Fraction Armée Rouge : l'utopie meurtrière - Festival international du ...
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4. Offensive contre l'appareil d'Etat<br />
Comment la R.A.F., qui n'avait plus revendiqué aucune action depuis l'arrestation de ses<br />
principaux membres en 1972, a-t-elle pu reconstituer sa capacité offensive ? Quels sont les<br />
facteurs à l'intérieur comme à l'extérieur <strong>du</strong> groupe qui ont permis sa reconstitution ? Quel<br />
sens donner aux actions de 1977 ? La seconde phase offensive, suivie de peu par la mort des<br />
prisonniers de Stammheim, marque-t-elle la fin de la R.A.F. ?<br />
Premières tentatives de réorganisation <strong>du</strong> groupe<br />
Depuis les arrestations des principaux membres <strong>du</strong> groupe, la R.A.F. n'a plus revendiqué<br />
aucune action de guérilla jusqu'en 1975 bien que l'on puisse dénombrer en 1973 et 1974 33<br />
attentats et incendies volontaires en R.F.A. et à Berlin-Ouest. Même s'il reste encore des<br />
militants de la R.A.F. en liberté pendant ces années, ils semblent isolés et impuissants. Dans<br />
ces conditions, ce sont les actions collectives menées en prison qui se substituent aux actions<br />
de guérilla pour assurer la continuité <strong>du</strong> groupe tandis qu'à l'extérieur de la prison, les «<br />
comités contre la torture par isolement » créés à partir de 1973 jouent un rôle de relais entre<br />
les militants de la R.A.F. incarcérés et l'extérieur en répercutant et en expliquant les luttes des<br />
prisonniers. Ce sont des membres de ces comités qui à partir de 1975 reconstitueront<br />
l'organisation.<br />
Un témoignage intéressant sur le travail des « comités contre la torture par isolement » et le<br />
passage à la lutte armée de certains de leurs militants, est celui de Volker Speitel qui était<br />
membre <strong>du</strong> « Secours <strong>Rouge</strong> » de Stuttgart dès 1973 puis <strong>du</strong> « Comité contre la Torture »<br />
lequel travaillait en collaboration avec le bureau des avocats Croissant et Lang à Stuttgart.<br />
Arrêté en octobre 1977, Volker Speitel a été accusé d'appartenance à association criminelle et<br />
condamné à 38 mois de détention. Principal témoin de l'accusation dans le procès contre des<br />
militants de la R.A.F. et contre certains de leurs avocats en 1978 et 1979, il a bénéficié d'une<br />
ré<strong>du</strong>ction de peine et a été libéré en octobre 1979. En 1980, le Spiegel a publié un long récit<br />
où il explique son itinéraire politique46. D'après Volker Speitel, la mort d'Holger Meins fut<br />
pour beaucoup de militants des comités un événement décisif qui détermina certains d'entre<br />
eux à rejoindre la lutte armée : « Pour nous, cette mort a été un événement clef. Peut- être en<br />
partie parce que nous n'avions encore jamais vu avec une telle proximité et une telle intensité<br />
la souffrance et la mort et d'autre part surtout parce que nous nous sentions aussi moralement<br />
coupables. Coupables parce que nous n'avions pas pu empêcher sa mort malgré nos activités<br />
et nos efforts. La mort d'Holger Meins et la décision de prendre les armes ne faisaient<br />
qu'une.»<br />
Hans-Joaquim Klein, membre <strong>du</strong> « Secours <strong>Rouge</strong> » de Francfort en 1974, puis membre des «<br />
Cellules Révolutionnaires » (R.Z.), accorde la même importance à l'événement : « La mort<br />
d'Holger Meins fut le point décisif pour dire adieu à la politique légale, la politique de<br />
l'impuissance et de la stérilité (...) S'il me fallait encore une pichenette pour non seulement<br />
prôner la lutte armée mais aussi m'y engager moi-même : Holger Meins fut cette pichenette.<br />
Avec sa mort, l'impuissante détresse face à cet état monta tellement en moi qu'elle déborda.<br />
J'en avais fini avec la politique légale et j'étais prêt pour la lutte. Cette fois, pour de bon. ».<br />
Cependant si cet événement coïncide avec la reprise d'actions de guérilla d'une certaine<br />
envergure en R.F.A., celles-ci n'ont pas été immédiatement le fait de la R.A.F. Le lendemain<br />
de la mort d'Holger Meins, le 10 novembre 1974 le juge Günther von Drenckmann, président<br />
de la Cour suprême de Berlin, est abattu à son domicile par un petit commando, l'action est<br />
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