Fraction Armée Rouge : l'utopie meurtrière - Festival international du ...
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CLASSE PASSEPORT<br />
Quand <strong>Fraction</strong> l’avenir <strong>Armée</strong> n’est <strong>Rouge</strong> plus : l’utopie radieux...<br />
<strong>meurtrière</strong><br />
<br />
LA BANDE A BAADER - 2008<br />
Un film de Uli Edel<br />
Dossier pédagogique conçu par Elisabeth Rhodas
Sommaire [1]<br />
Intro<strong>du</strong>ction [2]<br />
Histoire d’une décennie rouge<br />
- 1 De la contestation radicale à la violence diffuse. [3-9]<br />
- 2 Première phase offensive : les attentats. [9-13]<br />
- 3 « Sonderbehandlung ». Traitement spécial et luttes de prison.<br />
[14-20]<br />
- 4 Offensive contre l’appareil de l’Etat. [21-30]<br />
Chronologie. [31-45]<br />
Résumé <strong>du</strong> film.<br />
Fiche technique. [46]<br />
Découpage séquentiel <strong>du</strong> film. [47-65]<br />
Extraits d’entretien avec :<br />
- Bernd Eichinger (scénariste et pro<strong>du</strong>cteur) [66-67]<br />
- Stefan Aust (scénariste) [67-68]<br />
- Uli Edel (réalisateur)[68-69]<br />
- Martina Gedeck (Ulrike Meinhof) [70-71]<br />
- Moritz Bleibtreu (Andreas Baader) [71]<br />
- Johanna Wokalek (Gudrun Ensslin) [71]<br />
Les principaux personnages historiques <strong>du</strong> film. [72-74]<br />
Analyse <strong>du</strong> film :<br />
- une volonté de représentation authentique de la réalité historique.<br />
[74-77]<br />
- La représentation des personnages historiques. [77-82]<br />
Analyse de séquence : Ulrike bascule <strong>du</strong> côté obscur. [83-86]<br />
Critiques <strong>du</strong> film. [87-91]<br />
Deux textes fondateurs de la RAF. [92-111]<br />
Filmographie.<br />
Bibliographie. [112]<br />
1
Intro<strong>du</strong>ction<br />
Aux premiers jours de l’automne 2008, des visages plus que familiers font passer des frissons<br />
dans le dos des Berlinois. Partout dans Berlin, à la sortie <strong>du</strong> métro, sur les colonnes Morris,<br />
ces visages que l’on croyait oubliés faisant la promotion <strong>du</strong> film La Bande à Baader (Der<br />
Baader Meinhof Komplex) s’affichent. Et les passants retrouvent tout à coup le style ces<br />
affiches avec les avis de recherche des années 70. Les têtes d’Andreas Baader, Gudrun<br />
Ensslin et Ulrike Meinhof, ainsi que les autres membres de la RAF (Rote Armee Fraktion),<br />
mises à prix plusieurs centaines de milliers de marks, ressurgissent tout à coup <strong>du</strong> passé. Plus<br />
de trente ans après leur mort-officiellement par suicide dans la prison de Stammheim- les<br />
leaders de la RAF sont à nouveau d’actualité. La bande à Baader est le film de l’année en<br />
Allemagne. Un casting royal, un metteur en scène culte, plus de six cents copies dans tout le<br />
pays… Un hebdomadaire berlinois ironise : » Le buisness de la RAF ».<br />
Ironie de l’histoire en effet pour ces jeunes allemands qui se sont lancés en 1968 dans la<br />
guérilla urbaine pour troubler la paix civile en pratiquant sur le sol allemand la violence que<br />
les Américains faisaient subir aux Vietnamiens. Et pourtant on leur a reproché et notamment à<br />
Andreas Baader son absence de motivation politique. Christiane Ensslin, sœur de Gudrun<br />
affirme : » Depuis les années 70 des hommes politiques de tous bords affirment que les<br />
membres de la RAF n’étaient que des desperados sans scrupules, de simples criminels<br />
agissant pour le seul plaisir de la violence… »<br />
En 1968, Christiane Ensslin militait dans les cercles de la gauche étudiante. Elle partageait les<br />
idées de sa sœur Gudrun, mais refusait la violence et ne l’a pas suivie dans la lutte armée. La<br />
divergence entre ces deux destins a fourni la matière en 1981 <strong>du</strong> film « Les années de plomb »<br />
de Margarethe von Trotta. Dès cette époque elle posait les questions qui n’ont pas cessé de<br />
tourmenter historiens et réalisateurs. Qu’est-ce qui a poussé quelques indivi<strong>du</strong>s à une guerre<br />
sans merci contre l’Etat ? Pourquoi un tel déchaînement de violence de part et d’autre ?<br />
Pourquoi en Allemagne ?<br />
« On parle aujourd’hui des « années de plomb pour désigner l’atmosphère des années 70, dit<br />
Margarethe von Trotta, mais j’ai choisi ce titre, à l’origine, pour décrire le climat très<br />
particulier de l’Allemagne dans laquelle notre génération a grandi après la guerre… Pour<br />
évoquer le silence oppressant, la chape de plomb d’une société dont nous avions le sentiment<br />
de ne pouvoir nous libérer que dans la colère et la violence. »<br />
Est-il possible de faire comprendre à la jeunesse allemande d’aujourd’hui, plus de vingt ans<br />
après la chute <strong>du</strong> Mur de Berlin, le contexte de l’époque, l’idéalisme, le désir de changer la<br />
société qui animaient la jeune génération d’alors ?<br />
Peuvent-ils imaginer le Berlin des années 60, cette ville coupée en deux et avec l’opposition<br />
des étudiants et de la presse populaire d’Axel Springer, anticommuniste, avec sa phobie de la<br />
RDA ?<br />
Les visages de ces jeunes révolutionnaires évoquent-ils encore quelque chose dans<br />
l’inconscient collectif de la jeunesse allemande ?<br />
Margarethe von Trotta écrit :<br />
« On oublie vite en Allemagne. On s’était empressé de refouler le traumatisme et la<br />
responsabilité <strong>du</strong> nazisme ; on a voulu enterrer les années Baader de la même manière. Sans<br />
chercher à comprendre ce qu’elles disaient de notre société. »<br />
L’étude de ce film n’épuise sans doute pas la soif des questions suscitées par les tourments de<br />
cette époque et leurs résonnances dans l’Allemagne moderne. Mais il permet de dépasser les<br />
clichés et d’explorer un peu plus la complexité des itinéraires des membres de la bande à<br />
Baader. L’interrogation permanente n’est-elle pas le pouvoir <strong>du</strong> cinéma ?<br />
Margarethe von Trotta l’affirmait déjà à l’époque des Années de plomb : » Il n’y a qu’en<br />
semant le doute qu’on peut prendre son destin en main. »<br />
2
Histoire d’une décennie rouge.<br />
Sources : Black-star éditions Grignoble (2008).<br />
1. De la contestation radicale à la violence diffuse<br />
« La Nouvelle Gauche allemande »<br />
L'apparition en 1970 d'un groupe de lutte armée opérant sur le territoire ouest-allemand<br />
constitue un événement sans précédent. Comment le situer par rapport au mouvement étudiant<br />
allemand ? Quels sont dans ce mouvement et dans la Nouvelle Gauche allemande les<br />
éléments qui ont favorisé le passage d'une opposition radicale à une violence diffuse et de<br />
cette violence diffuse à la guérilla urbaine ?<br />
La Fédération des étudiants socialistes allemands (Sozialistischer Deutscher Studentenbund -<br />
S.D.S.), qui fut un pôle de rassemblement pour la formation d'une gauche extraparlementaire<br />
(A.P.O.) au début des années soixante, joua un rôle moteur dans le développement <strong>du</strong><br />
mouvement étudiant allemand. Fondé en 1946, par décision <strong>du</strong> commandement allié, le<br />
S.D.S. est resté jusqu'en 1960 l'organisation étudiante <strong>du</strong> parti social-démocrate. Sa principale<br />
fonction était alors d'approvisionner l'appareil <strong>du</strong> parti en cadres issus de la nouvelle<br />
génération universitaire. Cependant, alors que le S.P.D. s'engage dans une voie ouvertement<br />
réformiste qui aboutit en novembre 1959 au « Programme de Bad-Godesberg », le S.D.S.<br />
maintient son orientation socialiste et continue à faire campagne contre le réarmement de<br />
l'Allemagne et contre l'arme atomique. La contradiction s'approfondit entre les jeunes<br />
intellectuels et la « bureaucratie » qui ne permet pas la discussion et qui s'oppose à la<br />
constitution de fractions ; en 1961, le S.D.S. est exclu <strong>du</strong> S.P.D.<br />
N'ayant plus à se soucier des exigences d'un appareil de parti, l'organisation étudiante se<br />
consacre alors au développement d'une réflexion autonome sur les possibilités d'une nouvelle<br />
politique socialiste en R.F.A. Cette « Nouvelle Gauche » marxiste mais antidogmatique aura<br />
une influence déterminante sur l'orientation idéologique <strong>du</strong> mouvement étudiant allemand. Le<br />
S.D.S s'organise en cercles d'études réfléchissant sur des thèmes déterminés. Un de ces cercles<br />
de travail, qui s'interroge sur les rapports entre Tiers-Monde et métropole et auquel participent<br />
plusieurs latino-américains, aura une importance décisive sur l'orientation politique future de<br />
l'organisation étudiante. C'est en effet par des actions de solidarité avec les luttes <strong>du</strong> tiersmonde<br />
que le S.D.S., rompant avec cette phase de militantisme de séminaire, commence à<br />
s'engager dans un affrontement violent avec l'Etat. En décembre 1964, le S.D.S. organise une<br />
manifestation contre la venue à Berlin de Moïse Tschombe, Premier ministre congolais. Peu<br />
après, il s'engage dans une campagne de dénonciation de l'intervention américaine au Vietnam<br />
qui débute le 4 février 1966 par un collage d'affiches à Berlin et à Munich, suivie le<br />
lendemain par une grande manifestation.<br />
La répression policière et l'attitude violemment dénonciatrice d'une certaine presse, en<br />
particulier celle dirigée par le groupe Springer, con<strong>du</strong>isent le S.D.S. à se radicaliser. Dans une<br />
brochure intitulée « information sur le Vietnam et les pays <strong>du</strong> tiers monde », l'organisation<br />
étudiante déclare : « (...) nos revendications ne resteront pas sans écho si elles quittent le cadre<br />
de la solidarité avec les opprimés où s'est placé, jusqu'à aujourd'hui, le mouvement de<br />
protestation allemand inefficace et geignard. Au contraire, elles gagneront en vigueur dans la<br />
solidarité avec les vainqueurs, avec chaque avion américain abattu, avec chaque ordre d'appel<br />
brûlé. Ce qu'enfin il faut faire et qui nous a échappé jusqu'à aujourd'hui, c'est nous reconnaître<br />
dans ceux que l'impérialisme avait condamné et qui entreprennent avec succès de se défendre.<br />
3
»<br />
Les manifestations organisées à Berlin par les étudiants sous l'égide <strong>du</strong> S.D.S. rassemblent en<br />
1967 des milliers de personnes qui viennent de toutes les villes de R.F.A. Le 2 juin 1967, au<br />
cours d'une manifestation contre la visite <strong>du</strong> Shah d'Iran à Berlin-ouest, un étudiant, Behno<br />
Ohnesorg, est abattu par un policier. Les commentaires des autorités, comme ceux de la<br />
presse, accusent les étudiants d'être responsables de la montée de la violence. Au lendemain<br />
de cet événement, l'université est fermée, le S.D.S. est menacé d'interdiction et toute<br />
manifestation est interdite à Berlin-ouest. Le mouvement de protestation s'élargit alors et<br />
pendant les semaines suivantes, des sections <strong>du</strong> S.D.S. sont créées dans plusieurs universités<br />
de R.F.A. Des lycéens, des apprentis et de jeunes ouvriers rejoignent les étudiants. Tandis que<br />
le policier Kurras, assassin de Behno Ohnesorg, bénéficie d'un non-lieu, de nombreux<br />
manifestants interpellés sont inculpés.<br />
Première rupture avec la légalité<br />
En février 1968, un congrès sur le Vietnam réunit à Berlin des dizaines de milliers de<br />
participants venus de toute la R.F.A. et même de l'étranger. La définition de modalités<br />
pratiques d'<strong>international</strong>isme est à l'ordre <strong>du</strong> jour : soutien des partisans par l'envoi d'argent,<br />
d'armes, de médicaments, campagne de désertion dans l'armée américaine présente sur le<br />
territoire de R.F.A., actions de sabotage... L'importance de ce rassemblement et le recul des<br />
autorités qui, après une première interdiction, l'avait finalement autorisé, renforça la confiance<br />
<strong>du</strong> mouvement extra-parlementaire.<br />
C'est dans ce contexte de rupture que quelques étudiants, dont certains étaient proches <strong>du</strong><br />
S.D.S., décidèrent de prendre au sérieux la radicalité des mots d'ordre de l'organisation<br />
étudiante et de les actualiser en passant à l'action directe. Le 2 avril 1968, deux bombes de<br />
fabrication artisanale provoquent un incendie dans deux grands magasins de Francfort, le «<br />
Kaufhof » et le « Schneider ». L'attentat a été réalisé pendant la nuit de façon à ce qu'il n'y ait<br />
aucune victime, les dégâts matériels sont estimés à 280 000 DM. Deux jours plus tard, les<br />
incendiaires sont arrêtés. Il s'agit de Horst Sohlein, 28 ans, membre d'une troupe de théâtre<br />
expérimental de Munich, de Thoward Proll, 29 ans et Andreas Baader, 25 ans, étudiants en<br />
Arts Plastiques à Berlin et de Gudrun Esslin, 26 ans, étudiante en lettres et en anglais,<br />
cofondatrice des Editions Voltaire.<br />
Dans l'ensemble, la gauche extra-parlementaire critique cette action ainsi que le dilettantisme<br />
avec lequel elle a été accomplie (les auteurs ont en effet été arrêtés moins de quarante-huit<br />
heures après). Cependant pour certains elle est perçue comme une tentative de sortir <strong>du</strong> cadre<br />
habituel de lutte qui peut se comprendre dans la perspective d'édification d'une avant-garde<br />
par le passage à l'acte. Ulrike Meinhof, éditorialiste <strong>du</strong> journal d'extrême gauche Konkret y<br />
consacre un article. Elle affirme que l'aspect progressiste de cette action ne tient pas à la<br />
destruction de quelques marchandises, mais à sa forme qui exprime une rupture avec la<br />
légalité. Quant à Fritz Teufel, leader <strong>du</strong> mouvement étudiant allemand et futur membre <strong>du</strong> «<br />
mouvement <strong>du</strong> 2 juin », il déclare à cette occasion : « II vaut toujours mieux incendier un<br />
grand magasin que le diriger. »<br />
Jugés en octobre 1968, les accusés déclarent avoir voulu allumer un « fanal » pour le Vietnam<br />
pour protester contre l'indifférence générale face à ce « nouveau génocide » et contre le<br />
cynisme de la société de consommation. Ils défendent l'idée de la « propagande par le fait »<br />
pour secouer la partie potentiellement révolutionnaire de la population. Ils sont condamnés le<br />
31 octobre 1968 à trois années de prison mais bénéficient de la liberté provisoire après<br />
4
quatorze mois de détention, en attendant que le jugement soit ou non confirmé en appel. A<br />
leur sortie de prison, très concernés par le problème de la justice, ils s'intéressent aux<br />
conditions de vie des jeunes placés dans les foyers d'é<strong>du</strong>cation (enfants orphelins, maltraités,<br />
souvent délinquants, catégories regroupées en France sous l'appellation de « mineurs en<br />
danger »). Ces conditions sont à l'époque encore très <strong>du</strong>res et les jeunes commencent à se<br />
révolter. Un projet se met alors en place auquel participe une vingtaine d'étudiants. Ils louent<br />
des appartements pour ces jeunes et essayent de les aider à s'organiser eux-mêmes. Il s'agit de<br />
les sortir de l'impasse de la marginalité et de leur faire comprendre politiquement leur<br />
situation.<br />
Le projet prend de l'ampleur, une centaine de jeunes est concernée et le « Service de la<br />
protection de la Jeunesse » de Francfort accorde des subventions. Andreas Baader, Gudrun<br />
Ensslin et Thoward Proll sont parmi les initiateurs de cette expérience. Ces jeunes rebelles<br />
d'origine prolétarienne incarnent pour eux un certain potentiel révolutionnaire que la classe<br />
ouvrière allemande, trop intégrée, a cessé de représenter à leurs yeux. Astrid Proll, jeune sœur<br />
de Thoward, qui a à plusieurs reprises ren<strong>du</strong> visite aux trois camarades lorsqu'ils étaient en<br />
prison, se joint à ce projet. Ulrike Meinhof qui leur avait également ren<strong>du</strong> visite reprend alors<br />
contact avec eux. !Elle prépare à ce moment là un article pour le Stern sur la révolte des foyers<br />
de jeunes et l'expérience de Francfort.<br />
Mais en novembre 1969, le jugement est confirmé en appel et les quatre inculpés doivent<br />
retourner en prison. Ils n'acceptent pas cette décision qui après six mois de liberté provisoire<br />
leur semble injuste et stupide<br />
Seul Horst Sohlein se rendra aux autorités judiciaires en février 1970. Les trois autres inculpés<br />
quittent l'Allemagne et se réfugient provisoirement à Paris, puis en Italie. Début 1970, ils se<br />
séparent, Thoward Proll part pour Londres, il se rendra au mois de novembre aux autorités<br />
allemandes. Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Astrid Proll, qui les a accompagnés dès le<br />
début de leur fuite, gagnent Berlin où malgré le reflux <strong>du</strong> mouvement étudiant une certaine<br />
dynamique contestataire se maintient.<br />
A Berlin, ils retrouvent Ulrike Meinhof et Horst Mahler qui avait assuré la défense d'Andreas<br />
Baader dans le procès pour l'incendie de Francfort. Membre <strong>du</strong> S.D.S., Horst Mahler a créé le<br />
« Collectif des avocats socialistes » de Berlin et a abandonné le droit civil pour se consacrer à<br />
la défense des étudiants poursuivis. Avec Ulrike Meinhof et plusieurs autres futurs militants<br />
de la R.A.F. (Petra Schelm, Ingrid Schubert...), il participe à un groupe d'action intervenant au<br />
« Märkisches Viertel », quartier entièrement neuf <strong>du</strong> nord de Berlin. Ils revendiquent avec les<br />
jeunes de ce quartier des espaces de loisir et des lieux de sociabilité pour tous (commerces,<br />
centres de santé, écoles, maisons de culture).<br />
A cette époque à Berlin, la gauche issue <strong>du</strong> mouvement étudiant, lassée des grandes<br />
conceptions politiques planétaires veut porter la lutte sur le terrain <strong>du</strong> quotidien et s'attaquer à<br />
la transformation immédiate des rapports sociaux. Des actions sont développées à partir de<br />
points précis : occupations d'immeubles, travail é<strong>du</strong>catif auprès de jeunes délinquants,<br />
d'apprentis... Des éditeurs, artistes, avocats, médecins se groupent en « Collectif socialiste de<br />
travail ». Des communautés d'habitat, des jardins d'enfants anti-autoritaires, des coopératives<br />
d'achat se créent. Berlin est un laboratoire où s'essaient de nouveaux modes de vivre, de<br />
parler, d'agir.<br />
5
Contre Springer<br />
Mais ce déplacement de l'activité contestataire vers le terrain social ne signifie pas l'abandon<br />
de toute problématique révolutionnaire, et dans des cercles assez larges de la gauche<br />
berlinoise la question de la violence est à l'ordre <strong>du</strong> jour ; on envisage d'autres formes<br />
d'actions que les manifestations de masse qui sont toujours plus violemment réprimées. Cette<br />
question devient cruciale après la tentative d'assassinat <strong>du</strong> 11 avril contre Rudi Dutschke,<br />
leader <strong>du</strong> S.D.S., qui incarne la résistance <strong>du</strong> mouvement étudiant allemand.<br />
Ulrike Meinhof écrit dans Konkret : « Les balles tirées sur Rudi ont mis fin au rêve de la nonviolence.<br />
Qui ne s'arme pas meurt, qui ne meurt pas est enterré vivant dans les prisons, les<br />
maisons de réé<strong>du</strong>cation, dans le sinistre béton des tours-résidentielles. » Le soir même de<br />
l'attentat dans toutes les villes d'Allemagne, il y a des manifestations qui atteignent au<br />
paroxysme de la violence. Les étudiants s'attaquent tout particulièrement à la presse Springer<br />
ren<strong>du</strong>e responsable <strong>du</strong> climat de haine entretenu contre les étudiants, haine qui aboutit<br />
directement aux coups de feu tirés contre Rudi. Les étudiants défilent aux cris de « Expropriez<br />
Springer ! », la livraison <strong>du</strong> journal Bild est bloquée dans plusieurs villes, les contenus des<br />
camions de livraison de la presse Springer sont incendiés.<br />
Jusqu'en mai 1968, les manifestations se succèdent et des poursuites judiciaires sont engagées<br />
contre les participants qu'ils se soient livrés ou non à des actes de vandalisme. L'avocat Horst<br />
Mahler est condamné à dix mois de prison avec sursis pour avoir participé à la manifestation<br />
la plus violente contre Springer.<br />
Des centaines de gens sont tra<strong>du</strong>its devant les tribunaux et, en juin, le parlement adopte le<br />
décret sur les lois d'exception Notstandgesetz qui donne au gouvernement des pouvoirs<br />
extraordinaires en cas de guerre ou de tension interne. Cette dynamique<br />
manifestation/répression apparaît de plus en plus vaine, un certain essoufflement se fait sentir<br />
; le découragement et la résignation gagnent <strong>du</strong> terrain. Après avoir connu l'euphorie de cette<br />
période et avoir éprouvé le sentiment de participer à un processus révolutionnaire de<br />
dimension mondiale, beaucoup ne peuvent accepter cette normalisation progressive <strong>du</strong> climat<br />
social. Pour lutter contre ce sentiment d'impuissance, analysé comme une conséquence de la<br />
brutalité de la répression, on envisage des actions concrètes destinées à montrer la<br />
vulnérabilité <strong>du</strong> système.<br />
Dans des cercles assez larges de la gauche extra-parlementaire, on discute de l'opportunité de<br />
la guérilla urbaine dans les métropoles. Des groupes se forment qui n'en restent pas au stade<br />
de la discussion théorique.<br />
De novembre 1968 à janvier 1970, on dénombre à Berlin quatre incendies criminels et quatre<br />
tentatives d'attentat à l'explosif. Les cibles sont des appartements de représentants de la<br />
justice, des bâtiments de la police, des tribunaux. Ces attentats qui ont une efficacité plus<br />
symbolique que réelle sont le fait de groupes informels et éphémères qui évoluent autour des<br />
« Rebelles <strong>du</strong> Hasch », courant qui représente tous ceux qui s'opposent à la création des<br />
organisations marxistes-léninistes et trotskistes.<br />
Les « Rebelles <strong>du</strong> Hasch » organisent des actions violentes pendant les manifestations,<br />
tendent des embuscades à la police et essaient d'organiser politiquement le<br />
Lumpenprolétariat.<br />
6
Acte fondateur <strong>du</strong> groupe.<br />
C'est à cette époque qu'Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Ulrike Meinhof, Horst Mahler et une<br />
dizaine de militants de la nouvelle gauche issue <strong>du</strong> mouvement étudiant, décident de<br />
s'organiser en groupe de guérilla urbaine selon l'exemple des Tupamaros en Uruguay. Avant<br />
même qu'aucune action illégale n'ait été entreprise, une certaine pression pèse sur ce groupe<br />
car Gudrun Ensslin et Andreas Baader sont clandestins, des avis de recherche les concernant<br />
sont déjà apposés dans les commissariats.<br />
Le 4 avril 1970 Andreas Baader, reconnu lors d'un contrôle routier, est arrêté et emprisonné.<br />
Le 14 mai 1970, il est autorisé à venir travailler à l'Institut des Sciences sociales de Dahlem à<br />
Berlin pour y effectuer des recherches concernant la rédaction d'un livre à paraître aux<br />
Editions Klaus Sur l’organisation de la jeunesse marginale. Il est accompagné de policiers en<br />
salle de lecture qui est exceptionnellement fermée au public, seule Ulrike Meinhof qui est<br />
censée l'aider dans son travail est autorisée à y entrer.<br />
Un commando de deux femmes et un homme, armés, s’intro<strong>du</strong>isent alors dans les locaux de<br />
l’Institut et sous la menace des armes libèrent Andreas Baader, un bibliothécaire est assez<br />
grièvement blessé. Andreas Baader, Ulrike Meinhof et les trois membres <strong>du</strong> commando<br />
parviennent à s'enfuir.<br />
Huit jours plus tard, le 22 mai 1970, l'action est revendiquée dans un journal de l’«<br />
Underground » berlinois, Agit 883, de tendance libertaire. Le texte <strong>du</strong> communiqué, qui<br />
s'intitule « Construire l'<strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong> », affirme qu'il ne peut y avoir de lutte des classes et de<br />
réorganisation <strong>du</strong> prolétariat sans développement d'une résistance armée. C'est un texte très<br />
général, rédigé sous forme de slogans, qui ne contient pas de programme politique précis, les<br />
auteurs déclarent vouloir s'organiser en fraction armée à l'intérieur <strong>du</strong> mouvement anti-<br />
impérialiste allemand. Pour la première fois apparaît le sigle R.A.F., « Rote Armee Fraktion<br />
», <strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong>.<br />
La presse, elle, commence à parler de groupe « Baader-Meinhof » ou de « bande à Baader ».<br />
De même que l'incendie <strong>du</strong> « Kaufhof » et <strong>du</strong> « Schneider » était le premier acte de sabotage<br />
organisé par un petit commando, l'action <strong>du</strong> 14 mai intro<strong>du</strong>it pour la première fois l'usage des<br />
armes dans une action militante : un degré de plus dans la violence a été atteint. Aussi de<br />
nombreuses critiques sont-elles formulées par la gauche issue <strong>du</strong> mouvement étudiant, mais il<br />
y a tout un éventail de réactions allant <strong>du</strong> rejet total jusqu'à la sympathie.<br />
Plusieurs de ceux qui ont participé à cette action sont immédiatement identifiés par la police.<br />
Devenus clandestins, ils sont coupés de l'extrême gauche légale et rejetés dans un certain<br />
isolement. Cette action marque pour eux un point de non-retour. En cela, elle constitue<br />
vraiment l'acte fondateur <strong>du</strong> groupe. Il ne restait à Andreas Baader que deux années de prison<br />
à peine à purger et il n'était pas à cette époque le seul prisonnier politique ; des actions légales<br />
pour un élargissement de l'amnistie se développaient. Mais l'action de libération exprimait la<br />
volonté de chaque participant de rompre avec un certain vécu, de se couper de toute<br />
possibilité de retour en arrière. A partir de cet instant, chacun d'entre eux se trouve entraîné<br />
dans un processus collectif irréversible qui les engage tous les uns par rapport aux autres.<br />
C'est la déclaration d'Ulrike Meinhof, le 13 septembre 1974 au tribunal de Berlin- Moabit<br />
devant lequel elle devait répondre de sa participation à la libération d'Andreas Baader qui<br />
éclaire le mieux les mobiles de cette action : « (...) Notre action <strong>du</strong> 14 mai 1970 est et reste<br />
l'action exemplaire <strong>du</strong> guérillero dans les métropoles. Elle contient/contenait déjà tous les<br />
7
éléments de la stratégie pour la lutte armée contre l'impérialisme : il s'agissait de libérer un<br />
prisonnier des griffes de l'appareil d'Etat. Ce fut une action de guérilla, l'action d'un groupe<br />
qui, en décidant de faire cette action, s'est organisé en noyau politico-militaire. »<br />
Autant et même plus que le résultat immédiat, « la libération d'un prisonnier des griffes de<br />
l'appareil d'Etat », c'est le résultat secondaire, le saut dans l'illégalité de ceux qui y participent,<br />
qui est important. C'est en décidant et en accomplissant cette action que le groupe, jusque-là<br />
informel et qui aurait très bien pu être aussi éphémère que l'étaient d'autres groupes à Berlin à<br />
cette époque, se constitue vraiment en organisation de guérilla. Horst Mahler, qui a rompu<br />
avec la R.A.F. en 1974, a déclaré dans une interview qu'il avait été personnellement opposé à<br />
la libération de Baader, laquelle impliquait, par ses conséquences, l’abandon de la conception<br />
stratégique définie par le groupe au départ : soutenir par des actions illégales se situant en<br />
dessous d’un certain niveau de violence le travail politique légal.<br />
Cette action, en contraignant les membres <strong>du</strong> groupe à couper toute relation avec la scène<br />
sociale, les aurait jetés dans une forme de guerre abstraite contre l'Etat et contre<br />
l'impérialisme.<br />
Après cette action, une opération de police sans précédent est déclenchée à Berlin- Ouest, 110<br />
appartements sont perquisitionnés, les portraits des recherchés sont présentés à la télévision,<br />
des avis de recherche promettant des primes de 10 000 DM à quiconque fournirait un indice<br />
permettant leur arrestation sont apposés dans les lieux publics. La population est encouragée<br />
par tous les moyens à collaborer avec la police dans sa lutte contre ceux qui sont dès à présent<br />
désignés comme « ennemi public n°1 ».<br />
En juin 1970, la présence des fugitifs est signalée au Moyen-Orient, Interpol envoie des télex<br />
à Beyrouth et à Damas. C'est l'époque où en Europe, la gauche issue <strong>du</strong> mouvement étudiant<br />
s'intéresse de plus en plus à la cause palestinienne. Cette tendance s'affirme aussi en<br />
Allemagne : en 1969 et 1970 des militants <strong>du</strong> S.D.S. séjournent dans les camps palestiniens<br />
pour s'informer sur la cause palestinienne. D'après Horst Mahler, les membres <strong>du</strong> groupe se<br />
seraient vu offert par les Palestiniens la possibilité de venir s'entraîner dans un camp d' « Al<br />
Fath » en Jordanie, et l'auraient acceptée ne voyant aucune contradiction entre les buts qu'ils<br />
s'étaient fixés et le fait d'aller s'entraîner là-bas, cela en raison même de la nature de la cause<br />
palestinienne. Il n'y a aucune allusion à ce séjour dans les textes de la R.A.F., les seuls<br />
témoignages écrits sont le récit qu'en a fait Peter Homann au Spiegel et une lettre de Gudrun<br />
Ensslin à son ancien compagnon, Bernward Vesper, repro<strong>du</strong>ite dans son essai<br />
autobiographique Le Voyage. Dans cette lettre, Gudrun Ensslin parle longuement de leurs<br />
activités extra-militaires (construction d'un réservoir d'eau, d'une piscine et d'une ferme à<br />
poulets) et se montre très enthousiaste sur tous les aspects de la vie <strong>du</strong> camp. Peter Homann<br />
dit très peu de choses ; les Palestiniens auraient reproché au groupe une certaine carence<br />
politique.<br />
Le séjour en Jordanie prit fin en août 1970, il avait <strong>du</strong>ré moins de deux mois. On a parlé d'une<br />
mauvaise entente entre Palestiniens et Allemands, mais c'est probablement la tension<br />
montante entre soldats jordaniens et fedayins palestiniens qui décida les responsables <strong>du</strong> camp<br />
à écourter le stage et à renvoyer chez eux les jeunes occidentaux dont ils ne pouvaient assurer<br />
la sécurité. L'effet majeur de ce séjour, à côté de l'acquisition toute relative d'un savoir<br />
militaire fut le renforcement de la cohésion <strong>du</strong> groupe. C'est seulement après cette fuite de<br />
quelques semaines hors de la réalité allemande que le groupe existe réellement au sens où son<br />
histoire a commencé.<br />
8
De retour à Berlin, les militants de la R.A.F., devenus hors-la-loi et confrontés à une <strong>du</strong>re<br />
répression, seront dans l'impossibilité de rattacher leurs actions à celles <strong>du</strong> mouvement légal.<br />
Contraints de renoncer à leur conception initiale de la guérilla urbaine, ils négligeront de plus<br />
en plus toute référence au contexte national et aux luttes locales pour se situer dans un cadre<br />
<strong>international</strong> où l'ennemi se confond avec l'Impérialisme américain.<br />
2. Première phase offensive : les attentats<br />
Quel a été le rôle de la politique répressive de l’Etat allemand dans la radicalisation des<br />
partisans de la violence révolutionnaire et dans leur regroupement autour de la RAF ? Les<br />
premiers attentats <strong>du</strong> groupe s’inscrivent-ils dans le prolongement <strong>du</strong> mouvement étudiant et<br />
sont-ils en correspondance avec les diverses luttes issues de ce mouvement ?<br />
Mise en place d'une infrastructure.<br />
En septembre 1970, au retour de Jordanie, la R.A.F. compte environ une vingtaine de<br />
membres. Autour de ce noyau, il y a probablement un cercle de sympathisants sans lesquels la<br />
survie <strong>du</strong> groupe ne pourrait être assurée, car il devient de plus en plus difficile de se cacher à<br />
Berlin où, depuis le mouvement étudiant, les effectifs policiers ont été considérablement<br />
augmentés.<br />
Rentrés en Allemagne avec la volonté de se constituer en organisation de lutte armée, les<br />
militants de la R.A.F. se préoccupent de l'infrastructure logistique. Ils doivent mettre en place<br />
un réseau d'appartements et de voitures, se procurer des faux papiers, des armes, et surtout de<br />
l'argent. Pour financer leur organisation, ils ont recours à la vieille technique anarchiste de<br />
l'expropriation de banques, réactualisée par les groupes de guérilla urbaine latino-américains<br />
et prônée par Carlos Marighella dans son Manuel <strong>du</strong> guérillero-urbain tra<strong>du</strong>it en Allemagne<br />
en juin 1970. Le 29 septembre, à Berlin-Ouest, trois banques sont attaquées par des petits<br />
commandos qui assurent leur fuite avec des voitures volées aux plaques d'immatriculation<br />
falsifiées. La R.A.F. n'a pas revendiqué ces trois hold-up, mais des membres <strong>du</strong> groupe arrêtés<br />
peu de temps après ont déclaré que celle-ci en était l'auteur. Quelques jours plus tard,<br />
IngridSchubert, Irène Georgens, Horst Mahler ainsi que Brigitte Asdonck, étudiante, et<br />
Monika Berberich, jeune avocate, sont arrêtés le 8 octobre 1970 dans un appartement surveillé<br />
par la police.<br />
Après ces arrestations, les autres membres <strong>du</strong> groupe quittent Berlin pour la R.F.A. L'action<br />
d'expropriation <strong>du</strong> 29 septembre 1970 leur a rapporté 220 000 DM, ce qui peut leur permettre<br />
de louer des appartements et de subsister un certain temps. En novembre 1970, ils cambriolent<br />
les mairies de Lang Göngs et de Neustadt pour se procurer papiers d’identité et tampons<br />
officiels. Fin 1970, la police arrête encore trois membres <strong>du</strong> groupe : Heinrich Jansen, Eric<br />
Grusdat, mécanicien berlinois de 34 ans qui a maquillé des voitures pour le groupe et son aide<br />
Karl-Heinz Ruhland. Ce dernier collabore avec la police presque immédiatement après son<br />
arrestation. Il témoignera pour l'Accusation dans chacun des procès contre les membres de la<br />
R.A.F. jusqu'en 1977.<br />
Un climat d'insécurité et de suspicion généralisée se développe à Berlin-Ouest et en R.F.A. :<br />
la police arrête des suspects, soi-disant sympathisants, organise de grandes opérations de<br />
contrôle sur les routes, perquisitionne un grand nombre d’appartements.<br />
9
Les premiers morts.<br />
Quand le procès contre Horst Mahler s'ouvre le 2 mars 1971, des mesures de sécurité<br />
exceptionnelles sont prises : les spectateurs et les journalistes sont fouillés, les accusés<br />
doivent garder les mains liées.<br />
Bientôt viennent les premiers morts, Petra Schelm, 20 ans, militante présumée de la R.A.F. est<br />
abattue le 15 juillet 1971 à Hambourg. Peu de temps après, le 22 octobre 1971, une nouvelle<br />
fusillade (la quatrième depuis le début de l'année) éclate à Hambourg entre la police et des<br />
membres présumés de la RA.F. Pour la première fois un policier est mortellement blessé.<br />
Quelques semaines plus tard, le 4 décembre 1971, un jeune anarchiste, Georg von Rauch, est<br />
abattu par la police à Berlin. Il s'agit d'un étudiant en sociologie de 24 ans, fils d'un historien<br />
enseignant à l'Université de Kiel. La famille porte plainte, des manifestations sont organisées<br />
à Berlin et en R.F.A. pour protester contre les méthodes policières. L'éditeur Klaus<br />
Wagenbach qui publie un livre intitulé L'Exécution de Georg von Rauch est tra<strong>du</strong>it en justice<br />
pour injure aux forces de l'ordre.<br />
Entre temps, Peter Brückner, accusé par K.H. Ruhland d'avoir prêté assistance à Ulrike<br />
Meinhof, est suspen<strong>du</strong> de son poste de professeur de psychologie à l'Université de Hanovre.<br />
Les étudiants manifestent massivement pour obtenir sa réintégration. L'atmosphère est telle<br />
que des personnalités libérales s'insurgent contre l'hystérie des médias et le climat policier qui<br />
s'installe. L'écrivain Heinrich Böll écrit le 10 janvier 1972 dans le Spiegel : « Comment peuton<br />
nous faire croire que six personnes peuvent menacer soixante millions d'Allemands ? »<br />
Dans cet article intitulé « Freies Geleit für Ulrike Meinhof » (Sauf-con<strong>du</strong>it pour Ulrike<br />
Meinhof), il accuse le quotidien Bild de la presse Springer d'incitation au lynchage. Il propose<br />
que l'on donne aux membres <strong>du</strong> groupe, particulièrement à Ulrike Meinhof, la possibilité de<br />
réintégrer la légalité, de faire marche arrière, avant qu'il ne soit trop tard. Cet article va<br />
déclencher pendant des mois une vaste polémique dans la presse allemande, Heinrich Böll<br />
reçoit des centaines de lettres à propos desquelles il signale que sont anonymes les lettres<br />
d'encouragement et signées les lettres de menace. Le 4 février 1972, lors d'une intervention<br />
télévisée sur le thème de la violence, le Chancelier Willy Brandt demande à la population de<br />
garder son calme tout en affirmant la détermination <strong>du</strong> gouvernement à combattre le<br />
terrorisme par tous les moyens.<br />
Début 1972, le groupe n'a pourtant à son actif que trois hold-up, quelques vols de voitures et<br />
des vols de documents administratifs. De novembre 1970 à mai 1972, seules les arrestations,<br />
en général précédées d'une fusillade, des membres supposés de la RAF. témoignent de<br />
l'existence <strong>du</strong> groupe. L'imposant dispositif policier mis en place par le gouvernement<br />
allemand, difficilement explicable s'il ne devait s’appliquer qu'à la R.A.F., a surtout une<br />
fonction dissuasive à l'égard de tous ceux qui se sentent proches de la guérilla urbaine. Car si<br />
la R.A.F. elle-même a plutôt été sur la défensive pendant toute cette période, il existe un<br />
mouvement, une scène favorable au type d'actions qu'elle préconise comme en témoignent de<br />
nombreux attentats même s'ils sont réalisés avec des moyens modestes (bombes très<br />
