anslote<br />

<strong>et</strong> celle <strong>de</strong> Platon, inachevée (Id.).<br />

6 0 De 1463 à 1465 De artflcio oninis, <strong>et</strong>c. (manuscrits <strong>de</strong><br />

Venise <strong>et</strong> du Vatican).<br />

° De 1460 à 1486 Depontfflcii pallii rnysterio (manuscrit<br />

du Vatican)..<br />

8 0 De 1471 à 1484 De jure medios exigendi fructus<br />

(imprimé).<br />

9° Avant 1474 traité sui les futurs contingents (manuscrits <strong>de</strong><br />

<strong>Paris</strong>).<br />

100 Avant ou en 1478 préface <strong>au</strong> De animalibus d'Albert le<br />

Grand (imprimé le 2 avril 1478).<br />

1 l <strong>et</strong> 12 0 Date inconnue An sit licita pax cum Sarracenis<br />

(mentionné dans Gesner, édition <strong>de</strong> Simler, 1574); De hoer<strong>et</strong>icis<br />

<strong>et</strong> damnatis (manuscrit du Vatican).<br />

Julien HAvEr.<br />

APPENDICE.<br />

Texte allemand <strong>de</strong>s fragments don: la traduction a été donnée <strong>au</strong><br />

chapitre I'.<br />

1. - In <strong>de</strong>n zeiten do liesz <strong>de</strong>r kiinig von Franchreich die sciant lu<br />

<strong>Paris</strong> zerstœren; daz tel cc darumh. Ez vas ain hcrzog von Oricnz,<br />

<strong>de</strong>r VaS <strong>de</strong>s kiiniges dicter. Der s<strong>et</strong>big herzog rait ains nachtes hofieren<br />

und dien<strong>et</strong> schoenen frawen. Nu chom en <strong>de</strong>s selben nachtes an<br />

stu<strong>de</strong>nten, die giengen <strong>au</strong>ch hofieren, ais dann sœhch lent ton. Nu<br />

'voit <strong>de</strong>r herzog wissen, wer si wœrn crier waz si da schûfen. Si sprachen,<br />

in wvr die stat ais frei le gen ais 1m ze miter. Aise zuckt <strong>et</strong><br />

von schajd und voit die stu<strong>de</strong>nten siachen. Aiso wertcn sich die stu.<br />

<strong>de</strong>nten und erstachen <strong>de</strong>n herzog von Orlenz. Nu bel <strong>de</strong>r berzog von<br />

Orlcnz ain pru<strong>de</strong>r, <strong>de</strong>r sbur <strong>de</strong>s zu <strong>de</strong>n heiligen, daz <strong>et</strong> <strong>de</strong>r stu<strong>de</strong>aten<br />

ais vil wolt lazzen erstechen, daz cc im ans irem plut ain pad<br />

wolt machen. Des wur<strong>de</strong>n die stu<strong>de</strong>nten <strong>de</strong>s innen und machten sich<br />

aile <strong>au</strong>f und zogtcn <strong>de</strong>m kflnig fur sein palast und wolten <strong>de</strong>n herzogen<br />

ans <strong>de</strong>s kùnigs palast genomen hahen mit gebait. Daz undcrstund<br />

j . Des nécessités typographiques m'obligent <strong>de</strong> représenter par w l'a<br />

surmonté <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux points (d), par w l'a surmonté <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux points (à), par si,<br />

la ligature alleman<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux kttre (j3).


