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28.06.2013 Views

supporte plus, c’est de ne plus pouvoir me défendre. » Elle regarde par la fenêtre grillagée et il est évident qu‘elle a pris sa décision. Dans le film, le réalisateur insiste sur le lien qui unissait Gudrun à Andreas. Les deux se sont d’ailleurs ligués contre Ulrike. Et ce lien a existé encore en prison et n’a rien perdu de sa force. Une scène est très révélatrice. Ulrike sort de sa cellule tend un texte à Andreas qui le lit, le déchire et le jette en le qualifiant de merdique. S’ensuit un échange très dur entre les deux femmes et à la fin Andreas donne un baiser à Gudrun comme pour lui donner raison et lui marquer son soutien. Ce qui manque sans doute à ce film c’est l’explication des motivations qui ont conduit ces jeunes gens à passer dans la clandestinité et à devenir membre de la RAF. Sans doute eut-il été intéressant de donner cet éclairage au public. Ce film suppose en effet que nous connaissions l’arrière-plan historique de cette période pour en comprendre toute la complexité et il sera sans doute incontournable pour les collègues de faire ce travail en amont avec leurs élèves avant de les amener à la projection. Comment comprendre sinon ces nombreux changements de scène et ses 120 personnages que nous rencontrons tout au long du film. Par exemple il n’est pas évident pour un spectateur non avertie de comprendre la fonction de la mort de Petra Schelm, dans la mesure où il ne sait pas qu’elle appartenait à la RAF. Un spectateur attentif aura sans doute remarqué que Petra apparaissait déjà aux côtés des autres dans le camp de formation en Jordanie, sous le nom de Alexandra Maria Lara. Sinon il lui semble qu’elle n’apparaît que lors de sa fuite devant la police et il ne comprend donc pas la signification de sa mort. De même les raisons des disputes entre les prisonniers et les gardiens peuvent sembler obscures, notamment lorsqu’une quinzaine de gardiens font irruption pour fermer les portes des cellules des prisonniers. Or cette question de la fermeture des portes fait partie des acquis des prisonniers après leur grève de la faim. Et comment comprendre le rôle joué par Siegfried Buback et la décision de le supprimer. Or le procureur général lors du procès de Stammhein c’est lui. La représentation des personnages historiques. Dans ce film l’accent est mis sur une représentation fidèle des lieux, mais aussi sur la ressemblance entre les acteurs et les personnages historiques. Le spectateur a ainsi le sentiment de voir les acteurs de l’époque et non des acteurs professionnels contemporains. Cela était très important pour le réalisateur dans la mesure où les spectateurs allemands ont encore à l’esprit ces visages du terrorisme. Il y eu donc des semaines dédiées à essayer des perruques et des masques pour respecter ce souci ce vraisemblance/ressemblance. Il fallait aussi retrouver l’apparence et le style des coiffures de l’époque. Eichinger nous explique : »De mauvaises perruques détruisent l’illusion de la réalité qu’un filme cherche à redonner, elles rendent l’acteur ridicule et mettent en danger l’ensemble du projet filmique. Ce qui importait aussi au réalisateur c’est que ses acteurs soient familiarisés avec l’usage des armes. C’était selon lui la condition sine qua non pour les rendre crédible. Car ces figures haïes du terrorisme sont paradoxalement interprétées par les acteurs du cinéma et du théâtre parmi les plus aimés de la scène allemande. Andreas Baader incarné par Moritz Bleibtreu est décrit dès le début du film comme une personnalité très forte dont émane une certaine autorité. Moritz Bleibtreu, dès sa première apparition pénètre avec autorité dans l’appartement où Gudrun et deux autres personnes préparent leur attaque des grands magasins. Il enlace Gudrun et l’embrasse. Il est porte des vêtements à la mode, une veste en cuir chic et une barbe de trois jours. Bleibtreu se montre 77