artisanales, cocktails Molotov, etc.) ainsi que quelques hold-up qui peuvent être imputés avec<br />
une quasi certitude à des « politiques ».<br />
Les premières arrestations ont probablement plongé le groupe dans un certain désarroi, ce qui<br />
peut expliquer la phase de latence qui <strong>du</strong>re jusqu'en mai 1972. Les membres <strong>du</strong> noyau initial<br />
ne s'attendaient pas à une telle réaction de l'Etat et peut-être ont-ils eu alors la tentation de<br />
revenir à une autre pratique, mais à partir de 1971 ce qui les attache à la lutte armée c'est aussi<br />
la fidélité à une conception politique pour laquelle certains d'entre eux sont morts. Cette<br />
période de retrait est aussi nécessaire pour reconstituer une certaine infrastructure car en<br />
10
République Fédérale le groupe peut moins facilement compter sur le soutien d'une certaine<br />
scène politique qui n'existe qu'à Berlin. Enfin, ce recul permet au groupe de préciser sa ligne<br />
politique, de définir une stratégie et de l'expliquer à l'extérieur, principalement à la gauche<br />
légale issue <strong>du</strong> mouvement étudiant.<br />
En effet, en juin et juillet 1971, la R.A.F. publie deux textes qui, d'abord édités par un éditeur<br />
« underground » de Berlin et immédiatement saisis, sont repris en octobre chez l'éditeur Klaus<br />
Wagenbach et de nouveau saisis. Dans le premier texte « Sur la conception de la guérilla<br />
urbaine », la R.A.F. entreprend de répondre aux attaques de la presse. Elle met en garde la<br />
gauche contre un jugement trop rapide sur le groupe étant donné que celui-ci n'a pas un an de<br />
pratique. La R.A.F. reconnaît que sa préhistoire appartient au mouvement étudiant qui « a<br />
reformulé le marxisme-léninisme comme arme de la lutte des classes et fait apparaître le<br />
contexte <strong>international</strong> de la lutte révolutionnaire dans les métropoles », elle pose la primauté<br />
de la pratique : « II est juste d'organiser la résistance armée si cela est possible ; et c'est par la<br />
pratique que se décide si cela est possible.» Enfin la R.A.F. affirme vouloir détruire le mythe<br />
de l'omniprésence et de l'invulnérabilité <strong>du</strong> système. La conception originelle <strong>du</strong> groupe aurait<br />
été de lier la guérilla urbaine au travail politique à la base afin que chaque membre puisse<br />
continuer à militer dans les quartiers, les usines, les groupes politiques légaux. Mais<br />
l'hypercontrôle policier aurait ren<strong>du</strong> impossible la mise en pratique de cette conception. Aussi<br />
la R.A.F. défend le choix de l'illégalité, « il faut agir sans possibilité de retour à la vie<br />
bourgeoise, sans vouloir ou pouvoir mettre la révolution au clou ». Et le texte s'achève sur une<br />
citation d'Eldridge Cleaver affirmant la primauté de la pratique : « Moi je suis persuadé que la<br />
plupart des choses qui se passent dans ce pays ne demande pas à être analysée plus longtemps.<br />
Le deuxième texte « Sur la lutte armée en Europe occidentale », plus détaillé, critique le<br />
mythe de la grève générale et déclare que seule la lutte armée contre l'appareil d'Etat peut<br />
con<strong>du</strong>ire à l'insurrection généralisée. Il affirme que le prolétariat in<strong>du</strong>striel n'est plus<br />
aujourd'hui à l'avant-garde <strong>du</strong> combat révolutionnaire. Le texte précise que la guérilla urbaine<br />
doit être liée aux luttes politiques et économiques de masse. Dans ces deux textes, la R.A.F.<br />
déclare vouloir articuler sa pratique autour <strong>du</strong> travail politique dans les quartiers, les usines,<br />
l'université.<br />
II n'y a aucune référence à l'impérialisme américain et à la présence de l'armée américaine en<br />
Allemagne Fédérale, ce qui peut surprendre lorsque l'on sait que les premières actions de<br />
guérilla réalisées par la R.A.F. environ un an après la publication de ces textes ont eu pour<br />
cible principale les bases militaires U.S. installées sur le territoire de la R.F.A. En un an la<br />
perspective dans laquelle se plaçait le groupe semble avoir beaucoup changé.<br />
Mai 1972 : premiers attentats.<br />
Le 11 mai 1972, trois bombes explosent au quartier général américain de Francfort tuant un<br />
officier américain et blessant quatorze personnes. Le 12 mai 1972, des bombes explosent à la<br />
direction de la police d'Augsbourg et sur le parking des bureaux de la police criminelle à<br />
Munich, 16 personnes sont blessées et cent voitures sont détruites. Le 15 mai 1972, un juge de<br />
Karlsruhe, Buddenberg, chargé d'instruire le dossier de plusieurs membres de la R.A.F., est<br />
victime d'un attentat, sa femme est grièvement blessée. Le 19 mai 1972, deux bombes<br />
explosent à la maison d'édition Springer blessant trente-quatre ouvriers dont dix-neuf<br />
grièvement. Enfin le 24 mai 1972, au quartier général américain de Heidelberg un attentat à la<br />
bombe provoque la mort de trois militaires et occasionne de graves dégâts matériels : un<br />
ordinateur assurant une partie de la logistique des actions menées par l'armée américaine au<br />
Vietnam est détruit.<br />
11
Tous ces attentats sont revendiqués par la R.A.F. Les communiqués concernant les actions <strong>du</strong><br />
11 mai et <strong>du</strong> 24 mai contre les quartiers généraux de l'armée américaine à Francfort et<br />
Heidelberg sont signés « Commando Petra Schelm » et « Commando 15 juillet », en souvenir<br />
<strong>du</strong> 15 juillet 1971 où Petra Schelm, militante de la R.A.F., avait été abattue par la police à<br />
Hambourg. La R.A.F. déclare vouloir répondre à l'intensification des bombardements au<br />
Vietnam et s'opposer à ce que la République Fédérale allemande et Berlin-Ouest servent de<br />
base aux « stratèges de l'extermination ». Le communiqué <strong>du</strong> commando « Manfred<br />
Grashof», responsable de l'exécution <strong>du</strong> juge Buddenberg, affirme que la R.A.F. utilisera de<br />
tels moyens de pression contre les juges et les procureurs aussi longtemps que les droits des<br />
prisonniers ne seront pas respectés. L'action contre les directions de la police à Munich et<br />
Augsbourg revendiquée par le Commando « Thomas Weisbecker » est présentée comme une<br />
action de représailles contre la mort de Thomas Weisbecker, militant de la R.A.F., abattu à<br />
Augsbourg le 2 mars 1972. Enfin l'action contre l'immeuble de Springer où travaillaient trois<br />
mille ouvriers est revendiquée un jour plus tard par un communiqué <strong>du</strong> commando « 2 juin »<br />
qui accuse Springer d'avoir refusé d'évacuer les bâtiments malgré ses avertissements répétés<br />
préférant ainsi courir le risque que des ouvriers soient blessés plutôt que de perdre <strong>du</strong> temps<br />
dans une fausse alerte. Cette action a été évidemment très néfaste pour l'image <strong>du</strong> groupe :<br />
3000 personnes, employés et ouvriers, travaillaient dans ce bâtiment à l'heure à laquelle les<br />
bombes ont explosé. A l'intérieur même de la R.A.F., qui fonctionnait à cette époque sous<br />
forme de cellules indépendantes les unes des autres, il y eut une vive controverse car le<br />
groupe s'était donné pour règle de ne pas concevoir d'actions où il y ait le risque que des civils<br />
soient touchés. Cinq jours après l'action, les auteurs de l'attentat, dans une lettre envoyée à une<br />
station de radio, s'excusent auprès des ouvriers blessés. Ils affirment avoir donné l'alerte à<br />
trois reprises, deux fois au secrétariat <strong>du</strong> bâtiment, et la troisième fois directement à la police.<br />
Pour Springer, il n'y aurait eu qu'un seul appel, celui à la police, six minutes avant l'explosion,<br />
donc trop tard pour organiser une évacuation.<br />
Quelle que soit la version choisie, on peut s'étonner que la R.A.F. n'ait pas pris en compte un<br />
refus possible d'évacuation, d'autant plus que le groupe avait toujours parlé de Springer<br />
comme d'un fasciste.<br />
Le communiqué de revendication reproche aux journaux <strong>du</strong> trust Springer, d'inciter au<br />
racisme et à la haine anti-communiste.<br />
Toutes les bombes utilisées sont de fabrication artisanale. Dans plusieurs appartements ayant<br />
servi à la R.A.F., découverts plus tard par la police, des éléments chimiques et <strong>du</strong> matériel<br />
nécessaire à la fabrication d'explosifs ainsi que des moyens d'allumage et de mise à feu, et<br />
toute une littérature technique ont été retrouvés<br />
La chasse à l'homme<br />
Après ces attentats, la population plus que jamais va accepter de collaborer avec la police qui<br />
dispose de moyens sans précédent. Le 31 mai 1972, 16 000 policiers sont affectés à la lutte<br />
antiterroriste, 200 000 DM de prime sont offerts au total et dans les jours qui suivent, deux<br />
cents suspects sont arrêtés.<br />
Avec de tels effectifs, la police peut se permettre de vérifier le moindre renseignement. On<br />
intro<strong>du</strong>it une récompense financière pour tout indice sérieux. Des actions spectaculaires sont<br />
menées dans tous les milieux gauchistes susceptibles d'avoir des relations avec la R.A.F.,<br />
autant pour obtenir des informations que pour terroriser les gens et les dissuader d'apporter<br />
quelque aide que ce soit aux membres <strong>du</strong> groupe. Le but c'est « d'isoler la R.A.F. de tout ce<br />
qu'il peut y avoir comme opinions radicales dans cet Etat » (Ehmke, chef de la chancellerie<br />
lors d'une intervention au Bundestag, en juin 1972). Herold, chef de l'office fédéral de la<br />
police criminelle (B.K.A.) déclarait en janvier 1972, lors de la conférence des ministres de<br />
12
l'Intérieur des différents Lander : « Les actions contre la R.A.F. doivent être menées de telle<br />
sorte que les positions de sympathisants soient refoulées. » Cette politique a une influence<br />
certaine sur l'extrême-gauche allemande qui hésite de plus en plus à accorder assistance aux<br />
membres de la R.A.F.<br />
Même si les actions anti-américaines de 1972 ont rencontré une certaine sympathie dans la<br />
gauche issue <strong>du</strong> mouvement étudiant, le fossé entre elle et la R.A.F. se creuse encore<br />
davantage à partir de cette date.<br />
Peu sont prêts à risquer des années d'emprisonnement pour rester en accord avec leurs<br />
convictions politiques.<br />
Les succès policiers seront à la mesure des moyens déployés : le 1er juin 1972, Andreas<br />
Baader, Jan-Carl Raspe et Holger Meins sont arrêtés dans un garage de Francfort où ils<br />
stockaient <strong>du</strong> matériel et des armes. Le quartier est entièrement bouclé et plusieurs blindés<br />
participent à l'opération au cours de laquelle Andreas Baader est légèrement blessé. Six jours<br />
plus tard, Gudrun Ensslin est arrêtée à Hambourg dans un magasin, sur dénonciation d'une<br />
vendeuse. Enfin le 15 juin 1972, Ulrike Meinhof est arrêtée à Hanovre dans l'appartement de<br />
Fritz Rodewald, professeur de pédagogie et responsable syndical. C'est lui-même qui après<br />
avoir accepté de l'héberger l'a dénoncée à la police après en avoir discuté avec des amis,<br />
militants de gauche comme lui. L'exemple de cette arrestation montre à quel point les<br />
militants de la R.A.F., traqués par la police, étaient isolés.<br />
On est frappé par le contraste entre l'envergure des attentats de 1972, leur excellente<br />
préparation technique et la rapidité des arrestations qui ont suivi. Presque toutes sont <strong>du</strong>es à<br />
des imprudences et auraient pu être évitées ou retardées si la RA.F. avait eu un meilleur<br />
réseau d'appartements et de caches. Une vague d'arrestations avait déjà suivie les hold-up<br />
d’octobre 1970, là aussi on observait un décalage entre le niveau des actions et la fragilité des<br />
bases de repli.<br />
Ainsi la première phase offensive de la R.A.F. se concentre dans ces deux semaines de<br />
guérilla intensive où les cibles déjà désignées par le mouvement étudiant allemand subissent<br />
des attaques d'une ampleur inatten<strong>du</strong>e. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, des<br />
soldats américains sont tués en Europe de l'Ouest. A partir de ce moment, le conflit ne se situe<br />
plus entre la R.A.F. et l'Etat allemand : les autres Etats européens et surtout les Etats- Unis<br />
sont, eux aussi, impliqués. La RA.F. n'apparaît plus seulement comme une fraction armée de<br />
l'extrême gauche allemande mais comme une fraction parmi toutes celles qui combattent la<br />
domination des U.S.A. dans le monde. En cela, elle renoue avec l'orientation anti-impérialiste<br />
<strong>du</strong> mouvement étudiant allemand qui s'était développé, comme le mouvement américain,<br />
autour de la mobilisation contre la guerre <strong>du</strong> Vietnam. En portant la guerre sur le territoire<br />
européen, la R.A.F. actualisait le mot d'ordre de la Nouvelle Gauche américaine : « Bring the<br />
war home ».<br />
La politique répressive de l'Etat allemand, qui provoqua la mort de plusieurs militants avant<br />
même que la R.A.F. organise ses premières actions, a contribué à dramatiser le caractère de<br />
l'affrontement et à renforcer simultanément la cohérence et l'isolement <strong>du</strong> groupe. Cet<br />
isolement, qui éloignait les militants de la R.A.F. <strong>du</strong> mouvement légal, renforçait leur fidélité<br />
aux orientations premières de la révolte étudiante.<br />
13
3!" Sonderbehandlung" Traitement spécial et luttes de prison<br />
La torture par privation sensorielle<br />
Dès le début de leur incarcération, les prisonniers de la R.A.F. ont été soumis à un système de<br />
détention spéciale, lequel est appliqué également aux prisonniers <strong>du</strong> « Mouvement <strong>du</strong> 2 juin »<br />
et <strong>du</strong> « S.P.K. » (Collectif socialiste des patients de Heidelberg). Les prisonniers sont<br />
maintenus à l'isolement : tout contact avec d'autres détenus leur est interdit, ils ne peuvent<br />
participer à aucune des activités collectives de la prison, ni même au service religieux. Ils<br />
doivent faire leur promenade seuls et souvent les mains liées dans le dos ; les contrôles des<br />
cellules et les fouilles corporelles sont fréquentes, les droits de visite sont restreints, le<br />
courrier et les journaux sont censurés. De manière générale, le contact social est ré<strong>du</strong>it au<br />
minimum.<br />
Certains prisonniers ont été placés dans des conditions encore plus <strong>du</strong>res, au quartier spécial<br />
de la section silencieuse de Cologne-Ossendorf. Ce quartier est situé dans l'une des ailes <strong>du</strong><br />
bâtiment « Psychiatrie Femmes » de la prison séparée <strong>du</strong> corps de bâtiment et spécialement<br />
aménagée pour être isolée acoustiquement. Ulrike Meinhof, et pour des périodes plus courtes<br />
Astrid Proll et Gudrun Ensslin, y étaient seules lorsqu'elles y furent incarcérées : les cellules<br />
situées au-dessus et à côté des leurs sont restées inoccupées le temps de leur détention ; ainsi<br />
aucun bruit extérieur ne pouvait leur parvenir. Les murs et l'ameublement de la cellule étaient<br />
peints en blanc et la lumière <strong>du</strong> jour ne pénétrait dans les cellules que par une étroite fente<br />
recouverte d'un très fin grillage. Les prisonnières de l'aile spéciale de Cologne-Ossendorf<br />
vivaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans milieu ambiant discernable.<br />
Le 1er février 1973, le psychologue de la prison de Cologne, le professeur Jarmer,<br />
commentait ainsi les conditions de détention d'Ulrike Meinhof : « Le fardeau psychique<br />
imposé à la prisonnière dépasse de très loin la mesure normalement inévitable pour une<br />
détention en isolement strict. Si la détention en isolement strict, comme le montrent les<br />
expériences, n'est supportable pour les détenus que pendant un temps limité, cela vaut à plus<br />
forte raison pour la détenue Meinhof car elle est pratiquement coupée de toute perception de<br />
l'environnement. »<br />
Voici les extraits d'une lettre adressée par Ulrike Meinhof à son avocat :<br />
« Le sentiment que ta tête explose, le sentiment qu'en fait la boîte crânienne va se casser,<br />
exploser.<br />
Le sentiment que le cerveau se ratatine comme un pruneau.<br />
Le sentiment que tu es sans cesse sous tension, que cela se voit et que tu es téléguidé (...).<br />
Le sentiment que la cellule bouge — tu te réveilles, tu ouvres les yeux — la cellule bouge,<br />
l'après-midi, quand le soleil brille, elle s'arrête tout d'un coup. Tu ne peux pas te débarrasser<br />
de ce sentiment que tu bouges. Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles : de fièvre ou de<br />
froid.! Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles, tu gèles. !Pour parler à voix normale, il faut<br />
des efforts comme pour parler très fort, il faut presque gueuler. !Le sentiment de devenir muet.!<br />
Tu ne peux plus identifier le sens des mots - tu ne peux que deviner - l'usage des sifflantes : s,<br />
ss, tz, sch, est absolument insupportable.! On ne peut plus contrôler la syntaxe, la grammaire.<br />
Quand tu écris deux lignes, à la fin de la deuxième ligne, tu ne peux pas te rappeler le début<br />
de la première (...).! Une agressivité démente, pour laquelle il n'y a pas de soupape.! C'est le<br />
plus grave, la conscience claire qu'on n'a aucune chance de survivre, l'échec total, pour faire<br />
passer cela, le faire comprendre aux autres (...) »<br />
Ces conditions de détention ont des conséquences terribles. Dans ce silence, cette<br />
14
monochromie artificielle, où les sens ne sont jamais sollicités, l'être humain est atteint dans sa<br />
totalité : le sens de l'orientation, l'intelligence, la faculté de concentration sont gravement<br />
atteints, des troubles des fonctions végétatives apparaissent.<br />
Astrid Proll, internée pendant cinq mois dans cette section spéciale a dû être replacée dans des<br />
conditions normales de détention au début de 1973, avant l'ouverture <strong>du</strong> procès pour qu'elle<br />
puisse être en mesure d'y participer. Elle <strong>du</strong>t finalement être transférée dans une maison de<br />
repos en 1975, son état ne lui permettant plus de survivre en détention. Ces conditions<br />
particulières de détention infligées à Astrid Proll, Gudrun Ensslin et pour des périodes encore<br />
plus longues à Ulrike Meinhof correspondent exactement à la définition de ce qu'on appelle «<br />
privation sensorielle ». La privation sensorielle consiste en effet à ré<strong>du</strong>ire et si possible à<br />
annuler toute différence de perception (jour/nuit, silence/bruit, ...). Aucun changement<br />
acoustique ou visuel ne doit parvenir au sujet placé dans un milieu artificiel approprié. Les<br />
organes des sens alors privés de toute stimulation subissent une atrophie comparable à<br />
l'atrophie des muscles à la suite d'une immobilisation forcée et prolongée.<br />
Ce traitement s'inscrit dans une entreprise de psychiatrisation de certains prisonniers, dont<br />
Ulrike Meinhof fut particulièrement victime. Il était difficile, dans son cas, d'invoquer la<br />
perversion morale ou le gangstérisme pur et simple pour expliquer son engagement dans la<br />
guérilla. Son appartenance à la R.A.F. faisait rejaillir sur le groupe une certaine respectabilité,<br />
car Ulrike Meinhof était un personnage reconnu parmi l'intelligentsia de gauche. Or les<br />
autorités allemandes voulaient avant tout effacer la dimension politique <strong>du</strong> phénomène R.A.F.<br />
Dans les médias il sera toujours question <strong>du</strong> « gang Baader-Meinhof » et dans les discours<br />
officiels l'appellation R.A.F. ne sera jamais employée, le terme « groupe Baader-Meinhof »<br />
lui étant préféré.<br />
Horchem, chef des Services de Protection de la Constitution (Verfassungschutz) pour la<br />
région de Hambourg s'exprimait ainsi dans un congrès en mai 1975 : « ... Par le manque de<br />
nouveaux idéologues <strong>du</strong> style d'Ulrike Meinhof, la <strong>du</strong>rée <strong>du</strong> phénomène de la terreur pourra<br />
être raccourcie : dans la mesure où ces groupes, au cours de leurs activités, reconnaîtraient<br />
eux-mêmes qu'ils sont de purs criminels et qu'il leur manque une base idéologique. Et alors,<br />
cette intention, cette énergie criminelle s'effondreraient. »<br />
Le Parquet fédéral alla jusqu'à examiner la possibilité d'une intervention chirurgicale sur la<br />
personne d'Ulrike. Dans une lettre <strong>du</strong> 4 janvier 1973 adressée au psychiatre de la prison, le<br />
docteur Götte, le Parquet fédéral demandait d'examiner si Ulrike Meinhof « devait être placée<br />
dans un établissement psychiatrique public pour préparer une expertise sur son état mental ».<br />
En avril 1973, le professeur Witter, directeur de l'Institut de Psychologie de la clinique<br />
universitaire de Hombourg (Sarre) fut chargé par le procureur général Zeis d'établir une<br />
expertise psychiatrique. Lorsque le 10 mai, le professeur Witter répondit qu'une radiographie<br />
<strong>du</strong> crâne et une scintigraphie <strong>du</strong> cerveau étaient nécessaires pour établir le diagnostic, le juge<br />
Knoblich de la Cour fédérale prit le 13 juillet 1973 la décision d'autoriser un médecin à<br />
pratiquer ces examens dans l'établissement pénitentiaire, même contre la volonté de la<br />
prévenue et en utilisant si nécessaire la contrainte directe ou l'anesthésie. Seule la mobilisation<br />
de l'opinion publique, alertée par les conférences de presse des avocats, et la protestation de<br />
nombreux médecins décidèrent le Parquet à abandonner ce projet.<br />
Résistance des prisonniers<br />
Les prisonniers de la R.A.F. n'ont jamais cessé de lutter contre ces conditions de détention.<br />
Entre 1972 et 1975, ils ont mené trois grèves de la faim pour la suppression des « traitements<br />
15
spéciaux » (Sonderbehandlung). La première grève de la faim <strong>du</strong>re 30 jours, <strong>du</strong> 17 janvier<br />
1973 au 15 février 1973, sans que les prisonniers obtiennent la suppression de l'isolement : les<br />
autorités acceptent cependant qu'Ulrike Meinhof soit transférée dans une autre aile de la<br />
prison de Cologne-Ossendorf. Le 8 mai 1973, 80 prisonniers de la R.A.F., <strong>du</strong> S.P.K. et<br />
d'autres organisations proches de la lutte armée, la plupart encore en détention préventive,<br />
entreprennent une seconde grève de la faim pour l'amélioration des conditions de détention.<br />
Les autorités pénales réagissent en ordonnant la nutrition forcée. A la prison de Ziegenheim<br />
dans la Hesse, on supprime l'eau à Andreas Baader pour le contraindre à manger et il tombe<br />
dans le coma à la fin <strong>du</strong> troisième jour. Finalement les prisonniers mettent fin à cette grève<br />
sans avoir rien obtenu.<br />
Les avocats des prisonniers multiplient les conférences de presse pour alerter et mobiliser<br />
l'opinion publique. Différents comités d'aide aux prisonniers, « Secours <strong>Rouge</strong> », « Secours<br />
Noir », qui existent dans toutes les grandes villes depuis le mouvement étudiant, soutiennent<br />
les revendications des prisonniers et font un travail d'information. Plus tard, des « Comités<br />
contre la torture par isolement » se créent qui soutiennent non seulement les revendications<br />
des prisonniers de la R.A.F. mais également leur ligne politique, ce que ne faisaient pas<br />
obligatoirement les « Secours <strong>Rouge</strong> » et « Secours Noir ».<br />
La création de ces comités, qui parfois travaillent avec les avocats, correspond à une nouvelle<br />
stratégie des prisonniers de la R.A.F. qui veulent voir se développer à partir des luttes contre<br />
les conditions spéciales de détention un mouvement de solidarité avec la politique de la<br />
R.A.F. A partir de 1975, de tels comités se créent aussi à l'étranger : Paris, Milan, Bruxelles,<br />
Amsterdam et Athènes. Ils apportent dans les limites de la légalité tout le soutien possible à la<br />
lutte de la R.A.F. ; ils tra<strong>du</strong>isent et diffusent les textes <strong>du</strong> groupe et ils tentent de mobiliser<br />
l'opinion publique et les intellectuels sur le problème des conditions de détention et des<br />
atteintes aux droits de la défense.<br />
Au cours de la plus longue et dernière grève de la faim qui <strong>du</strong>ra 145 jours, <strong>du</strong> 13 septembre<br />
1974 au 5 février 1975, Holger Meins meurt à la prison de Wittlich. En alimentation forcée<br />
depuis plusieurs semaines, il ne recevait chaque jour que 400 calories au lieu des 1200<br />
calories minimum nécessaires à la survie.<br />
Le père d'Holger Meins ainsi que les avocats portent plainte contre les autorités de la prison et<br />
contre le médecin de Wittlich, le Dr Hütter. La mort d'Holger Meins déclenche un vaste<br />
mouvement de solidarité avec les prisonniers politiques en grève de la faim. Partout des<br />
manifestations sont organisées, à Berlin 10 000 personnes défilent dans les rues, promenant de<br />
grands panneaux avec les photos d'Holger Meins au côté d'un martyr anonyme d'Auschwitz,<br />
deux corps nus interchangeables dans leur squelettique maigreur.<br />
Cette effrayante photo d'Holger Meins est affichée dans toutes les villes de R.F.A. et<br />
également dans de grandes villes européennes : Paris, Amsterdam, Bruxelles. A Berlin, un<br />
groupe de 200 étudiants et professeurs commence une grève de la faim dans les locaux de<br />
l'Université par solidarité avec les détenus. Enfin 2000 personnes, dont Rudi Dutschke, ancien<br />
leader <strong>du</strong> mouvement étudiant, assistent à l'enterrement d'Holger Meins à Hambourg. C'est la<br />
première fois que la lutte des prisonniers rencontre une telle audience.<br />
Le 4 décembre 1974, Jean-Paul Sartre rend visite à Andreas Baader à la prison de Stuttgart-<br />
Stammheim et déclare dans une conférence de presse que les conditions de détention<br />
réservées aux prisonniers de la R.A.F. auraient été dignes <strong>du</strong> régime nazi ; il annonce la<br />
création d'un comité <strong>international</strong> de défense des prisonniers politiques en Europe de l'Ouest.<br />
Peu après, le révérend Paul Osterreicher, secrétaire général d'Amnesty International pour la<br />
Grande-Bretagne, rend lui aussi visite aux prisonniers de Stammheim et le 31 décembre,<br />
l'organisation humanitaire A.I. dénonce dans un communiqué les conditions de détention des<br />
16
prisonniers de la R.A.F. Cette mobilisation <strong>international</strong>e ne peut laisser indifférentes les<br />
autorités allemandes qui sont très sensibles à la façon dont est perçue l'Allemagne à<br />
l'extérieur. Les doutes émis sur l'authenticité <strong>du</strong> système démocratique de R.F.A. leur<br />
semblent associés à un certain parti pris anti-allemand.<br />
Le 16 décembre 1974, le Président Gustav Heinemann écrit à Ulrike Meinhof pour la prier de<br />
cesser cette grève de la faim. Elle lui répond qu'« il n'y aura pas de cesse tant que les<br />
revendications ne seront pas satisfaites : regroupement des prisonniers de la guérilla ou<br />
intégration aux conditions normales de détention ».<br />
Cependant, malgré l'impact énorme qu'a eu la mort d'Holger Meins, malgré la mobilisation<br />
devenue <strong>international</strong>e, les autorités refusent de céder. Le 5 février 1975, les prisonniers de la<br />
R.A.F., tous soumis à la nutrition forcée, mettent fin à leur mouvement. Le 2 février une lettre<br />
parvenue de l'extérieur, lettre connue par eux comme authentique leur enjoignait de cesser<br />
leur grève de la faim : « Nous déclarons que la grève a atteint tout ce qu'il était possible de<br />
faire ici pour expliquer, mobiliser et organiser la politique anti-impérialiste, son escalade n'a<br />
pas été perçue comme une lutte d'une nouvelle qualité (...) Permettre que vous la prolongiez<br />
contre le calcul de la propagande étatique et l'exécution exemplaire de guérilleros<br />
emprisonnés... suffirait à donner à cette lutte l'apparence d'un acte désespéré et d'un sacrifice.<br />
Parce que la lutte pour les camarades emprisonnés est maintenant notre cause, <strong>du</strong> fait <strong>du</strong><br />
rapport de force, ne peut être que notre cause et celles de nos armes qui en décideront - Nous<br />
vaincrons - R.A.F. ».<br />
Horst Mahler, qui s'était publiquement dissocié <strong>du</strong> groupe et distancé de la politique de la<br />
R.A.F., dans une lettre publiée le 20 septembre 1974 dans Die Rote Fahne, organe <strong>du</strong> K.P.D.,<br />
avait critiqué cette grève de la faim dans une lettre adressée au Spiegel : « Seule une analyse<br />
bourgeoise et politiquement fausse permet d'espérer et d'attendre des chefs réactionnaires de<br />
la social-démocratie une amélioration de nos conditions de détention au moyen d'une pression<br />
morale. » La lettre était cosignée par Dieter Kunzelmann et Ulli Kranzusch (anciens leaders<br />
<strong>du</strong> mouvement étudiant). Avant même sa rupture avec la R.A.F., Horst Mahler, s'était opposé<br />
à la politique qui consistait à porter la lutte sur le terrain des conditions de détention. Ce<br />
désaccord joua un rôle important dans le processus de « révision » de ses conceptions<br />
politiques.<br />
Mais ces grèves de la faim menées contre des conditions extrêmement <strong>du</strong>res avaient surtout<br />
pour fonction de maintenir la cohésion <strong>du</strong> groupe. Elles étaient en effet les seules actions<br />
collectives possibles en prison. Pendant la grève de la faim, l'intérêt indivi<strong>du</strong>el est soumis au<br />
but collectif révolutionnaire et malgré l'isolement le groupe continue d'exister. En menant ces<br />
actions, la R.A.F. a aussi misé sur le développement d'une solidarité au moins émotionnelle<br />
dans la gauche allemande qui aurait pu se transformer, en solidarité politique. Il s'agissait de<br />
dévoiler le « vrai visage » de la social-démocratie, un visage brutal.<br />
Atteintes aux droits de la défense<br />
Les prisonniers de la R.A.F. ou d'autres organisations de lutte armée ainsi que les supposés<br />
sympathisants de la guérilla urbaine soupçonnés d'avoir aidé de quelque façon que ce soit les<br />
membres d'une « association criminelle » sont restés exceptionnellement longtemps en<br />
détention préventive, dans les conditions que l'on sait, à tel point que l'organisation « Amnesty<br />
International » et la commission européenne des droits de l'homme ont attiré à plusieurs<br />
reprises l'attention des autorités fédérales allemandes sur le cas de certains détenus comme<br />
Monika Berberich qui est restée plus de 40 mois en préventive dont 18 mois en isolement<br />
complet.<br />
Tous les procès contre des membres de la R.A.F. ont été entourés de mesures exceptionnelles<br />
17
de sécurité : fouilles des spectateurs et des témoins, accusés restant menottés et dans certains<br />
cas, construction d'un bâtiment spécial pour le déroulement <strong>du</strong> procès.<br />
Mais c'est le procès qui s'ouvre à Stammheim le 21 mai 1975 contre Andreas Baader, Gudrun<br />
Ensslin, Ulrike Meinhof et Jan-Carl Raspe qui sera le plus spectaculaire. La presse allemande<br />
en parle plusieurs semaines à l'avance, il est considéré comme le plus important procès<br />
d'après-guerre en Allemagne depuis Nuremberg. « Le monde entier qui doute de la réalité de<br />
notre démocratie a les yeux fixés sur Stammheim » titre le Süddeutsche Zeitung le jour de<br />
l'ouverture <strong>du</strong> procès tandis que le 13 mars 1975, devant des millions de téléspectateurs, à<br />
l'occasion <strong>du</strong> débat sur la sécurité, le chancelier Schmidt déclare : « ...Les procès <strong>du</strong> groupe<br />
Baader-Meinhof qui vont commencer ne manqueront pas de déclencher d'importantes<br />
campagnes organisées par les sympathisants. De soit disant avocats <strong>du</strong> droit venus de toutes<br />
les parties <strong>du</strong> monde viendront en R.F.A. afin d'y proclamer leur philosophie. Ils viendront<br />
afin de dénigrer notre Etat constitutionnel devant notre opinion publique, comme cela s'est<br />
déjà fait et comme cela se dessine actuellement à propos de Bückeburg. Le gouvernement<br />
fédéral attend que de telles campagnes soient réfutées avec toute la clarté et la fermeté<br />
nécessaire, comme cela a été récemment, le cas à Stuttgart, où un tribunal a refusé d'autoriser<br />
l'admission de certains de ces avocats-là. »<br />
La construction <strong>du</strong> bâtiment situé à deux cents mètres de la prison de Stuttgart- Stammheim a<br />
coûté plus de 16 millions de marks. C'est un bloc de béton dépourvu de fenêtres, entouré de<br />
barbelés, équipé d'un filet sur le toit afin de le protéger d'éventuelles attaques aériennes. Il y a<br />
trois entrées différentes, une pour la cour et les témoins de l'accusation, une pour les accusés<br />
et enfin une entrée équipée d'un système de sécurité sophistiqué, réservée aux spectateurs,<br />
journalistes et avocats qui pénètrent un à un et sont indivi<strong>du</strong>ellement fouillés. Les papiers<br />
d'identité sont examinés et gardés pendant toute la <strong>du</strong>rée de l'audience, ce qui permet le<br />
fichage des spectateurs.<br />
Le premier jour <strong>du</strong> procès, 120 spectateurs et journalistes assistent à l'audience. Parmi<br />
l'assistance on peut remarquer la présence <strong>du</strong> révérend Osterreicher, secrétaire général<br />
d'Amnesty International. Ulrike Meinhof est défen<strong>du</strong>e par l'avocat Helmut Riedel, Gudrun<br />
Ensslin par les avocats Marie-Louise Becker et Otto Schily et Jan-Carl Raspe par l'avocat<br />
Ruppert von Plottnitz. Quant à Andreas Baader, il se trouve privé, juste avant l'ouverture <strong>du</strong><br />
procès, des défenseurs qu'il avait choisis. Ses trois avocats, Klaus Croissant, Kurt Groenewold<br />
et Christian Strobele ont été exclus de la défense l'un après l'autre, les 16 avril, 2 mai et 13<br />
mai. Il ne pourra faire appel à un défenseur de son choix, Heldmann, qu'après plusieurs<br />
audiences. Ainsi, après une instruction qui aura <strong>du</strong>ré trois ans, les accusés se trouvent privés, à<br />
sept jours <strong>du</strong> procès, des trois avocats les mieux préparés et les plus au fait de la procé<strong>du</strong>re.<br />
C'est une loi entrée en vigueur le 1er janvier 1975 qui donne une base légale à cette exclusion.<br />
Cette loi dite « lex Baader-Meinhof » a permis d'exclure les avocats les plus importants <strong>du</strong><br />
procès de Stammheim ; elle contient d'autres dispositions limitant à trois le nombre de<br />
défenseurs par accusé et interdisant « la défense de plusieurs accusés par un défenseur<br />
commun ». Cette interdiction de la défense collective entraîna plusieurs autres exclusions<br />
chez les avocats de la R.A.F. car les tribunaux en ont fait une application très extensive,<br />
l'élargissant non plus simplement aux avocats d'une affaire donnée mais à tous les avocats <strong>du</strong><br />
même type d'affaires, quel que soit le nombre de procé<strong>du</strong>res distinctes ouvertes.<br />
18
Le 23 juin 1975, les avocats Klaus Croissant et Christian Strobele sont arrêtés, inculpés de<br />
« complicité avec une association de malfaiteurs ». On reproche à Klaus Croissant d'avoir<br />
servi d'intermédiaire entre les prisonniers de la R.A.F. et le journal Der Spiegel pour une<br />
interview publiée le 20 janvier 1975. Christian Strobele est accusé d'avoir communiqué aux<br />
prisonniers des actes <strong>du</strong> dossier et des informations sur la vie politique, économique, militaire<br />
en République Fédérale Allemande et dans le monde. Klaus Croissant reste sept semaines en<br />
détention et Christian Strobele cinq semaines. Ils sont accusés d'avoir facilité les rapports des<br />
prisonniers entre eux et des prisonniers avec l'extérieur, permettant ainsi, selon les termes de<br />
la décision d'exclusion, « la continuation des activités d'une association de criminels, acte de<br />
soutien punissable d'après le paragraphe 129 <strong>du</strong> code pénal ».<br />
Des perquisitions et des saisies sont opérées dans leurs bureaux ainsi que dans ceux des<br />
avocats M.L. Becker et K. Groenewold. Ce dernier est également inculpé de « complicité<br />
avec association de malfaiteurs », sans être incarcéré cependant. Entre 1975 et 1978, une<br />
trentaine de procé<strong>du</strong>res ont été engagées contre des avocats plaidant dans des affaires<br />
politiques.<br />
Au mois de septembre 1975, au cours <strong>du</strong> procès de Stammheim, les experts médicaux non<br />
attachés au corps judiciaire établissent que les prisonniers sont dans un état de santé très<br />
grave, dû à leur longue détention en isolement et qu'ils ne peuvent suivre les débats plus de<br />
deux à trois heures par jour. Par un arrêt <strong>du</strong> 30 septembre 1975, le Haut-Tribunal de Stuttgart<br />
permet alors d'exclure les prisonniers <strong>du</strong> procès si leur état de santé les rend incapables de<br />
comparaître. Cette exclusion est ratifiée par la Cour Fédérale le 22 octobre. La Cour justifie<br />
l'exclusion par l'argumentation suivante : les inculpés se seraient eux-mêmes ren<strong>du</strong>s<br />
coupables de leur incapacité à comparaître car ils ne laisseraient aux magistrats aucun autre<br />
choix que celui d'entériner les conditions spéciales de détention en raison <strong>du</strong> danger qu'ils font<br />
courir à la sécurité ; les inculpés continueraient de maintenir leurs idées en prison et auraient<br />
essayé de poursuivre leur association criminelle ; ils appartiendraient à une fraction de plus en<br />
plus restreinte de la population. Aussi les accusés furent-ils très souvent absents des débats au<br />
cours des deux années <strong>du</strong> procès de Stammheim.<br />
Dans leurs déclarations, ils refusaient de rentrer dans le détail des actions et de répondre aux<br />
questions de l'accusation. Dès le début, ils avaient déclaré endosser collectivement la<br />
