Fraction Armée Rouge : l'utopie meurtrière - Festival international du ...

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28.06.2013 Views

Bien que le film s’efforce de conserver une certaine authenticité dans sa restitution de la réalité historique, il commence sciemment par une scène de fiction. Au début du film, en effet, le spectateur se trouve sur la plage de Sylt et il entend la chanson de Janis Joplin Mercedes Benz. Le texte de la chanson nous présente un monde matérialiste, qui pose l ‘équation bonheur= symboles de statut social, car Janis Joplin comprenait sa chanson comme une critique de la société. On aperçoit alors Ulrike Meinhof, qui est assise dans une tente de plage. Un témoin de l’époque la reconnaît tout de suite à ses lunettes, elle demande à des filles de sortir de l’eau. Son mari Klaus-Rainer Röhl apparaît alors et filme sa femme avec ses filles. En référence à la chanson de Joplin la famille d’Ulrike Meinhof est présentée comme une famille bourgeoise, capitaliste, ayant une bonne situation, c’est-à-dire le genre de personnes que Meinhof combattra plus tard avec la RAF. Le fait qu’Ulrike Meinhof passait ses étés à Sylt est connu, et donc elle gagnait bien sa vie. Le spectateur trouve un peu hypocrite de sa part la lettre qu’elle écrit à Farah Diba et celui-ci peut mettre leurs deux situations en parallèle. Ulrike critique la société capitaliste à laquelle cependant elle appartient, c’est pourquoi plus tard lors des accrochages avec Baader il la traitera de « salope capitaliste ». Cette séquence d’ouverture était déjà dans la tête du scénariste, bien avant qu’il n’écrive le scénario. « L’histoire commence de manière idyllique et finit dans un bain de sang, comme dans un tragédie classique, à la différence qu’il s’agit ici de la cruelle réalité » dit Bernd Eichinger. Le réalisateur Uli Edel est du même avis : » Les règles aristotéliciennes classiques du drame ne fonctionnent pas ici. Il n’y a pas de personnage avec lequel on peut s’identifier. 120 rôles différents, 140 scènes différentes ». Eichinger et Edel ont voulu tourner principalement sur les lieux d’origine, pour souligner l’authenticité de ce qu’ils souhaitaient montrer. Par exemple, il fallait absolument tourner la poursuite lors de la manifestation du 2 juin devant l’opéra allemand. L’équipe du film a obtenu une autorisation de la ville de Berlin avec le soutien du maire Klaus Wowereit, de fermer pendant trois jours la rue Bismarck. Les figurants chassés par la police, trempés jusqu’aux os par les canons à eau, les slogans criés « Schah-Schah-Scharlatan » donnent aux images la sensation de déjà vu, passé et présent se confondent. On voit ainsi des images qui, même si nous étions trop jeunes pour les vivre en direct, nous semblent connues et sont devenues des icônes de la conscience historique. L’arrestation de Baader, Holger Meins à moitié nu par exemple. Les scènes de masse comme la manifestation du 2 juin ou la scène du congrès pour le Vietnam dans l’amphithéâtre de l’université de Berlin, lorsque Rudi Dutschke encouragent ses compatriotes à la résistance. La restitution très détaillée et très fidèle de ces scènes nous replongent dans ce passé et nous font imaginer l’atmosphère qui régnait alors. Plus de 1000 personnes crient le nom de Rudi Dutschke, brandissent des drapeaux, applaudissent enthousiastes. L’acteur qui joue le personnage de Dutschke avoue qu’il a été submergé par l’énergie qui se dégageait de cette scène et qui a pour un temps ravivé l’esprit révolutionnaire de l’époque. De plus ces images confèrent au film une dynamique visuelle spécifique. Bernd Eichinger n’a pas écrit un scénario autoritaire qui devait proposer au spectateur une interprétation ou un point de vue, mais il devait permettre au spectateur de se confronter avec les événements. Eichinger assume pleinement ses décisions de laisser de côté certains événements historiques. « Si je n’ai pas envie d’écrire quelque chose, alors personne n’aura non plus envie de le voir à l’écran. » On peut alors se poser la question de la légitimité par exemple de la scène où Brigitte Mohnhaupt, tout juste sortie de prison, fait l’amour avec Peter-Jürgen Boock, dans la mesure où cette scène ne semble pas relever d’un très grand intérêt dans l’économie générale du film même si elle est avérée historiquement. Elle ne sert sans doute qu’à faire un moment diversion, à sortir le spectateur de l’engrenage tragique. De même la séquence de la baignoire 75