très décontracté et détendu, il est en cela très fidèle à Baader, mais il se montre aussi rebelle et dur, ne voulant faire aucun compromis et voulant mener à bien ses plans quelles qu’en soit les conséquences. Sa façon de parler est aussi très fidèle au personnage historique, utilisant l’argot, cela est évident dès sa première apparition, il utilise les mots enfoiré, salope, merde, conne. On le voit proférer des insultes à l’adresse de ceux qui ont volé sa voiture à Rome, « bouffeur de spaghettis. » Gudrun et Astrid se contentent d’en rire et secouent la tête amusée, cela montre bien qu’elles sont habituées aux débordements langagiers d’Andreas. Son tempérament impatient et colérique était connu de tous les témoins de l’époque. Ce qui est avéré aussi historiquement, c’est l’animosité qui régnait entre Meinhof et Baader. Eichinger a choisi comme déclencheur la première altercation à la suite de la mort de Petra Schelm. Meinhof exprime alors une critique à l’intention du groupe. Elle souhaiterait en effet que les membres à l’avenir se montrent plus prudents et plus circonspects. Elles leur reprochent de s’être lancés dans une action sans avoir au préalable un plan bien préparé. Dans cette scène Baader serre les dents voulant ainsi montrer d’un côté son agressivité et de l’autre sa volonté de se contrôler. Mais il n’accepte pas les critiques de Meinhof, il veut en effet garder sa position de leader du groupe. Sa relation à Meinhof est donc très problématique. Il ne semble pas la tenir en grande estime. Lorsque par exemple Baader et Gudrun se présentent chez Ulrike pour se cacher, Gudrun explique à Ulrike qu’ils veulent changer les rapports politiques et que Ulrike incrédule demande ce qu’ils entendent par là, Baader l’agresse en lui disant que c’est un questionnement bourgeois et qu’ils vont réussir. Baader n’accepte pas la contradiction et encore moins lorsqu’elle vient d’Ulrike. Il ne supporte pas non plus que l’on veuille lui contester sa position de leader de la bande. Par exemple Baader se sent menacé par Horst Mahler, parce que celui-ci a eu l’idée de former un groupe de guérilla urbaine et que c’est grâce à ses relations qu’ils ont pu aller en Jordanie. Baader cherche à le ridiculiser et il le met au défi à Rome de voler le portefeuille d’une dame pour faire la preuve qu’il peut mettre ses paroles en actes. Mahler vole le portefeuille et le donne à Baader. Baader a ainsi fait la preuve de l’allégeance de Mahler, il a fait montre de sa supériorité puisque l’autre lui a obéi. Bleibtreu confère à son personnage beaucoup d’ironie et de cynisme, la grimace qui lui tient de sourire trahit son arrogance et sa suffisance. Mais en même temps il émane de lui un certain charme que Bleibtreu traduit par ses mots : » Baader a du être un type fou, charismatique, charmant, mais aussi très colérique, une bombe à retardement… Grâce à son charme il mettait les gens dans sa poche, tel un antihéros typique. Au début au moins, il exerçait cette attraction et c’est ainsi que je voulais le jouer. Dans ce potentiel de sympathie, comment aurait-il pu attirer les gens ? » En Jordanie, on assiste aussi à une altercation particulièrement violente entre Baader et Peter Homann. Ce dernier ne semble pas prendre Baader au sérieux, car après l’entraînement il se moque de lui avec Achmed, le chef de l’entraînement. Baader frappe Peter Homann qui réplique et Baader tombe les deux se battent jusqu’à ce que Baader saisisse une mitraillette et menace Homann avec ces termes bien à lui : « espèce de suceur de queues. » Lorsque Ensslin essaie de calmer Baader en lui disant que Homann est l’un des leurs, Baader réplique : » il n’est pas l’un des nôtres, il a juste eu la trouille des flics en Allemagne ». » Les membres du groupe sont visiblement choqués et ils se rangent aux côtés de Baader en jetant vers Peter des regards méprisants. Peter Homann explique aujourd’hui cette réaction des femmes en particulier : « il a osé frapper Andreas, salaud, j’étais le traître ! » Suite à cette altercation Homann fut effectivement considéré comme un traître et ce sont les Palestiniens qui l’ont aidé à s’enfuir, car les autres voulaient l’exécuter. Dans ces scènes en Jordanie la différence au niveau culturel entre Baader et les autres membres du groupe apparaît très clairement. Baader ne parle pas anglais et il ne peut donc pas communiquer avec les Palestiniens, Gudrun lui fait la traduction. Bleibtreu montre que cela le rend agressif de ne pas comprendre ce qui se dit. Il insulte les Arabes toujours en allemand 78

supporte plus, c’est de ne plus pouvoir me défendre. » Elle regarde par la fenêtre grillagée et il<br />

est évident qu‘elle a pris sa décision.<br />

Dans le film, le réalisateur insiste sur le lien qui unissait Gudrun à Andreas. Les deux se sont<br />