responsabilité des attentats de mai 1972, et prétendaient utiliser le procès comme une tribune<br />
pour parler de leur identité politique ; leurs longs développements sur ce thème étaient le plus<br />
souvent interrompus par le procureur qui les qualifiait de « hors sujet ».<br />
Au mois de mars 1977, un nouveau scandale allait entacher davantage l'image de la justice en<br />
République Fédérale d'Allemagne. Au cours d'une conférence de presse, le ministre de la<br />
Justice et le ministre de l'Intérieur de Bade-Wurtemberg, Vogel et Maihofer reconnaissaient<br />
que les conversations confidentielles entre les avocats et leurs clients, dans la prison de<br />
Stammheim avaient été écoutées : des micros avaient été installés dans les cellules des<br />
prisonniers et les parloirs des avocats par des agents <strong>du</strong> Bundesnachrichtendienst (B.N.D.)<br />
avant même le début <strong>du</strong> procès. Les avocats exigèrent la suspension immédiate <strong>du</strong> procès, ce<br />
qui leur fut refusé ; ils cessèrent alors de participer aux audiences. C'est dans une salle vide,<br />
en l'absence des accusés et des défenseurs, que le verdict fut prononcé le 28 avril 1977 ;<br />
prison à vie pour Andreas Baader, Jan-Carl Raspe et Gudrun Ensslin. Deux des accusés <strong>du</strong><br />
procès de Stuttgart-Stammheim sont morts avant la fin de celui-ci, Holger Meins en novembre<br />
1974 et Ulrike Meinhof qui, le 9 mai 1976 au matin, a été retrouvée pen<strong>du</strong>e dans sa cellule.<br />
Aussitôt les médias avaient diffusé la nouvelle <strong>du</strong> « suicide d'Ulrike Meinhof », version que<br />
les avocats et les proches d'Ulrike contestèrent immédiatement. Une commission<br />
19
<strong>international</strong>e d'enquête fut créée à leur initiative ; elle publia un rapport, établi avec la<br />
collaboration d'experts qualifiés, qui conteste la version <strong>du</strong> suicide. Dans une conférence de<br />
presse, le 15 décembre 1978, les membres de la commission d'enquête déclarent :<br />
« (...) Les résultats de l'enquête suggèrent qu'Ulrike Meinhof était morte quand on l'a pen<strong>du</strong>e<br />
et il y a des indices troublants de l'intervention d'un tiers en relation avec cette mort. »!« La<br />
commission ne peut exprimer de certitudes sur les circonstances de la mort d'Ulrike Meinhof.<br />
Cependant, le fait qu'en dehors <strong>du</strong> personnel de la prison les services secrets avaient accès aux<br />
cellules par un passage séparé et secret autorise tous les soupçons. »<br />
Le rapport constate que les autorités commencèrent l'autopsie <strong>du</strong> corps dans des conditions de<br />
secret absolu bien avant le délai de 24 heures prévu par le droit allemand et sans autoriser le<br />
médecin de confiance, cité par la sœur d'Ulrike, à y assister. Pour l'ensemble de l'extrême<br />
gauche allemande et européenne le doute subsista quant aux circonstances exactes de la mort<br />
d'Ulrike Meinhof. Du 9 mai au 26 mai 1976, on a dénombré 11 attentats ou incendies<br />
volontaires en R.F.A. et 20 à l'étranger en relation avec cette mort, ainsi que 33 manifestations<br />
et meetings ; 4 000 personnes assistaient à l'enterrement. Cet événement n'a évidemment pas<br />
contribué à rendre l'atmosphère autour <strong>du</strong> procès de Stammheim plus sereine. Lors de<br />
l'audience <strong>du</strong> 11 mai 1976, Jan-Carl Raspe déclarait : « Nous savons qu'Ulrike n'est pas morte<br />
des suites de son isolement. Elle a été assassinée, nous ne savons pas comment mais nous<br />
savons par qui. Il y a un responsable : Buback ». Le verdict <strong>du</strong> 28 avril 1977 ne donna lieu à<br />
aucun mouvement de contestation ; dès le début <strong>du</strong> procès, il était évident que les accusés<br />
encourraient la peine maximale en République Fédérale Allemande : « la réclusion à<br />
perpétuité ».<br />
Les lois spéciales de 1975 restreignant la défense collective ont été appliquées depuis dans<br />
tous les procès politiques, notamment dans les procès concernant les manifestations contre<br />
l'agrandissement de l'aéroport de Francfort où beaucoup de manifestants interpellés se sont<br />
trouvés privés de défenseurs de leur choix, chaque avocat ne pouvant défendre qu'un seul<br />
inculpé. Le discrédit jeté sur les avocats de la <strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong>, qui ont été à plusieurs<br />
reprises victimes d'interdiction professionnelle, inculpés pour complicité avec leurs clients,<br />
arrêtés, victimes de campagne de presse, a rejailli sur l'ensemble de la profession, ce qui<br />
constitue une remise en question de fait <strong>du</strong> droit de tout accusé à être défen<strong>du</strong>.<br />
Le caractère exceptionnellement <strong>du</strong>r de la répression policière et judiciaire à l'égard des<br />
militants de la R.A.F. faisait apparaître ceux-ci non comme des délinquants ordinaires, mais<br />
comme de véritables adversaires politiques de l'Etat allemand qui, tout en simulant « l'état de<br />
guerre », s'efforçait de nier le caractère politique de l'affrontement.<br />
La résistance exemplaire que les militants de la R.A.F. opposèrent à leurs conditions de<br />
détention contribua à maintenir un courant de sympathie pour le groupe dans des cercles assez<br />
larges de l'extrême gauche et à sensibiliser l'opinion publique <strong>international</strong>e aux problèmes<br />
posés par le fonctionnement de l'appareil répressif allemand.<br />
Le traitement sans précédent en Europe, réservé aux prisonniers de la R.A.F., semblait<br />
confirmer les analyses politiques <strong>du</strong> groupe qui dénonçait la mise en place dans les sociétés<br />
in<strong>du</strong>striellement développées d'un « Nouveau Fascisme » caractérisé par l'alliance <strong>du</strong> pouvoir<br />
et de la science en vue d'assurer l'intégration forcée de chaque indivi<strong>du</strong> au « système<br />
impérialiste ».<br />
20
4. Offensive contre l'appareil d'Etat<br />
Comment la R.A.F., qui n'avait plus revendiqué aucune action depuis l'arrestation de ses<br />
principaux membres en 1972, a-t-elle pu reconstituer sa capacité offensive ? Quels sont les<br />
facteurs à l'intérieur comme à l'extérieur <strong>du</strong> groupe qui ont permis sa reconstitution ? Quel<br />
sens donner aux actions de 1977 ? La seconde phase offensive, suivie de peu par la mort des<br />
prisonniers de Stammheim, marque-t-elle la fin de la R.A.F. ?<br />
Premières tentatives de réorganisation <strong>du</strong> groupe<br />
Depuis les arrestations des principaux membres <strong>du</strong> groupe, la R.A.F. n'a plus revendiqué<br />
aucune action de guérilla jusqu'en 1975 bien que l'on puisse dénombrer en 1973 et 1974 33<br />
attentats et incendies volontaires en R.F.A. et à Berlin-Ouest. Même s'il reste encore des<br />
militants de la R.A.F. en liberté pendant ces années, ils semblent isolés et impuissants. Dans<br />
ces conditions, ce sont les actions collectives menées en prison qui se substituent aux actions<br />
de guérilla pour assurer la continuité <strong>du</strong> groupe tandis qu'à l'extérieur de la prison, les «<br />
comités contre la torture par isolement » créés à partir de 1973 jouent un rôle de relais entre<br />
les militants de la R.A.F. incarcérés et l'extérieur en répercutant et en expliquant les luttes des<br />
prisonniers. Ce sont des membres de ces comités qui à partir de 1975 reconstitueront<br />
l'organisation.<br />
Un témoignage intéressant sur le travail des « comités contre la torture par isolement » et le<br />
passage à la lutte armée de certains de leurs militants, est celui de Volker Speitel qui était<br />
membre <strong>du</strong> « Secours <strong>Rouge</strong> » de Stuttgart dès 1973 puis <strong>du</strong> « Comité contre la Torture »<br />
lequel travaillait en collaboration avec le bureau des avocats Croissant et Lang à Stuttgart.<br />
Arrêté en octobre 1977, Volker Speitel a été accusé d'appartenance à association criminelle et<br />
condamné à 38 mois de détention. Principal témoin de l'accusation dans le procès contre des<br />
militants de la R.A.F. et contre certains de leurs avocats en 1978 et 1979, il a bénéficié d'une<br />
ré<strong>du</strong>ction de peine et a été libéré en octobre 1979. En 1980, le Spiegel a publié un long récit<br />
où il explique son itinéraire politique46. D'après Volker Speitel, la mort d'Holger Meins fut<br />
pour beaucoup de militants des comités un événement décisif qui détermina certains d'entre<br />
eux à rejoindre la lutte armée : « Pour nous, cette mort a été un événement clef. Peut- être en<br />
partie parce que nous n'avions encore jamais vu avec une telle proximité et une telle intensité<br />
la souffrance et la mort et d'autre part surtout parce que nous nous sentions aussi moralement<br />
coupables. Coupables parce que nous n'avions pas pu empêcher sa mort malgré nos activités<br />
et nos efforts. La mort d'Holger Meins et la décision de prendre les armes ne faisaient<br />
qu'une.»<br />
Hans-Joaquim Klein, membre <strong>du</strong> « Secours <strong>Rouge</strong> » de Francfort en 1974, puis membre des «<br />
Cellules Révolutionnaires » (R.Z.), accorde la même importance à l'événement : « La mort<br />
d'Holger Meins fut le point décisif pour dire adieu à la politique légale, la politique de<br />
l'impuissance et de la stérilité (...) S'il me fallait encore une pichenette pour non seulement<br />
prôner la lutte armée mais aussi m'y engager moi-même : Holger Meins fut cette pichenette.<br />
Avec sa mort, l'impuissante détresse face à cet état monta tellement en moi qu'elle déborda.<br />
J'en avais fini avec la politique légale et j'étais prêt pour la lutte. Cette fois, pour de bon. ».<br />
Cependant si cet événement coïncide avec la reprise d'actions de guérilla d'une certaine<br />
envergure en R.F.A., celles-ci n'ont pas été immédiatement le fait de la R.A.F. Le lendemain<br />
de la mort d'Holger Meins, le 10 novembre 1974 le juge Günther von Drenckmann, président<br />
de la Cour suprême de Berlin, est abattu à son domicile par un petit commando, l'action est<br />
21
evendiquée par le « mouvement <strong>du</strong> 2 juin » : «... Un des responsables des conditions de<br />
détention des prisonniers politiques était le juge von Drenckmann en tant que président de la<br />
Cour suprême de Berlin. Après la mort d'Holger Meins, il a été abattu. Gunther von<br />
Drenckmann était le premier juge de Berlin, il appartenait au « noyau <strong>du</strong>r » des responsables.<br />
Il n'a pas voulu écouter nos revendications concernant les conditions de détention des<br />
prisonniers. Il était clair qu'il comptait sur de nouvelles morts de révolutionnaires dans les<br />
prisons allemandes. Qui sème la violence récoltera la violence. Nous exigeons une fois de<br />
plus la suppression des conditions de détention inhumaines dans les prisons de R.F.A, et de<br />
Berlin-Ouest. »<br />
Cette action, la première à être revendiquée par le « mouvement <strong>du</strong> 2 juin » est diversement<br />
accueillie par tous ceux qui se sont massivement mobilisés dans la lutte contre les conditions<br />
de détention, mais l'émotion provoquée par la mort d'Holger Meins a été telle que beaucoup<br />
refusent de la condamner publiquement.<br />
Le gouvernement craint que le courant de sympathie créé autour de la R.A.F. après cette<br />
longue grève de la faim et ce premier mort ne s'étende, et après l'assassinat <strong>du</strong> juge von<br />
Drenckmann une centaine de personnes sont interpellées à Francfort, Heidelberg, Munich,<br />
Hambourg et Berlin. Plus de cent appartements et locaux sont perquisitionnés. A Francfort<br />
sept personnes sont inculpées sur le seul témoignage à charge d'un ancien détenu, elles<br />
passeront plusieurs mois en détention jusqu'à ce que les accusations portées contre elles<br />
s'effondrent.<br />
Le 23 février, trois semaines après que les prisonniers de la R.A.F. eurent cessé leur troisième<br />
et plus longue grève de la faim, Peter Lorenz, député C.D.U. de Berlin et chef de l'opposition<br />
au parlement de Berlin est enlevé par un commando <strong>du</strong> « mouvement <strong>du</strong> 2 juin » qui exige en<br />
échange la libération de six prisonniers. Parmi ces prisonniers, seul Horst Mahler appartient<br />
au « noyau historique » de la R.A.F. mais il avait annoncé publiquement sa rupture avec le<br />
groupe. Le gouvernement allemand accepta immédiatement de traiter avec le commando et<br />
céda très vite à ses exigences. Six jours après l'enlèvement de Peter Lorenz, cinq des six<br />
prisonniers dont le « mouvement <strong>du</strong> 2 juin » avait exigé la libération s'envolaient à destination<br />
d'Aden. La lettre <strong>du</strong> 2 février 1975 qui aurait été adressée aux prisonniers de la R.A.F. en<br />
grève de la faim, annonçait des actions de libération de prisonniers.<br />
Mais de quelle force disposait alors la R.A.F. ?<br />
D'après le témoignage de Volker Speitel ce qui restait de la R.A.F. se ré<strong>du</strong>isait à bien peu : un<br />
appartement à Francfort, <strong>du</strong> matériel nécessaire à la fabrication de faux papiers, quelques<br />
grenades et des explosifs. Ce matériel était à la disposition d'un petit groupe de quatre<br />
personnes.<br />
L'enlèvement de Peter Lorenz en février 1975 venait de montrer qu'il était possible d'arracher<br />
au gouvernement la libération de prisonniers. D'après Volker Speitel, le petit groupe, qui<br />
tentait de se constituer en organisation de lutte armée, se serait alors vu reprocher par les<br />
prisonniers de la R.A.F. son impuissance à agir. Peut-être ces critiques et l'exemple réussi de<br />
l'enlèvement de Peter Lorenz ont-ils poussé le groupe à organiser une action de libération<br />
avant d'en avoir la capacité.<br />
Le 24 avril 1975, le « commando Holger Meins » de la R.A.F. occupe l'ambassade<br />
d'Allemagne à Stockholm et exige, en échange des onze fonctionnaires pris en otage, la<br />
libération de 26 prisonniers de la R.A.F. parmi lesquels Jan-Carl Raspe, Andreas Baader,<br />
22
Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin. Dans l'ultimatum adressé au gouvernement allemand, les<br />
membres <strong>du</strong> commando menacent d'exécuter un otage toutes les heures si les 26 prisonniers<br />
ne sont pas con<strong>du</strong>its à l'aéroport de Francfort dans les six heures qui suivent, ils affirment<br />
qu'ils feront exploser l'ambassade au moyen de quinze kilos de T.N.T. si la police donne<br />
l'assaut. Le gouvernement allemand qui a réuni un état-major de crise refuse de céder aux<br />
exigences <strong>du</strong> commando. L'attaché militaire von Mirbach puis l'attaché économique sont<br />
exécutés, mais les autorités allemandes se montrent inflexibles et autorisent le gouvernement<br />
suédois à faire donner l'assaut par une section spéciale antiterroriste. Un des membres <strong>du</strong><br />
commando est tué sur le coup, les cinq autres sont grièvement blessés. Ils sont immédiatement<br />
expulsés en Allemagne Fédérale, contre l'avis des médecins suédois qui leur donnent les<br />
premiers soins. L'un d'eux, Siegfried Hausner, meurt des suites de ses brûlures, le 4 mai 1975,<br />
à la prison de Stuttgart-Stammheim.<br />
Tous les membres <strong>du</strong> commando, à l'exception d'un seul, avaient été très proches <strong>du</strong> collectif<br />
socialiste des patients de Heidelberg, le S.P.K., créé en 1970 par un groupe de médecins,<br />
d'étudiants et de patients de la clinique psychiatrique de l'Université de Heidelberg. Siegfried<br />
Hausner avait été condamné, en 1971, à trois années de prison pour ses activités à l'intérieur<br />
de ce collectif et il n'avait été libéré que quelques mois avant la prise d'otages de l'ambassade<br />
de Stockholm.<br />
1977 : exécutions et prises d'otages<br />
Après Stockholm., il faudra attendre deux années avant qu'une action de lutte armée soit à<br />
nouveau revendiquée par la R.A.F., ce qui représente le temps nécessaire à la reconstitution<br />
d'un groupe capable d'intervenir politiquement et militairement, A partir de 1975, le travail <strong>du</strong><br />
« comité contre la torture par isolement » de Stuttgart lié au bureau Croissant, s'oriente selon<br />
une direction <strong>international</strong>e. Sous son impulsion se crée l'I.V.K.55 comité <strong>international</strong> de<br />
défense des prisonniers, qui a plusieurs sections (française, italienne, hollandaise, suisse et<br />
allemande). En vue <strong>du</strong> procès de Stammheim, les prisonniers pro<strong>du</strong>isent des textes qui se<br />
veulent une légitimation théorique et une analyse politique de l'action armée, ce qu'ils n'ont<br />
plus fait depuis 1971, date de leurs derniers écrits. Ils souhaitent que ces textes, pour la<br />
plupart des déclarations destinées à être lues devant le tribunal, soient diffusés et discutés en<br />
dehors de la prison. Le projet de tra<strong>du</strong>ire ces textes, et d'en publier un recueil dans différents<br />
pays, prend forme. Ce travail d'information, de diffusion et d'explication, est pour l'essentiel la<br />
tâche <strong>du</strong> comité de Stuttgart entre 1975 et 1977.<br />
Pendant ces deux années, plusieurs militants proches de la R.A.F. rejoignent la clandestinité.<br />
L'avocat Siegfried Haag, après avoir été condamné à un court séjour en prison pour «<br />
complicité avec ses clients » déclare le 11 mai 1975, avant de disparaître, qu' « il ne laissera<br />
pas plus longtemps sa liberté menacée par un état qui torture les prisonniers politiques, qu'il<br />
n'exercera plus sa profession d'avocat car il est temps dans le combat contre l'impérialisme de<br />
s'attacher à des tâches plus importantes ». Entre 1975 et 1977, des membres <strong>du</strong> comité de<br />
Stuttgart, et des militants d'autres comités de soutien aux prisonniers, notamment ceux de<br />
Hambourg et de Heidelberg disparaissent pour rejoindre la clandestinité. Pendant ces deux<br />
années une structure illégale se reconstitue qui fera sien le combat de la R.A.F.<br />
La première action de guérilla revendiquée au nom de la R.A.F. après la prise de l'ambassade<br />
de Stockholm est, le 7 avril 1977, l'exécution <strong>du</strong> procureur fédéral Siegfried Buback. Le<br />
communiqué, signé par le commando « Ulrike Meinhof » de la R.A.F., rend Siegfried Buback<br />
responsable, en tant que procureur fédéral, de la mort de Holger Meins, de Siegfried Hausner,<br />
et d'Ulrike Meinhof.<br />
23
A cette reprise des actions de guérilla à l'extérieur, correspond la reprise des actions<br />
collectives en prison. Le 30 mars 1977, 35 prisonniers de la R.A.F. commencent une grève de<br />
la faim, leurs revendications sont la suppression de l'isolement, le regroupement des<br />
prisonniers par cercles de quinze, la création d'une commission <strong>international</strong>e d'enquête sur<br />
les morts de Holger Meins, de Siegfried Hausner et d'Ulrike Meinhof et le démenti public par<br />
le gouvernement d'un certain nombre de fausses informations publiées par la presse. Le<br />
communiqué rédigé pour l'ensemble des prisonniers de la R.A.F. par les prisonniers de<br />
Stammheim affirme la solidarité de la R.A.F. avec les prisonniers de la résistance<br />
palestinienne en grève de la faim pour l'obtention <strong>du</strong> statut de « prisonniers de guerre », avec<br />
les grévistes de la faim de l'I.R.A. auxquels le statut de prisonnier politique est refusé et avec<br />
les prisonniers de l'E.T.A. revendiquant une amnistie en Espagne. Lors de cette quatrième<br />
grève de la faim, l'état de santé des prisonniers s'aggrave très rapidement. Le 28 avril 1975, le<br />
comité exécutif d' « Amnesty International » adresse un télégramme au gouvernement fédéral<br />
pour demander la suppression de l'isolement. Pour la première fois, le gouvernement cède aux<br />
revendications de prisonniers en grève de la faim ; le ministre de la Justice de Bade-<br />
Wurtemberg, par l'intermédiaire <strong>du</strong> directeur de la prison de Stammheim, leur donne la<br />
promesse formelle qu'ils seront mis par groupes avec possibilité d'échanges, conformément à<br />
une décision <strong>du</strong> cabinet ministériel. Les prisonniers, qui pour la première fois ne se heurtent<br />
pas à une volonté inflexible, mettent aussitôt fin à leur mouvement.<br />
L'application de la décision gouvernementale ne se fait que très lentement et partiellement de<br />
mai à août 1977. Les prisonniers qui sont exclus <strong>du</strong> processus de regroupement menacent de<br />
se remettre en grève de la faim. Finalement, trois groupes de sept à huit détenus sont créés<br />
dans les prisons de Stuttgart-Stammheim, Cologne-Ossendorf et Hambourg-Eppendorf. A<br />
Berlin-Ouest des prisonniers <strong>du</strong> « mouvement <strong>du</strong> 2 juin » sont eux aussi regroupés.<br />
La reprise d'actions à l'extérieur vient perturber ce climat apparent de détente. Le 30 juillet<br />
1977, Jürgen Ponto, Président de la Dresdner Bank, deuxième banque allemande, est abattu à<br />
son domicile par un petit commando de deux femmes et un homme. Aussitôt une offensive est<br />
déclenchée contre les « comités contre la torture » dénoncés comme organisations de<br />
recrutement pour la R.A.F. et contre le cabinet d'avocats Croissant/Newerla/Müller de<br />
Stuttgart. Le 11 juillet 1977, au cours d'une conférence de presse à Paris, l'avocat Klaus<br />
Croissant avait demandé l'asile politique à la France. L'Allemagne avait aussitôt envoyé un<br />
mandat d'arrêt <strong>international</strong>. Après la mort de Jürgen Ponto elle en envoie un second qui<br />
mentionne les relations des personnes recherchées dans le cadre de cette affaire avec Klaus<br />
Croissant. Ce dernier est accusé d'avoir soutenu « l'association terroriste de la R.A.F. en<br />
procurant une activité légale (« collaborateurs <strong>du</strong> bureau ») aux membres <strong>du</strong> groupe, laquelle<br />
leur aurait permis de couvrir leur « activité criminelle ».<br />
Le 8 août 1977, à la prison de Stuttgart-Stammheim un incident éclate entre les prisonniers de<br />
la R.A.F. et les gardiens qui essaient d'empêcher l'ouverture des portes des cellules <strong>du</strong><br />
septième étage, autorisée depuis la grève de la faim pendant plusieurs heures par jour pour<br />
permettre aux prisonniers de se rencontrer dans le couloir central et dans certaines cellules.<br />
Quarante policiers, attachés à la prison de Stuttgart-Stammheim, interviennent alors en<br />
présence <strong>du</strong> directeur de la prison et <strong>du</strong> responsable de l'administration pénitentiaire de<br />
Stammheim et frappent les sept prisonniers de Stammheim avec une brutalité telle que<br />
certains s'évanouissent. Aussitôt, l'isolement est rétabli et les prisonniers qui avaient été<br />
regroupés sont transférés dans d'autres lieux de détention. Immédiatement 48 prisonniers de la<br />
R.A.F. et <strong>du</strong> « 2 juin » ripostent par une grève de la faim et de la soif. Au bout de quelques<br />
jours, certains d’entre eux tombent dans le coma et doivent être hospitalisés.<br />
24
Gudrun Ensslin écrit le 12 août 1977 au Président Foth de la 2e chambre <strong>du</strong> tribunal de<br />
Stuttgart :<br />
« Vous prendrez conscience <strong>du</strong> fait que vous ne pouvez pas enfermer pendant six ans des<br />
êtres humains comme des animaux dans des caisses, et vous changerez les conditions de<br />
détention selon les demandes des médecins et cela conformément :!- à la déclaration des droits<br />
de l'homme de 1984 : art. 5, 6, 7, 8, 10, 11 et 30 ; à la convention de Genève de 1949 en ce<br />
qui concerne le traitement des prisonniers de guerre : articles 3, 4, 7, 13 et 17 ;!- aux<br />
conclusions de la conférence pour la sécurité et la coopération en Europe ; ou alors vous<br />
n'aurez plus de prisonniers ; c'est une décision irrévocable de notre part que des « mesures<br />
médicales » ne pourront retarder un jour de plus. »<br />
Mais cette fois les autorités fédérales refusent de négocier. Le procureur fédéral Kurt<br />
Rebmann déclare dans une interview au journal Welt am Sonntag : « La population entend<br />
que ces gens soient sévèrement traités, comme ils le méritent, à la mesure des actes qu'ils ont<br />
commis. »<br />
Aussi le 2 septembre 1977, les prisonniers en grève de la faim et de la soif qui, à l'exception<br />
des 4 prisonniers de Stammheim, Irmgard Möller, Gudrun Ensslin, Andreas Baader et Jan-<br />
Carl Raspe sont tous soumis à la nutrition forcée, décident d'arrêter leur mouvement. Un<br />
membre d'Amnesty International leur a annoncé que la tentative de conciliation entreprise par<br />
le comité exécutif <strong>international</strong> était interrompue parce que la situation s'était totalement<br />
<strong>du</strong>rcie et que le procureur fédéral avait décidé de faire un exemple avec les prisonniers après<br />
l'action contre Jürgen Ponto. Continuer la grève de la faim, et de la soif dans ces conditions,<br />
c'était se condamner à mort.<br />
Trois jours plus tard, une nouvelle action de l'extérieur est tentée pour obtenir la libération des<br />
prisonniers. Le 5 septembre 1977, à Cologne, Hans-Martin Schleyer, Président <strong>du</strong> syndicat<br />
des patrons et de l'association des in<strong>du</strong>striels allemands, est enlevé par un commando de la<br />
R.A.F. Ses trois gardes <strong>du</strong> corps et son chauffeur sont abattus. Onze prisonniers de la R.A.F.<br />
sont demandés en échange de Schleyer. Le commando Siegfried Hausner de la RA.F. exige<br />
que Denis Payot, secrétaire général de la fédération <strong>international</strong>e des droits de l'homme à<br />
l'O.N.U. ainsi que le pasteur Niemoller accompagnent les prisonniers jusque dans le pays<br />
d'accueil. Le premier ultimatum est fixé au mardi 6 septembre. Le gouvernement allemand<br />
propose au commando la médiation de Denis Payot et engage aussitôt des négociations<br />
secrètes.<br />
Réactions anti-françaises dans la presse allemande<br />
Les contrôles et les perquisitions se multiplient dans les milieux d'extrême-gauche. Plusieurs<br />
membres des « comités de soutien aux prisonniers » et des collaborateurs <strong>du</strong> bureau Croissant,<br />
jusqu'ici légaux, figurent sur les listes des personnes recherchées et doivent devenir<br />
clandestins.<br />
Les autorités allemandes reprochent à la France d'une part de n'avoir fait aucun effort pour<br />
arrêter Klaus Croissant qui a eu à deux reprises la possibilité de s'exprimer à la télévision<br />
française alors qu'il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt <strong>international</strong>, et d'autre part de ne pas<br />
coopérer aux recherches entreprises pour découvrir les ravisseurs de Hans-Martin Schleyer,<br />
lesquels, selon le B.K.A., pourraient se trouver sur le territoire français.<br />
Depuis la dernière grève des prisonniers de la R.A.F. en août 1977 et depuis que Klaus<br />
25
Croissant s'est réfugié en France, un débat sur les conditions sociales et politiques en<br />
République Fédérale Allemande s'est engagé dans la presse française ; celui-ci est interprété<br />
en Allemagne comme l'expression d'un sentiment germanophobe. Aussi la presse française<br />
est-elle violemment attaquée par les journalistes ouest-allemands, des plus réactionnaires aux<br />
plus libéraux. Le journal Bild de Springer parle d'une « campagne systématique de haine<br />
organisée contre l'Allemagne » (Bild, 4 septembre 1977) tandis que le Frankfurter Allgemeine<br />
Zeitung dénonce « les corbeilles d'or<strong>du</strong>res politiques qui sont déversées sur la R.F.A ».<br />
(F.A.Z., 13 septembre 1977.) Le Frankfurter Rundschau reproche au journal Le Monde « ses<br />
insultes et son dénigrement systématique » (F.R., 9 septembre 1977) et le Spiegel lui attribue<br />
« une profonde tendance antigermanique » (12 septembre 1977). Le journaliste Bernhard<br />
Heinrich <strong>du</strong> Frankfurter Allgemeine Zeitung écrit : « Nous en avons assez d'être en<br />
permanence confrontés à tous ces slogans politiques tels que « Berufsverbote », « chasse aux<br />
sorcières » ou « déprivation sensorielle », tous ces slogans infâmes qui s'implantent d'autant<br />
mieux dans l'opinion publique qu'ils sont imprécis et inexacts. Cela commence aussi à nous<br />
énerver sérieusement d'être informés par le menu de tous les détails concernant le<br />
déroulement de la grève de la faim, que nous le voulions ou non. » Un texte de Jean Genet<br />
«Violence et Brutalité», paru dans la rubrique « Point de vue » <strong>du</strong> Monde et qui n'engage en<br />
rien la responsabilité de la rédaction <strong>du</strong> journal, porte l'exaspération à son comble. Le<br />
Süddeutsche Zeitung parle de ce texte comme <strong>du</strong> « pro<strong>du</strong>it d'un esprit malade » tandis que Die<br />
Welt évoque « la perversion ».<br />
C'est dans ce contexte que se pro<strong>du</strong>it l'enlèvement de Hans-Martin Schleyer. Le consensus ne<br />
se créera pas autour de cet événement car la presse française, contrairement à la presse<br />
allemande, mentionne en général le passé <strong>du</strong> président <strong>du</strong> patronat allemand. En effet, celui-ci<br />
avant d'être le symbole d'un certain patronat de combat est surtout le symbole de l'intégration<br />
des anciens cadres nazis dans là République Fédérale Allemande. Membre des!« Jeunesses<br />
Hitlériennes » dès 1931, il revêt trois ans plus tard à l'âge de 19 ans l'uniforme S.S. sous le<br />
numéro « 227 014 ». A partir de 1933, il dirige à Heidelgerg le Reichsstudenten Werk (office<br />
des étudiants <strong>du</strong> Reich), organisme chargé de nazifier les universités, puis il est nommé à<br />
Innsbruck et enfin à Prague après l'annexion de la Tchécoslovaquie. Pendant la guerre, il est<br />
nommé responsable <strong>du</strong> Zentralverbrand für Boehmen und Moehren dont la fonction consiste<br />
à intégrer l'in<strong>du</strong>strie de Bohème-Moravie dans celle de l'Allemagne nazie. Arrêté à la fin de la<br />
guerre par les troupes françaises, il a été libéré après trois années d'emprisonnement. A partir<br />
de 1948, il a siégé au sein de différents conseils d'administration dont celui de Daimler Benz<br />
avant d'accéder en 1973 à la présidence <strong>du</strong> patronat allemand. Le rappel de ce passé<br />
encombrant par la presse et la télévision française est interprété en Allemagne comme une<br />
nouvelle marque de complaisance envers « le terrorisme ».<br />
Mogadiscio<br />
Les négociations entre le commando « Siegfried Hausner » de la R.A.F. et les autorités<br />
allemandes traînent. Le gouvernement allemand donne l'impression de chercher à gagner <strong>du</strong><br />
temps. Le 27 septembre 1977, l'A.F.P., Libération, France-Soir ainsi que l'Agence<br />
Télégraphique Suisse et deux journaux néerlandais reçoivent une photo de Schleyer<br />
accompagnée d'un communiqué qui exige que les recherches entreprises en France, en<br />
Hollande et en Suisse cessent immédiatement. Le 7 octobre, 32 jours après l'enlèvement, les<br />
mêmes organes de presse reçoivent une seconde lettre <strong>du</strong> commando.<br />
Au moment où tout semble indiquer que le gouvernement allemand ne cédera pas aux<br />
exigences <strong>du</strong> commando et sacrifiera Schleyer, un élément nouveau intervient : le 13 octobre<br />
1977, un Boeing de la Lufthansa assurant la liaison Palma de Majorque-Francfort est<br />
26
détourné. Le commando « Martyr Halimeh » de la S.A.W.I.O.(struggle against world<br />
imperialism organisation) exige la libération des onze prisonniers de la R.A.F. demandés par<br />
le commando « Siegfried Hausner » de la R.A.F. et la libération de deux Palestiniens :<br />
Mohamed Mehdi Zinh et Hussein Mohamed Alreshid, emprisonnés en Turquie pour avoir<br />
attaqué un avion d'El Al à l'aéroport d'Istanbul, le 11 août 1977.<br />
Le Boeing détourné atteint Chypre où le représentant de l'O.L.P. à Nicosie tente d'engager le<br />
dialogue avec les membres <strong>du</strong> commando qui refusent. L'O.L.P. déclare alors qu'elle n'a<br />
aucun lien avec ce commando et condamne cette action. Le 14 octobre, le Boeing gagne<br />
Dubaï, l'ultimatum adressé au gouvernement allemand expire le 16 octobre à huit heures<br />
G.M.T. et aucune des capitales arabes n'accepte que l'avion se pose sur leur territoire. Le 15<br />
octobre Libération et l’A.F.P. reçoivent un double communiqué <strong>du</strong> commando « Siegfried<br />
Hausner » et <strong>du</strong> commando « Martyr Halimeh », ce qui indique une coordination entre les<br />
deux actions même si le détournement d'avion n'était pas prévu dès l'enlèvement de Schleyer.<br />
C'est la première fois que la R.A.F. se retrouve associée à une action menée par des militants<br />
palestiniens. Après que l'avion détourné se fut posé à Mogadiscio le 17 octobre 1977 malgré<br />
l'interdiction des autorités somaliennes, le commando abat le commandant de bord en signe<br />
d'avertissement et expulse son corps de l'appareil. Le soir même, à 23 heures, la section<br />
allemande antiterroriste G.S.G. 9 donne l'assaut au Boeing : tous les otages sont libérés, trois<br />
membres <strong>du</strong> commando sont tués, le quatrième, une jeune femme est grièvement blessée. Le<br />
chancelier Schmidt, triomphant, annonce qu'il a pu compter sur «l'aide active » de la Grande-<br />
Bretagne, de la France, de l'U.R.S.S., de la R.D.A., des U.S.A., de la Grèce, de l'Arabie<br />
Saoudite et de la Somalie et que cette nouvelle solidarité <strong>international</strong>e a permis le succès de<br />
l'opération.<br />
Mort à Stammheim<br />
Le 18 octobre au matin, on annonce la mort d'Andreas Baader, Jan-Carl Raspe et Gudrun<br />
Ensslin, une quatrième prisonnière Irmgard Möller a été retrouvée dans un état grave, la<br />
poitrine lacérée de coups de couteau. « Suicide collectif » dit la version officielle.<br />
Cette fois, les contradictions des rapports officiels sont encore plus flagrantes que dans le cas<br />
de la mort d'Ulrike Meinhof : la balle qui a provoqué la mort d'Andreas Baader est entrée dans<br />
la nuque pour ressortir par le front, les traces de poudre se trouvaient sur sa main droite alors<br />
qu'il était gaucher, l'arme qui aurait servi au « suicide » de Jan-Carl Raspe a été retrouvée<br />
dans sa main alors que tous les médecins légistes s'accordent pour dire que le suicidé laisse<br />
échapper son arme, enfin des hématomes suspects sont observés sur le corps de Gudrun<br />
Ensslin.<br />
Lorsque Irmgard Möller, survivant à ses blessures aura recouvré assez de force pour pouvoir<br />
s'entretenir avec son avocate, la version qu'elle donnera des faits accréditera la thèse de<br />
l'assassinat. Elle niera avoir voulu se donner la mort en se poignardant la poitrine. Elle se<br />
rappellera avoir soudain per<strong>du</strong> connaissance et s'être réveillée dans le couloir central de la<br />
prison, sur un brancard, couverte de sang. Elle aurait alors enten<strong>du</strong> des voix dire « Baader et<br />
Ensslin sont froids » (tra<strong>du</strong>ction littérale). Selon elle, son évanouissement aurait été provoqué<br />
par <strong>du</strong> gaz soporifique lancé dans sa cellule par une bouche d'aération, Irmgard Möller a<br />
expliqué que pendant toute cette période d'isolement, elle, et les autres détenus de<br />
Stammheim, n'étaient pas au courant de ce qui se passait à l'extérieur. Elle avait, cependant,<br />
appris l'enlèvement de Schleyer avant que les mesures d'isolement n'entrent en vigueur.<br />
27
Selon les experts et les médecins qui réalisèrent l'autopsie, les détails troublants concernant<br />
les conditions de la mort des trois prisonniers ne suffisent pas à prouver qu'ils ont été<br />
exécutés.<br />
Cependant, l'hypothèse <strong>du</strong> suicide, pose deux problèmes non résolus jusqu'à aujourd'hui.<br />
Comment des armes auraient-elles pu être intro<strong>du</strong>ites, puis dissimulées à l'intérieur de la<br />
prison de Stammheim ? Volker Speitel et Hans-Joaquim Dellwo, anciens membres <strong>du</strong> bureau<br />
Croissant et <strong>du</strong> « comité contre la torture » de Stuttgart qui ont collaboré avec l'Accusation<br />
ont mis en cause les avocats Armin Newerla et Arnt Müller : ceux-ci auraient transporté les<br />
armes en pièces détachées dissimulées dans les dossiers préalablement découpés. Cette<br />
accusation repose sur la base fragile <strong>du</strong> seul témoignage de ces deux « repentis ». Avant<br />
chaque entretien avec les prisonniers, les avocats étaient fouillés comme n'importe quel<br />
visiteur, les prisonniers étaient examinés au retour de chaque séance de parloir, des fouilles<br />
très fréquentes étaient opérées dans les cellules. Dans ces conditions, l'explication fournie par<br />
Volker Speitel et Hans-Joaquim Dellwo est peu satisfaisante.<br />
Comment les prisonniers auraient-ils appris l'échec <strong>du</strong> commando « Siegfried Hausner » et <strong>du</strong><br />
commando « Martyr Halimeh » et comment auraient-ils pu organiser leur suicide ? En effet<br />
depuis l'instauration de la loi sur l'interdiction de communiquer Kontaktsperrensgesetz »,<br />
quelques jours après l'enlèvement de Schleyer, les prisonniers étaient à l'isolement complet :<br />
les visites des avocats et de la famille avaient été supprimées, les journaux et le courrier<br />
étaient interdits et les prisonniers ne pouvaient plus communiquer entre eux. On aurait<br />
retrouvé un poste de radio dans la cellule de Jan-Carl Raspe et une installation électrique dans<br />
les cellules permettant aux prisonniers de communiquer en morse. Mais même si les mesures<br />
exceptionnelles d'isolement ont pu être en partie contournées, un système de communication<br />
aussi sommaire aurait difficilement permis à quatre personnes de s'entendre pour se donner<br />
simultanément la mort. S'ils ont pu le faire de cette manière, c'est que la décision <strong>du</strong> « suicide<br />
collectif » était antérieure à la période d'isolement, et que cette « solution » avait déjà été<br />
