Fraction Armée Rouge : l'utopie meurtrière - Festival international du ...
Fraction Armée Rouge : l'utopie meurtrière - Festival international du ...
Fraction Armée Rouge : l'utopie meurtrière - Festival international du ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Gudrun Ensslin est interprétée par Johanna Wokalek. Selon les critiques, elle est la plus<br />
crédible parmi les actrices qui se sont essayées à ce rôle. Elle fait parler ses yeux plutôt que<br />
d’avoir recours à de gestes. Elle a une diction calme er réfléchie, si bien qu’elle apparaît<br />
comme le personnage le plus fort <strong>du</strong> film, ce qu’elle était dans la réalité selon Stefan Aust :<br />
« Elle était certainement le personnage le plus fort <strong>du</strong> groupe, cela ne fait aucun doute. Elle a<br />
cru à la révolution, comme elle a cru dans la maison familiale à Jésus Christ.<br />
Psychologiquement elle était forte. »<br />
Ainsi elle se pose en contraste avec Baader. Contrairement à lui, elle est plus réfléchie, plus<br />
patiente, elle arrive à se contrôler, ce n’est qu’à Stammheim qu’elle perdra un peu de ce selfcontrol.<br />
Jusque là elle ne crie pratiquement pas, elle invective ou réprimande les gens.<br />
L’actrice insiste sur les consonnes dans sa diction comme plus paraître plus dangereuse, plus<br />
menaçante.<br />
Dès sa première apparition et bien qu’elle se trouve dans un contexte familial elle montre<br />
qu’elle a une très forte personnalité, quelqu’un qui ne se pliera plus très longtemps aux<br />
conventions de la société. Elle a envie de passer à l’acte et reproche à son père de faire des<br />
sermons plutôt que d’agir. Wokalek a cherché à se rapprocher le plus possible <strong>du</strong> personnage<br />
original en lisant sa biographie ainsi que ses lettres. Pour elle Ensslin a agi ainsi parce qu’elle<br />
avait le désir de créer un monde meilleur, plus juste. Mais sa peur et sa colère la pousseront<br />
bientôt à aller jusqu’à un point de non retour. C’est ce qui a sans doute attiré Ulrike Meinhof<br />
chez Ensslin et ce dès la première interview. Et un lien complexe se développera entre les<br />
deux femmes. Au début on sent une certaine sympathie, mais déjà Ensslin lance une remarque<br />
sarcastique à Meinhof en lui disant : » Crois-tu que tu vas changer quelque chose avec ton<br />
blabla théorique ? »<br />
De même Ensslin ne semble éprouver que mépris pour la manière d’agir « théorique » de<br />
Meinhof. Lorsque cette dernière ne semble pas prendre au sérieux le plan destiné à libérer<br />
Baader, Ensslin lui jette un regard méprisant et lui dit froidement : » Tu pourras en faire le<br />
récit a postériori, tu n’es capable de rien d’autre. »<br />
Le regard de Wokalek est plus efficace que mille paroles et elle ne cessera de poursuivre<br />
Ulrike Meinhof de ce regard.<br />
Wokalek a auusi été attentive à la féminité d’Ensslin. En effet, celle-ci aimait bien s’habiller<br />
et était très féminine. Par exemple elle insista pour se procurer une veste de cuir rouge lors <strong>du</strong><br />
procès des incendiaires. A Stammheim elle portait des converses et des bas résilles qui furent<br />
recrées spécialement dans le style des années 60 pour les besoins <strong>du</strong> film. Son maquillage<br />
prouve aussi sa volonté de mise en scène personnelle et son besoin de faire sensation chez les<br />
autres. Sa démarche est très élégante aussi. L’actrice chercha à reconstruire ce personnage et<br />
elle mena elle aussi une diète sévère pour ressentir ce que l’on ressent lors d’une grève de la<br />
faim. Elle son visage émacié est conforme à l’image d’Ensslin à Stammheim. Les cheveux<br />
courts et mal coiffés, les cernes noirs autour des yeux, les pommettes sont saillantes. Mais<br />
cependant Ennslin ne semble pas affaiblie, au contraire il émane d’elle de la brutalité, <strong>du</strong><br />
fanatisme et de l’opiniâtreté. Elle ne semble absolument pas brisée.<br />
C’est Martina Gedeck qui tient le rôle d’Ulrike Meinhof. Elle l’incarne comme une journaliste<br />
sérieuse, douce, portée par de grands idéaux. Au début <strong>du</strong> film, on peut la trouver arrogante,<br />
comme dans la scène où elle ne semble pas prendre au sérieux le plan pour faire évader<br />
Baader. Ce qui frappe, c’est le travail de l’actrice pour s’approcher le plus possible <strong>du</strong><br />
personnage historique. Les premières phrases qu’elle prononce semblent venues d’ailleurs<br />
pour le spectateur, étant donné que personne ne parle plus ainsi aujourd’hui. La voix est<br />
mélancolique, pensive, mais en même temps claire et douce, elle ressemble selon Martina<br />
Gedeck à celle de Meinhof. Avant son suicide, sa voix avait beaucoup changé au fil des<br />
80