28 MAIRE FERNAND DE CORDOUE<br />

die stat zu <strong>Paris</strong>, und woliten <strong>de</strong>s nit statten und un<strong>de</strong>rehomen das,<br />

daz <strong>de</strong>r herzog frid mUst sheren, daz er chaim stu<strong>de</strong>nten nichiz nit<br />

mer von <strong>de</strong>r sach wegen zu soft ziechen. Der stu<strong>de</strong>nten ver <strong>de</strong>s<br />

kiiniges palast <strong>de</strong>r \vas an <strong>de</strong>r zal verschribener stu<strong>de</strong>n<strong>de</strong>n 32 t<strong>au</strong>sent.<br />

Da <strong>de</strong>r kflnig sach ais vii stu<strong>de</strong>nten, do hiesz <strong>et</strong> die schul erstoeren<br />

und wolt chain studium mer haben und sprach, ci wœrniemant<br />

sicher vor in, Si mœchten im's o<strong>de</strong>r <strong>de</strong>r stat <strong>au</strong>ch tun. (Monumenta<br />

Gerinaniae, Deutsche Chroniken, 11, p. 361-362.)<br />

II. - Daz ist iin tail aines sandbriefs, <strong>de</strong>r gescrihen istwor<strong>de</strong>n <strong>de</strong>s<br />

von Brabant canzler von ainem von Pari, ais man zait von Christi<br />

gepurt vierzechenhun<strong>de</strong>rt jar und darnach in <strong>de</strong>m sechs und vicrzigosten<br />

jar an <strong>de</strong>m ieczten tag on amen <strong>de</strong>s monads Decembris, daz<br />

ist <strong>de</strong>s an<strong>de</strong>rn wintermonads<br />

Darnach laz ich eut lieb wissen, daz itzo nachent die ganz hat<br />

<strong>Paris</strong> l'or wun<strong>de</strong>r b<strong>et</strong>riibi ist, wann wir gescriben [Iisq gesehen?]<br />

haben wun<strong>de</strong>rperliche und gel<strong>au</strong>ben <strong>de</strong>r nicht und horen si und verstén<br />

<strong>de</strong>r nicht. Es ist her gen <strong>Paris</strong>thomen ain jllngling mit acht pficr<br />

<strong>de</strong>n, genand Fariandus von Corduban, <strong>de</strong>s lands ain Hyspanier, <strong>au</strong>s<br />

<strong>de</strong>m chflnicreich Caste]l purtig, nus <strong>de</strong>r stat Cordubana, <strong>de</strong>r on ains<br />

zwainzig jar ait ist, und ist ritter in streitperlichern wappen, maister in<br />

dcii freien kUnsten, ]erer in geistiichen und weltiichen rechten, maister<br />

in <strong>de</strong>r erznei und lerer in <strong>de</strong>r heiligen gescrift. Und in <strong>de</strong>n chuinsten<br />

alien ist er voichomen und in amer ais bchent ais in <strong>de</strong>r an<strong>de</strong>rn, in<br />

ai]en dingen voI gesitt, gar zusprechenlich und gar diemfltig, und bat<br />

in gcdachtnflsz und chan <strong>au</strong>swcndig nachent die ganzen wibel und<br />

maister Nicoi<strong>au</strong>m von Lira und vas sand Thoman von Aquino,<br />

Alexan<strong>de</strong>r von Alis, Scotas und Bonaventara un vii an<strong>de</strong>r maister<br />

geschriben haben. Er ist <strong>au</strong>ch behend zu nennen und seine won<br />

bcwrern und besta,ten mit ailen weltiichem und geistiichem geschriben<br />

geseczten mitsamt <strong>de</strong>r glos, und chan <strong>au</strong>ch das ganz <strong>de</strong>cr<strong>et</strong>puch,<br />

<strong>de</strong>s geleichen das ganz puech <strong>de</strong>s maisters Avitena und was <strong>de</strong>r mai<br />

ster Gaiienus und Ypocras gemacht haben und vii an<strong>de</strong>r pflcher in<br />

crztei. Er ist <strong>au</strong>ch sa chiug in <strong>de</strong>n frein kuinsten, daz hart ze gc]<strong>au</strong>ben<br />

ist, daz Aristotoles mer darin bah ge]d!nt dann er. Et chan <strong>au</strong>ch<br />

ail tcxt und geschrift, die <strong>de</strong>r rnaister Averrois, <strong>de</strong>r Uber die puicher<br />