discutée et approuvée.<br />
Le suicide aurait alors été réalisé de telle sorte que l'on croie à un assassinat. « On peut<br />
pousser la perfidie au point de faire passer son propre suicide pour une exécution » dira à ce<br />
propos Werner Maihofer, ministre de l'Intérieur. Pour simuler ainsi une exécution collective,<br />
il aurait fallu croire à une mobilisation de l'opinion publique en R.F.A. ou à l'étranger. Les<br />
prisonniers de la R.A.F. le pouvaient-ils encore ? Depuis l'enlèvement de H.M. Schleyer, des<br />
voix se faisaient entendre qui réclamaient l'exécution automatique des prisonniers en cas de<br />
demande de libération liée à une prise d'otages; l'extrême gauche allemande, qui ne se<br />
manifestait plus depuis longtemps que pour se démarquer de la R.A.F., avait per<strong>du</strong> toute<br />
capacité d'indignation. A l'étranger, il y eut bien quelques attentats et manifestations mais qui<br />
restent très dérisoires par rapport à ce contre quoi elles entendaient protester : l'assassinat de<br />
trois prisonniers.<br />
C'est pourquoi l'hypothèse de l'exécution doit être envisagée ; elle soulève bien sûr de<br />
nombreux problèmes, en tout premier lieu celui de l'identité des tueurs.<br />
Le texte écrit à propos de cet événement en novembre 1977 par Jean Baudrillard qui<br />
dénonçait le côté morbide, voire obscène, de la polémique sur la mort des prisonniers, sonne<br />
aujourd'hui encore juste :<br />
« Même si cette vérité éclatait (si dans quinze ans on établit enfin que Baader a été froidement<br />
liquidé), cela ferait tout juste un scandale et aucun pouvoir ne s'en effraiera, il changera<br />
28
d'équipe s'il le faut. Le prix de la vérité pour le pouvoir est superficiel.... Bonne opération sous<br />
laquelle la mort de Baader risque d'être définitivement enterrée.... Tout le monde s'épuise dans<br />
l'argumentation et dans la mise au point - mise au point renforcée par la mise en scène et<br />
jouant comme dissuasion gigantesque de la mise à mort et de la mise en jeu - tout le monde, et<br />
surtout les révolutionnaires qui voudraient bien que Baader ait été "assassiné". Charognards<br />
de la vérité eux aussi. Qu'est-ce que ça peut bien faire, suicidé ou liquidé ? Mais c'est que,<br />
voyez-vous bien, s'ils ont été liquidés et qu'on peut en faire la preuve, alors les masses,<br />
guidées par la vérité des faits, sauront que l'Etat allemand est fasciste, et se mobiliseront pour<br />
les venger. Foutaises. Une mort est romanesque ou elle ne l'est pas... »<br />
Le 19 octobre 1977, le corps de Hans-Martin Schleyer était retrouvé à Mulhouse dans le<br />
coffre d'une voiture. C'est en termes assez laconiques que le commando « Siegfried Hausner »<br />
revendique son exécution :<br />
« Après 43 jours, nous avons mis fin à la misérable existence corrompue de Hans- Martin<br />
Schleyer. Schmidt, qui, dans son calcul de pouvoir, a, depuis le début, spéculé avec la mort de<br />
Schleyer, peut aller en prendre livraison rue Charles Péguy à Mulhouse, dans une Audi 100<br />
verte, immatriculée à Bad-Hombourg. Sa mort est sans commune mesure avec notre douleur<br />
et notre colère après les massacres de Mogadiscio et de Stammheim. »<br />
Le 28 octobre 1977, les prisonniers sont enterrés au « Waldfriedhof » à Stuttgart. Le maire de<br />
Stuttgart, membre <strong>du</strong> C.D.U. et fils <strong>du</strong> général Rommel, malgré les pressions dont il a été<br />
victime (lettres anonymes, articles dans la presse), a tenu à ce que les vœux <strong>du</strong> pasteur Ensslin<br />
concernant le lieu d'inhumation soient respectés. Rommel se dira effrayé <strong>du</strong> climat de haine<br />
sévissant parmi la population. Malgré la suspicion généralisée qui règne à ce moment-là en<br />
République Fédérale Allemande, mille personnes environ assistent à l'enterrement. Parmi<br />
elles, Manolis Glezos, le résistant grec qui arracha le 31 mai 1941 le drapeau nazi flottant sur<br />
l'Acropole ; il déclare : « Pour nous qui avons lutté contre le fascisme le fait que ce crime<br />
inhumain ait lieu en Allemagne prend une dimension particulière. » L'I.R.A. a envoyé un<br />
message de solidarité.<br />
Deux semaines plus tard, Ingrid Schubert, militante de la R.A.F. arrêtée en octobre 1970 et<br />
condamnée à 13 ans de prison, est retrouvée pen<strong>du</strong>e dans sa cellule de la prison de Munich-<br />
Stadelheim. Comme Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Jan-Carl Raspe et Irmgard Müller,<br />
Ingrid Schubert figurait sur la liste des prisonniers dont le commando « Siegfried Hausner »<br />
demandait la libération.<br />
Le jeudi 10 novembre 1977, deux jours avant sa mort, son avocat, Maître Bendler lui avait<br />
ren<strong>du</strong> visite. Ils avaient évoqué les événements de Stammheim et Ingrid Schubert avait<br />
affirmé qu'il n'était pas question pour elle de mettre fin à ses jours. Mais cette déclaration<br />
même sera utilisée comme argument par les tenants de la thèse <strong>du</strong> suicide. De même la lettre<br />
rédigée par Klaus Croissant à la veille de son extradition, le 16 novembre 1977: « Je ne vais<br />
jamais mettre fin à ma vie par suicide. Si on devait apprendre ma mort dans une prison<br />
allemande, ne croyez pas aux mensonges de mes assassins » inspira la déclaration suivante au<br />
procureur fédéral de Stuttgart : « Maintenant personne ne sera étonné si on apprend que Klaus<br />
Croissant s'est suicidé, après la lettre qu'il a écrite. »<br />
L'enlèvement de Hans Martin Schleyer et le détournement <strong>du</strong> Boeing de la Lufthansa auront<br />
été les dernières actions entreprises pour obtenir la libération de prisonniers politiques ouestallemands.<br />
Si les prisonniers de Stammheim avaient été exécutés pour empêcher toute<br />
nouvelle tentative de libération par prise d'otages, le but aurait été atteint. Souvenons-nous des<br />
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paroles d’Herold : « Imaginons les personnes de Baader et Meinhof disparues, le terrorisme se<br />
serait-il seulement développé en R.F.A. ? »<br />
En 1977, ce n'est plus l'armée américaine mais l'Etat allemand qui est visé à travers la<br />
personne de dirigeants politico-économiques tels que Ponto ou Schleyer ; les nouveaux<br />
militants de la R.A.F. sont passés de l'attaque contre les biens à l'attaque contre les personnes.<br />
Le groupe, qui s'est reconstitué autour des comités de soutien aux prisonniers de la R.A.F., ne<br />
répond plus « aux crimes <strong>du</strong> système impérialiste » mais « aux crimes de l'Etat allemand » :<br />
les expériences de privation sensorielle auxquelles sont soumis les prisonniers, la mort<br />
d'Holger Meins et celle d'Ulrike Meinhof.<br />
Les actions de la seconde phase offensive ont encore été plus critiquées par l'extrême gauche<br />
légale que les attentats anti-américains de 1972 qui intervenaient dans un contexte de<br />
mobilisation générale contre la guerre <strong>du</strong> Vietnam ; beaucoup de ceux qui avaient accueilli<br />
favorablement les premières actions <strong>du</strong> groupe, accusent la R.A.F. d'être devenue, cinq années<br />
plus tard, une organisation de libération de ses propres militants.<br />
Le capital de sympathie, que les militants de la R.A.F. avaient su entretenir par leur lutte<br />
intransigeante en prison et pendant les procès, a été ébranlé par les actions de 1977, en<br />
particulier celle de Mogadiscio menée par des militants palestiniens solidaires de la RA.F. La<br />
pratique <strong>du</strong> détournement d'avion venait contredire un des principes essentiels <strong>du</strong> groupe<br />
allemand qui était de ne pas concevoir d'actions comportant le risque de tuer ou blesser des<br />
civils. Cette prise d'otages affaiblissait l'image morale et politique de l'organisation. Cette<br />
action intervenait au moment où la R.A.F., qui avait su mobiliser les grandes organisations<br />
humanitaires comme Amnesty International ou la Ligue des droits de l'homme, avait atteint<br />
l'un de ses buts : dénoncer sur la scène <strong>international</strong>e le fonctionnement des institutions<br />
allemandes. Mogadiscio détruisit cet acquis et la réaction au « suicide collectif » controversé<br />
de Stammheim resta modérée en Allemagne comme à l'étranger.<br />
La coupure avec l'extrême gauche européenne était à ce moment consommée et devait rendre<br />
difficile toute future jonction entre la R.A.F. et les mouvements sociaux à venir, en particulier<br />
le mouvement pacifiste qui s'est développé à partir de 1980 autour des thèmes qui étaient<br />
chers aux premiers militants <strong>du</strong> groupe.<br />
La R.A.F. n'a cependant pas été anéantie en 1977; d'autres militants se sont regroupés sous ce<br />
sigle pour revendiquer de nouvelles actions. Tandis que les deux autres organisations de<br />
guérilla ouest-allemande, le mouvement <strong>du</strong> 2 juin et les Cellules révolutionnaires, se sont<br />
effondrées, la RA.F. a su rester un pôle de référence pour les partisans de la violence<br />
révolutionnaire.<br />
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Chronologie.<br />
2 juin 1967<br />
Manifestations contre la visite d’Etat <strong>du</strong> Shah d’Iran à Berlin, <strong>du</strong>rant lesquelles un étudiant<br />
nommé Benno Ohnesorg est tué par un policier.<br />
17-18 février 1968<br />
Rudi Dutscke prononce un discours contre la guerre <strong>du</strong> Vietnam devant des milliers<br />
d’étudiants à l’Université technique de Berlin. Il s’ensuit de violentes manifestations<br />
étudiantes à Berlin-Ouest contre l’intervention américaine au Vietnam.<br />
31
2-3 avril 1968<br />
Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Thorwald Proll et Horst Söhnlein mettent le feu à un grand<br />
magasin de Francfort pour protester contre le génocide au Vietnam. Arrestation dès le<br />
lendemain des incendiaires.<br />
11 avril 1968<br />
Attentat contre Rudi Dutschke. Le responsable de la Fédération des étudiants socialistes<br />
allemands (SDS) est grièvement blessé par un extrémiste de droite. Manifestations à Berlin-<br />
Ouest et dans toute l’Allemagne de l’Ouest contre le groupe de presse Springer, accusé<br />
d’avoir, par ses diatribes anti-gauchistes, encouragé cet acte criminel.<br />
29 mai 1968<br />
Adoption des lois sur l’état d’urgence (Notstandgesetze) par le Bundestag.<br />
14 octobre 1968<br />
Début <strong>du</strong> procès contre les incendiaires <strong>du</strong> grand magasin.<br />
31 octobre 1968<br />
Les incendiaires <strong>du</strong> grand magasin sont condamnés à une peine de trois ans de prison.<br />
13 juin 1969<br />
Les incendiaires <strong>du</strong> grand magasin sont libérés en attendant le verdict de leur appel.<br />
26 juin 1969<br />
Le Bundestag étend le délai de prescription de trente ans à dater de janvier 1950, afin<br />
d’engager des procé<strong>du</strong>res judiciaires contre les criminels nazis.<br />
Juin-novembre 1969<br />
Ensslin et Baader dirigent un collectif jeunes en attendant le début de leur procès en appel.<br />
32
11 novembre 1969<br />
L’appel des incendiaires est rejeté. Baader et Ensslin disparaissent dans la clandestinité,<br />
d’abord en France, puis en Italie.<br />
Février 1970<br />
Baader et Ensslin rentrent à Berlin et rencontrent Ulrike Meinhof.<br />
4 avril 1970<br />
Andreas Baader est arrêté lors d’un contrôle routier et incarcéré.<br />
14 mai 1970<br />
Baader est libéré par Meinhof, Ensslin et d’autres. Un employé <strong>du</strong> « Deutsches Zentralinstitut<br />
für soziale Fragen » (Institut central allemand pour les affaires sociales) est tué. Cette<br />
libération est considérée comme la naissance de la <strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong>, RAF (Rote Armee<br />
Fraktion).<br />
22 mai 1970<br />
L’action de libération est revendiquée dans un texte publié dans un journal contestataire<br />
berlinois et intitulé « construire l’<strong>Armée</strong> rouge ».<br />
8 juin-5 août 1970<br />
Les premiers membres de la RAF suivent un entraînement militaire dans un camp de<br />
L’Organisation de libération de la Palestine en Jordanie.<br />
29 septembre 1970<br />
La RAF commet trois cambriolages de banques à Berlin et emporte plus de 200000 DM<br />
(environ 100000 euros).<br />
8 octobre 1970<br />
Arrestation de cinq membres <strong>du</strong> groupe : Horst Mahler, Ingrid Schubert, Monika Berberich,<br />
Irene Goergens, Brigitte Asdonck. Inauguration d’un nouveau système de détention<br />
comportant l’isolement total.<br />
15 janvier 1971<br />
Deux attaques de banques. 110000 DM sont emportés.<br />
10 février 1971<br />
Fusillade à Munich entre la police et des terroristes supposés.<br />
6 mai 1971<br />
Astrid Proll est arrêtée.<br />
24 juin 1971<br />
En RFA, arrestation de Wolfgang et Ursula Hubert et de cinq autres membres <strong>du</strong> SPK.<br />
15 juillet 1971<br />
Raid massif de la police dans le nord de l’Allemagne. Première mort d’un membre de la<br />
RAF : Petra Schelm est tuée.<br />
33
1 er septembre 1971<br />
Horst Herold devient président de la BKA (Agence fédérale d’investigation criminelle) et<br />
révolutionne les méthodes d’enquête, en utilisant les nouvelles technologies informatiques.<br />
20 octobre 1971 Le prix Nobel de la paix est attribué à Willy Brandt-chancelier de la RFA de<br />
1969 à 1974-pour sa politique de rapprochement entre l’Allemagne de l’Ouest et le bloc de<br />
l’Est.<br />
22 octobre 1971<br />
Fusillade, à Hambourg, entre les policiers et les membres de la RAF. Mort <strong>du</strong> policier Norbert<br />
Schmidt. Margit Schiller est arrêtée.<br />
4 décembre 1971<br />
A Berlin, la police abat Georg von Rauch, membre de la RAF. Manifestations à Berlin et dans<br />
toute l’Allemagne.<br />
22 décembre 1971<br />
Attaque de banque, au cours de laquelle un policier est tué. Butin : 135000 DM. (67000<br />
euros).<br />
8 janvier 1972<br />
Le chancelier Brandt et les ministres présidents des Länder publient le décret sur les<br />
extrémistes.<br />
14 janvier 1972<br />
Karl Heinz Ruhland , (ex) membre de la RAF devenu informateur accuse, lors de son procès,<br />
de nombreuses personnalités d’avoir aidé la RAF.<br />
25 janvier 1972<br />
Manifestations à Hanovre contre la suspension <strong>du</strong> professeur Peter Brückner, suspecté d’être<br />
un sympathisant de la RAF.<br />
2 mars 1972<br />
Thomas Weisbecker (mouvement <strong>du</strong> 2 juin) est abattu à Augsbourg par la police. Arrestation<br />
de Carmen Roll, à Hambourg, l’arrestation de Manfred Grashof et Wolfgang Grundmann<br />
(RAF) dégénère. En fusillade. Mort d’un commissaire de police.<br />
11 mai 1972<br />
Explosion de trois bombes au quartier général américain de Francfort. Un mort, 872000 $ de<br />
dégâts. La bande Baader-Meinhof revendique l’attentat, en demandant la fin de l’intervention<br />
américaine au Vietnam.<br />
12 mai 1972<br />
Explosion de deux bombes à la direction de la police d’Augsburg (6 personnes blessées,<br />
27000 DM de dégâts). Explosion d’une bombe sur le parking des bureaux de la police<br />
criminelle (BKA) à Munich (10 personnes blessées, 558000 DM de dégâts). Actions<br />
revendiquées par la RAF.<br />
34
15 mai 1972<br />
A Karlsruhe, explosion d’une bombe dans la voiture <strong>du</strong> juge Bubbenberg chargé de<br />
l’instruction contre les membres de la RAF. Sa femme est gravement blessée.<br />
19 mai 1972 Explosion de deux bombes à la maison d’édition Springer à Hambourg (34<br />
ouvriers blessés dont 19 grièvement, 340000 DM de dégâts). L’action est revendiquée par la<br />
RAF qui avait au préalable demandé l’évacuation de l’immeuble.<br />
24 mai 1972<br />
Explosion de deux bombes au quartier général européen de l’US Army à Heildelberg<br />
(3militaires tués, 6 blessés, 130000 DM de dégâts). La RAF revendique l’attentat qui a réussi<br />
à endommager le système informatique qui coordonne les actions de l’armée américaine au<br />
Vietnam.<br />
<strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong><br />
A propos de l'attaque <strong>du</strong> Q.G. de l'armée américaine à Francfort (14 mai 1972)<br />
Jeudi 11 mai 1972 -- le jour même <strong>du</strong> début <strong>du</strong> bombardement systématique <strong>du</strong> Nord-<br />
Vietnam par les impérialistes américains, le Commando Petra Schelm a fait sauter, avec<br />
une charge de 80 kg de T.N.T., le Quartier général <strong>du</strong> 5e corps d'armée des Forces<br />
d'occupation américaine en Allemagne de l’Ouest, basé à Francfort.<br />
L'Allemagne de l'Ouest et Berlin-Ouest ne doivent plus servir de pays de repli assuré pour<br />
les stratèges de l'extermination.<br />
Ils doivent désormais savoir que leurs crimes contre le peuple vietnamien leur ont créé de<br />
nouveaux ennemis qui s'acharneront à les combattre, qu'il n'y a plus de place pour eux dans<br />
le monde où ils puissent être en sécurité devant les attaques des unités de guérilla<br />
révolutionnaires.<br />
Nous exigeons l'arrêt immédiat <strong>du</strong> pilonnage systématique au Nord-Vietnam.<br />
Nous exigeons la cessation immédiate des bombardements au Nord-Vietnam.<br />
Nous exigeons le retrait immédiat de toutes les troupes américaines d'Indochine. Victoire<br />
pour le Vietcong !<br />
Pour l'organisation de la guérilla révolutionnaire<br />
Aie le courage de combattre et la force de vaincre<br />
Crée deux, trois, de nombreux Vietnam !<br />
Commando Petra Schelm<br />
<strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong><br />
35
27 mai 1972<br />
Tous les journaux allemands publient les photos des 19 terroristes recherchés.<br />
31 mai 1972<br />
La plus grande opération de police de l’histoire de la République Fédérale d’Allemagne a lieu.<br />
(« Aktion Wasserschlag »).<br />
1 er juin 1972<br />
Après un échange de coups de feu avec la police, Baader, Holger Meins et Jan-Carl Raspe<br />
sont arrêtés à Francfort.<br />
36
7 juin 1972<br />
Gudrun Ensslin est arrêtée dans une boutique de mode à Hambourg.<br />
9 juin 1972<br />
Arrestation à Berlin de Brigitte Mohnhaupt et de Bernhard Braun.<br />
15 juin 1972<br />
Arrestation à Hannovre d’Ulrike Meinhof et de Gerhard Müller.<br />
25 juin 1972<br />
Ian Mac Leod, citoyen britannique suspecté d’être un sympathisant de la RAF est abattu par la<br />
police dans son appartement à Stuttgart.<br />
7 juillet 1972<br />
Arrestation de Irmgard Möller et de Klaus Jünschke.<br />
13 juillet 1972<br />
Arrestation de l’avocat Jörg Lang suspecté de complicité avec la RAF.<br />
5 septembre 1972<br />
A Munich, lors des 17 ème Jeux Olympiques, le commando palestinien « septembre noir »<br />
(vraisemblablement armé avec l’aide de la RAF), tue 2 athlètes israéliens et en prend 9 en<br />
otages. L’intervention de la police allemande se soldera par la mort de 9 israéliens, d’un<br />
policier allemand et de 4 terroristes.<br />
37
17 janvier-15 février 1973<br />
1 ère grève de la faim de 40 prisonniers politiques en RFA contre les conditions de détention.<br />
Ils réclament la suppression de l’isolement.<br />
9 février 1973<br />
Des avocats manifestent devant la cour <strong>du</strong> Tribunal fédéral contre l’incarcération d’Ulrike<br />
Meinhof dans une aile silencieuse de la prison de Köln-Ossendorf.<br />
15 février 1973<br />
Transfert d’Ulrike Meinhof dans une autre aile de la prison de Köln-Ossendorf. Fin de la<br />
grève de la faim.<br />
8 mai-2 juin 1973<br />
2 ème grève de la faim des 40 prisonniers politiques contre les conditions de détention. Fin mai,<br />
l’eau est supprimée à Andreas Baader, avec l’accord <strong>du</strong> ministre de la justice. Baader tombe<br />
dans le coma.<br />
4 février 1974<br />
Christian Eckes, Helmut Pohl, Ilse Stachowiak, Eberhard Becker, Wolfgang Beer et Margrit<br />
Schiller sont arrêtés. Astrid Proll est libérée après avoir été jugée inapte à l’emprisonnement<br />
et disparaît dans la clandestinité.<br />
11-13 février 1974<br />
Grèves dans toute la RFA après l’échec des négociations salariales entre les syndicats de<br />
fonctionnaires et le gouvernement.<br />
38
27 août 1974-2 février 1974<br />
Troisième grève de la faim. Alimentation forcée de 25 prisonniers.<br />
9 novembre 1974<br />
Mort de Holger Meinz au 53 ème jour de la grève de la faim. Manifestations à Berlin-Ouest et<br />
dans plusieurs autres villes. A Hamburg, 2000 personnes, dont Rudi Dutschke, assistent à<br />
l’enterrement.<br />
39
10 novembre 1974<br />
Günther von Drenckmann, président de la Cour suprême de Berlin-Ouest, est abattu par un<br />
commando <strong>du</strong> Mouvement <strong>du</strong> 2 juin (2éme génération de la RAF).<br />
11-30 novembre 1974<br />
Série d’attentats à Berlin-Ouest et dans les villes de RFA.<br />
18 novembre 1974<br />
Dutschke lève le poing lors des funérailles d’Holger Meins et déclare « Holger, la lutte<br />
continue ».<br />
4 décembre 1974<br />
Visite de Jean-Paul Sartre à Andreas Baader en grève de la faim à la prison de Stuttgart-<br />
Stammheim.<br />
16 décembre 1974<br />
Gustav Heinemann, ancien président de la RFA écrit à Ulrike Meinhof pour lui demander de<br />
cesser la grève de la faim.<br />
31 décembre 1974<br />
Amnesty International dénonce les conditions de détention des prisonniers politiques en RFA.<br />
5 février 1975<br />
Après 145 jours, fin de la troisième grève de la faim des prisonniers de la RAF.<br />
40
27 février 1975<br />
Enlèvement de Peter Lorenz, député CDU de Berlin. Opération revendiquée par le<br />
Mouvement <strong>du</strong> 2 juin. 5 prisonniers <strong>du</strong> Mouvement sont libérés en échange <strong>du</strong> député. Horst<br />
Mahler refuse de quitter la prison.<br />
Mars 1975<br />
Les avocats K.Croissant, C. Strobele et K. Groenwold, soupçonnés de complicité avec leurs<br />
clients, sont récusés pour défendre les accusés de la RAF.<br />
24 avril 1975<br />
Occupation de l’Ambassade d’Allemagne à Stockholm par un commando de la RAF, qui<br />
demande la libération de 26 de ses prisonniers en échange des 11 fonctionnaires. La prise<br />
d’otages fait 3 morts.<br />
21 mai 1975<br />
Ouverture <strong>du</strong> procès d’Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Jan-Carl Raspe et Ulrike Meinhof<br />
devant le haut tribunal de Stuttgart.<br />
29 juin 1975<br />
Mort en prison par manque de soin de Katarina Hammerschmidt, accusée de soutien à la<br />
RAF.<br />
41
13 septembre 1975<br />
Un attentat à la bombe, à la gare de Hambourg, fait 11 blessés. La RAF ne revendique pas<br />
l’attentat et parle de provocation policière.<br />
30 septembre 1975<br />
Le tribunal de Stuttgart promulgue un arrêté rendant facultative la présence des accusés au<br />
procès lorsque leur état de santé ne leur permet pas de suivre les débats.<br />
4 mai 1976<br />
Au procès, les accusés déclarent endosser collectivement la responsabilités des attentas de<br />
1972 contre les quartiers généraux américains. Ils expliquent que leurs actes doivent être<br />
replacés dans le contexte de la guerre <strong>du</strong> Vietnam.<br />
9 mai 1976<br />
Ulrike Meinhof est découverte « pen<strong>du</strong>e » dans sa cellule. La version officielle <strong>du</strong> suicide est<br />
mise en cause par les proches et les avocats. Une commission <strong>international</strong>e est créée.<br />
1 er juin 1976<br />
Dépôt d’une bombe au quartier général des forces américaines à Francfort, le jour <strong>du</strong> 4éme<br />
anniversaire de l’arrestation de Baader, Raspe et Meins. Attentat revendiqué par les cellules<br />
révolutionnaires. 16 blessés dont 3 grièvement.<br />
18 août 1976<br />
Entrée en vigueur de la nouvelle loi antiterroriste.<br />
13 décembre 1976<br />
Manifestations de masse et violences sur le chantier de la centrale nucléaire de Brockdorf.<br />
27 janvier 1977<br />
Brigitte Mohnhaupt est libérée.<br />
30 mars-30 avril 1977<br />
4éme grève de la faim collective des prisonniers. Ils demandent à être réunis par groupe de 15<br />
à 20 personnes et à bénéficier des garanties minimales accordées aux prisonniers de guerre<br />
par la convention de Genève.<br />
7 avril 1977<br />
Le commando « Ulrike Meinhof » abat le procureur fédéral Siegfried Buback, son chauffeur<br />
et son garde <strong>du</strong> corps.<br />
28 avril 1977<br />
Fin <strong>du</strong> procès de Stammheim : Baader, Ensslin et Raspe sont condamnés à la détention à<br />
perpétuité.<br />
30 avril 1977<br />
Les grévistes de la faim de la RAF mettent un terme à leur action après que le gouvernement<br />
leur a accordé le droit de réunion. Dans les médias, le gouvernement est accusé d’avoir cédé<br />
au chantage des terroristes.<br />
42
20 juillet 1977<br />
D’autres membres de la RAF sont condamnés à deux fois la prison à vie par le tribunal de<br />
Düsseldorf.<br />
30 juillet 1977<br />
Le banquier Jürgen Ponto est assassiné lors d’une tentative d’enlèvement par Mohnhaupt,<br />
Susanne Albrecht et Christian Klar.<br />
8 août 1977<br />
A la suite d’un incident les 8 prisonniers de Stammheim sont brutalisés par les gardiens. Les<br />
conditions d’isolement sont rétablies. Les prisonniers entament une nouvelle grève de la faim.<br />
2 septembre 1977<br />
Face à la position inflexible <strong>du</strong> gouvernement de Helmut Schmidt, les prisonniers suspendent<br />
leur mouvement de grève de la faim.<br />
5 septembre 1977<br />
Le commando de la RAF « Siegfried Hausner » enlève le président <strong>du</strong> syndicat des patrons<br />
ouest-allemands Hans Martin Schleyer. Ses 4 gardes <strong>du</strong> corps sont abattus. Le commando<br />
exige la libération des prisonniers de la RAF.<br />
29 septembre 1977<br />
Les détenus de Stammheim n’ont plus le droit de communiquer entre eux.<br />
13 octobre 1977<br />
Détournement d’un 737 de la Lufthansa par un commando palestinien. Il formule les mêmes<br />
exigences que le commando « Siegfried Hausner », soit la libération des 11 membres de la<br />
RAF.<br />
43
16 octobre 1977<br />
Le pilote <strong>du</strong> « Landshut » est abattu.<br />
17 octobre 1977<br />
A Mogadiscio, le commando d’une unité spéciale de la police allemande (GSG-9) prend<br />
d’assaut le Boeing. 3 membres <strong>du</strong> commando palestinien sont tués, une femme est grièvement<br />
blessée. A l’exception <strong>du</strong> commandant de bord assassiné par les terroristes, les otages sont<br />
tous sains et saufs.<br />
Le lendemain matin, Baader, Ensslin et Raspe sont retrouvés morts dans leurs cellules à<br />
Stammheim. Irmgard Möller survit à de graves blessures. La thèse officielle <strong>du</strong> suicide est<br />
contestée par les sympathisants de la RAF.<br />
44
19 octobre 1977<br />
Le corps de H.M. Schleyer est retrouvé dans le coffre d’une voiture à Mulhouse.<br />
20 octobre 1977<br />
Création d’une commission <strong>international</strong>e d’enquête sur les morts de Stammheim.<br />
28 octobre 1977<br />
Enterrement de Jan-Carl Raspe, Andreas Baader et Gudrun Ensslin à Stuttgart.<br />
45
Résumé <strong>du</strong> film.<br />
Allemagne 1967. Lors d’une visite officielle à Berlin-Ouest <strong>du</strong> Shah d’Iran avec l’impératrice<br />
Farah Diba, des manifestations de jeunes étudiants sont brutalement réprimées. Un étudiant<br />
est tué. La journaliste Ulrike Meinhof est aux premières loges et dénonce la brutalité policière<br />
de l’Etat de droit qu’est la République Fédérale. 1967 marque le début d’une série d’attentats<br />
terroristes qui ébranlent les fondements mêmes d’une démocratie encore fragile.<br />
Sous la con<strong>du</strong>ite d’Andreas Baader et de Gudrun Ensslin qui estiment que « se contenter de<br />
prier pour un monde meilleur ne sert à rien », une nouvelle génération radicalisée entre<br />
violemment en guerre contre ce qu’ils perçoivent comme le nouveau visage <strong>du</strong> fascisme :<br />
l’impérialisme américain soutenu par les membres de l’establishment allemand, dont certains<br />
ont un passé de nazi. Meinhof est fascinée par le couple Baader-Ensslin, par leur radicalisme<br />
et leur arrogance, et elles se rapprochent d’eux. Ensemble, ils fondent Die Rote Armee<br />
Fraktion (RAF) La <strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong>, un groupe de jeunes terroristes allemands, qui<br />
organisent des attentats, des vols, des enlèvements et des assassinats, dès la fin des années 60<br />
et dans les années 70.<br />
L’homme qui cerne le mieux leur mentalité est aussi celui qui les pourchasse au nom de<br />
l’Etat : le chef de la police allemande, Horst Herold (Directeur <strong>du</strong> BKA, Bundeskriminalamt).<br />
En 1972, il réussit à décapiter la RAF en capturant les meneurs, Baader, Meinhof, Ensslin et<br />
Raspe. Ils ne ressortiront plus de prison. Mais les problèmes et les attentats ne prennent pas<br />
fin pour autant.<br />
Fiche technique.<br />
Titre original : Der Baader-Meinhof Komplex.<br />
Pays : Allemagne/ France/ République tchèque.<br />
Année : 2008<br />
Réalisation : Uli Edel.<br />
Interprètes :<br />
Martina Gedeck (Ulrike Meinhof)<br />
Moritz Bleibtreu (Andreas Baader)<br />
Johanna Wokalek (Gudrun Ensslin)<br />
Bruno Ganz (Horst Herold)<br />
Simon Licht (Horst Mahler)<br />
Nadla Uhl (Brigitte Mohnhaupt)<br />
Alexandra Maria Lara (Petra Schelm)…<br />
Scénario : Bernd Eichinger/ Stefan Aust (d’après le livre homonyme de Stefan Aust)<br />
Musique : Peter Hinderthür/ Florian Tessloff<br />
Version originale sous-titrée français.<br />
Durée : 2h28 mn<br />
Distribution : Pathé Films.<br />
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Découpage séquentiel <strong>du</strong> film.<br />
Séquence 1 [0-2] Séquence d’intro<strong>du</strong>ction.<br />
La chanson « Mercedes Benz » de Janis Joplin retentit, tandis que le titre <strong>du</strong> film apparaît en<br />
fon<strong>du</strong>. Nous entendons le bruissement des vagues et des cris d’enfants. Deux petites filles<br />
nues apparaissent à l’écran, elles jouent à la balle. La caméra fait un panoramique sur la plage<br />
et montre en plan général des nudistes et des fauteuils en osier. Plan rapproché sur une femme<br />
qui lit un magazine et observe les enfants. Elle les fait sortir de l’eau. C’est leur mère. La<br />
caméra se dirige vers les enfants. Celles-ci courent vers leur mère et elle les sèche tout en en<br />
continuant de parler <strong>du</strong> Shah d’Iran et de sa femme, dont la photos est repro<strong>du</strong>ite dans le<br />
magazine.<br />
Le père rejoint la famille. Il explique qui est le Shah d’Iran et ce qu’il fait. Un ami de la<br />
famille passe et invite la famille à une fête.<br />
Séquence 2 [2-5 :10] Ulrike Meinhof.<br />
On entend une chanson rock. En gros-plan, le spectateur voit à la télévision l’arrivée <strong>du</strong> Shah<br />
d’Iran et de sa femme en Allemagne. Le son original de cette époque est repro<strong>du</strong>it. On voit la<br />
famille qui regarde la scène. Ils sont à une fête. La caméra panote sur le jardin et montre des<br />
gens en train de danser. Le père de famille reçoit des journaux, il éteint la musique et les<br />
montre aux invités. C’est sa femme, une journaliste qui a écrit les articles, dont une lettre de<br />
protestation adressée à la femme <strong>du</strong> Shah d’Iran. La femme la lit d’un air confus. Le<br />
spectateur comprend que ce couple est engagé politiquement. Tandis que nous entendons le<br />
contenu de la lettre, la caméra procède à un changement de scène.<br />
Nous sommes à présent à Berlin dans le centre-ville. Des gens sont rassemblés derrière des<br />
barrières de police et ils attendent que le Shah d’Iran et sa femme passent. Pendant ce temps<br />
quelques-uns protestent en mettant de poches de papier sur leurs têtes, poches sur lesquelles<br />
sont repro<strong>du</strong>its les visages <strong>du</strong> couple iranien.<br />
Retour sur le visage de la femme qui lit en gros-plan.<br />
Retour sur la manifestation, un bus s’avance.<br />
A nouveau panoramique sur la fête et la femme.<br />
Montage cut rapide entre les différentes scènes.<br />
Des hommes en costume descendent <strong>du</strong> bus en portant des affiches. Ils sont d’origine arabe et<br />
de sont des partisans <strong>du</strong> Shah.<br />
Retour sur la femme qui continue à lire. A la fin de la lettre, le spectateur comprend qu’il<br />
s’agit d’Ulrike Meinhof. Les invités applaudissent.<br />
Les manifestants aussi. Ils sont derrière les barrières et de nombreux policiers leur font face.<br />
Une colonne de voitures passe. Les hommes qui sont descen<strong>du</strong>s <strong>du</strong> bus poussent des vivas en<br />
l’honneur <strong>du</strong> Shah, la foule pousse des cris de joie. Mais on entend aussi des cris de<br />
protestation.<br />
Séquence 3 [5 :10- 8 :10] Benno Ohnesorg.<br />
Une bombe fumigène est jetée, on la voit en plan rapproché. Les partisans <strong>du</strong> Shah cassent<br />
leurs affiches et chargent les manifestants avec les bouts de bois. Mouvements de caméra très<br />
rapides entre ces hommes qui tapent sur les manifestants, la foule qui crie et les policiers qui<br />
regardent sans rien faire. En gros plan, nous voyons les images des blessés. Les manifestants<br />
se tournent vers la police qui, à son tour, les charge. Changements de point de vue de la<br />
caméra entre les plans généraux <strong>du</strong> chaos et les plans rapprochés sur les blessés. La caméra<br />
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suit les manifestants qui s’enfuient et la police qui les suit. Des canons à eau sont déclenchés,<br />
ils aspergent même la caméra. Le spectateur vit ce qui se passe selon le point de vue d’un des<br />
manifestants. La caméra reste à la hauteur de ses yeux. On voit alors un jeune homme qui est<br />
poursuivi. On entend un coup de feu. Silence. La caméra montre le jeune homme tomber par<br />
derrière. On voit sa nuque en très gros plan, de même que l’arme. Puis un plan général<br />
découvre la scène, on voit l’auteur <strong>du</strong> coup de feu, la victime et les autres policiers. Ils sont<br />
déconcertés et s’enfuient en courant. Le jeune homme reste seul à terre. Panoramique sur les<br />
gens qui observent à leurs fenêtres. Une femme demande un médecin. Un reporter prend une<br />
photo des deux personnes, elle est placée derrière la photo originale.<br />
Séquence 4 [8 :10-9 :05] Une discussion.<br />
Ulrike Meinhof est dans un studio de télévision pour participer à un débat télévisé. Le<br />
modérateur lui demande pourquoi elle se tient aux côtés des protestataires, des étudiants. Gros<br />
plan sur Ulrike qui répond. Elle dénonce les agissements <strong>du</strong> groupe Springer. Une discussion<br />
s’en suit au cours de laquelle les autres participants sont brièvement montrés. Ulrike Meinhof<br />
est entretemps montrée en gros plan. La caméra sort <strong>du</strong> studio et le spectateur change alors de<br />
point de vue en sortant <strong>du</strong> studio pour être à présent spectateur devant un poste de télévision.<br />
On voit alors Ulrike Meinhof sur l’écran de télévision.<br />
Séquence 5 [9 :05-10 :35] Gudrun Ensslin.<br />
On entend les cris d’un bébé. Un couple est assis sur un canapé. La femme tient l’enfant dans<br />
ses bras et elle fume. Un couple plus âgé est assis à côté des jeunes gens. Le débat à la<br />
télévision se poursuit. La femme d’un certain âge éteint le téléviseur et prend le bébé des bras<br />
de la plus jeune. L’atmosphère est ten<strong>du</strong>e. Une dispute éclate au sujet de la politique<br />
américaine. L’homme d’un certain âge est un pasteur et il quitte la pièce. La jeune femme, sa<br />
fille, s’emporte contre la façon qu’à l’Eglise de prêcher. A son avis le passage à l’acte est<br />
nécessaire.<br />
Séquence 6 [10 :35-11 :10] Fin de la normalité.<br />
Ulrike Meinhof quitte le domicile conjugal avec valises et enfants. Son mari lui court derrière.<br />
Un flashback nous dévoile, <strong>du</strong> point de vue d’Ulrike, l’infidélité de son mari.<br />
Séquence 7 [11 :10-12 :55] Andreas Baader.<br />
Gros plan sur une bombe qui vient d’être assemblée. Gudrun Ensslin est dans un appartement<br />
avec deux autres personnes. Andreas Baader apparaît portant d’autres pro<strong>du</strong>its chimiques. Le<br />
spectateur remarque qu’Ensslin et Baader forment un couple. Mais ce n’est pas le père de son<br />
enfant. Les deux autres personnes construisent méthodiquement la bombe, tandis que Baader<br />
verse tout ensemble an martelant la devise : « plus c’est mieux ! ». On apprend qu’un attentat<br />
est prévu contre un grand magasin. Il est évident que Baader, contrairement aux autres, ne fait<br />
preuve d’aucun scrupule, ni de considération.<br />
Changement de scène : c’est la nuit, dans un grand magasin. La caméra suit un gardien à<br />
travers les couloirs. Gros plan sur une bombe cachée. Panoramique et plan général sur<br />
l’extérieur <strong>du</strong> magasin. Une explosion survient.<br />
Changement de scène : fouille nocturne d’un appartement. La police arrête Baader, Ensslin et<br />
d’autres pour incendie volontaire.<br />
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Séquence 8 [12 :55-17 :50] Rudi Dutschke.<br />
Le spectateur est spectateur dans le film et il regarde un reportage sur Hiroshima. La caméra<br />
recule et l’on découvre un téléviseur. Le plan se termine sur le point de vue par derrière d’un<br />
jeune homme assis dans le salon et qui vise le téléviseur avec un pistolet. Changement de<br />
point de vue avec un gros plan sur le visage de l’homme. A la télévision, le journaliste parle<br />
de Rudi Dutschke qui mène la lutte. Plan rapproché sur l’homme.<br />
Changement de scène : on se retrouve dans un amphithéâtre. Gros plan sur Rudi Dutschke de<br />
profil. Il s’adresse à une foule et parle <strong>du</strong> Vietnam et des luttes nécessaires. La caméra suit un<br />
homme qui traverse la salle et photographie Dutschke. Ulrike Meinhof apparaît et s’assoit au<br />
milieu de la foule. La caméra oscille entre Dutschke et la foule pour enregistrer les réactions.<br />
Le photographe se dirige vers Meinhof : on voit les deux discuter en gros plan. Un homme se<br />