ne sert qu’à introduire le personnage de Boock dans l’histoire et à mettre en évidence l’attraction que Baader a pu exercer par son charme sur ces jeunes garçons sortis des centres d’éducation. Elle explique aussi, comment la RAF arrivait à recruter de nouveaux membres. Eichinger et Eidel ont accordé beaucoup d’attention aux scènes d’action, aux poursuites, aux explosions et autres échanges de coups de feu. Le spectateur est d’autant plus impressionné que tous ces morts et ces meurtres ont réellement eut lieu. Eichinger et Eidel ont reconstitué ces scènes après des recherches minutieuses, si bien que chaque balle tirée peut être attestée par les dossiers de la police. Le caméraman explique à ce sujet qu’il « portait tout simplement la caméra sur l’épaule et qu’il suivait l’acteur. » Il souhaitait rendre la caméra invisible afin que le spectateur l’oublie. Les couleurs choisies rendent compte aussi de l’ambiance générale qui sous-tend le film. Lorsque nous sommes dans la prison de Stammheim, tout est gris et cette couleur rend parfaitement la tristesse, le sentiment d’enfermement que les prisonniers pouvaient ressentir. Les cellules des prisonniers ont été reconstruites à l’identique dans les studios de la Bavaria. Eichinger précise : « L’authenticité et la précision jusque dans le plus petit détail étaient très importantes. Nous savions que Andreas Baader avait 27 disques dans sa cellule et nous savions lesquels ». Les scènes dans le tribunal ont été tournées sur les lieux originaux. Les dialogues en prison respectent les messages clandestins échangés entre les prisonniers et les comptes rendus du procès. Les dialogues entre les prisonniers semblent naturels et confèrent aux scènes une certaine immédiateté absente dans les autres films sur La Bande à Baader. La relation très complexe entre Gudrun Ensslin et Ulrike Meinhof en est un exemple. Les deux femmes se détestaient cordialement et leur attirance mutuelle au début du film prend fin à Stammheim. On sait que Meinhof a été de plus en plus mise de côté à Stammheim et Ensslin n’était pas étrangère à cela. L’échange de lettres entre les deux femmes montre qu’elles se livraient une guerre psychologique. La complexité de leurs relations est évidente dans la scène où Ensslin parle du « rire hystérique et nécrophile d’Ulrike. » Les deux femmes sont assises ensemble dans une cellule sur un lit, Ulrike au niveau de la tête du lit dans le coin, tandis que Gudrun est au pied du lit, tournée vers le mur. Tandis que Gudrun cherche à rédiger quelque chose, elle jette des coups d’œil vers Ulrike, qui la fixe du regard et ricane méprisante et un brin hystérique. Ce rire semble sortir de la bouche de quelqu’un qui serait devenu fou. Gudrun regarde Ulrike presque désemparée, tandis qu’Ulrike continue à ricaner hystériquement. Gudrun ne semble pas savoir comment elle doit réagir face à ce ricanement. Stefan Aust qualifie cette scène d’émouvante, car on sent ce glissement inexorable d’Ulrike vers sa fin. Une autre scène rend compte de leur relation problématique, lors de leur dispute sur le toit de la prison. Les deux femmes en viennent à crier l’une contre l’autre, le spectateur ne comprend même plus ce qu’elles disent, elles gesticulent sauvagement et cette tension est encore accrue par la ronde de l’hélicoptère au-dessus de la prison. Gudrun brandit le poing contre l’hélicoptère, tape contre le grillage et profère des insultes. Une dernière scène enfin met en évidence leurs différents lorsque Ulrike fait connaître sa mise à l’écart du groupe et donc son échec personnel. Ulrike prononce alors le mot de trahison et un gros plan nous montre la réaction de Gudrun. Ses yeux vont de Baader à Meinhof, sa respiration s’accélère, elle est prise de panique. C’est comme si elle ne pouvait plus faire la différence entre ses émotion, rage, déception, haine, peur, se mélangent alors. Ce n’est que lorsque les prisonniers sont reconduits dans leur cellule qu’elle crache littéralement à l’oreille d’Ulrike : »Tu es le coup de couteau dans le dos de la RAF. » Ces paroles furent sans doute pour Ulrike la goutte qui a fait déborder le vase puisqu’elle de suicidera très peu de temps après. On la voit prendre cette décision d’en finir. Elle est assise sur le lit dans sa cellule, sont visage n’a plus d’expressions, ses lèvres remuent sans émettre aucun son, elle semble se parler à elle-même et prendre congé de cette vie. La voix-off d’Ulrike pendant ce temps nous explique : « Ce n’est pas mystique, si j’affirme que je ne peux plus le supporter, ce que je ne 76

ne sert qu’à intro<strong>du</strong>ire le personnage de Boock dans l’histoire et à mettre en évidence<br />

l’attraction que Baader a pu exercer par son charme sur ces jeunes garçons sortis des centres<br />

d’é<strong>du</strong>cation. Elle explique aussi, comment la RAF arrivait à recruter de nouveaux membres.<br />