Aristotilis gescriben bat, und <strong>de</strong>r maister Aibertus und vil an<strong>de</strong>r<br />

maister gemacht haben. Auch ais man sagt, sa chan er Sanz die m<strong>et</strong>haphisicam,<br />

daz ist die Ubernaturlich kunst, und die ganzen r<strong>et</strong>horicain,<br />

daz ist die kunst von hoefiichait <strong>de</strong>r red. Er chan <strong>au</strong>ch fflnf sprach<br />

screibcn, lcscn und re<strong>de</strong>n, daz ist Lateiriisch, J-lebraisch, Kriechisch,<br />

Caidaisch, Arabaisch, und ist gebesen in meiner kamer und bat die<br />

bencntcn sprach gescriben, die ich noch pci mir han. Er bat <strong>au</strong>ch


ET L'UNTVERSITE DE PARIS.<br />

gcantburt genugsamlich nuE ail frag und versUchlich red, und han in<br />

<strong>au</strong>ch oft hœrn antburten <strong>de</strong>n ierern in manigeriai kunsten, <strong>au</strong>ch<br />

allen <strong>de</strong>n, die da fragen o<strong>de</strong>r versiichlich re<strong>de</strong>n wolten, und in aller<br />

inatery. Ez sein <strong>au</strong>ch ieczo zwai jar vergangen, dat CF schicd von FIysponia<br />

ais er dann gesent vas von <strong>de</strong>ni chflnig von Casteil und ieczo<br />

gebesen in obern Waischen lan<strong>de</strong>n, und bat geaniburt offenperlich<br />

nach<strong>et</strong> in alien universit<strong>et</strong>en o<strong>de</strong>r hochen sehuien, und spricht <strong>au</strong>ch<br />

selbs, daz er in <strong>de</strong>r jugent in siben tagen geiern<strong>et</strong> hab dat doctrinal<br />

Aliexan<strong>de</strong>r, dat er <strong>au</strong>cb noch in gedtechtnUsz beheit. Und waz <strong>et</strong> iist<br />

und 'vie schnell er dot iist, $0 verst<strong>et</strong> <strong>et</strong> es doch ailes und beheit es<br />

<strong>au</strong>ch in gedœchtnflsz. Er bat <strong>au</strong>ch ieczo gescriben liber ain puch in<br />

arztei, genant Almagesti Tholomei, und liber amen grozzen taU <strong>de</strong>r<br />

bibel und gar vii Uber opockalipsim, dat puch <strong>de</strong>r haimiichait, und<br />

bat <strong>au</strong>ch vii andren pdcher gemacht. Et chan <strong>au</strong>ch musicam, die<br />

hunst <strong>de</strong>s gesangs und seczung <strong>de</strong>r don, und chan <strong>au</strong>ch nicht ainin<br />

nûf alien saiten spilen und don spilen, sundcr <strong>et</strong> chan si <strong>au</strong>ch darzu<br />

machen. Et bat <strong>au</strong>ch in gegenhUrtichait <strong>de</strong>m ldnig von Frankreich<br />

geanthurt wes <strong>et</strong> gefragt ist wor<strong>de</strong>n von ritteriichen chflnsten und<br />

werchen, und bat <strong>au</strong>ch daseibs geantburt <strong>au</strong>f ailes <strong>de</strong>s man in frag<strong>et</strong>.<br />

Und von <strong>de</strong>s benenten kûnigs von Frank reich wegen bat <strong>et</strong> gemacht<br />

ga y ain hœftiche epistel, darin <strong>et</strong> in ermant, frid te haiten. Und dot<br />

ich mit wenig worten besiiez, ais man dann sagt und <strong>et</strong>iichen in <strong>de</strong>r<br />

universit<strong>et</strong> von an<strong>de</strong>rn gescriben ist wor<strong>de</strong>n, so chan <strong>et</strong> <strong>et</strong> ailes, dat<br />

man chunen mag mit inbcndiger beschaflhicher begreifung und ansbendiger<br />

wtrchung, und darumb sa haiten in <strong>et</strong>ieich nach gestalt<br />

und erzaigung fUr Sut, <strong>et</strong>leich fur pues. Etleich sprechen, daz <strong>et</strong> die<br />