dirige vers le micro et proteste contre la tenue de ce meeting. On l’éloigne sous les huées de la<br />
foule. Travelling qui s’arrête sur Dutschke qui appelle à la lutte. La foule le suit. Gros plans<br />
alternés sur Dutschke, Meinhof et la foule.<br />
Changement de scène : le jeune homme qui vient de pointer son arme sur le téléviseur est à<br />
présent dans la rue. Dutschke se rend en vélo à la pharmacie. Le jeune homme le suit. Un<br />
travelling accompagne Dutschke, entrecoupé de gros plans sur le jeune homme. La pharmacie<br />
est fermée et Dutschke attend près de son vélo qu’elle ouvre. La caméra suit le jeune homme<br />
par derrière et nous le montre se dirigeant vers Dutschke. Il lui demande son nom et en gros<br />
plan nous le voyons tirer sur lui et le traiter de « salop de communiste ! » ;<br />
Plans alternés rapides sur Dutschke, les passants, l’agresseur. Ce dernier prend la fuite. On<br />
voit Dutschke en gros plan, il se lève et titube le long de la rue. L’agresseur se cache dans un<br />
chantier, gros plan sur lui. A nouveau plan sur Dutschke : il s’effondre. On voit l’agresseur<br />
prendre des cachets. Des sirènes de voiture de police retentissent. L’agresseur voit les<br />
policiers passer en courant devant le chantier et il ouvre le feu. Le spectateur voit les policiers<br />
<strong>du</strong> point de vue <strong>du</strong> jeune homme, par-dessous. Le jeune homme est blessé, les policiers<br />
prennent d’assaut la cachette. Le jeune homme que l’on voit en gros plan dit qu’il ne supporte<br />
pas les communistes.<br />
Séquence 9 [17:50-19:45] Axel Springer.<br />
Le photographe accompagne Ulrike Meinhof en voiture. La scène se passe le soir et à la radio<br />
on entend un reportage au sujet de l’attentat contre Rudi Dutschke. Il survivra. On voit les<br />
deux personnages par derrière en gros plan. Par les vitres latérales, on voit les gens courir<br />
dans la rue, ils crient et portent des torches. A la radio on entend que des manifestations se<br />
forment devant le bâtiment <strong>du</strong> groupe de presse Springer. Gros plan sur Ulrike Meinhof. Elle<br />
pleure.<br />
Panoramique sur ce qui se passe tout autour, des manifestants courent dans la même direction.<br />
L’un d’entre eux porte un mégaphone et annonce que les éditeurs auraient tirés à cause de la<br />
manifestation qui se forme. Le photographe et Meinhof arrivent devant le bâtiment au milieu<br />
des manifestants. Ceux-ci empêchent les camionnettes de quitter le parking pour faire la<br />
livraison des journaux. Les camionnettes sont prises d’assaut et renversées. La caméra nous<br />
dévoile cela en alternant plans généraux et gros plans. Les camionnettes brûlent, la foule jette<br />
des pierres. Ulrike Meinhof et le photographe participe au caillassage. Des fenêtres éclatent en<br />
morceaux et on allume des incendies. La police intervient et procède à des arrestations.<br />
Gros plan sur Ulrike Meinhof qui soudain se retrouve seule et observe ce qui se passe. Elle est<br />
arrêtée à son tour, mais un policier la reconnaît et demande à ce qu’elle soit relâchée parce<br />
que journaliste. Elle s’en va. En arrière-fond sonore, on entend un manifestant crier. La<br />
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caméra le montre en plan général au milieu <strong>du</strong> chaos et s’avance doucement vers lui jusqu’à<br />
le montrer en gros plan. De la musique retentit et il crie : « Hiroshima, Vietnam ».<br />
Séquence 10 [19 :45-20 :35] La situation dans le monde.<br />
On voit des images d’archives de l’époque accompagnées de la bande-son originale : des êtres<br />
humains brûlent, des exécutions, l’arrestation de Che Guevara, des manifestations aux USA et<br />
Martin Luther King. Des coups de feu retentissent. On voit l’attentat contre John Kennedy et<br />
Nixon qui est élu président. On voit aussi des manifestations en Europe, en Allemagne, ces<br />
images sont accompagnées de coups de feu et d’une chanson rock contestataire.<br />
Séquence 11 [20 :35-22 :50] Première rencontre.<br />
Allemagne. Une salle de tribunal. Gudrun Ensslin en gros plan donne des explications. Elle<br />
avoue que Baader et elle-même sont responsables des explosions dans les grands magasins.<br />
Changement de point de vue, plan général sur le public pour montrer les réactions. Gros plan<br />
<strong>du</strong> juge puis de Gudrun Ensslin. Elle justifie leur acte comme une protestation contre la<br />
politique <strong>du</strong> gouvernement américain. La caméra montre tous les accusés. Baader et son<br />
complice allume des cigares. Les gens dans la salle pousse des cris de joie. Ulrike Meinhof se<br />
trouve aussi dans la salle et prend des notes. L’avocat de Ensslin et de Baader, Horst Mahler,<br />
s’entretient avec eux. La salle sans aucun doute est acquise aux activistes.<br />
Changement de scène. En plan général, on voit Stefan Aust devant la salle <strong>du</strong> tribunal, sur le<br />
palier, faire une interview des parents de Ensslin. Ulrike Meinhof se tient à part et écoute.<br />
Les parents défendent leur fille. Ulrike Meinhof est impressionnée.<br />
Séquence 12 [22 :50-25 :10] Meinhof et Ensslin.<br />
Meinhof tape à la machine. Le spectateur voit en gros plan la machine et le texte que<br />
Meinhof est en train d’écrire. La voix off de Meinhof lit le texte. A l’arrière plan, on voit le<br />
photographe et les enfants.<br />
Changement de scène. On voit Ensslin en prison, elle est amenée au parloir. On entend les<br />
bruits de la machine à écrire et on entend en off la voix de Meinhof qui lit son texte. Meinhof<br />
fait une interview d’Ensslin en prison. Champ contrechamp sur les deux femmes en gros plan.<br />
Ensslin pousse Meinhof à passer à l’acte et lui reproche de ne protester qu’en théorie.<br />
Séquence 13 [25 :10 -29 :14] Les travaux d’intérêt général.<br />
C’est le soir. Un jeune homme se dirige vers une maison. On entend les bruits d’une fête. Le<br />
jeune homme pénètre dans la maison et demande à parler à Gudrun. Celle-ci est dans son<br />
bain, elle propose au jeune homme de la rejoindre. Le garçon se prénomme Peter et il s’est<br />
enfuit <strong>du</strong> centre de redressement de Glückstadt. Gudrun lui explique que quelques autres<br />
jeunes gens viennent d’arriver d’autres centres. Baader et elle on été condamnés à effectuer<br />
des travaux d’intérêt général en s’occupant de ces jeunes. Lorsqu’il se déshabille, on voit de<br />
nombreuses plaies sur son corps. Un flash-back montre les événements qui se sont passés au<br />
centre et qui expliquent les blessures de Peter. Baader et Ensslin ont été condamnés à cause<br />
de l’incendie volontaire et ils sont libres jusqu’à la révision de leur procès. Gros plans alternés<br />
sur les deux personnages pendant leur conversation.<br />
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Baader arrive et effraie Peter en simulant l’agressivité. Les trois personnages discutent et il est<br />
évident que Baader prépare quelque chose. Pour le moment, il veut aller à Darmstadt et « faire<br />
la bringue ». Il efface les réticences <strong>du</strong>es à l’absence de voitures en disant qu’ils vont en voler<br />
quelques-unes.<br />
Changement de scène. Des voitures roulent à toute allure les unes à côté des autres. C’est la<br />
nuit. Les rues sont désertes. La caméra montre alternativement les passagers des voitures.<br />
Ensslin et Baader con<strong>du</strong>isent chacun une voiture, ils se tendent des joints d’une voiture à<br />
l’autre. On entend la chanson « talking about generation ». L’atmosphère est déten<strong>du</strong>e et la<br />
bonne humeur règne. Peter est assis à côté de Baader. Baader prend un revolver et tire par la<br />
fenêtre dans la nuit. Il encourage Peter à faire de même. En gros plan on le voit tirer sur un<br />
panneau routier.<br />
Séquence 14 [29 :10-30-10] Le BKA (Bundeskriminalamt) la direction générale de la<br />
police judiciaire.<br />
Le BKA à Wiesbaden. On entend Willy Brandt parler à la télévision. La caméra montre le<br />
bureau de Horst Herold qui écoute avec son collègue le discours de Brandt. Les deux<br />
personnages se demandent si le chancelier avec son allocution va pouvoir apaiser les<br />
mouvements protestataires. Des images d’archives sont intercalées. Le collègue pense que la<br />
situation est apaisée, tandis que Herold pense le contraire. Il prévoit d’autres attentats.<br />
Séquence 15 [30-10 :32-40] L’Italie.<br />
Rome. Février 1970. Plan général sur la ville. La caméra suit Horst Mahler qui se dirige vers<br />
un café. Gudrun travestie l ‘apostrophe et il s’assoit à sa table. Baader et une jeune femme<br />
sont aussi assis à la table. Ils parlent de l’avenir. Baader et Ensslin ont été condamnés et ils<br />
sont sous mandat d’arrêt en Allemagne. Mahler veut les ramener à Berlin, il a mis sur pied un<br />
nouveau groupe. Baader s’énerve et il exige de Mahler des preuves de sa détermination.<br />
Mahler vole son porte-monnaie à une femme en guise de preuve. Pendant la conversation, la<br />
caméra passe alternativement en gros plan d’un personnage à l’autre. Baader est pris d’un<br />
accès de rage, lorsqu’on lui vole sa voiture sous ses yeux, celle-là même qu’il avait volée peu<br />
de temps avant. Baader est colérique.<br />
Séquence 16 [32 :40-35 :30] A nouveau à Berlin.<br />
Vue frontale de la porte d’un appartement. Quelqu’un ouvre la porte et Baader et Ensslin<br />
pénètrent dans l’appartement. Celui-ci appartient au photographe et à Ulrike Meinhof. Ulrike<br />
est heureuse de revoir Gudrun et elles les invitent à habiter chez eux. Ulrike évoque les plans<br />
pour remonter un groupe. Le photographe se tient à l’arrière-plan. Gros plans alternés. Baader<br />
se fait à nouveau remarquer par son comportement. Il veut mener à bien sa cause même s’il<br />
doit mourir pour elle. Ulrike et Gudrun discutent. Ulrike se plaint de ne rien pouvoir changer<br />
en pratiquant uniquement un journalisme d’investigation. Gudrun lui fait comprendre qu’elle<br />
doit se radicaliser. Ulrike dit qu’elle ne pourra jamais quitter ses enfants.<br />
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Séquence 17 [35 :30-43 :35] « ouvrir la voie ».<br />
C’est la nuit, une voiture de sport se dirige à tout allure vers la caméra et passe à côté d’elle.<br />
La caméra suit la voiture. Fon<strong>du</strong> sur l’intérieur de la voiture. On voit Baader en gros plan. On<br />
entend une chanson rock. Baader est arrêté par la police. Il est impoli. Lorsque le policier lui<br />
demande de décliner son identité, il bafouille, car ce sont des papiers volés et il est arrêté.<br />
Changement de scène. Nous sommes dans l’appartement d’Ulrike. Mahler arrive et raconte<br />
que Baader a été emmené à la prison de Moabit. Ulrike veut le délivrer. Quelques-unes des<br />
personnes présentes se déclarent prêtes à lui prêter main forte. Ils appartiennent au nouveau<br />
groupe. Ulrike en gros plan leur demande comment ils comptent s’y prendre. Gudrun réplique<br />
agressivement qu’elle n’est pas obligée de s’y associer. Elle peut se contenter d’écrire un texte<br />
à ce sujet à postériori. Elle critique la passivité d’Ulrike. Lorsque Mahler propose que Baader<br />
purge ses 10 mois, Gudrun est dans tous ses états et insiste sur le fait que l’on doit « ouvrir la<br />
voie » dans le cas où l’un d’entre eux est emprisonné. Ulrike réfléchit sérieusement à un plan.<br />
Changement de scène. Prison de Moabit. Ulrike et Esslin travesties rendent visite à Baader en<br />
ayant invoquée une raison. Officiellement Ulrike n’a rien à voir avec la bande à Baader-<br />
Ensslin. Officiellement, il s’agit d’un projet de livre.<br />
Changement de scène. Appartement d’Ulrike. Le photographe arrive avec des fleurs. Tout à<br />
coup on lui met un revolver sur la nuque. L’un des jeunes femmes fait « pang » et le<br />
photographe lui arrache l’arme des mains. La jeune femme se met à rire, elle raconte que c’est<br />
Gudrun qui lui a donné ce pistolet lacrymogène. Elle se serait procurée toutes les armes. Le<br />
photographe se dispute avec Ulrike, car elle va prendre part à la tentative de libération de<br />
Baader. Elle lui explique le plan. Alternance de gros plans. Le photographe veut dissuader<br />
Ulrike, mais elle pense qu’elle doit passer à l’action maintenant. Elle s’en va, la caméra la<br />
suit. La jeune femme tire encore une fois pour rire sur le photographe.<br />
Changement de scène. Institut pour les questions sociales. Des policiers font entrer Baader. Il<br />
est autorisé à faire des recherches pour un livre avec Ulrike Meinhof. On sonne et on fait<br />
entrer deux jeunes femmes. Celles-ci ouvrent la porte aux autres. Soudain un échange de<br />
coups de feu inatten<strong>du</strong> éclate entre elles et un employé de l’institut auquel le groupe n’avait<br />
pas pensé dans son plan. La situation dégénère. L’employé est mort et les policiers se<br />
défendent plus violemment que prévu. Ulrike se tient dans la pièce toute empruntée. On tire<br />
sur l’un des policiers, l’autre est bousculé. Le groupe s’enfuit par la fenêtre avec Baader.<br />
Ulrike en gros plan reste en retrait. Elle pourrait en rester là et faire comme si elle avait<br />
attaquée. Elle suit cependant les autres. Elle veut faire partie de la bande.<br />
Séquence 18 [43 :35-45] Changement de camp.<br />
Stefan Aust se rend chez le mari d’Ulrike et attire son attention sur un reportage télévisé. Ils<br />
se trouvent à la rédaction <strong>du</strong> journal, pour lequel travaille le mari d’Ulrike. Ils suivent le<br />
reportage qui suppose que Ulrike a été enlevée par ceux qui ont libéré Baader. Des images<br />
télévisées sont intercalées.<br />
Changement de scène. Ulrike est devant sa machine à écrire. On la voit en gros plan. Le<br />
spectateur peut lire ce qui est écrit. On entend à nouveau la voix d’Ulrike. Elle écrit le fameux<br />
texte sur les flics et les cochons. Ulrike se radicalise. On voit l’image des personnes<br />
recherchées. Et l’on apprend qu’Ulrike est recherchée pour tentative de meurtre. Nous voyons<br />
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son mari en gros-plan qui suit les informations. Plan sur le fonctionnaire de la police<br />
judiciaire qui lui aussi lit le texte. Tout cela avec en fond sonore la voix d’Ulrike qui lit son<br />
texte.<br />
Séquence 19 [45-53 :40] Le camp d’entrainement.<br />
Jordanie 1970. On entend de la musique orientale. On voit dans une voiture en gros plans<br />
Gudrun, Andreas, Ulrike et le photographe. La caméra suit le trajet de la voiture. D’autres<br />
membres <strong>du</strong> groupe sont aussi dans la voiture. Ils se rendent dans un camp d’entraînement.<br />
Horst Mahler qui était déjà là-bas accueille le groupe. Il explique les consignes <strong>du</strong> camp en ce<br />
qui concerne l’attitude des hommes et des femmes. Andreas se moque de ces consignes et dit<br />
aux autres de ne pas s’en préoccuper.<br />
Changement de scène. On voit les membres <strong>du</strong> groupe armé de pied en cap ramper sur le sol.<br />
Les formateurs tirent à côté d’eux pour repro<strong>du</strong>ire une situation de danger. Andreas pique une<br />
colère. Gudrun fait la tra<strong>du</strong>ction. Elle explique qu’ils veulent attaquer des banques en<br />
Allemagne. Le photographe s’adresse au chef <strong>du</strong> camp en français. Ils rient. Alternance de<br />
gros plans. Andreas qui pense être l’objet de la moquerie est fou de rage. Il tape sur le<br />
photographe. Une rixe s’ensuit. Plans brefs sur Ulrike qui semble être apeurée, mais elle<br />
n’intervient pas. Lorsque la situation dégénère au point qu’Andreas pointe son arme sur le<br />
photographe, le chef <strong>du</strong> camp intervient et menace le groupe.<br />
Changement de scène. Des gens nus font de la méditation sur une plage de Sicile. Plan<br />
général qui montre le groupe et la plage. Le spectateur voit à l’écart les deux filles d’Ulrike.<br />
Elles sont seules et semblent solitaires.<br />
Changement de scène. Le camp en Jordanie. C’est la nuit. En off on entend des coups de fusil.<br />
Ulrike et le photographe discutent. Il ne veut plus mener cette vie, mais il veut quitter le<br />
groupe. Ulrike tient cela pour de la trahison. On voit les deux en gros plans. Il lui rappelle<br />
qu’elle a des enfants et lui demande de s’en occuper. Ulrike refuse et le laisse seul.<br />
Gros plan d’Ulrike qui s’exerce à manier une mitrailleuse. Alternance de gros plans sur les<br />
autres membres <strong>du</strong> groupe qui s’entraîne à tirer. Andreas ne se contente pas de tirer quelques<br />
cartouches, mais il tire des salves sur la cible. Le chef <strong>du</strong> camp est fou de rage à cause <strong>du</strong><br />
gaspillage. Sur ce, il exclut le groupe de l’entraînement pour quelques jours.<br />
Changement de scène. Les membres <strong>du</strong> groupe bronzent nus sur le toit de leur logement. Les<br />
Arabes sont distraits par ce spectacle et ils les observent. Le photographe ne s’est pas joint au<br />
groupe, mais il est avec le chef <strong>du</strong> camp. Andreas l’observe d’un air suspicieux. Il parle à<br />
Mahler qui le tient pour un traitre. Le chef <strong>du</strong> camp veut que les filles se rhabillent. Andreas<br />
se contente de rire.<br />
Changement de scène. Pendant la nuit dans le camp. Le chef <strong>du</strong> camp entraîne le photographe<br />
pour épier une conversation. Andreas, Gudrun et Ulrike discutent avec le chef de tous les<br />
camps d’entraînement. Ils parlent d’armes et de passeport. Mais aussi des enfants d’Ulrike.<br />
Ils doivent être placés dans un orphelinat jordanien. Gudrun qui mène l’entretien donne son<br />
consentement lorsque on fait remarquer qu’Ulrike n’aura plus l’autorisation de voir ses<br />
enfants. Gros plans sur les personnages qui parlent. Entretemps on voit le photographe. La<br />
conversation tourne maintenant autour de lui. Le groupe ne sait plus de quel côté il se trouve.<br />
Le chef ne veut pas le dire non plus. Gudrun le suspecte d’être un espion juif exige <strong>du</strong> chef<br />
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qu’il le passe par les armes. Pendant tout ce temps Ulrike semble sereine. Le photographe est<br />
choqué, le chef le rassure.<br />
Séquence 20 [53 :40-59 :45] Les choses suivent leur cours.<br />
Vue de Berlin, la nuit. Les membres de la bande à Baader sont répartis dans des voitures, ils<br />
sont travestis et ils trient les armes qu’ils ont dans les coffres.<br />
Changement de scène. Berlin de jour. Les voitures roulent en faisant crisser les pneus. Les<br />
membres de la bande en sortent. Ils se dirigent vers une banque et l’attaquent. La caméra les<br />
suit. En off, on entend un reporter qui explique que dans l’intervalle de 10 minutes trois<br />
banques ont été attaquées. On entend le son original des informations de l’époque. Le<br />
spectateur voit défiler pendant ce temps les images des attaques.<br />
Changement de scène. Un appartement. Les membres de la bande font la fête et comptent les<br />
billets volés. Ulrike doit rédiger un communiqué au nom de la bande. On voit le texte en grosplan<br />
qui, pour la première fois, est signé avec l’emblème de la <strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong> (RAF).<br />
Ulrike en off lit le texte. On voit les photos des avis de recherche de la police, tous les<br />
membres de la bande y figurent désormais. Le spectateur entend la voix d’un reporter qui<br />
évoque d’autres attaques. On voit les images originales. On voit aussi les images des passants<br />
qui lisent le texte de la RAF.<br />
Changement de scène. Ulrike dans un appartement. Une femme vient vers elle et lui raconte<br />
que quelqu’un est venu récupérer les enfants en Sicile. Gros plan sur Ulrike qui ne semble pas<br />
se sentir concernée. Tandis que la jeune femme continue de parler, on voit en flashback Stefan<br />
Aust qui vient chercher les enfants. Il connaît même les mots de passe. On voit les enfants<br />
arriver chez leur père. Gros plan d’Ulrike.<br />
Changement de scène. En off on entend un reporter qui évoque d’autres cambriolages. Le<br />
spectateur voit les images. On interroge des passants pour connaître leur opinion sur la bande<br />
à Baader. Tous réagissent de manière positive. On voit des images d’autres cambriolages.<br />
Petit à petit les membres sont arrêtés, parmi eux Horst Mahler et quelques unes des jeunes<br />
femmes qui étaient en Jordanie.<br />
Changement de scène. Pendant le reportage on voit Horst Herold de la direction générale de la<br />
police judiciaire qui suit le reportage à la télévision. Gros plan de lui, il est pensif. On voit de<br />
plus en plus de membres de la bande être arrêtés et la saisie de leurs armes. Ils n’hésitent pas à<br />
faire usage de leurs armes. On voit l’affiche avec les visages des personnes recherchées, sur<br />
laquelle de plus en plus de visages sont marqués d’une croix. On entend toujours les voix de<br />
reporters et de passants.<br />
Changement de scène. Les voix couvrent celle de Horst Herold qui parle avec ses collègues<br />
dans son bureau. Les fonctionnaires chargés des recherches assistées par ordinateur prennent<br />
la parole. Gros plan des participants.<br />
Séquence 21 [59 :45-1 :04 :25] La première morte.<br />
On voit le pare-brise avant d’une voiture. Contrôle de police. Une des jeunes femmes et une<br />
autre personne sont assises dans la voiture. Au lieu de montrer leurs papiers, elles foncent en<br />
forçant le barrage, mais elles sont stoppées par d’autres voitures. Travelling qui suit les<br />
54
voitures. Les deux personnages sortent de la voiture et attrapent leurs armes. Ils menacent les<br />
policiers et ouvrent le feu. Puis, ils prennent la fuite. La caméra les suit. L’homme est arrêté,<br />
la jeune femme s’est cachée et elle cherche à s’enfuir. Les policiers la trouvent. Ils ouvrent le<br />
feu et elle est abattue. Gros plan <strong>du</strong> cadavre.<br />
Changement de scène. Un appartement. Les membres trient leur argent. Ulrike fait de la<br />
paperasse. Le locataire de l’appartement apparaît et l’on comprend que les membres de la<br />
bande sont contraints de se trouver une cachette chez d’autres personnes, ne pouvant louer<br />
eux-mêmes des appartements. On entre à nouveau dans la pièce et l’on entend un reportage<br />
qui évoque l’arrestation et la mort des deux membres. Des images originales défilent. Les<br />
autres membres de la bande sont affectés. Ils discutent. Andreas déclare la guerre au<br />
gouvernement et Gudrun pense qu’ils vont être pourchassés. Ulrike rappelle la ligne définie et<br />
critique la planification des actions. Andreas bondit, il se met en colère. Gudrun le calme. Elle<br />
est en colère contre Ulrike.<br />
Séquence 22 [1 :04 :25-1 :11 :30] La ligne.<br />
Images originales de la guerre <strong>du</strong> Vietnam. On voit les avions larguer des bombes et on<br />
entend la voix d’un reporter. Ulrike en gros plan est devant le téléviseur, elle rédige un texte.<br />
En off elle lit le texte. Des images originales de la guerre défilent.<br />
Images de l’attentat à la bombe contre la base américaines des « marins » de Francfort.<br />
Images de l’attentat contre la base de l’armée américaine de Heidelberg.<br />
Entretemps en insert, on voit le texte de Meinhof. A nouveau on voit de images d’explosion<br />
avec de nombreux morts.<br />
Images d’un attentat à la bombe contre la direction de la police à Augsburg. Des reporters font<br />
le récit de morts et des arrestations. On entend encore en off la voix d’Urike qui attribue à ces<br />
actions le nom de « commando Petra Schelm », la première morte de la bande.<br />
Ulrike est devant le téléviseur, elle tape à la machine et suit en même temps les reportages au<br />
sujet des attentats. L’un a eu leu à Munich. On voit les images originales.<br />
Andreas et un autre membre de la bande sont montrés en train de fabriquer des matériaux<br />
pour les bombes. Ils moulent de la poudre noire. On entend toujours en off la voix des<br />
reporters.<br />
Image d’un des fonctionnaires de la police judiciaire qui explique à des reporters<br />
internationaux l’état des recherches assistées par ordinateur afin de cerner les suspects.<br />
Image de l’attentat à la bombe contre le procureur général de l’Allemagne fédérale. En fait<br />
c’est sa femme qui est la victime. Un reporter évoque pour la première fois les investigations<br />
menées à l’encontre de Baader et Meinhof dont le procureur était en charge.<br />
Images de la fabrication de bombes par Andreas et un autre membre. A nouveau on entend en<br />
off un reporter qui fait le récit des attentas et des actions policières. Images d’articles de<br />
journaux de l’époque, dans lesquels sont évoqués d’autres attentats à la bombe. Images<br />
d’archives.<br />
Changement de scène. Le central téléphonique de la maison d’édition Axel Springer. Un<br />
interlocuteur anonyme prévient qu’il va y avoir un attentat imminent contre le bâtiment.<br />
Images d’Ulrike et d’autres membres de la bande pendant l’appel téléphonique. En off Ulrike<br />
lit un texte concernant l’attentat. On voit le texte dans la machine à écrire. On voit des images<br />
de la maison d’édition. L’activité n’est pas suspen<strong>du</strong>e et les bureaux ne sont pas évacués.<br />
Gros plan <strong>du</strong> sac contenant la bombe dans la rédaction. La bombe explose.<br />
Images de l’émission de télévision qui fait le récit de l’attentat et qui retransmet la prise de<br />
position <strong>du</strong> chancelier. On voit des images <strong>du</strong> point de vue d’Ulrike qui est assise devant son<br />
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téléviseur et qui écrit un nouveau texte. Gros plans alternés d’Ulrike et de la rédaction détruite<br />
avec les blessés. En off Ulrike lit le texte. Insert sur le texte. Changements de plans rapides<br />
entre l’image <strong>du</strong> téléviseur, Ulrike et le texte.<br />
Changement de scène. Le BKA. Horst Herold veut mettre sous ses ordres pour toute une<br />
journée toutes les forces de police pour chercher les membres de la bande. Tandis qu’il parle,<br />
le spectateur voit défiler à la télévision les images des actions précises de l ‘époque.<br />
Changement de scène. Les membres de la bande sont dans un appartement devant le<br />
téléviseur. Ils suivent les actions policières. Gros plans sur les membres. Des reporters font le<br />
récit, entre autres choses, <strong>du</strong> soutien de la population pour la bande à Baader. Andreas est pris<br />
d’un accès de rage. Gudrun en gros plan égrène des citations de Mao. La caméra passe d’un<br />
des membres de la bande à l’autre à travers la pièce.<br />
Séquence 23 [1 :11 :30-1 :18 :40] Les arrestations.<br />
Une voiture entre dans une arrière-cour. Andreas et deux autres membres de la bande en<br />
descendent. Deux d’entre eux entrent dans un garage. Ils y entreposent des matériaux servant<br />
à la confection de bombes. On voit un riverain à sa fenêtre. Andreas s’est fait teindre les<br />
cheveux en blond pour se camoufler. Ils s’aperçoivent que l’on a touché à leurs affaires. Celui<br />
qui est resté dans la voiture voit une autre voiture arriver dans la cour. Andreas charge son<br />
arme. Depuis le garage, on entend la voix d’un policier. Le membre de la bande resté dans la<br />
cour veut s’enfuir et il ouvre le feu. Plan sur Andreas et l’autre membre de la bande qui sont<br />
dans le garage et qui entendent tout. La caméra suit celui qui s’échappe. On voit des riverains<br />
à leurs fenêtres qui observent la scène. La fuite est terminée pour l’un des membres qui est<br />
arrêté. On entend en off le bruit d’un moteur. Gros plans des deux personnages dans le garage.<br />
Andreas ouvre la porte et il voit un tank se diriger vers lui. Il tire aussitôt. Les policiers font<br />
feu à leur tour. Dans le garage, on voit les impacts des balles. Echange de coups de feu entre<br />
les policiers et ceux qui sont dans le garage. On entend une voix qui parle dans un<br />
mégaphone. Ils sont mis en demeure de quitter le garage et de se rendre. Andreas rit et allume<br />
une cigarette. Gros plan des deux. On voit une main jeter un fumigène dans le garage.<br />
Andreas la repousse dehors. La police se retire. On voit cela <strong>du</strong> point de vue des personnages<br />
qui sont dans le garage. On nous montre les riverains. Andreas fait à nouveau feu sur les<br />
policiers. Echange de coups de feu. Une balle tirée depuis un appartement par un tireur d’élite<br />
atteint Andreas à la jambe, lorsque celui-ci veut à nouveau tirer sur les policiers. Un enfant <strong>du</strong><br />
voisinage prend des photos de la scène. Andreas est arrêté.<br />
Changement de scène. On voit à la télévision les images d’Andreas. Gudrun et les autres les<br />
regardent. Dans la salle de bain Ulrike se coupe les cheveux très courts. On voit en plan<br />
général la salle de bain et on lit le désespoir d’Ulrike.<br />
Changement de scène. Le commissariat de police. L’autre membre de la bande est passé à<br />
tabac par un groupe de policiers.<br />
Changement de scène. Gudrun se promène dans la ville coiffée d’une perruque. La musique<br />
commence. Elle regarde autour d’elle apeurée. Le spectateur la voit de derrière. On voit en<br />
gros plan l’affiche avec les membres <strong>du</strong> groupe qui sont recherchés. En gros plan le visage de<br />
Gudrun apeuré. Dramatisation par la musique. Gudrun entre dans un magasin de vêtements.<br />
Alors qu’elle se trouve dans la cabine d’essayage, la vendeuse trouve son arme. Elle appelle<br />
un policier qui arrête Gudrun.<br />
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Changement de scène. Des policiers sont devant la porte d’un appartement. Ulrike ouvre la<br />
porte et elle est arrêtée. Un des policiers la reconnaît. Ulrike en gros plan craque. Gros plan<br />
sur les policiers qui rentrent dans l’appartement. Gros plan sur Ulrike.<br />
Séquence 24 [1 :18/40-1 :20 :20] Les maisons d’arrêt.<br />
Maison d’arrêt de Wittlich : gros plan d’un détenu dans sa cellule.<br />
Maison d’arrêt de Cologne : gros plan sur un détenu.<br />
Maison d’arrêt de Hessen : gros plan de Gudrun Ensslin dans sa cellule.<br />
Maison d’arrêt de Schwalmstadt : gros plan d’Andreas Baader. Il est couché sur un lit<br />
d’hôpital et il fume.<br />
Maison d’arrêt de Cologne : une jeune femme membre de la bande est recon<strong>du</strong>ite à sa cellule.<br />
Elle appelle Ulrike. Gros plan d’Ulrike dans sa cellule. Elle répond à la jeune femme qui se<br />
prénomme Astrid. Plan général de la petite cellule dans laquelle se trouve Ulrike. Les autres<br />
détenues de la maison d’arrêt se joignent à l’appel.<br />
Séquence 25 [1 :20 :20-1 :23 :45] Les Jeux Olympiques de 1972.<br />
Le BKA. Horst Herold apprend <strong>du</strong> ministre de l’Intérieur qu’il considère le problème de la<br />
RAF comme terminé. Le spectateur comprend par un gros plan que Herold ne partage pas cet<br />
avis.<br />
Changement de scène. Munich 1972 où se déroulent les Jeux Olympiques. Images d’archives<br />
de l’époque, ce sont les informations. On voit des images de l’attentat contre les sportifs<br />
israéliens. On voit une liste. Les responsables de l’attentat exigent la libération des membres<br />
de la RAF. On entend une voix off qui refuse la libération des prisonniers.<br />
Images d’un attentat à la bombe contre l’aéroport de Fürstenfeldbruch. Images d’archives où<br />
l’on voit les victimes et leurs proches.<br />
Le BKA. Herold et des collègues suivent le reportage à la télévision. Le spectateur les voit.<br />
Retour sur les images à la télévision. Les fonctionnaires discutent au sujet <strong>du</strong> meilleur moyen<br />
de combattre les terroristes. Gros plan de chaque fonctionnaire en train de parler.<br />
Séquence 26 [1 :23 :45-1 :28 :50] La grève de la faim.<br />
Plan général sur le palier de la prison. Sept mois se sont écoulés. La caméra s ‘approche<br />
d’Ulrike par derrière. Sa voix lit un texte qu’elle est en train d’écrire. Il s’agit des sentiments<br />
qu’elle éprouve dans sa cellule. Le spectateur voit les images des émotions décrites. Les<br />
membres de la RAF sont en permanence en cellule d’isolement.<br />
Changement de scène. Gros plan d’Ulrike. Point de vue <strong>du</strong> journaliste. Elle lit un<br />
communiqué de la RAF. A partir d’aujourd’hui les membres de la RAF se mettent en grève de<br />
la faim.<br />
Changement de scène. Un membre de la bande totalement squelettique est attaché par des<br />
officiers sur un lit d’hôpital. On le force à manger. En off on entend la voix d’Ulrike.<br />
Changement de scène. Plan rapproché d’Andreas assis dans sa cellule. Il écrit un texte. Sa<br />
voix lit le texte. Il fait des plans pour continuer la grève de la faim.<br />
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Changement de scène. Dans le parloir Andreas donne à son avocat qui est aussi celui des<br />
autres détenus son texte.<br />
Changement de scène. Une voiture roule sur une route de campagne.<br />
Changement de scène. L’avocat est avec Gudrun dans la prison. Il fait le lien entre eux en<br />
passant d’une maison d’arrêt à une autre et permet ainsi la communication entre les détenus.<br />
Gros plan <strong>du</strong> texte d’Andreas.<br />
Changement de scène. Gros plan des policiers qui forcent un détenu à se nourrir tandis que<br />
l’avocat relaie les propos d’Andreas prédisant que la grève de la faim va faire des victimes.<br />
On voit un texte écrit par Gudrun à la machine à écrire. Sa voix lit le texte. Pendant ce temps<br />
on voit de images des mesures de coercition prises à l’encontre des prisonniers. On voit<br />
Gudrun en gros plan lorsqu’elle annonce des martyres.<br />
Changement de scène. Des graffitis de protestation sont dessinés sur les murs de la prison.<br />
Changement de scène. L’avocat veut parler au détenu qui est nourri de force. On voit des<br />
gardiens le lui amener. Il semble très affaibli. Gros plan de l’avocat. Le prisonnier lui tend un<br />
texte. On entend la voix de Gudrun. Le prisonnier parle lui aussi. Il considère l’attitude <strong>du</strong><br />
gouvernement comme un assassinat. A sa demande, l’avocat lui donne une cigarette. On<br />
entend en off ses pensées relatives à la notion de liberté. On le voit fumer puis mourir en gros<br />
plan. L’avocat demande aux gardiens d’appeler un médecin, mais ils refusent. Gros plan de<br />
chacun des gardiens. Travelling sur le corps qui est évacué. L’avocat regarde derrière lui. On<br />
voit de son point de vue disparaître la civière.<br />
Séquence 27 [1 :28 :50-1 :30 :25] Le commando Hans Mainz.<br />
Quelqu’un sonne à la porte chez les Van Drenckmann. Une femme ouvre la porte. Elle voit<br />
une jeune femme avec des fleurs. La femme est alors agressée. Son mari arrive et il est tué. En<br />
voix off, on entend un reportage au sujet de cet attentat. Nous sommes en novembre 1974,<br />
deux jours après la mort d’Holger Mainz.<br />
Changement de scène. On voit Ulrike dans sa cellule. Elle regarde le reportage et elle écrit un<br />
communiqué au sujet de l’attentat. Sa voix en off lit le communiqué. On voit à la télévision<br />
des images d’archives de manifestations. On entend les commentaires des informations.<br />
L’avocat de la bande à Baader se plaint de la mort d’Holger Mainz suite à sa grève de la faim.<br />
Gros plan d’Ulrike.<br />
Changement de scène. On assiste à l’enterrement d’Holger Mainz. Travelling sur des affiches<br />
de protestation jusqu’à un gros plan de l’avocat. Rudi Dutschke fait son apparition. La caméra<br />
le suit, il appelle à poursuivre la lutte.<br />
Séquence 28 [1 :30 :25-1 :35 :40] L’ambassade d’Allemagne à Stockholm.<br />
Un appartement. L’avocat distribue des armes aux nouveaux membres de la bande.<br />
Changement de scène. Un train file à toute allure. Dans un compartiment sont assis les<br />
membres de la bande que l’on vient de voir.<br />
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Changement de scène. Le BKA. Un fonctionnaire tient une conférence au sujet des mesures<br />
de sécurité prises pour le début <strong>du</strong> procès.<br />
Changement de scène. Les membres de la bande assemblent leurs armes. Ils écoutent la radio<br />
sur la fréquence de la police.<br />
Changement de scène. Le BKA. La conférence se poursuit. Les membres de la bande à<br />
Baader ont été regroupés à leur demande. Une discussion s’engage à ce sujet.<br />
Changement de scène. On entend en off la discussion qui se poursuit. Mais à l’image, on voit<br />
le groupe qui poursuit ses préparatifs pour la prochaine action. Alternance rapide entres les<br />
images <strong>du</strong> BKA et les images des préparatifs.<br />
Changement de scène. L’ambassade d’Allemagne à Stockholm 1975. Les membres de la<br />
bande prennent d’assaut l’ambassade et tirent des salves en l’air. Le spectateur les suit par<br />
derrière et c’est comme s’il participait à la prise d’assaut de l’ambassade. De gros plans<br />
montrent que l’on pose des explosifs.<br />
Changement de scène. Prison de Stammheim à Stuttgart. Quartier de haute sécurité.<br />
7°étage.En off, on entend le reportage au sujet de l’attaque de l’ambassade. La caméra<br />
traverse le couloir et entre dans la cellule d’Ulrike qui suit le reportage. Puis on entre dans la<br />
cellule de Gudrun qui elle aussi de son côté écoute le reportage. Images d’archives de l’assaut<br />
de l’ambassade. Puis on entre dans la cellule d’un autre prisonnier qui lui aussi regarde le<br />
reportage.<br />
Images de l’ambassade. La police se déploie dans l’immeuble.<br />
Retour dans la cellule d’Andreas. Celui-ci écoute le reportage tout en brûlant des documents<br />
dans les toilettes. Il explique qu’ils seront tous sortis le jour suivant.<br />
L’ambassade : les assaillants remarquent les policiers. Ils entrent en contact avec eux grâce à<br />
des interprètes. La police n’obéit pas à leur mise en demeure de se retirer. L’interprète est<br />
abattu. On suit cela avec alternance des plans en bas et en haut de l’escalier. Des images<br />
d’archives sont insérées. On entend une explosion. Un reporter fait le récit de ce qui se passe<br />