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force. Une scène est très révélatrice. Ulrike sort de sa cellule tend un texte à Andreas qui le lit,<br />

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femmes et à la fin Andreas donne un baiser à Gudrun comme pour lui donner raison et lui<br />

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Ce qui manque sans doute à ce film c’est l’explication des motivations qui ont con<strong>du</strong>it ces<br />

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connaissions l’arrière-plan historique de cette période pour en comprendre toute la complexité<br />

et il sera sans doute incontournable pour les collègues de faire ce travail en amont avec leurs<br />

élèves avant de les amener à la projection. Comment comprendre sinon ces nombreux<br />

changements de scène et ses 120 personnages que nous rencontrons tout au long <strong>du</strong> film.<br />

Par exemple il n’est pas évident pour un spectateur non avertie de comprendre la fonction de<br />

la mort de Petra Schelm, dans la mesure où il ne sait pas qu’elle appartenait à la RAF. Un<br />

spectateur attentif aura sans doute remarqué que Petra apparaissait déjà aux côtés des autres<br />

dans le camp de formation en Jordanie, sous le nom de Alexandra Maria Lara. Sinon il lui<br />

semble qu’elle n’apparaît que lors de sa fuite devant la police et il ne comprend donc pas la<br />

signification de sa mort.<br />

De même les raisons des disputes entre les prisonniers et les gardiens peuvent sembler<br />

obscures, notamment lorsqu’une quinzaine de gardiens font irruption pour fermer les portes<br />

des cellules des prisonniers. Or cette question de la fermeture des portes fait partie des acquis<br />

des prisonniers après leur grève de la faim. Et comment comprendre le rôle joué par Siegfried<br />

Buback et la décision de le supprimer. Or le procureur général lors <strong>du</strong> procès de Stammhein<br />

c’est lui.<br />

La représentation des personnages historiques.<br />

Dans ce film l’accent est mis sur une représentation fidèle des lieux, mais aussi sur la<br />

ressemblance entre les acteurs et les personnages historiques. Le spectateur a ainsi le<br />

sentiment de voir les acteurs de l’époque et non des acteurs professionnels contemporains.<br />

Cela était très important pour le réalisateur dans la mesure où les spectateurs allemands ont<br />

encore à l’esprit ces visages <strong>du</strong> terrorisme. Il y eu donc des semaines dédiées à essayer des<br />

perruques et des masques pour respecter ce souci ce vraisemblance/ressemblance. Il fallait<br />

aussi retrouver l’apparence et le style des coiffures de l’époque.<br />

Eichinger nous explique : »De mauvaises perruques détruisent l’illusion de la réalité qu’un<br />

filme cherche à redonner, elles rendent l’acteur ridicule et mettent en danger l’ensemble <strong>du</strong><br />

projet filmique.<br />

Ce qui importait aussi au réalisateur c’est que ses acteurs soient familiarisés avec l’usage des<br />

armes. C’était selon lui la condition sine qua non pour les rendre crédible. Car ces figures<br />

haïes <strong>du</strong> terrorisme sont paradoxalement interprétées par les acteurs <strong>du</strong> cinéma et <strong>du</strong> théâtre<br />

parmi les plus aimés de la scène allemande.<br />

Andreas Baader incarné par Moritz Bleibtreu est décrit dès le début <strong>du</strong> film comme une<br />

personnalité très forte dont émane une certaine autorité. Moritz Bleibtreu, dès sa première<br />

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préparent leur attaque des grands magasins. Il enlace Gudrun et l’embrasse. Il est porte des<br />

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