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Suite... Saviez-vous que ...<br />
Jeanne qui raconte la résistance à<br />
Pembroke où Jeanne Lajoie a ouvert<br />
une école libre.<br />
Le Règlement 17 est éventuellement<br />
amendé ou adouci, puis rendu inoffensif<br />
en 1927. Il disparaît des statuts<br />
de l’Ontario en 1944. La victoire des<br />
Franco-ontariens est non seulement<br />
due à leur ténacité mais également à<br />
la vision de leurs chefs. L’un d’eux<br />
est le sénateur Napoléon-Antoine<br />
Belcourt (né à Toronto) qui a joué un<br />
rôle clef au sein de la Unity League<br />
pour amener l’opinion publique ontarienne<br />
à reconnaître la validité d’un<br />
enseignement bilingue. Plusieurs<br />
écrits de l’Ontario français font<br />
directement référence au Règlement<br />
17, parfois dans un roman (Hélène<br />
Brodeur, moi-même), parfois même<br />
dans un recueil de poésie (Jean Marc<br />
Dalpé, Les Murs de nos villages).<br />
Dans l’Ontario français du début du<br />
XX e siècle, la question de la langue<br />
est intimement liée à la religion<br />
catholique. Pour l’élite canadiennefrançaise,<br />
largement cléricale, tout<br />
se résume en une phrase : qui perd<br />
sa langue perd sa foi. Le thème de<br />
la famille qui prie dans sa langue<br />
maternelle a ses échos dans la littérature.<br />
Un bel exemple est le roman<br />
Le Flambeau sacré, de Mariline (pseudonyme),<br />
d’abord paru en 1944 puis<br />
réédité par Prise de parole en 1982.<br />
L’action se déroule dans le Nouvel-<br />
Ontario (Nipissing) et met en scène<br />
la famille Tranchemontagne dont un<br />
des fils s’éprend d’une Irlandaise.<br />
Largement constitués de dialogues<br />
bien canayens, ce roman fait l’éloge de<br />
la pureté de la race et s’ouvre sur une<br />
citation de François-Xavier Garneau :<br />
« Que les Canadiens français restent<br />
fidèles à eux-mêmes. » J’ai personnel-<br />
52 Le Chaînon, <strong>Automne</strong> <strong>2006</strong><br />
lement abordé le thème de la langue<br />
gardienne de la foi dans mon roman<br />
Obéissance ou résistance. En résumé,<br />
il s’agit de l’histoire entourant la<br />
mort en août 1917 de l’abbé Lucien<br />
Beaudoin, curé de la paroisse Notre-<br />
Dame-du-Rosaire de Walkerville<br />
(Windsor). L’évêque Fallon le<br />
remplace par François-Xavier<br />
Laurendeau, francophone de nom<br />
seulement. Les paroissiens lui barrent<br />
l’accès au presbytère, la police<br />
intervient, la résistance s’organise,<br />
l’affaire est portée devant le pape et,<br />
en juin 1918, Rome émet un décret<br />
qui donne raison à Fallon. Les paroissiens<br />
obéissent parce que Benoît XV<br />
le demande.<br />
Les années 1910 sont synonymes<br />
d’une grande agitation en Ontario,<br />
tant au niveau politique qu’aux<br />
niveaux scolaire et religieux. Cette<br />
décennie est aussi marquée par de<br />
terribles événements pour les gens<br />
du Nouvel-Ontario. De nouveaux villages<br />
viennent à peine de voir le jour,<br />
grâce à la construction du chemin<br />
de fer, et voilà que les éléments se<br />
déchaînent pour réduire à néant le<br />
labeur des colons de la première<br />
heure. Le 11 juillet 1911, un premier<br />
incendie détruit 864 milles carrés de<br />
terres et forêts. Villages, fermes et<br />
camps sont rasés, depuis Cochrane<br />
au nord jusqu’à Porcupine au sudouest.<br />
Environ 70 personnes périssent<br />
dans ce feu de forêt. Cinq ans<br />
plus tard, le 26 juillet 1916, le nord<br />
ontarien est de nouveau la proie des<br />
flammes lorsqu’un effroyable sinistre<br />
détruit plus 500 000 acres. L’incendie<br />
réduit à néant les municipalités de<br />
Porquis Junction, Iroquois Falls,<br />
Kelso, Nushka, Matheson et Ramore.<br />
Cette fois, le nombre de victimes<br />
s’élève à 300.<br />
Les journaux de l’époque ne<br />
manquent pas de faire écho à ces<br />
catastrophes et plusieurs ouvrages<br />
documentaires retracent le pénible<br />
sort des communautés touchées<br />
par les incendies de 1911 et de<br />
1916. C’est pourtant un roman qui<br />
relate le mieux, à mon avis, cette<br />
page d’histoire. Il s’agit de La Quête<br />
d’Alexandre, premier tome des<br />
Chroniques du Nouvel-Ontario que<br />
signe Hélène Brodeur en 1981. Voici<br />
un court extrait de ce roman qui nous<br />
rappellent l’épouvantable conflagration<br />
de 1916 : « Comme une faucille<br />
géante, le feu avait tout rasé sur une<br />
longueur de plus de soixante-<br />
quinze milles. Seule l’immensité<br />
du lac Abitibi l’avait arrêté dans<br />
sa course. (…) Tout avait disparu<br />
de Cochrane, de Porquis Junction,<br />
de Nushka où là aussi le curé avait<br />
péri avec quelques cinquante de ses<br />
ouailles… » La romancière décrit en<br />
ces termes les personnages qui ont<br />
survécu au sinistre : « Dans ce décor<br />
dantesque leur petit groupe avait une<br />
allure d’épouvantails : faces noircies,<br />
cheveux et sourcils brûlés, crânes<br />
dégarnis semés de brûlures. Leurs<br />
vêtements pendaient en lambeaux<br />
sur leurs chairs meurtries, ils étaient<br />
méconnaissables, mais vivants! »<br />
Les annales de l’Ontario français<br />
font état de plusieurs pionniers<br />
ou bâtisseurs. Dans la très grande<br />
majorité des cas, il s’agit d’hommes :<br />
explorateurs, missionnaires, députés,<br />
sénateurs, évêques, juges, etc. Il y a,<br />
bien entendu, Élisabeth Bruyère et<br />
Jeanne Lajoie. Il faut aussi y ajouter le<br />
nom d’Almanda Walker-Marchand,<br />
fondatrice de la Fédération des<br />
femmes canadiennes-françaises et<br />
présidente de 1914 à 1946. Cette<br />
Fédération voit le jour à Ottawa<br />
au moment de la Première Guerre