dans l’ambassade et des explosions qui suivent. On voit des images d’archives de la Suède. La<br />
police a donné l’assaut. Les membres de la RAF ont été arrêtés.<br />
Changement de scène. La prison. Gros plan d’Andréas qui écoute le reportage décontenancé<br />
.Gros plan de Gudrun qui écoute elle aussi le reportage. On voit les images <strong>du</strong> transfert de<br />
Siegfried Hausner à Stammheim. On voit la cellule de Gudrun qui entend Hausner arriver par<br />
hélicoptère. On voit Herold qui s’agace de la grave blessure causée au membre de la RAF. La<br />
caméra suit les gardiens qui amènent Hausner sur une civière dans sa cellule.<br />
Séquence 29 [1 :35 :40-1 :45 :45] Le procès.<br />
Premier jour <strong>du</strong> procès. Plan général de la salle par derrière. Plans alternés sur les juges, les<br />
avocats et les accusés. Andreas refuse l‘avocat commis d’office. Ulrike se déclare coupable au<br />
sens juridique <strong>du</strong> terme. Gros plan d’Ulrike. La demande est refusée. Andreas se plaint de<br />
l’isolement. Les spectateurs dans la salle sont des partisans des membres de la bande.<br />
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Changement de scène. Gudrun et Ulrike écrivent un texte dans une cellule. Ulrike que l’on<br />
voit en gros plan demande pour quelle raison ses textes ne sont soudain plus utilisés. Gudrun<br />
pense qu’ils ne sont pas utilisables. Les femmes sont ten<strong>du</strong>es et elles se disputent.<br />
Changement de scène. Dans la cour de la prison. La querelle continue de plus belle. Les deux<br />
hommes de la bande se tiennent en retrait. Gudrun et Ulrike crient à présent. Les deux<br />
femmes semblent devenir folles. Les prisonniers vivent depuis trois ans sous le régime<br />
d’isolement cellulaire.<br />
39 ème jour <strong>du</strong> procès. Ulrike est poussée dans la salle par deux gardiens. Elle résiste. Lorsque<br />
les deux gardiens dont parties, elle cherche à s’enfuir, mais elle est arrêtée dans son élan. Le<br />
procureur en gros plan s’adresse à elle. Elle l’insulte. Le procureur l’exclut alors des débats.<br />
Andreas aussi veut être exclu. Pour arriver à ses fins, il insulte à son tour le procureur. Gudrun<br />
explique qu’ils ne sont pas en état de se défendre et qu’ils ne prendront plus part au procès.<br />
Elle insulte le procureur. Le procureur les exclut tous et il se retire avec les autres juges pour<br />
délibérer. Cris de joie des spectateurs.<br />
Février 1976. Andreas dans sa cellule. La vox de Gudrun lit un texte qu’elle a écrit. Gros plan<br />
de Gudrun. Le texte parle d’Ulrike et de son comportement. Gudrun la tient pour folle. Elle<br />
semble devenir paranoïaque. On voit alors la scène que Gudrun est en train de décrire. Ulrike<br />
semble atteinte psychologiquement. Gros plan d’Andreas à qui le texte est destiné.<br />
Plan général <strong>du</strong> palier. Les quatre membres sont autorisés à travailler ensemble sous<br />
surveillance. Ulrike se dirige vers les autres. Plan rapproché <strong>du</strong> groupe. Andreas démolit un<br />
texte écrit par Ulrike. Gros plan des membres. Une querelle éclate. Des différents anciens<br />
remontent à la surface. Andreas et Gudrun se positionnent clairement contre Ulrike. Le 4 ème<br />
membre de la bande ne peut pas régler le conflit. Ulrike retourne dans sa cellule, la caméra la<br />
suit.<br />
Plan rapproché d’Ulrike qui pendant le procès s’adresse au procureur. Elle se plaint de<br />
l’isolement et <strong>du</strong> changement de comportement des autres. Echange entre les juges, les<br />
accusés. Ulrike parle de trahison, les autres sont atterrés. Pendant les explications d’Ulrike, les<br />
autres sont ramenés à leur cellule. Gudrun injurie Ulrike en lui reprochant la mort de la RAF.<br />
Plan général d’Ulrike dans sa cellule. Elle semble être très éprouvée. Gros plan de son visage.<br />
On entend sa voix. Des images d’actions antérieures sont insérées et fonctionnent comme des<br />
souvenirs. Plan rapproché de Gudrun qui lit un communiqué au cours <strong>du</strong> procès. Elle se<br />
déclare, elle et les autres, responsables de plusieurs attentats et commandos. La caméra longe<br />
le banc des accusés. La place d’Ulrike est vide.<br />
Séquence 30 [1 :45 :45-1 :46 :20] La mort d’Ulrike Meinhof.<br />
On voit la prison de l’extérieur. C’est la nuit. On se retrouve ensuite sur le palier. Les<br />
lumières sont éteintes. La caméra avance vers le visage d’Ulrike jusqu’au très gros plan. Elle<br />
est dans sa cellule. Un reportage débute. Il parle de son suicide. Lever de soleil devant la<br />
prison. Images d’archives de manifestation. On voit les nouveaux membres de la bande dans<br />
un appartement. Ils regardent le reportage et assemblent des armes. Images <strong>du</strong> procès. Les<br />
accusés demandent une suspension <strong>du</strong> procès, afin de savoir si Ukrike Meinhof n’a pas été<br />
exécutée. La salle pousse des cris de joie. Plans alternés sur la salle, les juges et les accusés.<br />
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Séquence 31 [1 :46 :20-1 :48 :35] Le rapprochement.<br />
Plan général sur le palier. A travers les grilles, le spectateur voit les membres de la RAF.<br />
Entretemps, les trois jeunes femmes de la bande ont été transférées à Stammheim avec les<br />
autres. En off, on entend la voix de Horst Herold qui remet cela en question. Gros plan sur les<br />
membres qui écrivent des textes.<br />
Plan sur les locaux de la police judiciaire. La caméra suit Herold qui est en colère, car le<br />
tribunal a ordonné le rapprochement des membres de la bande afin d’éviter d’autres suicides.<br />
Plan sur les membres qui injurient les gardiens. Ils semblent avoir repris des forces.<br />
Plan sur le BKA. Horst Herold s’entretient avec un collègue au sujet d’une jeune femme,<br />
Brigitte Monhaupt, qui doit être libérée dans quelques mois.<br />
Séquence 32 [1 :48 :35-1 :51 :40] La deuxième génération.<br />
Vue de la prison de l’extérieur. Le spectateur voit par dessus les épaules d’un homme. La<br />
porte de la prison s’ouvre et Brigitte Monhaupt se dirige vers la caméra. Elle va rejoindre par<br />
le train les autres membres <strong>du</strong> groupe. Elle leur explique qu’il faut faire sortir Andreas et<br />
Gudrun de prison aussi vite que possible. La caméra suit les deux personnages qui discutent.<br />
La population ne doit en aucun cas être mise en danger lors des actions futures. Ceux qui sont<br />
restés en prison se reposent, selon Brigitte, sur la deuxième direction de la RAF. Elle reçoit<br />
une arme. Les deux personnages font l’amour. Ensuite, il prévoit de faire parvenir des armes<br />
aux prisonniers de Stammheim. Au cas où ils n’arriveraient pas à les faire libérer, ils veulent<br />
pouvoir décider de leur mort. Ils n’excluent pas qu’ils puissent être assassinés comme Ulrike.<br />
Elle s’est pen<strong>du</strong>e avec une serviette.<br />
Plan sur la réception lors d’une fête. On rend hommage à Horst Herold. Il examine des<br />
documents concernant l’avocat de la bande à Baader qui vient d’être arrêté. Il donne des<br />
indications concernant les actions futures à préparer. Il confie au procureur général Buback<br />
ses craintes relatives à un acte de vengeance.<br />
Séquence 33 [1 :51 :40-1 :53 :20] Le commando Ulrike Meinhof.<br />
Gros plan de Brigitte assise devant une machine à écrire, elle rédige un texte. Il s’agit <strong>du</strong><br />
communiqué relatif au commando Ulrike Meinhof. Nous sommes en avril 1977. Sa voix lit le<br />
texte. Il s’agit d’un attentat contre le procureur général. Pendant qu’elle lit le texte, le<br />
spectateur voit les images de l’attentat.<br />
Le BKA. En off Brigitte lit toujours le texte. Herold regarde les photos des victimes. Son<br />
collègue finit de lire le texte de Brigitte. Gros plan <strong>du</strong> logo de la RAF. Puis gros plans des<br />
personnages qui parlent. Ils s’étonnent qu’il y ait encore des membres qui rejoignent la RAF.<br />
Horst Herold fait allusion au mythe qui entoure la RAF.<br />
Séquence 34 [1 :53 :20-1 :53 :50] La liberté.<br />
Plan de détail d’un dossier dans lequel sont soigneusement cachés des cartouches et une arme.<br />
Gros plans des personnes impliquées. Ce sont Brigitte, Charly, le jeune homme qui s’était<br />
enfui de l’établissement d’é<strong>du</strong>cation surveillée de Glückstadt et le nouvel avocat de la bande.<br />
Plan sur le point de contrôle à l’entrée de Stammheim. L’avocat passe le contrôle avec le<br />
dossier « préparé ».<br />
61
Plan sur le début <strong>du</strong> procès. En gros plans, on voit l’avocat qui échange des dossiers avec<br />
Andreas. Il est à présent en possession de l’arme.<br />
Séquence 35 [1 :53 :50-1 :56 :20] Le commando Ponte.<br />
Une jeune femme se dirige vers l’entrée d’une maison avec un bouquet de fleurs à la main.<br />
Elle est en compagnie d’un couple. La caméra les suit lorsqu’ils pénètrent dans la maison. On<br />
les salue. La jeune femme connaît les habitants de la maison. L’homme <strong>du</strong> trio suit le maître<br />
de maison et veut le prendre en otage au nom de la RAF. L’homme se débat et il est abattu par<br />
Brigitte. Gros plans des différentes personnes impliquées. Les membres de la RAF se<br />
précipitent en courant hors de la maison, tandis que la femme de l’homme abattu court vers<br />
lui. Une voiture arrive. Les fuyards sont assis à l’intérieur. La jeune femme qui portait les<br />
fleurs est hors d’elle. Brigitte en gros plan reste froide et force la jeune femme à signer un<br />
communiqué de revendication. La jeune femme cherche en vain à s’échapper de la voiture et<br />
elle s’effondre en larmes. La voix off de Brigitte lit le communiqué concernant l’attentat signé<br />
Suzanne Albrecht, membre <strong>du</strong> commando de la RAF.<br />
Séquence 36 [1 :56 :20-2 :03 :37] Hans-Martin Schleyer.<br />
Le palier de la prison. Un membre <strong>du</strong> groupe rentre dans sa cellule. Soudain, l’un des gardiens<br />
se précipite vers la porte de la cellule et la ferme à clef. Les autres membres s’énervent et<br />
veulent empêcher les gardiens de la faire. D’autres gardiens arrivent sur le palier. Andreas<br />
prépare une attaque et attrape une chaise. Succession de gros plans. Une rixe se déclenche.<br />
Les membres de la bande sont ramenés dans leur cellule et enfermés à clef.<br />
Plan <strong>du</strong> groupe qui est à l’extérieur. Charly et Brigitte déchiffrent des messages provenant de<br />
Stammheim. Gros plan de Gudrun Ensslin. En off sa voix lit le texte que les autres viennent<br />
de déchiffrer. Il s’agit de la soi-disant liquidation des membres de la RAF et le plan pour<br />
prévenir cette liquidation. On voit les membres qui sont à l’extérieur. La caméra les prend<br />
l’un après l’autre en gros plans. Charly continue de lire le texte de Gudrun. Le groupe discute<br />
des modalités d’un suicide collectif. L’attentat prévu contre H.M. Schleyer est évoqué. C’est<br />
le moyen qu’ont trouvé les membres <strong>du</strong> groupe pour contraindre les autorités à libérer les<br />
prisonniers. Le plan sera modifié dans la mesure où désormais on ne tient plus compte des<br />
blessés ou des morts. Une jeune femme se retire en signe de protestation. Gros plans des<br />
différents protagonistes de la discussion. Une colonne de voitures s’engage dans une rue et<br />
elle est stoppée par une voiture en stationnement. Gros plan de H.M. Schleyer qui, après un<br />
moment d’effroi, se croit en sécurité, car il voit une mère avec un landau dans la rue. C’est la<br />
RAF. La mère est en réalité un membre <strong>du</strong> groupe qui, en un cli d’œil, sort une mitraillette <strong>du</strong><br />
landau. De nombreux gardes <strong>du</strong> corps sont abattus. La caméra suit l’échange de coups de feu.<br />
Gros plan d’une carte routière. Horst Herold téléphone et parle de l’enlèvement.<br />
Images d’archives avec les reportages.<br />
Changement de scène. Andreas est devant le téléviseur dans sa cellule. On le voit regarder les<br />
informations. A nouveau l’on voit de images d’archives. Dans sa cellule, Gudrun suit aussi les<br />
informations.<br />
Changement de scène. Tandis qu’en voix off le journaliste continue à parler, le spectateur voit<br />
un parking souterrain dans lequel se trouve une voiture. Un membre <strong>du</strong> groupe sort H.M.<br />
Schleyer qui est ligoté <strong>du</strong> coffre de la voiture.<br />
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Changement de scène. A nouveau on voit Andreas dans sa cellule. Des gardiens regardent<br />
dans la cellule, ils entrent et prennent le téléviseur. Andreas crie joyeux contre les gardiens.<br />
On entend ses cris dans la cellule voisine. Gudrun regarde le reportage.<br />
Changement de scène. Schleyer est amené dans un appartement. Il a les yeux bandés. On<br />
entend le journaliste lire un texte <strong>du</strong> chancelier. Schleyer est enfermé dans un placard par<br />
Brigitte.<br />
Changement de scène. La cellule de Gudrun. A son tour, on lui confisque le téléviseur et la<br />
radio.<br />
Changement de scène. A nouveau avec Schleyer. Les terroristes suivent le discours <strong>du</strong><br />
chancelier Helmut Schmidt. Très gros plan <strong>du</strong> texte sur la machine à écrire. Brigitte dicte un<br />
communiqué de la RAF relatif à l’enlèvement de Schleyer et le signe <strong>du</strong> nom de commando<br />
Siegfried Hausner.<br />
Changement de scène. Stammheim. Gudrun est dans sa cellule. Elle entend à l’extérieur un<br />
certain tumulte et elle veut s’entretenir avec les autres à travers la porte de la cellule. Andreas<br />
est dans sa cellule et l’appelle. Les fentes de la porte prévues pour l ‘aération s’obscurcissent.<br />
Sur le palier on voit les gardiens qui accrochent un panneau d’isolation à la porte, afin que les<br />
prisonniers ne puissent plus communiquer entre eux. La caméra suit les gardiens. Entre temps<br />
on voit les gros plans des prisonniers devant leur porte de cellule. Andreas pleure dans sa<br />
cellule. Gros plan de Gudrun. La lumière est éteinte.<br />
Séquence 37 [2 :03 :37-2 :11 :40] Mogadiscio.<br />
Bagdad, Iraq, 1977. Vue de la ville. La caméra suit un taxi. A l’intérieur sont assis Brigitte et<br />
Charly. Ils sont amenés chez un chef arabe. Ils sont accueillis chaleureusement. Ils discutent<br />
en anglais au sujet de l’enlèvement de Schleyer et <strong>du</strong> refus de négocier <strong>du</strong> chancelier Schmidt.<br />
Gros plan de leur interlocuteur.<br />
Changement de scène. Bruxelles. Des membres de la RAF portent une grosse corbeille dans<br />
un appartement. A l’intérieur se trouve Schleyer. En off, on entend la voix <strong>du</strong> chef arabe.<br />
Changement de scène. Bagdad. Le chef arabe a imaginé deux autres possibilités pour exercer<br />
une pression sur le gouvernement allemand. L’assaut de l’ambassade d’Allemagne au Koweit<br />
ou le détournement d’un avion. On connaît la solution choisie par la RAF.<br />
Changement de scène. On voit en plan rapproché un avion de la Lufthansa en vol. On entend<br />
en off la mélodie qui annonce le journal télévisé. Le présentateur fait le récit <strong>du</strong> détournement<br />
de l’avion. Des images d’archives sont intercalées. L’avion n’a pas l’autorisation d’atterrir à<br />
Chypre.<br />
Gros plan de Schleyer devant le logo de la RAF. Il s’adresse au gouvernement. Des membres<br />
de la RAF le filment et font un message vidéo. Il y a 5 semaines et demi que Schleyer a été<br />
enlevé.<br />
Changement de scène. Le BKA. Les officiers regardent la vidéo.<br />
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Stammheim. Extérieur, nuit. On entend en off un porte-parole <strong>du</strong> gouvernement. Insert sur un<br />
émetteur récepteur bricolé par un des membres de la RAF qui suit le reportage dans sa cellule.<br />
Il a l’air ébranlé psychologiquement, il a des tics nerveux.<br />
Changement de scène. Images d’archives de l’avion. Les informations nous apprennent que<br />
les ravisseurs ont posé un ultimatum. Le pape se propose d’être échangé contres les otages.<br />
Gros plans des prisonniers qui suivent les informations avec des récepteurs bricolés. L’avion<br />
entretemps atterri à Aden au Yemen. Images d’archives. Plans alternés sur les prisonniers, des<br />
images d’archives et les membres de la RAF à Bagdad. Ils suivent un reportage à la radio qui<br />
explique qu’aucun Etat ne veut donner l’autorisation d’atterrir à l’avion. Gros plans de<br />
Brigitte et Charly. On voit des images d’archives <strong>du</strong> décollage de l’avion. A nouveau plans<br />
sur Charly et Brigitte qui semblent désespérés. Images d’archives de l’avion.<br />
Changement de scène. Stammheim. Les prisonniers ont trouvé un moyen de communiquer<br />
grâce à un petit transistor et ils discutent <strong>du</strong> redécollage de l’avion. Ils sont soucieux étant<br />
donné que l’ultimatum valait pour Aden et qu’à présent les choses ne se passent pas selon le<br />
plan établi. Le commando a abattu le pilote.<br />
Changement de scène. La Somalie. Mogadiscio. Les reporters font part de l’atterrissage de<br />
l’avion. Images d’archives. La caméra suit les ravisseurs qui font les cent pas dans l ‘avion.<br />
Le spectateur les voit comme s’il était assis à la place des passagers.<br />
Changement de scène. La nuit. Une foule de journalistes se presse devant la prison de<br />
Stammheim. Une voiture rentre. C’est le porte-parole <strong>du</strong> gouvernement. Gros plan d’Andreas<br />
qui s’entretient avec lui. On voit les gardiens ouvrir une cellule. C’est celle de Gudrun. Elle<br />
souhaiterait parler à un ecclésiastique. On voit Andreas converser avec le porte-parole.<br />
Gudrun rencontre l’ecclésiastique. Elle a peur qu’on l’assassine t elle souhaiterait que<br />
l’ecclésiastique mette se documents en sécurité qui sinon risqueraient d’être détruits. A<br />
nouveau, on voit Andreas en grande conversation. Il suppose que l’action destinée à les faire<br />
libérer va réussir.<br />
Séquence 38 [2 :11 :40-2 :13 :13] La libération.<br />
Images des policiers qui se préparent à prendre l’avion d’assaut.<br />
Charly et Brigitte sont à Bagdad devant un poste de radio. En off, on entend l’annonce d’une<br />
émission spéciale. Les otages sont libres, l’avion a été pris d’assaut. Gros plans sur les otages<br />
et l’avion. Images de la libération.<br />
Gros plans des prisonniers l’un après l’autre. Andreas a l’air désespéré. Gudrun est très calme.<br />
Séquence 39 [2 :13 :13-2 :16 :09] La fin.<br />
C’est le petit matin. Vue de la prison de l’extérieur. La caméra suit les gardiens qui veulent<br />
distribuer le petit-déjeuner aux prisonniers. Les cellules sont ouvertes l’un après l’autre. Le<br />
spectateur découvre en gros plans les membres de la RAF morts. Tous se sont donnés la mort.<br />
Une jeune femme est gravement blessée.<br />
Changement de scène. Un appartement à Bagdad. Les membres <strong>du</strong> groupe sont autour de<br />
Brigitte. En gros plan une jeune femme pleure, elle insulte les prisonniers morts, parce qu’ils<br />
ont mis leur menace à exécution. L’un des membres parlent de meurtre. Brigitte le contredit.<br />
64
Les prisonniers ne sont pas des victimes. Brigitte explique qu’ils ont décidé eux-mêmes de<br />
leur sort, qu’on ne les a pas exécutés. Ulrike non plus. Les membres sont consternés. Plans<br />
alternés des différents protagonistes. Brigitte se détourne, la caméra suit son regard vers<br />
Changement de scène. Une voiture est garée dans la forêt. Un homme ouvre le coffre et en<br />
extrait Schleyer. Il le tue. On voit en gros plan Schleyer tomber.<br />
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Extraits d’un entretien avec Bernd Eichinger, pro<strong>du</strong>cteur et scénariste.<br />
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter au cinéma le livre de Stefan Aust Der<br />
Baader-Meinhof Komplex ?<br />
J’avais déjà eu envie de faire un film sur Ulrike Meinhof dès 1978. Mais à l’époque, le<br />
sujet <strong>du</strong> terrorisme allemand n’avait pas encore été suffisamment documenté. Et puis,<br />
simplement, je ne me sentais pas assez compétent alors pour appréhender un sujet aussi<br />
complexe et difficile…<br />
… A vrai dire, ce sujet me trottait dans la tête même avant 1978. Le terrorisme allemand<br />
et l’histoire de la RAF m’intéressent depuis l’époque où j’étais étudiant en cinéma à Munich,<br />
au début des années 70. J’avais vécu le mouvement étudiant de la fin des années 60 comme<br />
quelque chose de très positif. L’échec des structures autoritaires, la découverte d’une nouvelle<br />
solidarité entre les jeunes, la recherche de nouvelles façons de vivre et d’un rapport à l’autre<br />
différent, tout cela me fascinait et m’avait fait forte impression. Mais ensuite, les gens ont<br />
commencé à utiliser la violence comme un instrument politique, et là, je n’étais plus d’accord.<br />
Quand le mouvement est devenu militant, il est devenu aussi autoritariste, et cela, je ne<br />
pouvais l’accepter… Beaucoup de mes amis ont soutenu cette position politique. Je n’arrivais<br />
pas à comprendre leur point de vue. D’une part cela me révoltait, mais d’autre part, je<br />
n’arrivais pas à m’ôter cette question de la tête, parce que pour moi c’était un mystère que je<br />
voulais résoudre. On pourrait donc dire que ma motivation pour faire La bande à Baader a<br />
été la même que celle qui m’a poussé à faire La chute.<br />
Pourquoi avoir basé le film sur le livre de Stefan Aust ?<br />
Son livre Der Baader Meinhof Komplex est un ouvrage de référence. C’est le seul à<br />
récapituler réellement sérieusement et avec compétence ce qui s’est déroulé entre 1967 et<br />
« l’automne allemand » de 1977 en liaison avec l’histoire de la RAF.<br />
Dans quelles mesures le scénario prend-il des libertés artistiques ?<br />
Lorsque vous traitez d‘événements historiques où des gens ont été tués et d’autres sont<br />
devenus des tueurs, vous avez la responsabilité en tant que cinéaste d’être aussi précis et<br />
documenté que possible. Il n’y a qu’un seul personnage dans le film qui ait été inventé, c’est<br />
celui de l’assistant de Horst Herold. Chaque fois que c’était possible, j’ai basé les dialogues<br />
sur des documents originaux ou des récits de témoins oculaires. Cependant, j’ai ré<strong>du</strong>it la<br />
quantité de jargon politique qu’utilisaient entre eux les membres de la gauche allemande dans<br />
les années 70, afin de rendre les dialogues compréhensibles pour le public d’aujourd’hui.<br />
Comment vous et Uli Edel avez-vous choisi les trois acteurs principaux ?<br />
Le choix était finalement assez restreint parce qu’il n’existe pas beaucoup de grands<br />
comédiens allemands qui puissent interpréter des personnages aussi complexes et ayant autant<br />
de facettes qu’Ulrike Meinhof, Andreas Baader et Gudrun Ensslin. En outre, il fallait une<br />
certaine ressemblance entre la personne réelle et celui ou celle qui allait l’interpréter dans le<br />
film. Nous cherchions aussi une sorte d’alchimie particulière entre les trois acteurs, parce que<br />
si Meinhof, Baader et Ensslin ne s’étaient jamais rencontrés, l’Histoire aurait sans doute été<br />
très différente.<br />
66
Le film se concentre davantage sur les actions <strong>du</strong> groupe que sur les théories de la<br />
RAF. Pourquoi ?<br />
C’est une décision absolument volontaire et consciente. Premièrement, je partage la<br />
première préoccupation de Stefan Aust, qui est de se demander ce qui s’est réellement passé.<br />
Deuxièmement, la RAF ayant décidé de tourner le dos au débat politique et de recourir à la<br />
violence, il est par conséquent logique que le film suive et ne se concentre pas tant sur ce qu’a<br />
dit la RAF que sur ce qu’elle a fait. En outre, je suis convaincu que nous ne nous définissons<br />
pas en tant qu’êtres humains par ce que nous disons, mais parce que nous faisons.<br />
Extraits d’un entretien avec Stefan Aust, auteur <strong>du</strong> livre.<br />
Comment en êtes-vous venu à écrire Der Baader Meinhof Komplex ?<br />
J’étais secrétaire de rédaction au magazine « konkret » de 1966 à 1969 et je connaissais<br />
donc bien un grand nombre de ceux auraient un rapport par la suite avec la <strong>Fraction</strong> <strong>Armée</strong><br />
<strong>Rouge</strong>, directement ou indirectement, et notamment Ulrike Meinhof. En 1970, j’ai travaillé<br />
pour une radio nationale NDR, où j’ai pro<strong>du</strong>it de nombreux reportages sur le terrorisme.<br />
J’avais le grand avantage sur mes collègues journalistes de connaître beaucoup de ceux qui<br />
étaient impliqués. Pendant des années cela a été un sujet qui m’a beaucoup occupé, et j’ai fini<br />
par décider d’approfondir mes connaissances et de donner un compte ren<strong>du</strong> le plus détaillé<br />
possible de ce qui s’est passé.<br />
Selon vous, le film rend-il justice à votre livre ?<br />
En écrivant ce livre, mon but n’était pas de commenter les événements que je décrivais,<br />
mais seulement d’en livrer un récit aussi détaillé que possible. C’est pourquoi j’ai fait tant de<br />
recherches et rassemblé tous les documents disponibles. En d’autres termes, j’ai essayé de me<br />
rapprocher le plus possible à la fois des événements réels et des gens impliqués. Je suppose<br />
que c’est la raison pour laquelle mon livre n’a pas vieilli et n’a rien per<strong>du</strong> de sa pertinence.<br />
Dès le tout début, j’ai eu le sentiment que Bernd Eichinger et Uli Edel poursuivaient le même<br />
objectif : comme moi, ils voulaient raconter cette histoire dans toute sa complexité et en<br />
même temps essayer d’en atteindre le cœur. Et je trouve qu’ils ont accompli un travail<br />
formidable. Bernd Eichinger a réussi à condenser dans son scénario les événements qui se<br />
sont déroulés pendant ces dix années d’une manière extraordinaire. A mon sens, les gens et le<br />
cours des événements ont été remarquablement saisis et transcrits.<br />
Avez-vous été particulièrement ému par des scènes ou des moments <strong>du</strong> film ?<br />
… Voir comment Ulrike Meinhof s’est laissée basculer dans l’abattement et le<br />
désespoir , la voir incapable de se libérer de ce chaos infernal dans lequel elle s’était ellemême<br />
plongée, est ce qui m’a le plus ému. Martina Gedeck a vraiment réussi à saisir<br />
l’essence <strong>du</strong> personnage d’Ulrike Meinhof. Le film transmet une grande authenticité, à tel<br />
point qu’on a souvent l’impression qu’il s’agit d’un documentaire pris sur le vif, comme si on<br />
était une petite souris dans la pièce. On voit, encore et encore, des images que tous les<br />
Allemands ont vues dans tous les journaux et à la télévision, des images qui sont à présent<br />
gravées dans la conscience collective de la société allemande. En même temps, le film montre<br />
des scènes qu’un documentaire ne pourrait jamais saisir et nous ouvre ainsi à une nouvelle<br />
dimension de l’histoire. J’ai trouvé cela très impressionnant.<br />
67
Qu’avez-vous ressenti en vous voyant incarné par un acteur à l’écran ?<br />
Je me suis dit qu’à certain moment de ma vie, je ressemblais vraiment beaucoup à cela.<br />
Je pense que j’ai été très bien « casté » visuellement… Le film montre des événements<br />
auxquels j’ai assisté personnellement et qui se sont déroulés exactement comme ils sont<br />
dépeints dans le film. Par exemple, la manifestation au groupe de presse Axel Springer est<br />
incroyablement proche de ce que j’ai moi-même vécu cette nuit là.<br />
Extraits d’un entretien avec Uli Edel réalisateur et coscénariste.<br />
Qu’est-ce qui vous a attiré vers ce projet ?<br />
Lorsque Bernd m’a demandé si je voulais réaliser La bande à Baader, ma première<br />
réaction a été : qui d’autre pourrait le faire ? C’est l’histoire de notre génération, et c’est une<br />
histoire qui m’a préoccupé comme aucune autre. Je la considère comme la plus grande<br />
tragédie de l’histoire de l’Allemagne d’après la guerre.<br />
… Pendant deux ans à la fin des années 60, j’ai fait partie d’une troue de théâtre<br />
politique et je participais en même temps à des grands rassemblements, des débats ou des<br />
conférences. C’était une époque très chargée émotionnellement, ce que j’ai essayé de<br />
retranscrire dans la première partie <strong>du</strong> film. J’étais moi-même un incurable révolutionnaire<br />
romantique, comme beaucoup de jeunes en ce temps-là. J’ai suivi les débuts de la RAF avec<br />
grand intérêt. C’était très excitant de voir des gens qui osaient aller vers de tels extrêmes. Ce<br />
n’est qu’en 1972, avec les premières bombes, les premiers morts et les premiers blessés, que<br />
sont venus le choc et la grande désillusion.<br />
Comment avez-vous approché le sujet ?<br />
D’abord, j’ai commencé à réfléchir à tout ce dont je pouvais me souvenir. Puis j’ai lu<br />
tout ce que je pouvais trouver sur le sujet. Je me suis entretenu avec d’anciens terroristes.<br />
parfois très longuement et de manière très détaillée. Il ne faut jamais oublier, quand vous<br />
parlez avec d’anciens terroristes, que l’esprit peut jouer des tours aux gens. Trente ou<br />
quarante ans après les faits, certains se souviennent de choses d’une manière qui diminue leur<br />
implication personnelle et amoindrit leur culpabilité. .. Je suppose que c’est ce que l’on<br />
appelle le refoulement de la mémoire- un processus qui permet aux gens de vivre avec leur<br />
passé.<br />
Comment avez-vous approché visuellement La Bande à Baader ? Quelle sorte de film<br />
souhaitiez-vous faire ?<br />
Je voulais éviter ce que l’on associe d’habitude à un film de genre. Pour moi,<br />
l’authenticité était la clé de tout. En France, ils appellent cela « le cinéma vérité ». Cela<br />
signifiait entre autres que lorsque nous mettions en place les lumières sur un plateau, nous ne<br />
faisions que renforcer l’éclairage naturel ou la lumière présente plutôt que d’ajouter une<br />
« lumière de cinéma » dramatique. Nous avons aussi évité les plans à la dolly ou les angles de<br />
caméra artificiels. La plus grande partie <strong>du</strong> film a été tournée à la caméra portative, ce qui<br />
donnait une liberté quasi totale aux acteurs. Ils n’avaient pas à suivre la caméra, puisque<br />
c’était la caméra qui les suivait. Chaque fois que c’était possible, j’ai tourné dans les lieux<br />
réels… J’ai aussi évité les images numériques et les effets visuels.<br />
68
Certaines des fusillades <strong>du</strong> film sont néanmoins extrêmement violentes et s’apparentent<br />
au type d’affrontement armé que l’on voit dans les films de genre…<br />
Nous avons relevé le nombre de balles utilisées dans ces scènes dans les rapports de<br />
police. Par exemple dans le cas de l’enlèvement de Schleyer, la police a dénombré jusqu’à 25<br />
blessures par balles dans les corps présents sur la scène <strong>du</strong> crime. Les kidnappeurs ont fait<br />
leur travail avec une incroyable brutalité. Ils ont tiré au total 119 balles sur l’équipe de<br />
Schleyer. Dans le cas de l’assassinat de Buback, 15 coups ont été tirés et c’est ce que nous<br />
montrons dans le film. Nous avons aussi compté les tirs lors de l’arrestation de Andreas<br />
Baader, et nous n’avons montré que ce qui figurait dans le rapport de police. Nous n’avons<br />
pas exagéré les fusillades, nous n’avons montré que les coups qui ont été effectivement tirés.<br />
Extraits d’un entretien avec Martina Gedeck interprète d’Ulrike Meinhof.<br />
Qu’avez-vous éprouvé en interprétant Ulrike Meinhof ?<br />
C’était un rôle dont j’avais toujours rêvé. Cette femme m’a fascinée pendant des années. Pour<br />
moi cela reste un mystère complet : comment une femme sérieuse et intelligente, qui avait des<br />
idéaux élevés, qui touchait tant de gens à travers ses chroniques dans les journaux et avait une<br />
véritable influence politique, a-t-elle pu abandonner ses enfants, sa carrière et toute sa vie<br />
pour changer le monde avec une Kalashnikov.<br />
Comment avez-vous préparé ce rôle ?<br />
J’ai lu tout ce que j’ai pu trouver sur Ulrike et tout ce qu’elle a écrit. J’ai parlé avec des gens<br />
qui la connaissaient, j’ai regardé des interviews et des films sur elle, j’ai étudié son travail<br />
pour la radio et la télévision. Et j’ai aussi observé la façon dont elle parlait et la manière dont<br />
sa voix a changé avec les années.<br />
Quelle est votre opinion personnelle sur Ulrike Meinhof et sur la lutte armée de la RAF ?<br />
Il y a quelque chose d’hystérique dans la mission que s’est elle-même imposée la RAF,<br />
changer le monde et lutter pour la justice. Leur conviction que leur mission était impérative, le<br />
fait qu’ils soient prêts à « combattre jusqu’à la dernière goutte de sang «, non seulement<br />
touchait au fanatisme, mais était aussi une forme d’hystérie. La RAF s’est lancée dans une<br />
croisade hystérique contre une démocratie jeune et encore fragile, qui à son tour, a réagi de<br />
façon hystérique… Mais dans les années 70, ces bains de sang et ces meurtres de gens<br />
innocents étaient non seulement cruels et horribles, mais ils étaient erronés au plan politique.<br />
…Quel rôle ce film peut-il jouer dans votre compréhension de l’histoire de la RAF ?<br />
En Allemagne, ce film est une opportunité de revisiter certaines idées reçues et certains<br />
stéréotypes qui gravitent autour de la RAF. Le film offre une chance de voir l’histoire de la<br />
RAF d’une façon bien plus réaliste. Le résultat, c’est que la vision que nous avons de notre<br />
passé national pourrait devenir plus dangereuse, mais elle sera aussi plus exacte.<br />
69
Qu’avez-vous ressenti en tournant dans la prison de Stammheim ?<br />
Pour un acteur ou une actrice, il existe toujours une limite étroite entre la fiction et la réalité.<br />
Lors de la création de La bande à Baader, cette limite s’est brouillée à tel point qu’il était<br />
parfois impossible de faire la différence. Nous avons cessé de « faire semblant ». Pour les<br />
gens que nous incarnions c’était une question de vie ou de mort, et en tant qu’acteurs, nous<br />
nus devions de tendre vers cette attitude le plus possible. C’est pour cette raison que tourner<br />
dans l’enceinte de Stammheim m’a coupé le souffle : le passé était excessivement proche et<br />
vivant.<br />
Extraits d’un entretien avec Moritz Bleibtreu interprète d’Andreas Baader.<br />
Selon vous, qui était Andreas Baader ?<br />
Peu importe le jugement moral que l’on porte sur Andreas Baader, il est indéniablement une<br />
sorte de légende dans son domaine. En tant que tel, il hante encore l’inconscient collectif de la<br />
société allemande. Les gens projettent sur lui leurs désirs, leurs hostilités et leurs angoisses…<br />
Comment avez-vous pu dans ces conditions interpréter ce personnage ?<br />
J’ai dû garder en tête la somme de tout ce que j’ai appris sur Andreas Baader (et ses<br />
sympathisants), pour mieux l’oublier ensuite et en jouer ma propre version. Selon moi, Baader<br />
était mû par un besoin d’attention constant et profond. Il semble qu’il n’ait pas eu de<br />
motivation intellectuelle au début. On peut dire que d’une façon générale, il savait que tout<br />
cela était politique et qu’il était farouchement opposé à toute autorité, mais son idéologie, da<br />
position intellectuelle s’est forgée plus tard, elle est née de la nécessité. Ce n‘est que lorsqu’il<br />
a réalisé qu’il n’allait pas sortir si facilement de la prison de Stammheim qu’il a commencé à<br />
se construire intellectuellement et qu’il est devenu le leader politique que les sympathisants de<br />
la RAF voulaient qu’il soit.<br />
Andreas Baader est responsable de la mort de beaucoup de gens. Etiez-vous préoccupé par la<br />
possibilité de faire de lui un portrait trop charismatique ou trop positif ?<br />
Andreas Baader a certainement été un homme incroyablement charmant et charismatique. Il a<br />
utilisé son charme et son intelligence pour amener les gens à se ranger à ses vues.<br />
Particulièrement au début, il a <strong>du</strong> avoir un certain magnétisme d’anti-héros qui a attiré les<br />
gens. C’était écrit comme cela dans le scénario et c’est comme cela que je voulais le jouer.<br />
Sans vouloir faire passer aucun jugement moral, il fallait montrer son allure, et le public<br />
devait pouvoir comprendre pourquoi tant de gens ont suivi cet homme. Il n’aurait jamais été<br />
capable de tourner la tête à tant de monde s’il n’avait eu aucun charisme.<br />
Extraits d’un entretien avec Johanna Wokalek interprète de Gudrun<br />
Ensslin.<br />
Comment avez-vous approché le rôle de Gudrun Ensslin ?<br />
A mes yeux, une part essentielle <strong>du</strong> personnage était sa logique implacable, la dimension<br />
radicale de sa pensée. C’est là-dessus que je me suis concentrée quand je l’ai interprétée et<br />
70
d’une certaine manière, je suis devenue absolue et intransigeante moi-même. Tandis que nous<br />
faisions le film, j’étais incapable de la juger, parce que cela aurait signifié que je prenais une<br />
distance par rapport à elle. Bien sûr, les crimes qu’elle a commis et qui ont été commis en son<br />
nom sont horribles, je ne peux en aucune mesure approuver le meurtre quel qu’il soit, mais<br />
mon travail d’actrice n’était pas de trouver des réponses à des questions telles que « Jusqu’où<br />
peut-on aller dans le combat pour un monde meilleur ? ».<br />
Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce rôle ?<br />
M’immerger dans l’autre, m’immiscer dans la différence, entrer dans la peau de cette femme<br />
dont les actions me sont si étrangères et trouver une certaine vérité, voilà le fascinant défi qui<br />
m’était posé en tant qu’actrice. Lorsque j’ai lu le scénario pour la première fois, je me suis dit<br />
que c’était impossible que tout cela soit vraiment arrivé en Allemagne. L’histoire de la RAF a<br />
de multiples facettes, mais je crois que le film souligne bien la complexité de ce sujet.<br />
Comment avez-vous vécu la création de ce film ?<br />
Avant le tournage, les principaux acteurs se sont ren<strong>du</strong>s sur un champ de tir et se sont<br />
