Fraction Armée Rouge : l'utopie meurtrière - Festival international du ...
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Contre Springer<br />
Mais ce déplacement de l'activité contestataire vers le terrain social ne signifie pas l'abandon<br />
de toute problématique révolutionnaire, et dans des cercles assez larges de la gauche<br />
berlinoise la question de la violence est à l'ordre <strong>du</strong> jour ; on envisage d'autres formes<br />
d'actions que les manifestations de masse qui sont toujours plus violemment réprimées. Cette<br />
question devient cruciale après la tentative d'assassinat <strong>du</strong> 11 avril contre Rudi Dutschke,<br />
leader <strong>du</strong> S.D.S., qui incarne la résistance <strong>du</strong> mouvement étudiant allemand.<br />
Ulrike Meinhof écrit dans Konkret : « Les balles tirées sur Rudi ont mis fin au rêve de la nonviolence.<br />
Qui ne s'arme pas meurt, qui ne meurt pas est enterré vivant dans les prisons, les<br />
maisons de réé<strong>du</strong>cation, dans le sinistre béton des tours-résidentielles. » Le soir même de<br />
l'attentat dans toutes les villes d'Allemagne, il y a des manifestations qui atteignent au<br />
paroxysme de la violence. Les étudiants s'attaquent tout particulièrement à la presse Springer<br />
ren<strong>du</strong>e responsable <strong>du</strong> climat de haine entretenu contre les étudiants, haine qui aboutit<br />
directement aux coups de feu tirés contre Rudi. Les étudiants défilent aux cris de « Expropriez<br />
Springer ! », la livraison <strong>du</strong> journal Bild est bloquée dans plusieurs villes, les contenus des<br />
camions de livraison de la presse Springer sont incendiés.<br />
Jusqu'en mai 1968, les manifestations se succèdent et des poursuites judiciaires sont engagées<br />
contre les participants qu'ils se soient livrés ou non à des actes de vandalisme. L'avocat Horst<br />
Mahler est condamné à dix mois de prison avec sursis pour avoir participé à la manifestation<br />
la plus violente contre Springer.<br />
Des centaines de gens sont tra<strong>du</strong>its devant les tribunaux et, en juin, le parlement adopte le<br />
décret sur les lois d'exception Notstandgesetz qui donne au gouvernement des pouvoirs<br />
extraordinaires en cas de guerre ou de tension interne. Cette dynamique<br />
manifestation/répression apparaît de plus en plus vaine, un certain essoufflement se fait sentir<br />
; le découragement et la résignation gagnent <strong>du</strong> terrain. Après avoir connu l'euphorie de cette<br />
période et avoir éprouvé le sentiment de participer à un processus révolutionnaire de<br />
dimension mondiale, beaucoup ne peuvent accepter cette normalisation progressive <strong>du</strong> climat<br />
social. Pour lutter contre ce sentiment d'impuissance, analysé comme une conséquence de la<br />
brutalité de la répression, on envisage des actions concrètes destinées à montrer la<br />
vulnérabilité <strong>du</strong> système.<br />
Dans des cercles assez larges de la gauche extra-parlementaire, on discute de l'opportunité de<br />
la guérilla urbaine dans les métropoles. Des groupes se forment qui n'en restent pas au stade<br />
de la discussion théorique.<br />
De novembre 1968 à janvier 1970, on dénombre à Berlin quatre incendies criminels et quatre<br />
tentatives d'attentat à l'explosif. Les cibles sont des appartements de représentants de la<br />
justice, des bâtiments de la police, des tribunaux. Ces attentats qui ont une efficacité plus<br />
symbolique que réelle sont le fait de groupes informels et éphémères qui évoluent autour des<br />
« Rebelles <strong>du</strong> Hasch », courant qui représente tous ceux qui s'opposent à la création des<br />
organisations marxistes-léninistes et trotskistes.<br />
Les « Rebelles <strong>du</strong> Hasch » organisent des actions violentes pendant les manifestations,<br />
tendent des embuscades à la police et essaient d'organiser politiquement le<br />
Lumpenprolétariat.<br />
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