benenten chunsi bah von <strong>de</strong>in teufel, <strong>et</strong>ieich sprechen, daz <strong>et</strong> si hab<br />

von Sot. Ez mainen <strong>au</strong>ch vii, dat <strong>et</strong> sei <strong>de</strong>r antschrist o<strong>de</strong>r amer seln<strong>et</strong><br />

jungern. legicicher red nach semer mainung und nach seinem<br />

bedunchen. Von Ubergrozzer verbun<strong>de</strong>rung ist nie <strong>de</strong>s geieichcn<br />

erhœrt wor<strong>de</strong>n. Man maint <strong>au</strong>ch, dat <strong>et</strong> nit mUgieich sei, dat <strong>et</strong> sa<br />

vii hab rniigen liberiescn, ais vii er dann in gedchtnUsz bah, Und<br />

wann <strong>et</strong> wii, se ist ira te vermerchen und wissen waz <strong>et</strong> wil.<br />

Et Nvas <strong>au</strong>ch <strong>au</strong>fgehalten und verpoten von <strong>de</strong>r universit<strong>et</strong> und von<br />

<strong>de</strong>m pischof und von <strong>de</strong>n herren <strong>de</strong>s periaments. Und in amer ganzen<br />

samnung aller stu<strong>de</strong>nten und geli<strong>de</strong>r <strong>de</strong>r universit<strong>et</strong>, die da geschach<br />

tu Sand Pernhart, da legt un garheruchleichen fUr <strong>de</strong>r oeberist<br />

in <strong>de</strong>r universit<strong>et</strong> <strong>et</strong>wen nianigen artikei, die <strong>et</strong> von manigen<br />

gehoert h<strong>et</strong>, die <strong>au</strong>ch nach l<strong>au</strong>tung <strong>de</strong>r vord frœnid und wilt d<strong>au</strong>chten,<br />

und begert von im dar<strong>au</strong>f te antburten. Dar<strong>au</strong>f anthurt <strong>et</strong> ais<br />

volchomenlicli, ais hœflich und ais diernûtichiich, und nenn<strong>et</strong> sich<br />

albeg ein ungeiercz kind, alto dat <strong>au</strong>f die antburt chain wi<strong>de</strong>rred<br />

mocht geschechen. Und also von semer begerung wegen word eu<br />

29


30 MAITRE FERNAND DE ConfluE.<br />

ledig und Iosz gelaisen, und wllnsch<strong>et</strong> <strong>au</strong>cli, daz er zu weichnachten<br />

wœr pci <strong>de</strong>m hcrzogen von Burgundi, so volt er dann vi<strong>de</strong>r chomen<br />

gen <strong>Paris</strong>z und offenperlichcn antburten in amer icglichen facult<strong>et</strong><br />

und kunst und volt wer<strong>de</strong>n ain gelid <strong>de</strong>r universit<strong>et</strong>, daz doch wenig<br />

gel<strong>au</strong>ben, daz ci- daz tue. Doch nichts <strong>de</strong>ster minner nach <strong>de</strong>r benenten<br />

antburt wart 1m grozze er erzait von <strong>de</strong>n herren <strong>de</strong>s perlaments<br />

und von <strong>de</strong>nt pischof und von vil andcrn. Also schicd ci- von danncn<br />

an <strong>de</strong>m vierzechendcm tag <strong>de</strong>s an<strong>de</strong>rn wintermonads Dec<strong>et</strong>nbris, und<br />

hoff, ir wer<strong>de</strong>nt in sechen und vil an<strong>de</strong>r ding, dci- sich 'vol ze verbundcrn<br />

ist, vcrdcnt ir selbcr von im hi-ci-ii. (Monumenta Gerynaniac,<br />

Deutsche Ciironiken, 11, p. 373-374.)<br />

Imprimerie DAUPELEY-GOUVERNEUR, à Nogent-le--Rotrou.

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