entraînés avec des armes à feu, dont des mitraillettes. Cela m’a totalement stressée. Eprouver<br />
la puissance d’une arme de façon aussi physique a été une terrible expérience. Les scènes à<br />
Stammheim ont été elles aussi incroyablement éprouvantes, parce que nous avons recrée un<br />
vrai sentiment de pression psychologique parmi les acteurs et c’était épuisant.<br />
Comme beaucoup des autres acteurs, vous avez dû vous aussi perdre <strong>du</strong> poids <strong>du</strong>rant le<br />
tournage ?<br />
Beaucoup d’entre nous suivaient un véritable » régime grève de la faim », ce qui a été pour<br />
moi une aide très précieuse. Cette émaciation m’a ren<strong>du</strong>e plus <strong>du</strong>re, c’était plus facile de<br />
m’immerger dans le radicalisme d’Ensslin… J’ai discuté avec une des assistantes costumières<br />
qui a vécu dans la même communauté qu’Andreas Baader et plusieurs autres, avant qu’ils ne<br />
deviennent membres de la RAF. Elle m’a dit qu’à l’époque, tout le monde était extrêmement<br />
maigre et vivait surtout de cigarettes.<br />
71
Les principaux personnages historiques.<br />
Andreas Baader.<br />
« Ou bien on l’aimait, ou bien on le détestait », c’est ainsi que s’exprime la mère d’Andreas<br />
Baader au sujet de son fils. Baader est né le 6 mai 1943 et il a grandi dans un ménage<br />
constitué de trois femmes. Il était gâté par sa mère, sa grand-mère et sa tante, si bien que<br />
toutes les méthodes d’é<strong>du</strong>cation échouèrent. Baader remettait en tout en question, il était<br />
désobéissant et ce qui le distinguait des autres selon sa mère, c’est qu’il n’a jamais eu peur. Il<br />
faisait tout jusqu’au bout. Andi, c’est ainsi qu’on l’appelait était imprévisible, tantôt amical,<br />
serviable et partageant tout, tantôt il n’avait aucun scrupule pour voler les gens qu’il s’agisse<br />
d’argent, d’autos ou d’autre chose. A l’école, il refusait de s’en tenir aux règles. Il était rebelle<br />
et paresseux. Mais tout le monde reconnaît qu’il était intelligent. Mais il n’apprenait que ce<br />
qui l’intéressait vraiment. C’était un garnement qui poussait à bout les enseignants avec ses<br />
sales tours, même si ceux-ci sont obligés de reconnaître qu’il faisait preuve d’un certain<br />
humour dans ses actions. Dans les discussions, il avait toujours une opinion marquée qu’il<br />
défendait jusqu’à l’accès de colère. Il ne supportait déjà pas la contradiction.<br />
Baader était en somme un petit délinquant typique, qui volait et se battait souvent. Cependant,<br />
le sang froid dont il faisait preuve en prenant de la drogue ou en volant des motos pour filer à<br />
toute allure sans permis dans la région avait un attrait irrésistible. Les femmes l’adoraient,<br />
voulaient être avec lui, tandis que les hommes voulaient être comme lui. Les machos, comme<br />
les intellectuels, tels Ulrike Meinhof et Horst Mahler ont succombé à son charme. Car il faut<br />
avoir à l’esprit que le meneur de la révolte étudiante n’avait jamais fait des études. Il est<br />
incontestable que Baader s’enthousiasmait pour Sartre, Nietzsche et surtout pour Raymond<br />
Chandler, mais il pouvait tout aussi bien se plonger dans la lecture de Mickey Mouse. Certes<br />
Baader était sans doute très intelligent, mais il n’était guère cultivé contrairement à ses<br />
compagnons d’armes. Il n’a jamais fini l’école, ne parlait pratiquement pas l’anglais et il était<br />
surtout inférieur aux membres féminins de son groupe. C’est sans doute pour cette raison qu’il<br />
ne supportait aucune contradiction.<br />
Gudrun Ensslin.<br />
Gudrun est née en 1940, elle était le quatrième de sept enfants. Sa famille était très religieuse,<br />
le père était en effet un pasteur protestant. C’est ainsi que très tôt elle a appris que le<br />
christianisme ne s’arrête pas à la porte de l’église, mais qu’il incluse une activité politique et<br />
sociale. Elle entra dans l’association des jeunes filles protestantes, devint bientôt chef de<br />
groupe et elle menait le travail sur la Bible. Gudrun Ensslin se distingua vite par son<br />
éloquence, elle était intelligente et passait pour avoir une grande ouverture d’esprit et être<br />
engagée socialement. Les Américains aussi partageaient cette opinion. Gudrun passa un an en<br />
Pennsylvanie à l’occasion d’un échange. Cependant elle était très sceptique par rapport aux<br />
Américains. Elle trouvait choquant que le service <strong>du</strong> dimanche soit devenue un défilé de<br />
mode et elle se montrait très critique concernant le christianisme américain. Lorsqu’elle rentra<br />
des Etats-Unis, elle obtient avec succès son baccalauréat et elle commença en 1960 ses<br />
études d’allemand, d’anglais et de pédagogie. C’est là qu’elle fit la connaissance de Bernhard<br />
Vesper. Ils passèrent des vacances en Espagne et <strong>du</strong>rent se fiancer sous la pression des<br />
convictions religieuses de son père. Vesper et Esslin avaient pour projet de fonder une maison<br />
d’édition. Après que la demande de Gudrun pour obtenir une bourse d’études pour<br />
l’enseignement supérieur a été refusée et quelle <strong>du</strong> se contenter de passer « seulement «<br />
72
l’examen pour enseigner dans le secondaire, les fiancés mirent leur plan à exécution. Ensslin<br />
obtint cependant après une deuxième tentative sa bourse et elle déménagea avec son fiancé<br />
pour Berlin Ouest. Ils contribuèrent tous les deux à la victoire <strong>du</strong> SPD. Mais très vite la<br />
désillusion arriva : le SPD se déclara prêt à participer à la grande coalition. Ensslin écrivit à<br />
cette époque :<br />
« Nous avons été obligés de constater que les dirigeants <strong>du</strong> SPD étaient eux-mêmes<br />
prisonniers <strong>du</strong> système, qu’ils étaient contraints de prendre en considération les forces<br />
économiques et extraparlementaires qui agissent à l’arrière-plan. »<br />
Ulrike Meinhof.<br />
Ulrike Marie Meinhof était l’un des plus âgées parmi les membres de la RAF. Elle était née le<br />
7 octobre 1934. Etant donné que son père mourut tôt (Ulrike n’avait que 7 ans) sa mère eut<br />
besoin de prendre un colocataire afin de pouvoir payer ses études. Renate Riemeck<br />
emménagea chez elle, après qu’Ulrike lui a demandé. Ulrike était très impressionnée par cette<br />
étudiante qui n’avait que 14 ans de plus qu’elle. Elle admirait son intelligence et sa<br />
détermination. Et entre la mère d’Ulrike et Renate Riemeck naquit une grande amitié. Les<br />
deux femmes se liguèrent contre les nazis et prirent contact avec un groupe de résistance.<br />
Finalement elles soutinrent leur doctorat et obtinrent le Staatsexamen (examen d’Etat<br />
permettant d’enseigner). En 1949 la mère d’Ulrike meurt des suites d’une opération d’un<br />
cancer. Renate Riemeck continua à s’occuper seule des deux enfants. Ulrike déménagea avec<br />
sa mère adoptive à Weiburg. Elle l’admirait tellement qu’elle l’imitait de temps à autre. Elle<br />
coiffait ses cheveux comme elle, portait des pantalons et cherchait même à imiter son écriture.<br />
Renate lui a appris beaucoup de choses, elle lui fit connaître l’histoire et la littérature <strong>du</strong> 19 ème<br />
siècle. Ulrike se distinguait par son intelligence et aussi par son charme, elle passait cependant<br />
pour quelqu’un de singulier, mais cela ne nuisait en rien à sa popularité. Elle fumait la pipe ou<br />
des cigarettes roulées et aimait danser le boogie-woogie. A l’école déjà Ulrike refusait<br />
d’accepter les injustices et elle n’hésitait pas à contredire quelqu’un si quelque chose ne lui<br />
plaisait pas. De plus, pendant sa scolarité, Ulrike fut en contact avec le catholicisme qu’elle<br />
apprécia beaucoup. Ulrike Meinhof commença des études de pédagogie et de psychologie et<br />
elle se montra vite insatisfaite de la situation politique en Allemagne. Elle ne pensait rien de<br />
bien des plans d’Adenauer concernant l’armement nucléaire de l’armée allemande et elle les<br />
critiquait ouvertement. En 1960, elle est élue à la direction <strong>du</strong> DFU (Deutsche Friedensunion),<br />
union allemande pour la paix et lorsque dans les villes universitaires une commission anti<br />
atome se forma autour <strong>du</strong> SDS, elle fut élue porte-parole. Ulrike Meinhof était très engagée<br />
politiquement. Elle publia de nombreux articles concernant le problème <strong>du</strong> nucléaire dans les<br />
journaux étudiants, elle organisa des pétitions, ainsi que des réunions politiques contre<br />
l’armement nucléaire. Après qu’Ulrike, lors d’une réunion politique à Münster après une<br />
marche silencieuse, monta sur le podium et tint un discours devant plus de 5000 manifestants,<br />
la rédaction <strong>du</strong> journal « konkret » commença à s’intéresser à cette étudiante de 22 ans.<br />
Le président <strong>du</strong> BKA (Bundeskriminalamt) Horst Herold.<br />
A 18 ans, Horst Herold né en 1923, se présenta pour accomplir son service militaire dont il<br />
revint en Allemagne en 1945. Il fit des études de droit et devient procureur. Il fut le<br />
représentant <strong>du</strong> Ministère public dans le procès contre un national-socialiste de Nüremberg, à<br />
qui il était reproché d’avoir occasionné la déportation de nombreux juifs dans les camps<br />
d’extermination et le tribunal accorda la liberté à l’accusé en raison de déclarations de<br />
73
témoins à sa décharge. Ce qui fut pour lui inconcevable. Finalement il devint juge, mais là<br />
encore il était obligé de constater qu’une justice de classe régnait.<br />
A cette époque, Baader venait d’être libéré de prison. Le pouvoir vit en Herold quelqu’un qui<br />
pouvait rapidement contrôler le groupe qui gravitait autour de Baader et on le fit venir à<br />
Wiesbaden. Il mit en place résolument le BKA (l’office national de la police criminelle) en en<br />
faisant un appareil de recherches très puissant. Il créa au BKA un institut unique avec des<br />
informaticiens et des experts en informatique, des chimistes, des physiciens et d’autres<br />
scientifiques. Il a compris très tôt l’utilité de la technique, c’est pourquoi il était surnommé<br />
« le commissaire ordinateur ». Il inventa la banque de données INPOL dans laquelle étaient<br />
mémorisés des renseignements concernant des criminels, des suspects, des délinquants<br />
potentiels, des témoins, des informateurs, des contacts, des victimes et des personnes portées<br />
disparues, renseignements qui pouvaient tout de suite être recherchés. Après la série<br />
d’attentats de mai 1972, il fit examiner dans le laboratoire par les fonctionnaires chargés de<br />
l’enquête, chaque mégot de cigarettes, chaque morceau de tissu jusqu’à ce que la police<br />
réussisse le 1 er juillet à arrêter à Francfort Andreas Baader, Holger Meins et Jan-Carl Raspe.<br />
Gudrun Ensslin fut arrêtée une semaine plus tard à Hambourg et peu de temps après Ulrike<br />
Meinhof. Le noyau <strong>du</strong>r de la RAF était stoppé, mais le travail d’Herold n’était pas pour autant<br />
terminé. Il a été responsable des recherches concernant l’enlèvement de Hanns-Martin<br />
Schleyer. Herold <strong>du</strong>t reconnaître qu’il avait fait quelques erreurs au cours de son enquête.<br />
Schleyer par exemple était retenu dans un appartement situé à 20 minutes de l’endroit où il<br />
avait été enlevé et les ravisseurs auraient pu être arrêté facilement. Mais il y a eu des<br />
désaccords sur la manière de mener l’enquête entre Herold et Gerhart Baum, le ministre de<br />
l’intérieur, si bien que le 31 mars 1981, Herold fut remplacé par Heinrich Boge et mis à la<br />
retraite anticipée.<br />
Analyse <strong>du</strong> film.<br />
Une volonté de représentation authentique de la réalité historique.<br />
Le film La Bande à Baader ne se concentre pas sur une époque donnée mais cherche à relater<br />
10 années d’une histoire complexe. Bernd Eichinger, le scénariste réalisateur, a décidé de<br />
nous livrer une « dramaturgie en lambeaux » comme il la nomme. Il veut montrer au<br />
spectateur les parties d’un puzzle qu’il lui revient de reconstituer. Cela est évident lorsque<br />
l’on regarde le film, car des personnages surgissent sans que l’on sache quoi que ce soit de<br />
leur origine, on ne connaît pas leur nom et ils disparaissent de la même manière, lorsqu’ils ne<br />
jouent plus aucun rôle dans l’histoire. Seules Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin nous sont<br />
montrées au milieu de leurs familles. On voit Ukrike Meinhof au début <strong>du</strong> film à la plage sur<br />
l’île de Sylt, tandis que le personnage de Gudrun Esslin est intro<strong>du</strong>it plus tard. Elle est assise,<br />
entourée de ses parents et avec son enfant dans les bras, à côté de son fiancé et elle suit à la<br />
télévision, en fumant, une émission à laquelle participe Ulrike Meinhof. Les autres<br />
personnalités de la première génération de la RAF ne sont intro<strong>du</strong>ites que visuellement, sans<br />
être nommées. Parmi les nombreux étudiants qui manifestent le 2 juin, le spectateur attentif<br />
peut découvrir les personnages d’Holger Meins et de Jan-Carl Raspe, de même que Peter<br />
Homann qui, certes n’a jamais appartenu à la RAF, mais comptait parmi ses sympathisants, et<br />
qui deviendra plus tard le compagnon d’Ulrike Meinhof, est visible dans la foule.<br />
Baader, lorsqu’il apparaît pour la première fois n’est pas présenté et il ne se trouve pas non<br />
plus dans sa famille. Le spectateur n’apprend même pas l’existence de sa fille.<br />
74
Bien que le film s’efforce de conserver une certaine authenticité dans sa restitution de la<br />
réalité historique, il commence sciemment par une scène de fiction. Au début <strong>du</strong> film, en<br />
effet, le spectateur se trouve sur la plage de Sylt et il entend la chanson de Janis Joplin<br />
Mercedes Benz.<br />
Le texte de la chanson nous présente un monde matérialiste, qui pose l ‘équation bonheur=<br />
symboles de statut social, car Janis Joplin comprenait sa chanson comme une critique de la<br />
société. On aperçoit alors Ulrike Meinhof, qui est assise dans une tente de plage. Un témoin<br />
de l’époque la reconnaît tout de suite à ses lunettes, elle demande à des filles de sortir de<br />
l’eau. Son mari Klaus-Rainer Röhl apparaît alors et filme sa femme avec ses filles. En<br />
référence à la chanson de Joplin la famille d’Ulrike Meinhof est présentée comme une famille<br />
bourgeoise, capitaliste, ayant une bonne situation, c’est-à-dire le genre de personnes que<br />
Meinhof combattra plus tard avec la RAF. Le fait qu’Ulrike Meinhof passait ses étés à Sylt est<br />
connu, et donc elle gagnait bien sa vie. Le spectateur trouve un peu hypocrite de sa part la<br />
lettre qu’elle écrit à Farah Diba et celui-ci peut mettre leurs deux situations en parallèle.<br />
Ulrike critique la société capitaliste à laquelle cependant elle appartient, c’est pourquoi plus<br />
tard lors des accrochages avec Baader il la traitera de « salope capitaliste ». Cette séquence<br />
d’ouverture était déjà dans la tête <strong>du</strong> scénariste, bien avant qu’il n’écrive le scénario.<br />
« L’histoire commence de manière idyllique et finit dans un bain de sang, comme dans un<br />
tragédie classique, à la différence qu’il s’agit ici de la cruelle réalité » dit Bernd Eichinger.<br />
Le réalisateur Uli Edel est <strong>du</strong> même avis : » Les règles aristotéliciennes classiques <strong>du</strong> drame<br />
ne fonctionnent pas ici. Il n’y a pas de personnage avec lequel on peut s’identifier. 120 rôles<br />
différents, 140 scènes différentes ».<br />
Eichinger et Edel ont voulu tourner principalement sur les lieux d’origine, pour souligner<br />
l’authenticité de ce qu’ils souhaitaient montrer. Par exemple, il fallait absolument tourner la<br />
poursuite lors de la manifestation <strong>du</strong> 2 juin devant l’opéra allemand. L’équipe <strong>du</strong> film a<br />
obtenu une autorisation de la ville de Berlin avec le soutien <strong>du</strong> maire Klaus Wowereit, de<br />
fermer pendant trois jours la rue Bismarck. Les figurants chassés par la police, trempés<br />
jusqu’aux os par les canons à eau, les slogans criés « Schah-Schah-Scharlatan » donnent aux<br />
images la sensation de déjà vu, passé et présent se confondent. On voit ainsi des images qui,<br />
même si nous étions trop jeunes pour les vivre en direct, nous semblent connues et sont<br />
devenues des icônes de la conscience historique. L’arrestation de Baader, Holger Meins à<br />
moitié nu par exemple. Les scènes de masse comme la manifestation <strong>du</strong> 2 juin ou la scène <strong>du</strong><br />
congrès pour le Vietnam dans l’amphithéâtre de l’université de Berlin, lorsque Rudi Dutschke<br />
encouragent ses compatriotes à la résistance. La restitution très détaillée et très fidèle de ces<br />
scènes nous replongent dans ce passé et nous font imaginer l’atmosphère qui régnait alors.<br />
Plus de 1000 personnes crient le nom de Rudi Dutschke, brandissent des drapeaux,<br />
applaudissent enthousiastes. L’acteur qui joue le personnage de Dutschke avoue qu’il a été<br />
submergé par l’énergie qui se dégageait de cette scène et qui a pour un temps ravivé l’esprit<br />
révolutionnaire de l’époque. De plus ces images confèrent au film une dynamique visuelle<br />
spécifique. Bernd Eichinger n’a pas écrit un scénario autoritaire qui devait proposer au<br />
spectateur une interprétation ou un point de vue, mais il devait permettre au spectateur de se<br />
confronter avec les événements.<br />
Eichinger assume pleinement ses décisions de laisser de côté certains événements historiques.<br />
« Si je n’ai pas envie d’écrire quelque chose, alors personne n’aura non plus envie de le voir à<br />
l’écran. »<br />
On peut alors se poser la question de la légitimité par exemple de la scène où Brigitte<br />
Mohnhaupt, tout juste sortie de prison, fait l’amour avec Peter-Jürgen Boock, dans la mesure<br />
où cette scène ne semble pas relever d’un très grand intérêt dans l’économie générale <strong>du</strong> film<br />
même si elle est avérée historiquement. Elle ne sert sans doute qu’à faire un moment<br />
diversion, à sortir le spectateur de l’engrenage tragique. De même la séquence de la baignoire<br />
75
ne sert qu’à intro<strong>du</strong>ire le personnage de Boock dans l’histoire et à mettre en évidence<br />
l’attraction que Baader a pu exercer par son charme sur ces jeunes garçons sortis des centres<br />
d’é<strong>du</strong>cation. Elle explique aussi, comment la RAF arrivait à recruter de nouveaux membres.<br />
Eichinger et Eidel ont accordé beaucoup d’attention aux scènes d’action, aux poursuites, aux<br />
explosions et autres échanges de coups de feu. Le spectateur est d’autant plus impressionné<br />
que tous ces morts et ces meurtres ont réellement eut lieu. Eichinger et Eidel ont reconstitué<br />
ces scènes après des recherches minutieuses, si bien que chaque balle tirée peut être attestée<br />
par les dossiers de la police. Le caméraman explique à ce sujet qu’il « portait tout simplement<br />
la caméra sur l’épaule et qu’il suivait l’acteur. » Il souhaitait rendre la caméra invisible afin<br />
que le spectateur l’oublie. Les couleurs choisies rendent compte aussi de l’ambiance générale<br />
qui sous-tend le film. Lorsque nous sommes dans la prison de Stammheim, tout est gris et<br />
cette couleur rend parfaitement la tristesse, le sentiment d’enfermement que les prisonniers<br />
pouvaient ressentir. Les cellules des prisonniers ont été reconstruites à l’identique dans les<br />
studios de la Bavaria. Eichinger précise : « L’authenticité et la précision jusque dans le plus<br />
petit détail étaient très importantes. Nous savions que Andreas Baader avait 27 disques dans<br />
sa cellule et nous savions lesquels ». Les scènes dans le tribunal ont été tournées sur les lieux<br />
originaux. Les dialogues en prison respectent les messages clandestins échangés entre les<br />
prisonniers et les comptes ren<strong>du</strong>s <strong>du</strong> procès. Les dialogues entre les prisonniers semblent<br />
naturels et confèrent aux scènes une certaine immédiateté absente dans les autres films sur La<br />
Bande à Baader. La relation très complexe entre Gudrun Ensslin et Ulrike Meinhof en est un<br />
exemple. Les deux femmes se détestaient cordialement et leur attirance mutuelle au début <strong>du</strong><br />
film prend fin à Stammheim. On sait que Meinhof a été de plus en plus mise de côté à<br />
Stammheim et Ensslin n’était pas étrangère à cela. L’échange de lettres entre les deux femmes<br />
montre qu’elles se livraient une guerre psychologique. La complexité de leurs relations est<br />
évidente dans la scène où Ensslin parle <strong>du</strong> « rire hystérique et nécrophile d’Ulrike. » Les deux<br />
femmes sont assises ensemble dans une cellule sur un lit, Ulrike au niveau de la tête <strong>du</strong> lit<br />
dans le coin, tandis que Gudrun est au pied <strong>du</strong> lit, tournée vers le mur. Tandis que Gudrun<br />
cherche à rédiger quelque chose, elle jette des coups d’œil vers Ulrike, qui la fixe <strong>du</strong> regard et<br />
ricane méprisante et un brin hystérique. Ce rire semble sortir de la bouche de quelqu’un qui<br />
serait devenu fou. Gudrun regarde Ulrike presque désemparée, tandis qu’Ulrike continue à<br />
ricaner hystériquement. Gudrun ne semble pas savoir comment elle doit réagir face à ce<br />
ricanement. Stefan Aust qualifie cette scène d’émouvante, car on sent ce glissement<br />
inexorable d’Ulrike vers sa fin. Une autre scène rend compte de leur relation problématique,<br />
lors de leur dispute sur le toit de la prison. Les deux femmes en viennent à crier l’une contre<br />
l’autre, le spectateur ne comprend même plus ce qu’elles disent, elles gesticulent sauvagement<br />
et cette tension est encore accrue par la ronde de l’hélicoptère au-dessus de la prison. Gudrun<br />
brandit le poing contre l’hélicoptère, tape contre le grillage et profère des insultes. Une<br />
dernière scène enfin met en évidence leurs différents lorsque Ulrike fait connaître sa mise à<br />
l’écart <strong>du</strong> groupe et donc son échec personnel. Ulrike prononce alors le mot de trahison et un<br />
gros plan nous montre la réaction de Gudrun. Ses yeux vont de Baader à Meinhof, sa<br />
respiration s’accélère, elle est prise de panique. C’est comme si elle ne pouvait plus faire la<br />
différence entre ses émotion, rage, déception, haine, peur, se mélangent alors. Ce n’est que<br />
lorsque les prisonniers sont recon<strong>du</strong>its dans leur cellule qu’elle crache littéralement à l’oreille<br />
d’Ulrike : »Tu es le coup de couteau dans le dos de la RAF. » Ces paroles furent sans doute<br />
pour Ulrike la goutte qui a fait déborder le vase puisqu’elle de suicidera très peu de temps<br />
après. On la voit prendre cette décision d’en finir. Elle est assise sur le lit dans sa cellule, sont<br />
visage n’a plus d’expressions, ses lèvres remuent sans émettre aucun son, elle semble se<br />
parler à elle-même et prendre congé de cette vie. La voix-off d’Ulrike pendant ce temps nous<br />
explique : « Ce n’est pas mystique, si j’affirme que je ne peux plus le supporter, ce que je ne<br />
76
supporte plus, c’est de ne plus pouvoir me défendre. » Elle regarde par la fenêtre grillagée et il<br />
est évident qu‘elle a pris sa décision.<br />
Dans le film, le réalisateur insiste sur le lien qui unissait Gudrun à Andreas. Les deux se sont<br />
d’ailleurs ligués contre Ulrike. Et ce lien a existé encore en prison et n’a rien per<strong>du</strong> de sa<br />
force. Une scène est très révélatrice. Ulrike sort de sa cellule tend un texte à Andreas qui le lit,<br />
le déchire et le jette en le qualifiant de merdique. S’ensuit un échange très <strong>du</strong>r entre les deux<br />
femmes et à la fin Andreas donne un baiser à Gudrun comme pour lui donner raison et lui<br />
marquer son soutien.<br />
Ce qui manque sans doute à ce film c’est l’explication des motivations qui ont con<strong>du</strong>it ces<br />
jeunes gens à passer dans la clandestinité et à devenir membre de la RAF. Sans doute eut-il<br />
été intéressant de donner cet éclairage au public. Ce film suppose en effet que nous<br />
connaissions l’arrière-plan historique de cette période pour en comprendre toute la complexité<br />
et il sera sans doute incontournable pour les collègues de faire ce travail en amont avec leurs<br />
élèves avant de les amener à la projection. Comment comprendre sinon ces nombreux<br />
changements de scène et ses 120 personnages que nous rencontrons tout au long <strong>du</strong> film.<br />
Par exemple il n’est pas évident pour un spectateur non avertie de comprendre la fonction de<br />
la mort de Petra Schelm, dans la mesure où il ne sait pas qu’elle appartenait à la RAF. Un<br />
spectateur attentif aura sans doute remarqué que Petra apparaissait déjà aux côtés des autres<br />
dans le camp de formation en Jordanie, sous le nom de Alexandra Maria Lara. Sinon il lui<br />
semble qu’elle n’apparaît que lors de sa fuite devant la police et il ne comprend donc pas la<br />
signification de sa mort.<br />
De même les raisons des disputes entre les prisonniers et les gardiens peuvent sembler<br />
obscures, notamment lorsqu’une quinzaine de gardiens font irruption pour fermer les portes<br />
des cellules des prisonniers. Or cette question de la fermeture des portes fait partie des acquis<br />
des prisonniers après leur grève de la faim. Et comment comprendre le rôle joué par Siegfried<br />
Buback et la décision de le supprimer. Or le procureur général lors <strong>du</strong> procès de Stammhein<br />
c’est lui.<br />
La représentation des personnages historiques.<br />
Dans ce film l’accent est mis sur une représentation fidèle des lieux, mais aussi sur la<br />
ressemblance entre les acteurs et les personnages historiques. Le spectateur a ainsi le<br />
sentiment de voir les acteurs de l’époque et non des acteurs professionnels contemporains.<br />
Cela était très important pour le réalisateur dans la mesure où les spectateurs allemands ont<br />
encore à l’esprit ces visages <strong>du</strong> terrorisme. Il y eu donc des semaines dédiées à essayer des<br />
perruques et des masques pour respecter ce souci ce vraisemblance/ressemblance. Il fallait<br />
aussi retrouver l’apparence et le style des coiffures de l’époque.<br />
Eichinger nous explique : »De mauvaises perruques détruisent l’illusion de la réalité qu’un<br />
filme cherche à redonner, elles rendent l’acteur ridicule et mettent en danger l’ensemble <strong>du</strong><br />
projet filmique.<br />
Ce qui importait aussi au réalisateur c’est que ses acteurs soient familiarisés avec l’usage des<br />
armes. C’était selon lui la condition sine qua non pour les rendre crédible. Car ces figures<br />
haïes <strong>du</strong> terrorisme sont paradoxalement interprétées par les acteurs <strong>du</strong> cinéma et <strong>du</strong> théâtre<br />
parmi les plus aimés de la scène allemande.<br />
Andreas Baader incarné par Moritz Bleibtreu est décrit dès le début <strong>du</strong> film comme une<br />
personnalité très forte dont émane une certaine autorité. Moritz Bleibtreu, dès sa première<br />
apparition pénètre avec autorité dans l’appartement où Gudrun et deux autres personnes<br />
préparent leur attaque des grands magasins. Il enlace Gudrun et l’embrasse. Il est porte des<br />
vêtements à la mode, une veste en cuir chic et une barbe de trois jours. Bleibtreu se montre<br />
77
très décontracté et déten<strong>du</strong>, il est en cela très fidèle à Baader, mais il se montre aussi rebelle et<br />
<strong>du</strong>r, ne voulant faire aucun compromis et voulant mener à bien ses plans quelles qu’en soit les<br />
conséquences. Sa façon de parler est aussi très fidèle au personnage historique, utilisant<br />
l’argot, cela est évident dès sa première apparition, il utilise les mots enfoiré, salope, merde,<br />
conne. On le voit proférer des insultes à l’adresse de ceux qui ont volé sa voiture à Rome,<br />
« bouffeur de spaghettis. » Gudrun et Astrid se contentent d’en rire et secouent la tête amusée,<br />
cela montre bien qu’elles sont habituées aux débordements langagiers d’Andreas. Son<br />
tempérament impatient et colérique était connu de tous les témoins de l’époque.<br />
Ce qui est avéré aussi historiquement, c’est l’animosité qui régnait entre Meinhof et Baader.<br />
Eichinger a choisi comme déclencheur la première altercation à la suite de la mort de Petra<br />
Schelm. Meinhof exprime alors une critique à l’intention <strong>du</strong> groupe. Elle souhaiterait en effet<br />
que les membres à l’avenir se montrent plus prudents et plus circonspects. Elles leur<br />
reprochent de s’être lancés dans une action sans avoir au préalable un plan bien préparé. Dans<br />
cette scène Baader serre les dents voulant ainsi montrer d’un côté son agressivité et de l’autre<br />
sa volonté de se contrôler. Mais il n’accepte pas les critiques de Meinhof, il veut en effet<br />
garder sa position de leader <strong>du</strong> groupe. Sa relation à Meinhof est donc très problématique. Il<br />
ne semble pas la tenir en grande estime. Lorsque par exemple Baader et Gudrun se présentent<br />
chez Ulrike pour se cacher, Gudrun explique à Ulrike qu’ils veulent changer les rapports<br />
politiques et que Ulrike incré<strong>du</strong>le demande ce qu’ils entendent par là, Baader l’agresse en lui<br />
disant que c’est un questionnement bourgeois et qu’ils vont réussir. Baader n’accepte pas la<br />
contradiction et encore moins lorsqu’elle vient d’Ulrike. Il ne supporte pas non plus que l’on<br />
veuille lui contester sa position de leader de la bande. Par exemple Baader se sent menacé par<br />
Horst Mahler, parce que celui-ci a eu l’idée de former un groupe de guérilla urbaine et que<br />
c’est grâce à ses relations qu’ils ont pu aller en Jordanie. Baader cherche à le ridiculiser et il le<br />
met au défi à Rome de voler le portefeuille d’une dame pour faire la preuve qu’il peut mettre<br />
ses paroles en actes. Mahler vole le portefeuille et le donne à Baader. Baader a ainsi fait la<br />
preuve de l’allégeance de Mahler, il a fait montre de sa supériorité puisque l’autre lui a obéi.<br />
Bleibtreu confère à son personnage beaucoup d’ironie et de cynisme, la grimace qui lui tient<br />
de sourire trahit son arrogance et sa suffisance. Mais en même temps il émane de lui un<br />
certain charme que Bleibtreu tra<strong>du</strong>it par ses mots : » Baader a <strong>du</strong> être un type fou,<br />
charismatique, charmant, mais aussi très colérique, une bombe à retardement… Grâce à son<br />
charme il mettait les gens dans sa poche, tel un antihéros typique. Au début au moins, il<br />
exerçait cette attraction et c’est ainsi que je voulais le jouer. Dans ce potentiel de sympathie,<br />
comment aurait-il pu attirer les gens ? »<br />
En Jordanie, on assiste aussi à une altercation particulièrement violente entre Baader et Peter<br />
Homann. Ce dernier ne semble pas prendre Baader au sérieux, car après l’entraînement il se<br />
moque de lui avec Achmed, le chef de l’entraînement. Baader frappe Peter Homann qui<br />
réplique et Baader tombe les deux se battent jusqu’à ce que Baader saisisse une mitraillette et<br />
menace Homann avec ces termes bien à lui : « espèce de suceur de queues. » Lorsque Ensslin<br />
essaie de calmer Baader en lui disant que Homann est l’un des leurs, Baader réplique : » il<br />
n’est pas l’un des nôtres, il a juste eu la trouille des flics en Allemagne ». » Les membres <strong>du</strong><br />
groupe sont visiblement choqués et ils se rangent aux côtés de Baader en jetant vers Peter des<br />
regards méprisants. Peter Homann explique aujourd’hui cette réaction des femmes en<br />
particulier : « il a osé frapper Andreas, salaud, j’étais le traître ! » Suite à cette altercation<br />
Homann fut effectivement considéré comme un traître et ce sont les Palestiniens qui l’ont aidé<br />
à s’enfuir, car les autres voulaient l’exécuter.<br />
Dans ces scènes en Jordanie la différence au niveau culturel entre Baader et les autres<br />
membres <strong>du</strong> groupe apparaît très clairement. Baader ne parle pas anglais et il ne peut donc pas<br />
communiquer avec les Palestiniens, Gudrun lui fait la tra<strong>du</strong>ction. Bleibtreu montre que cela le<br />
rend agressif de ne pas comprendre ce qui se dit. Il insulte les Arabes toujours en allemand<br />
78
ien que ceux-ci ne peuvent le comprendre, il fait preuve ainsi d’une certaine impuissance.<br />
Pour Bleibtreu Baader était un être apolitique mais qui avait un besoin de se faire valoir<br />
extrême et c’est pour cette raison et non pour des raisons politiques qu’il a pris part aux<br />
manifestations étudiantes. De fait Baader n’utilise jamais d’arguments politiques. Ce n’est<br />
qu’à la prison de Stammheim qu’il se confronte à la politique, il se met à lire et se confronte à<br />
l’arrière plan politique qui sous-tend la RAF. Il ne voulait pas non plus perdre ce statut de<br />
meneur auquel l’avait élu les sympathisants de la RAF. Il aimait aussi ce statut d’ennemi<br />
public numéro un et cela ne lui plaisait pas d’être le numéro deux sur l’affiche des personnes<br />
recherchées. Bleibtreu a fait énormément de recherches sur Baader pour pouvoir le jouer<br />
comme il avait compris le personnage. C’est ainsi qu’il affiche continuellement ce même<br />
sourire lorsqu’il con<strong>du</strong>it des voitures rapides ou qu’ils jouent avec des armes et il semble<br />
éprouver une joie maligne à provoquer les autres. Bleibtreu réussit avec sa mimique, ce<br />
sourire suffisant à avoir d’un côté l’air sympathique qui lui donne un charme presque enfantin<br />
et d’un autre côté cela le rend terrible comme si sa vie et celle des autres lui étaient<br />
indifférentes. Cela relève d’autant plus d’une prouesse d’acteur que Bleibtreu est un acteur<br />
qui a la sympathie <strong>du</strong> public et que tout à coup il apparaît comme un terroriste brutal à l’écran.<br />
D’aucun ont dit que de ce fait Baader ne pouvait que trouver un accueil sympathique auprès<br />
<strong>du</strong> public.<br />
Peu de temps avant le début <strong>du</strong> tournage les protocoles audio <strong>du</strong> procès à Stammheim ont été<br />
accessibles, si bien que Bleibtreu a été le premier acteur qui a incarné Baader a pouvoir se<br />
confronter avec la façon de s’exprimer <strong>du</strong> terroriste. Il en est arrivé à la conclusion que<br />
Baader zozotait légèrement et qu’il parlait avec cette diction lente et à la fois nerveuse typique<br />
des années 70. Bleibtreu prit la décision suivante :<br />
« Je ne voulais pas tout à coup me mettre à zozoter pour ne pas rendre Baader ridicule et je ne<br />
voulais pas non plus, en accord avec Eidel, imiter cette diction caractéristique, car elle ne<br />
contribuait en aucune manière à une meilleure compréhension de la part <strong>du</strong> public ».<br />
En revanche Bleibtreu a été particulièrement attentif au lien qui unissait Baader à Enssslin.<br />
Selon lui cet amour était passionnel, honnête et sans compromis, ce qui a con<strong>du</strong>it les deux<br />
personnages à mener le projet RAF jusqu’au bout. Ainsi, les actions qu’ils menèrent n’étaient<br />
possibles que grâce à la confiance qu’ils avaient l’un dans l’autre. D’autre part cet amour<br />
déclenchait chez les gens qui fréquentaient le couple un sentiment d’admiration qui contribua<br />
à leur pouvoir d’attraction. Grâce à cet amour, personne ne pu s’attaquer à ce couple et cela<br />
est très visible dans le film. Gudrun seule parvenait à stopper les explosions de colère de<br />
Baader et le spectateur a le sentiment qu’ils étaient inséparables. Stefan Aust confirme que<br />
rien n’aurait pu les désunir. On a l’impression que la RAF n’aurait pas pu fonctionner sans<br />
eux. Cette indestructibilité de leur lien est visible dans cette scène que nous avons déjà<br />
évoquée où les deux se liguent contre Meinhof et s’embrassent. Même la vie en prison ne<br />
semble pas avoir réussi à les éloigner.<br />
Une seule scène dans tout le film nous présente Baader comme un homme calme, rationnel,<br />
versé dans la politique, lorsque l’envoyé ministériel lui rend visite à la prison. Baader donne<br />
l’impression d’être au clair avec lui-même, il est déten<strong>du</strong> et semble vouloir pour la première<br />
fois mener une discussion sobrement. Il explique que la deuxième et la troisième génération<br />
de la RAF sont encore plus brutales qu’il ne l’était eux et que Baader et Ensslin pourraient<br />
avoir une influence positive sur les événements s’ils étaient libérés. Baader semble déjà en<br />
avoir fini avec la vie, c’est pourquoi il parle si calmement et il fait même une allusion au<br />
début de la conversation au suicide planifié : « En fait, cet entretien a lieu un peu tard » dit-il<br />
et un peu plus loin « dites au secrétaire d’Etat que s’il veut encore parler avec moi, il faudra<br />
peut-être qu’il voyage loin… ». Le jeu d’acteur est sobre, Baader se contente de se rouler une<br />
cigarette.<br />
79
Gudrun Ensslin est interprétée par Johanna Wokalek. Selon les critiques, elle est la plus<br />
crédible parmi les actrices qui se sont essayées à ce rôle. Elle fait parler ses yeux plutôt que<br />
d’avoir recours à de gestes. Elle a une diction calme er réfléchie, si bien qu’elle apparaît<br />
comme le personnage le plus fort <strong>du</strong> film, ce qu’elle était dans la réalité selon Stefan Aust :<br />
« Elle était certainement le personnage le plus fort <strong>du</strong> groupe, cela ne fait aucun doute. Elle a<br />
cru à la révolution, comme elle a cru dans la maison familiale à Jésus Christ.<br />
Psychologiquement elle était forte. »<br />
Ainsi elle se pose en contraste avec Baader. Contrairement à lui, elle est plus réfléchie, plus<br />
patiente, elle arrive à se contrôler, ce n’est qu’à Stammheim qu’elle perdra un peu de ce selfcontrol.<br />
Jusque là elle ne crie pratiquement pas, elle invective ou réprimande les gens.<br />
L’actrice insiste sur les consonnes dans sa diction comme plus paraître plus dangereuse, plus<br />
menaçante.<br />
