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Suite... Mémoires<br />
Postface de Gaétan Gervais :<br />
Les origines du drapeau<br />
franco-ontarien<br />
(tirée du livre « Le drapeau<br />
franco-ontarien »)<br />
Les drapeaux aussi ont leur histoire.<br />
Ils naissent ou disparaissent,<br />
selon la fortune des groupes qu’ils<br />
représentent. Ainsi, la diffusion du<br />
drapeau franco-ontarien ne saurait<br />
s’expliquer par le succès d’une campagne<br />
publicitaire. Bien au contraire.<br />
Ce sont, depuis un quart de siècle,<br />
les progrès importants réalisés par la<br />
communauté franco-ontarienne qui<br />
justifient le mieux la reconnaissance<br />
accordée à son drapeau. La question<br />
de la légitimité du drapeau ne peut<br />
être résolue, en fin de compte, que<br />
par l’ensemble de la communauté et<br />
de ses grandes associations; il en va<br />
de même du choix des couleurs et<br />
des symboles.<br />
Quand le comité du drapeau francoontarien<br />
entreprit, en 1975, de doter<br />
l’Ontario français d’un drapeau<br />
distinctif, il eut le souci d’éviter<br />
des luttes comme celles qui avaient<br />
accompagné l’adoption du drapeau<br />
canadien, 10 ans plus tôt. Des<br />
débats orageux autour du Union Jack<br />
avaient alors montré la force émotive<br />
de certains symboles, défendus<br />
farouchement par les uns, repoussés<br />
vigoureusement par les autres. En<br />
cette matière, les sentiments priment<br />
souvent sur la raison.<br />
Deux grandes caractéristiques définissent<br />
l’Ontario français. Il s’agit,<br />
d’une part, d’une communauté<br />
de langue et de culture françaises,<br />
récemment enrichie par l’apport de<br />
plusieurs autres cultures. La moitié<br />
gauche du drapeau, verte et portant<br />
20 Le Chaînon, <strong>Automne</strong> <strong>2006</strong><br />
au centre une fleur de lys blanche,<br />
rappelle la détermination, chez la<br />
population franco-ontarienne, de<br />
conserver son héritage culturel et<br />
linguistique. D’autre part, cette<br />
communauté entend aussi participer<br />
pleinement à la vie ontarienne, une<br />
volonté qu’illustre la partie droite<br />
du drapeau, blanche et portant au<br />
centre une fleur de trille verte.<br />
Les symboles comportent souvent<br />
un aspect arbitraire, il faut le reconnaître.<br />
Toutefois, le projet de 1975<br />
voulut se distinguer des autres<br />
drapeaux, soit de ceux qui ont<br />
préséance (ceux du Canada ou de<br />
l’Ontario), soit de ceux qui auraient<br />
des affinités culturelles (ceux du<br />
Québec ou de la France).<br />
Ainsi, le choix des couleurs (le vert<br />
et le blanc) et des symboles (la fleur<br />
de lys et la « fleur de trille », une<br />
expression créée pour l’occasion)<br />
s’explique par la volonté de rallier<br />
tous les groupes et tous les individus<br />
qui, dans leur diversité, composent<br />
l’Ontario français, sans aucune<br />
exclusion. En plus, le comité du<br />
drapeau voulut éviter qu’on associât<br />
le drapeau à une région, à un groupe<br />
ou à des individus. La démarche<br />
du comité se voulait rassembleuse.<br />
Ainsi s’explique l’anonymat dans<br />
lequel le comité du drapeau a fonctionné,<br />
s’effaçant toujours derrière<br />
d’autres organismes.<br />
Au moment de lancer ce drapeau, le<br />
comité ne connaissait ni l’existence<br />
du projet de drapeau lancé en 1964<br />
par la Société Saint-Jean-Baptiste<br />
de l’Ontario ni la proposition de la<br />
section d’Ottawa de l’Association<br />
canadienne-française de l’Ontario<br />
(ACFO), apparemment faite au<br />
printemps de 1975. Cette ignorance<br />
pourrait, au moins, rappeler la difficulté<br />
de faire connaître un drapeau,<br />
puisque les deux projets antérieurs<br />
étaient inconnus.<br />
Il aurait été inutile de chercher un<br />
organisme habilité à légitimer le<br />
choix d’un drapeau, car une telle autorité<br />
n’existait pas. La communauté<br />
franco-ontarienne ne possédant<br />
aucun statut officiel, l’adoption de<br />
son drapeau ne pouvait découler, en<br />
fin de compte, que de la libre adhésion<br />
apportée par les personnes et<br />
les groupes qui composent l’Ontario<br />
français. De toute évidence, la légitimité<br />
s’établirait progressivement.<br />
L’adoption du drapeau ne serait<br />
pas une question de droit, mais un<br />
état de fait. L’action compterait plus<br />
que la discussion. De toute façon,<br />
l’opposition au drapeau fut rare et<br />
de peu de conséquence, alors que les<br />
appuis furent nombreux.<br />
En attendant les résultats de cette<br />
démarche, la proclamation officielle<br />
du drapeau franco-ontarien, appellation<br />
dûment homologuée au<br />
Bureau du droit d’auteur (certificat<br />
d’enregistrement n o 168656), eut<br />
lieu à Sudbury le 25 septembre<br />
1975. Ce geste entamait le processus<br />
d’adoption d’un drapeau distinctif<br />
pour l’Ontario français.<br />
Si le drapeau vert-blanc de 1975 a<br />
réussi, ce succès n’est attribuable<br />
qu’aux nombreux organismes<br />
qui l’ont adopté et l’ont diffusé.<br />
Au début, le comité du drapeau<br />
naviguait de conserve, mais son<br />
rôle avait cessé au début des années<br />
1980. La vraie question serait<br />
désormais de savoir comment le<br />
sort du drapeau a été associé au<br />
développement de la communauté<br />
franco-ontarienne.