Eichinger et Eidel ont accordé beaucoup d’attention aux scènes d’action, aux poursuites, aux<br />

explosions et autres échanges de coups de feu. Le spectateur est d’autant plus impressionné<br />

que tous ces morts et ces meurtres ont réellement eut lieu. Eichinger et Eidel ont reconstitué<br />

ces scènes après des recherches minutieuses, si bien que chaque balle tirée peut être attestée<br />

par les dossiers de la police. Le caméraman explique à ce sujet qu’il « portait tout simplement<br />

la caméra sur l’épaule et qu’il suivait l’acteur. » Il souhaitait rendre la caméra invisible afin<br />

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qui sous-tend le film. Lorsque nous sommes dans la prison de Stammheim, tout est gris et<br />

cette couleur rend parfaitement la tristesse, le sentiment d’enfermement que les prisonniers<br />

pouvaient ressentir. Les cellules des prisonniers ont été reconstruites à l’identique dans les<br />

studios de la Bavaria. Eichinger précise : « L’authenticité et la précision jusque dans le plus<br />

petit détail étaient très importantes. Nous savions que Andreas Baader avait 27 disques dans<br />

sa cellule et nous savions lesquels ». Les scènes dans le tribunal ont été tournées sur les lieux<br />

originaux. Les dialogues en prison respectent les messages clandestins échangés entre les<br />

prisonniers et les comptes ren<strong>du</strong>s <strong>du</strong> procès. Les dialogues entre les prisonniers semblent<br />

naturels et confèrent aux scènes une certaine immédiateté absente dans les autres films sur La<br />

Bande à Baader. La relation très complexe entre Gudrun Ensslin et Ulrike Meinhof en est un<br />

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film prend fin à Stammheim. On sait que Meinhof a été de plus en plus mise de côté à<br />

Stammheim et Ensslin n’était pas étrangère à cela. L’échange de lettres entre les deux femmes<br />

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évidente dans la scène où Ensslin parle <strong>du</strong> « rire hystérique et nécrophile d’Ulrike. » Les deux<br />

femmes sont assises ensemble dans une cellule sur un lit, Ulrike au niveau de la tête <strong>du</strong> lit<br />

dans le coin, tandis que Gudrun est au pied <strong>du</strong> lit, tournée vers le mur. Tandis que Gudrun<br />

cherche à rédiger quelque chose, elle jette des coups d’œil vers Ulrike, qui la fixe <strong>du</strong> regard et<br />

ricane méprisante et un brin hystérique. Ce rire semble sortir de la bouche de quelqu’un qui<br />

serait devenu fou. Gudrun regarde Ulrike presque désemparée, tandis qu’Ulrike continue à<br />

ricaner hystériquement. Gudrun ne semble pas savoir comment elle doit réagir face à ce<br />

ricanement. Stefan Aust qualifie cette scène d’émouvante, car on sent ce glissement<br />

inexorable d’Ulrike vers sa fin. Une autre scène rend compte de leur relation problématique,<br />

lors de leur dispute sur le toit de la prison. Les deux femmes en viennent à crier l’une contre<br />

l’autre, le spectateur ne comprend même plus ce qu’elles disent, elles gesticulent sauvagement<br />

et cette tension est encore accrue par la ronde de l’hélicoptère au-dessus de la prison. Gudrun<br />

brandit le poing contre l’hélicoptère, tape contre le grillage et profère des insultes. Une<br />

dernière scène enfin met en évidence leurs différents lorsque Ulrike fait connaître sa mise à<br />

l’écart <strong>du</strong> groupe et donc son échec personnel. Ulrike prononce alors le mot de trahison et un<br />

gros plan nous montre la réaction de Gudrun. Ses yeux vont de Baader à Meinhof, sa<br />

respiration s’accélère, elle est prise de panique. C’est comme si elle ne pouvait plus faire la<br />

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lorsque les prisonniers sont recon<strong>du</strong>its dans leur cellule qu’elle crache littéralement à l’oreille<br />

d’Ulrike : »Tu es le coup de couteau dans le dos de la RAF. » Ces paroles furent sans doute<br />

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après. On la voit prendre cette décision d’en finir. Elle est assise sur le lit dans sa cellule, sont<br />

visage n’a plus d’expressions, ses lèvres remuent sans émettre aucun son, elle semble se<br />

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