Dès sa première apparition et bien qu’elle se trouve dans un contexte familial elle montre<br />
qu’elle a une très forte personnalité, quelqu’un qui ne se pliera plus très longtemps aux<br />
conventions de la société. Elle a envie de passer à l’acte et reproche à son père de faire des<br />
sermons plutôt que d’agir. Wokalek a cherché à se rapprocher le plus possible <strong>du</strong> personnage<br />
original en lisant sa biographie ainsi que ses lettres. Pour elle Ensslin a agi ainsi parce qu’elle<br />
avait le désir de créer un monde meilleur, plus juste. Mais sa peur et sa colère la pousseront<br />
bientôt à aller jusqu’à un point de non retour. C’est ce qui a sans doute attiré Ulrike Meinhof<br />
chez Ensslin et ce dès la première interview. Et un lien complexe se développera entre les<br />
deux femmes. Au début on sent une certaine sympathie, mais déjà Ensslin lance une remarque<br />
sarcastique à Meinhof en lui disant : » Crois-tu que tu vas changer quelque chose avec ton<br />
blabla théorique ? »<br />
De même Ensslin ne semble éprouver que mépris pour la manière d’agir « théorique » de<br />
Meinhof. Lorsque cette dernière ne semble pas prendre au sérieux le plan destiné à libérer<br />
Baader, Ensslin lui jette un regard méprisant et lui dit froidement : » Tu pourras en faire le<br />
récit a postériori, tu n’es capable de rien d’autre. »<br />
Le regard de Wokalek est plus efficace que mille paroles et elle ne cessera de poursuivre<br />
Ulrike Meinhof de ce regard.<br />
Wokalek a auusi été attentive à la féminité d’Ensslin. En effet, celle-ci aimait bien s’habiller<br />
et était très féminine. Par exemple elle insista pour se procurer une veste de cuir rouge lors <strong>du</strong><br />
procès des incendiaires. A Stammheim elle portait des converses et des bas résilles qui furent<br />
recrées spécialement dans le style des années 60 pour les besoins <strong>du</strong> film. Son maquillage<br />
prouve aussi sa volonté de mise en scène personnelle et son besoin de faire sensation chez les<br />
autres. Sa démarche est très élégante aussi. L’actrice chercha à reconstruire ce personnage et<br />
elle mena elle aussi une diète sévère pour ressentir ce que l’on ressent lors d’une grève de la<br />
faim. Elle son visage émacié est conforme à l’image d’Ensslin à Stammheim. Les cheveux<br />
courts et mal coiffés, les cernes noirs autour des yeux, les pommettes sont saillantes. Mais<br />
cependant Ennslin ne semble pas affaiblie, au contraire il émane d’elle de la brutalité, <strong>du</strong><br />
fanatisme et de l’opiniâtreté. Elle ne semble absolument pas brisée.<br />
C’est Martina Gedeck qui tient le rôle d’Ulrike Meinhof. Elle l’incarne comme une journaliste<br />
sérieuse, douce, portée par de grands idéaux. Au début <strong>du</strong> film, on peut la trouver arrogante,<br />
comme dans la scène où elle ne semble pas prendre au sérieux le plan pour faire évader<br />
Baader. Ce qui frappe, c’est le travail de l’actrice pour s’approcher le plus possible <strong>du</strong><br />
personnage historique. Les premières phrases qu’elle prononce semblent venues d’ailleurs<br />
pour le spectateur, étant donné que personne ne parle plus ainsi aujourd’hui. La voix est<br />
mélancolique, pensive, mais en même temps claire et douce, elle ressemble selon Martina<br />
Gedeck à celle de Meinhof. Avant son suicide, sa voix avait beaucoup changé au fil des<br />
80
années, c’est comme si elle avait eu peur de ne plus pouvoir penser, le fait d’argumenter lui<br />
prenait de la force.<br />
Si l’on compare les enregistrements originaux de Meinhof et qu’on les compare avec les<br />
images de Gedeck, on est surpris de la ressemblance tant au niveau des gestes que de la voix.<br />
Martina Gedeck voulait mélanger le passé et le présent, les témoins de l’époque devaient<br />
avoir le sentiment d’être replongés dans ce passé. Lorsqu’elle interviewe Gudrun, lors de la<br />
scène dans la prison, elle frotte son pouce aux autres doigts, attitude caractéristique qu’elle<br />
avait lorsqu’ elle était nerveuse et le réalisateur insiste en nous le montrant en gros plan.<br />
Ulrike Meinhof était de plus en plus malheureuse de ne rien pouvoir faire avec un stylo dans<br />
les mains. Bien qu’elle sache que la violence n’est pas la solution, elle est fascinée par les<br />
propos de Gudrun. Mais dans cette scène, elle n’a pas encore envisagé de quitter ses enfants.<br />
Sa position à l’égard de ses enfants évolue après la libération de Baader et le départ pour la<br />
Jordanie. Ensslin demande alors au chef <strong>du</strong> camp s’il serait possible de mettre les enfants<br />
d’Ulrike dans un orphelinat palestinien, cela supposerait qu’Ulrike ne voit plus ses enfants. A<br />
ce moment-là Ulrike n’intervient pas, ses yeux sont dirigés vers Gudrun, elle n’a aucune<br />
réaction. Mais elle semble d’accord avec la décision de Gudrun, son visage ne reflète ni<br />
regret, ni tristesse.<br />
Dans le film, il est très fortement fait référence aux mesures d’isolement qu’ont eu à subir les<br />
membres de la RAF et en particulier Meinhof qui, avant Stammheim a été incarcérée à<br />
Cologne-Ossendorf dans « l’aile de la mort ». Elle ne pouvait plus prendre part à aucune vie<br />
acoustique, car elle n’entendait rien. Astrid Proll, qui avait séjourné dans cette aile de la mort,<br />
cherche à savoir où se trouve Ulrike et elle fait <strong>du</strong> bruit et crie afin qu’Ulrike sache qu’elle est<br />
là. La caméra s’enfonce à travers des grilles derrière une porte dans les profondeurs d’une<br />
cellule toute blanche, éclairée par un néon et dans laquelle se trouve Ulrike. Ulrike semble<br />
être à bout, ses yeux grands ouverts, ce rictus découvrant ses dents nous donnent l’impression<br />
qu’elle est une morte vivante. Gedeck nous montre une Meinhof en marge des autres<br />
membres. Chacun des ses actes semble être motivé par son besoin de reconnaissance des<br />
autres. Le personnage d’Ulrike Meinhof est celui qui tout au long <strong>du</strong> film évolue le plus ;<br />
cette évolution a eu lieu aussi dans la vraie vie. Celle qui était une journaliste en vue, finit<br />
brisée et ne trouve son salut que dans le suicide.<br />
Bernd Eichinger pensait que le scénario <strong>du</strong> film ne nécessitait qu’une seule figure qui fasse<br />
contrepoids à la RAF. Il ne voulait pas faire apparaître d’homme politique. Horst Herold était<br />
donc le seul qui pouvait représenter le pouvoir de l’Etat. Bruno Ganz tient ce rôle. En<br />
comparaison des membres de la RAF, le personnage d’Horst Herold apparaît beaucoup<br />
moins. Certes, il n’apparaît qu’au bout de 29 minutes, mais d’entrée de jeu, il est identifié<br />
comme un homme d’Etat sage et qui a déjà presque tout prévu. Il parle en effet avec son<br />
assistant Koch au sujet des mouvements étudiants. Koch pense qu’après l’arrivée <strong>du</strong><br />
chancelier Willy Brandt à la tête de l’Etat, les choses vont se calmer. Mais Herold est d’un<br />
tout autre avis. Il parle même de bombes que les étudiants sont prêts à jeter pour mettre à mal<br />
la conscience encroûtée de la société. Et il a raison, puisque les premiers incendies se<br />
déclenchent et les premiers attentas ont lieu. Il est important d’expliquer aux élèves ce qu’était<br />
le BKA et qui était Herold, dans la mesure où le film ne donne que très peu d’explications.<br />
Il est mentionné qu’Herold utilisait tous les moyens techniques modernes à sa disposition et<br />
on le voit dans une salle remplie d’ordinateurs. Une autre fois on le voit expliquer à un<br />
adjudant <strong>du</strong> ministère de l’intérieur son plan « Wasserschlag » et l’on voit défiler les images<br />
d’actualité : des files de voitures arrêtées et fouillées, un autocollant sur une voiture précise<br />
« je n’appartiens pas à la bande à Baader », des hélicoptères et des rues barrées. On apprend<br />
ensuite que grâce à cette action Baader, Meins, Raspe, Ensslin et Meinhof ont été arrêtés.<br />
Lorsque le ministre de l’Intérieur félicite Herold par télégramme pour son succès, tenant le<br />
81
cas RAF pour terminé, Herold se montre très sceptique. Il ne semble pas partager l’optimisme<br />
<strong>du</strong> ministre, pensant qu’il faudra compter avec de nouveaux attentats. De fait en 1972, il y eut<br />
l’attentat au cours de Jeux Olympiques et l’on voit Herold et ses collaborateurs suivre les<br />
événements à la télévision. Herold veut combattre les terroristes, mais il veut pour cela les<br />
comprendre, comprendre leur motivation, mais il ne recueille que critiques et hochements de<br />
tête d’incompréhension. Herold condamnait certes le terrorisme, mais il n’ôtait pas toute sa<br />
responsabilité à l’Etat. Bruno Ganz a vécu le mouvement de 1968 et la RAF. Il explique qu’à<br />
cette époque si des membres de la RAF avaient voulu dormir chez lui, il aurait eu beaucoup<br />
de mal à les mettre dehors. A l’époque, il se considérait presque comme l’un de leurs<br />
sympathisants, mais avec les film sont point de vu a changé et ce qui c’est passé à l’époque<br />
est pour lui catastrophique la RAF n’ayant été qu’un coup d’épée dans l’eau. Les scènes entre<br />
Herold et Koch servent à expliquer au public ces différents arrières plans.<br />
La critique a reproché à Bernd Eichinger d’avoir choisi Bruno Ganz en qui le public voyait<br />
encore le personnage <strong>du</strong> Führer de « La Chute ».<br />
82
Analyse de séquence : Ulrike bascule <strong>du</strong> côté obscur. [33-58-45-10].<br />
Le choix de cette séquence s’est très vite imposé après le visionnage <strong>du</strong> film et la lecture des<br />
divers ouvrages au sujet de l’histoire de la RAF. En effet, c’est un moment clé à trois à trois<br />
niveaux : tout d’abord dans l’économie <strong>du</strong> film lui-même, elle lance le film vers la tragédie<br />
finale sanglante, au niveau de l’histoire de la RAF, elle constitue ce que l’on nomme son acte<br />
fondateur et c’est enfin ce qui va provoquer, en ce qui concerne le destin personnel d’Ulrike<br />
Meinhof, son saut dans la clandestinité et qui scellera son destin.<br />
Ce basculement se fait en trois étapes très distinctes. Tout d’abord ce que nous nommerons le<br />
prologue, c’est-à-dire cette conversation entre Gudrun Ensslin, Andreas Baader et Ulrike<br />
Meinhof qui dénote un changement de ton chez le couple, mais que ne veut pas cautionner<br />
Ulrike et qui se conclut par ces mots : » Je ne pourrai jamais quitter mes enfants ».<br />
Une première étape marque l’évolution d’Ulrike après l’arrestation d’Andreas, puisque c’est<br />
d’elle que vient la solution pour la libération d’Andréas, balayant ainsi d’un revers de la main<br />
la remarque cinglante d’Ulrike qui lui reproche son manque d’engagement : « Après tu<br />
pourras écrire un article, c’est tout ce que tu sais faire ! »<br />
Une deuxième étape est franchie lorsque Ulrike met un terme aux interrogations de son<br />
compagnon quant à sa participation à l’action de libération de Baader par ces mots : « Je dois<br />
le faire ».<br />
La dernière étape, c’est son saut par la fenêtre et dans la clandestinité, illustré par son article<br />
paru le 15 juin 1970 dans le Spiegel sous le titre : « Et bien sûr, on peut tirer ».<br />
Il nous incombera en conclusion de voir quelles sont les conséquences de cette libération.<br />
Le prologue.<br />
Andreas Baader et Gudrun Ensslin sont revenus de Rome, où ils s’étaient enfuis, afin<br />
d’échapper à leur arrestation. Ils débarquent chez Hohmann, le compagnon d’Ulrike Meinhof,<br />
qui ne semble pas ravi de les voir. De toute façon, Ulrike seule les intéresse. Ils lui demandent<br />
de les héberger, ce qu’elle fait volontiers, ne laissant pas vraiment le choix au photographe.<br />
Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est le changement de ton dans les propos <strong>du</strong> couple, ils<br />
veulent en effet fonder un groupe, afin de changer la donne politique. C’est la première fois<br />
qu’ils tiennent ce genre de propos, ils veulent s’organiser et passer au stade supérieur de la<br />
lutte. Devant l’étonnement d’Ulrike, Baader s’énerve et lui reproche sa « question<br />
bourgeoise ». Ulrike sent leur détermination, mais elle ne veut pas en arriver là. Andreas lui<br />
est prêt à aller jusqu’au bout, sans compromis, ce que lui confirme Gudrun.<br />
Ulrike semble amère, car le tournage <strong>du</strong> film « Bambule » (« mutinerie ») a été un échec. Son<br />
scénario de télévision sur la maison d’é<strong>du</strong>cation surveillée Eichendof de Berlin-Ouest a été<br />
écrit dans le courant de l’année 1969. Ulrike avait déjà commencé une critique et un travail<br />
sur l’é<strong>du</strong>cation « surveillée » les années précédentes. Dans plusieurs émissions de télévision,<br />
elle avait enquêté sur ces « homes » et sur les conséquences d’un tel internement. Bambule a<br />
été tourné en février et mars 1970. Ce film devait être diffusé sur l’ARD en mai 1970. A ce<br />
moment, Ulrike est soupçonnée d’avoir participé à la libération de Baader et le film est retiré.<br />
Le film décrit des faits qui sont vrais. Il oscille entre le reportage et la fiction. Ulrike a exigé<br />
de « se rapprocher non de la réalité, mais plutôt de la vérité ». Ce film montre donc une<br />
situation fâcheuse. Elle y avait mis beaucoup d’elle même et d’espoir, pensant pouvoir aider<br />
ces jeunes femmes, améliorer leur sort, mais elle s’aperçoit que tout est resté comme avant,<br />
malgré ses efforts. Elle se contente d’héberger Peggy qui s’est enfuie <strong>du</strong> centre. Celle-ci a<br />
longtemps vécu chez Ulrike, elle s’occupait de ses filles. Gudrun lui propose alors une<br />
nouvelle morale, elle sent qu’Ulrike est sur le fil <strong>du</strong> rasoir. Ulrike doit, selon Gudrun, tirer un<br />
83
trait sur son passé, entre elle et ceux contre lesquels elle veut se battre. Elle doit se détacher<br />
<strong>du</strong> système et couper les ponts. Quels propos visionnaires ! Mais, pour le moment, Ulrike<br />
n’est pas encore prête à tout sacrifier, elle veut, contrairement à Gudrun et Andreas pouvoir<br />
encore voir ses enfants, donc rester dans la légalité. La scène se clôt sur les propos d’Ulrike :<br />
« Je ne pourrai jamais quitter mes enfants ».<br />
La première étape : la proposition.<br />
Baader adorait les BMW et les Porsche, même s’il n’a jamais eu de permis, c’est d’ailleurs ce<br />
qui va provoquer son arrestation.<br />
L’avocat de Baader arrive chez Ulrike et annonce l’arrestation d’Andreas et son<br />
emprisonnement à Moabit. Gudrun veut le faire libérer, Ingrid Schubert et Peggy sont<br />
d’accord pour lui prêter main forte. L’avocat s’assoit entre les deux femmes : Ulrike et<br />
Gudrun. Tandis que Gudrun est agitée, Ulrike semble plutôt sereine. Le dispositif<br />
cinématographique est très révélateur de la relation entre les deux femmes. Gros plan sur le<br />
sourire ironique d’Ulrike lorsque Gudrun exprime son intention de libérer Andreas. Contre<br />
champ sur Gudrun qui lui jette un regard très <strong>du</strong>r. Le sourire est toujours sur les lèvres<br />
d’Ulrike. Retour sur Gudrun qui termine sa phrase assassine : « Après tu pourras écrire un<br />
article, c’est tout ce que tu sais faire ! », le sourire a disparu des lèvres d’Ulrike, Gudrun a<br />
tapé là où ça fait mal ! L’avocat après cette joute oratoire reprend la parole, mais on lit encore<br />
le mépris dans les yeux de Gudrun. Contre champ, Ulrike suit Gudrun des yeux. Montage cut<br />
très rapide au diapason <strong>du</strong> rythme de la scène comme un match de ping-pong et des<br />
mouvements de Gudrun. Gros plan sur elle, elle est au centre <strong>du</strong> dispositif cinématographique,<br />
c’est elle qui mène le jeu. Ulrike est restée assise, plutôt passive, elle subit. La communication<br />
ne semble plus possible entre elles à cause de leurs différends. Ulrike est pensive et cependant<br />
la solution vient d’elle, sa décision est prise. Lorsqu’elle commence à exposer son idée de<br />
plan, Gudrun lui tourne encore le dos, comme si elle se moquait bien de ce qu’elle peut dire.<br />
Puis, elle se tourne vers elle, la communication semble rétablie. Ulrike accepte, certes avec<br />
des gardes fous, d’agir.<br />
La deuxième étape : la rencontre avec Andreas et la décision.<br />
Dans cette scène, le dispositif cinématographique sert à nouveau de révélateur. Les deux<br />
femmes sont assises dans la prison de Moabit, où elles doivent rencontrer Andreas. Ulrike est<br />
encore dans son rôle de journaliste, tandis que Gudrun est travestie, puisque recherchée par la<br />
police. Ulrike feint de présenter Andreas à une certaine madame Weitmeier. Gros plan sur<br />
Gudrun. On sent la grande complicité qui unit Gudrun à Andreas. On sent très nettement le<br />
plaisir qu’ils éprouvent à se voir et à jouer un bon tour aux autorités. Ulrike quant à elle<br />
semble exclue de cette complicité, tout en l’enviant sans doute. L’échange de regards est<br />
éloquent.<br />
Le photographe rentre chez lui et ne goûte guère les plaisanteries de Peggy qui joue avec une<br />
arme à feu et le surprend. Il s’inquiète <strong>du</strong> rôle que doit jouer Ulrike dans la libération de<br />
Baader, même si elle se contente d’être un leurre. Il pense qu’Ulrike devrait rester en dehors<br />
de tout ça. Ulrike lui explique alors le plan, il pense que c’est de la folie, mais Ulrike met un<br />
terme à la discussion par ces mots : « Je dois le faire ! »<br />
84
La troisième étape : le passage à l’acte et le saut dans la clandestinité.<br />
Arrivée de Baader que le policier met en garde contre toute tentative d’évasion ! On a aperçu<br />
Gudrun en faction dans une voiture. Les deux personnages s’arrêtent devant l’entrée, afin que<br />
le spectateur puisse savoir où se situe l’action : c’est l’Institut central pour les questions<br />
sociales. En effet, ce n’est pas le bâtiment qui abritait alors l’Institut, car il est privé<br />
aujourd’hui. Mais il lui ressemble beaucoup. Retour sur Gudrun qui est toujours dans la<br />
voiture. Regard de Baader dans sa direction. Puis point de vue d’Ulrike sur la scène. La<br />
voiture de police s’en va. C’est le moment ! Gudrun se tourne vers le « pro » que lui a<br />
recommandé Horst Mahler. A l’intérieur Ulrike prépare l’entretien. La pièce a été reconstruite<br />
à l’identique. Ulrike est à l’époque une journaliste en vue qui participe à des émissions de<br />
télévision. Avait-elle déjà prévu à ce moment qu’elle sauterait par la fenêtre et passerait ainsi<br />
dans la clandestinité. Personne n’avait prévu qu’il y aurait effusion de sang, cette décision<br />
s’est-elle imposée à ce moment-là ? Léger travelling avant sur Ulrike, elle semble ten<strong>du</strong>e.<br />
Gros plan ensuite. Baader arrive, regards complices, léger sourire. Le policier ferme la<br />
fenêtre, Baader pourrait s’enfuir par là ! L’autre policier lui enlève ses menottes. Plan serré<br />
sur Andreas qui regarde vers la porte, là d’où doit venir sa délivrance. Ulrike entame une<br />
conversation dont les propos étonnent Andrea jusqu’à ce qu’il comprenne qu’elle ne s’adresse<br />
pas à lui. Elle pose, en effet, des questions d’ordre privé au policier, comme sil elle voulait<br />
attirer des bonnes grâces. Peut-être aussi craint-elle la violence à son égard et essaie de<br />
désamorcer les intentions d’en découdre d’Andreas désormais prêt à tout. D’ailleurs le contre<br />
champ sur Andreas montre que celui-ci se demande à quel jeu joue Ulrike. Silence. Ulrike<br />
semble mal à l’aise, elle commence à travailler ou à faire comme si <strong>du</strong> moins. On entend en<br />
off la sonnette d’entrée, le son <strong>du</strong> destin ! On voit alors les complices entrer puis Ulrike et<br />
Andreas qui semblent plongés dans leur travail. Lorsque la dame de service apporte le café,<br />
on aperçoit en arrière-plan dans l’entrebaillement de la porte les deux femmes et le policier<br />
semble faire le rempart entre ces deux mondes. Regard inquiet d’Ulrike, puis échange de<br />
regards avec Andreas. La tension monte. On voit à plusieurs reprises des plans de profil<br />
d’Andreas depuis la fenêtre par laquelle ils vont s’enfuir, comme si quelqu’un espionnait<br />
cette scène depuis ce point de vue. A nouveau échange de regards ten<strong>du</strong>s et inquiets. Retour<br />
sur les deux femmes dans l’entrée. Derrière la porte se profile la silhouette de Gudrun et les<br />
deux femmes vont la faire rentrer ainsi que le « pro ». La musique démarre et l’action devient<br />
alors très rapide, les plans cuts se succèdent, le rythme s’accélère, nous sommes dans une<br />
scène d’action après la tension de la scène précédente.<br />
Gros plan sur le visage masqué par une cagoule <strong>du</strong> « pro » qui bouscule le policier. Gros plan<br />
sur les revolvers, il tire ce qui n’était pas prévu et ce que nous montre le réalisateur avec le<br />
contre champ sur le visage réprobateur de Gudrun. Ils pénètrent ensuite dans la salle de<br />
travail, violence encore. Ulrike feint la surprise, puis la peur, Andreas saute par la fenêtre sans<br />
se préoccuper de ce qui arrive aux autres. Violence encore devant la résistance imprévue <strong>du</strong><br />
policier. Ulrike semble se recroqueviller sur elle-même. Andreas appelle Gudrun. A nouveau<br />
des tirs, ce qui semble terrifier Ulrike. Montage cut très rapide caractéristique d’une scène<br />
d’action, beaucoup de gros plan aussi. On sent Ulrike prise entre ces deux mondes, son passé<br />
et son destin. Tous les autres ont à présent sauté par la fenêtre, que va t-elle faire ? La caméra<br />
prenant le point de vue d’Ulrike semble faire un tour de table, comme si elle faisait le constat<br />
de ce qu’elle a provoqué, et cela la panique, voire la paralyse et cependant cette fenêtre<br />
semble l’appeler vers cet ailleurs Les autres se sont enfuis sans se soucier <strong>du</strong> sort d’Ulrike,<br />
puisque selon le plan, elle ne devait pas se montrer complice de la libération. Ils s’en tiennent<br />
eux au plan prévu. Baader reprochera son comportement à Ulrike en lui disant qu’elle aurait<br />
été bien plus utile en restant dans la légalité. Un soutien public est en effet utile, lorsque l’on<br />
est en cavale. Mais à ce moment là, le sentiment d’appartenance a été le plus fort, Ulrike n’<br />
85
pas voulu qu’on la laisse. Retour sur la dame de service, on voit par ses yeux les dégâts.<br />
Retour sur Ulrike qui fixe toujours la fenêtre et enfin elle prend sa décision : elle s’enfuit.<br />
Plan de la fenêtre ouverte, par laquelle Ulrike a disparu. La musique qui avait accompagné la<br />
scène d’action se tait au profit d’une autre musique beaucoup plus festive. En effet, nous<br />
assistons à la fête donnée à l’occasion des 15 ans <strong>du</strong> journal konkret. Cette « revue de la<br />
politique et de la culture », qui paraît depuis 1957, est considérée comme « la seule revue<br />
grand public de gauche en Allemagne ». En 1968, konkret est la voix des étudiants radicaux et<br />
de gauche ; Ulrike Meinhof y travailla comme journaliste. Klaus Reiner Röhl, l’ancien mari<br />
d’Ulrike en était alors le rédacteur en chef de la revue qui a une forte influence sur la critique<br />
sociale de l’époque. Plus tard, il s’avérera que konkret a été financé et dirigé par la RDA<br />
jusqu’en 1964. Stefan Aust et Klaus Reiner Röhl regardent un reportage télévisé. Le<br />
téléviseur est jute entre les deux personnages. Mais étonnamment les images ne sont pas des<br />
images d’archives puisque l’on reconnaît Martina Gedeck et Moritz Bleibtreu. Travelling<br />
avant sur le visage d’Ulrike, puis sur le visage des deux autres personnages : mais Röhl<br />
regarde la télé et Aust regarde Röhl , comme s’il guettait sa réaction devant ces images qui<br />
mettent en cause la mère de ses enfants. Bilan de la libération de Baader : trois personnes<br />
blessées. Le mari comprend alors que ses filles sont en danger et de fait, on les voit alors<br />
passer clandestinement la frontière avec un membre de la bande, pour se rendre en Sicile.<br />
Gros plan sur Ulrike Meinhof qui, cette fois, est entrée dans la clandestinité, s’est radicalisée<br />
et écrit ce fameux texte paru dans le Spiegel le 15 juin 1970. Elle tient désormais des propos<br />
très <strong>du</strong>res, comparant le policier à un porc et non plus à un être humain. On voit alors l’affiche<br />
qui offre 10.000 marks de récompense pour sa capture. Elle est donc une personne recherchée.<br />
On voit aussi son mari et Aust lire l’article dans le Spiegel, eux aussi on pris la mesure de ce<br />
que cela signifie. Et l’on peut lire alors le gros titre : « Et bien sûr, on peut tirer », justifiant<br />
par là le recours à la violence armée pour les besoins de leur lutte. Horst Herold en prend<br />
connaissance aussi. La guerre est déclarée. Une nouvelle étape est franchie, nous ne sommes<br />
plus dans le registre adopté par Rudi Dutschke au congrès sur le Vietnam.<br />
Conclusion.<br />
Ulrike va prendre désormais une autre dimension au sein <strong>du</strong> groupe à la suite de ce passage à<br />
l’acte. Sa déclaration va faire d’elle l’icône de ce mouvement et explique aussi pourquoi on<br />
parlera de la bande Baader-Meinhof. Huit jours après, le 22 mai 1970, l’action est<br />
revendiquée dans un journal de l’Underground berlinois Agit 883 de tendance libertaire. Le<br />
texte <strong>du</strong> communiqué s’intitule « construire l’<strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong> » (en annexe) et affirme qu’il ne<br />
peut y avoir de lutte des classes et de réorganisation <strong>du</strong> prolétariat sans le développement<br />
d’une résistance armée. C’est certes un texte très général rédigé sous forme de slogans. Mais<br />
pour la première fois apparaît le sigle de la RAF. Cette libération a intro<strong>du</strong>it pour la première<br />
fois l’usage des armes dans une action militante, un degré de plus dans la violence a été<br />
atteint. Cette action marque pour eux un point de non retour. Ils se sont aussi coupés de<br />
l’extrême gauche légale et ils se voient rejetés dans un certain isolement. En cela l’action<br />
constitue l’acte fondateur <strong>du</strong> groupe. Elle exprimait la volonté de chacun de rompre avec un<br />
certain vécu, de se couper de toute possibilité de revenir en arrière. A partir de cet instant,<br />
chacun d’entre eux se trouve entraîné dans un processus collectif irréversible qui les engage<br />
tous, les uns par rapport aux autres. C’est en décidant de cette action et en l’accomplissant que<br />
le groupe, jusque là informel se constitue vraiment en organisation de guérilla.<br />
86
Critiques <strong>du</strong> film.<br />
Télérama<br />
La bande à Baader comme naguère la bande à Bonnot... Sauf que le titre original - Der<br />
Baader Meinhof Komplex - dit autre chose en mettant en avant Ulrike Meinhof, figure<br />
décisive de la <strong>Fraction</strong> armée rouge (la RAF). C'est d'ailleurs elle le vrai personnage <strong>du</strong> film,<br />
le seul qui échap-pe à la caricature et dont on suit le parcours en amont des années de plomb,<br />
qui frappèrent l'Allemagne dans les années 70. Avant de braquer sa kalachnikov, Ulrike<br />
Meinhof (Martina Gedeck, fameuse depuis La Vie des autres) fut une journaliste éminente,<br />
une intellectuelle certes engagée très à gauche mais qui n'avait rien d'une révolutionnaire. On<br />
la voit au début <strong>du</strong> film en mère de famille vivant aisément auprès de son mari et de leurs<br />
deux filles. A quel moment bascule-t-elle ? Lors d'une scène éminemment symbolique. Le 14<br />
mai 1970, Ulrike Meinhof profite de son statut de journaliste pour aider à l'évasion d'Andreas<br />
Baader, arrêté après avoir incendié un grand magasin. Mais l'évasion dégé-nère en tuerie,<br />
Ulrike Meinhof panique, voit une fenêtre ouverte et s'enfuit, passant ainsi de l'autre côté.<br />
Un mauvais concours de circonstances ? L'hypothèse n'est pas à exclure, même si bien sûr<br />
d'autres raisons, d'abord historiques, expliquent ce saut d'Ulrike Meinhof, puis son<br />
engagement total au sein de la RAF, fondée juste après cette évasion. La mort marquante d'un<br />
étudiant lors d'une manif à Berlin contre la visite <strong>du</strong> shah d'Iran en 1967, la guerre <strong>du</strong> Vietnam<br />
et, surtout, l'infâme passé nazi totalement -refoulé par l'Allemagne d'alors : tous ces faits<br />
politiques, le film les reconstitue ou les mentionne, mais sans jamais parvenir à les raccorder<br />
directement au destin des terroristes. Lesquels n'ont quasiment au-cune consistance. Andreas<br />
Baader (Moritz Bleibtreu) est uniquement montré comme un jeune coq, un frimeur un peu tête<br />
brûlée. Et les filles comme des amazones sexy. Le chef de la police allemande (Bruno Ganz,<br />
comme toujours irréprochable) dit un moment que les terroristes poursuivent un mythe. C'est<br />
justement cette dimension mythique, fût-elle terrifiante et fanatique, qui manque cruellement.<br />
A part la toile de fond siglée et une dernière partie plus aride sur la fin effroyable <strong>du</strong> groupe<br />
en prison, rien ne distingue <strong>du</strong> thriller standard cette grosse pro<strong>du</strong>ction regorgeant de stars<br />
nationales. On attend toujours le film qui serait à la RAF ce que Buongiorno, notte, de Marco<br />
Bellochio, fut aux Brigades rouges.<br />
Jacques Morice<br />
La critique d'Excessif<br />
2/5<br />
Dix ans de faits historiques comprimés en moins de deux heures et demi, c'est à la fois<br />
beaucoup et bien peu. Bien peu au regard de l'intense histoire <strong>du</strong> groupuscule depuis les<br />
prémisses de l'engagement sur les bancs de l'université et le choix de la journaliste Ulrike<br />
Meinhof de rejoindre ses amis révolutionnaires, jusqu'au procès monumental de Stammhein<br />
en 1977. Et c'est à la fois beaucoup lorsque le film choisit l'angle d'attaque des scènes qui<br />
s'enchaînent autour <strong>du</strong> trio infernal. D'un côté le désir de mémoire, de l'exposition d'une<br />
Histoire nationale récente et douloureuse (l'on se souvient de La chute, de La vie des autres,<br />
etc., comme quoi l'Allemagne se regarde comme jamais auparavant), de l'autre le désir de<br />
fiction et la mise en valeur <strong>du</strong> cerveau à trois têtes de la RFA, Baader/Meinhof/Ensslin. Un<br />
entre-deux qui, loin d'insuffler un élan emportant tout sur son passage, dessert au contraire le<br />
film.<br />
87
Pourtant le cinéaste allemand Uli Edel avait déjà signé de grands brûlots cinématographiques<br />
avec Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée en 1981 et Last exit to Brooklyn en 1989.<br />
L'automne allemand reste pour le pays un sujet encore controversé, un sujet qui tiraille ceux<br />
qui voient dans le groupuscule une sorte de tentative désespérée de sortir d'un modèle de<br />
pensée vicié et ceux qui, au contraire, n'y constatent qu'une impasse sanglante et inutile. Le<br />
film se sauve en ne tranchant pas la question mais la mise en scène, hélas, n'est pas à la<br />
hauteur <strong>du</strong> propos. Déjà Le procès Baader-Meinhof de Reinhard Hauf en 1985 avait mis la<br />
barre très haut avec cette reconstitution <strong>du</strong> procès à sensations, un procès que les prévenus ont<br />
manifestement subi sous de fortes pressions. Dans le film de Edel, les séquences de la prison<br />
de Stammhein restent les plus intéressantes, les plus aiguisées car cette fois-ci le trio est<br />
séparé, chacun rongeant sa haine en privé.<br />
De fait le film joue trop sur cette relation à trois, trop fictive et structurée dans le récit pour ne<br />
pas reconnaître qu'elle nuit à l'historique même <strong>du</strong> groupuscule. Le romanesque s'immisce<br />
dans ce qui aurait pu faire le succès <strong>du</strong> film, le côté froid et distancié de l'information pure. Le<br />
mélange des genres ne sied pas lorsque l'on aborde des sujets d'une telle richesse réflexive, les<br />
récents exemples de Indigènes et de L'ennemi intime pour la France l'ont prouvé, des films<br />
insuffisants sur la guerre en Algérie. Il reste pourtant l'interprétation exceptionnelle de<br />
Martina Gedek dans le rôle de la journaliste puis terroriste Ulrike Meinhof. Certainement<br />
celle qui doute le plus, elle est aussi celle qui prouve que la réflexion peut engendrer l'acte<br />
terrible, Baader et Ensslin étant trop caricaturés pour offrir une quelconque perspective de<br />
leurs opinions et comportements. Meinhof ou comment abandonner ses enfants pour une<br />
cause que l'on croit juste, pour défendre justement l'avenir de ses enfants.<br />
David A.<br />
LA CRITIQUE DE PREMIERE<br />
• Veronique Le Bris Si l’Italie avait, avec Buongiorno, notte ou Nos Meilleures Années,<br />
commencé à régler ses comptes avec le passé, l’Allemagne restait discrète (et la<br />
France, carrément muette à ce sujet). Jusqu’à ce que le sulfureux pro<strong>du</strong>cteur-scénariste<br />
Bernd Eichinger décide de s’attaquer de front au problème. Et quand on se souvient<br />
qu’on lui doit le script de La Chute, ce film polémique sur les derniers jours d’Hitler,<br />
on est forcément curieux. Est-ce pour se contenir qu’il a choisi d’adapter un livreréférence<br />
de Stefan Aust sur le sujet ? Peut-être, mais le résultat est d’une rare<br />
maîtrise, et sans doute l’un des plus remarquables thrillers allemands. Car plutôt que<br />
de revenir sur les faits et gestes les plus médiatisés de ce groupe de jeunes rebelles,<br />
Bernd Eichinger et son réalisateur et coscénariste Uli Edel veulent comprendre. Et<br />
expliquer pourquoi et comment cette génération fut la première à réagir – certes<br />
violemment – à son héritage nazi, à la répression policière, tout en s’accordant avec<br />
les mouvements de contestation internationaux contre la guerre au Vietnam,<br />
notamment. Ils reprennent donc le mal à la source quand, en juin 1967, une<br />
manifestation contre la visite <strong>du</strong> shah d’Iran tourne au cauchemar, et démontrent<br />
comment Ulrike Meinhof, une journaliste connue pour ses prises de position, et<br />
Andreas Baader, un blouson noir peu bercé d’idéologie, vont finir par se rencontrer.<br />
Pour le pire ! Pas de sentiments dans l’escalade vers une violence aveugle menée<br />
essentiellement par des femmes, prêtes à tout pour défendre leur cause. Mais le plus<br />
remarquable dans ce film d’action reste que les auteurs parviennent parfaitement à<br />
équilibrer leur propos, ne prenant à aucun moment parti pour les uns (l’État) ou pour<br />
les autres (les terroristes).<br />
88
LES AUTRES AVIS DE LA PRESSE<br />
• Pariscope (Virginie Gaucher) Première gageure <strong>du</strong> film : retracer de manière claire<br />
l’histoire de La bande à Baader de 1967 à 1977, un parti-pris didactique parfaitement<br />
réussi, et même assez puissant dans la toute première partie <strong>du</strong> film. Ce choix quasi<br />
documentaire se double d’une vraie tension, notamment dans la peinture des<br />
personnages, -c’est la 2e partie <strong>du</strong> film-, celle de leur emprisonnement à Stammheim,<br />
face à une escalade de violence qui les dépasse. Jamais idéalisée, le film décrit une<br />
génération per<strong>du</strong>e, dans un pays qui a occulté le nazisme : Andreas Baader<br />
charismatique mais sans véritable discours idéologique, Gudrun toute de <strong>du</strong>reté et de<br />
haine, et Ulrike (excellente Martina Gedeck) ses hésitations, ses ambigüités. Au final,<br />
une période complexe, traitée comme une page d’histoire sans démythification ni<br />
glorification.<br />
• Journal <strong>du</strong> dimanche (Barbara Théate) Uli Edel met en scène le terrorisme dans toute sa<br />
brutalité et montre comment une utopie vire au cauchemar sanglant. Le film,<br />
terriblement efficace, expose les faits, sans chercher à excuser ou à condamner. Ici,<br />
pas d'intrigue linéaire, ni de révolutionnaires montrés en héros, auxquels on serait<br />
tenté de s'identifier.<br />
• Fluctuat Dans la RFA des années 1970, de jeunes idéalistes se perdent dans une spirale de<br />
violence infernale partants d'intentions pourtant pacifiques. Andreas Baader, Ulrike<br />
Meinhof et leurs compagnons de révolte sont admirablement mis en scène dans La<br />
Bande à Baader, qui revisite les années de plomb sans jugement moral ni admiration<br />
naïve, mais avec une précision aussi glaçante que le parcours de ce groupuscule<br />
terroriste. L'Europe exorcise ses démons en revisitant ses grandes figures d'ennemis<br />
publics. En France le diptyque de Richet sur Jacques Mesrine, en Irlande l'IRA dans<br />
Hunger de Steve McQueen, en Allemagne, La Bande à Baader de Uli Edel.<br />
Fascination morbide pour des figures criminelles ou simple exercice de<br />
compréhension de phénomènes qui ont marqué des générations ? La Bande à Baader,<br />
tiré <strong>du</strong> livre d'un ancien journaliste ayant connu certains membres de la <strong>Fraction</strong><br />
<strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong> (RAF) et notamment Ulrike Meinhof, a été écrit et réalisé par des<br />
personnes ayant été personnellement touchées par cette histoire, ayant suivi de près la<br />
montée de ce climat révolutionnaire, au départ fascinées, et très vite, avec les premiers<br />
morts, terriblement déçues. La recherche de sens est donc sans doute ce qui les<br />
motivait en réalisant ce film. Et la forme choisie est une chronique minutieuse des<br />
événements sur dix ans, des faits bruts, en laissant largement de côté les discours<br />
politiques de la RAF. Le résultat est un torrent d'événements dont on sait qu'il aboutit<br />
inexorablement à un déchaînement de violence, à la mort des principaux membres de<br />
la Bande, à un échec total. Du point de vue narratif, le poids de cette histoire est lourd<br />
à porter. Comment mobiliser le spectateur face à des héros qui n'en sont pas, face à des<br />
événements dont on sait qu'ils finiront mal ? La monstruosité des faits, les ambiguïtés<br />
des personnages, le gouffre entre leurs intentions premières - créer un monde meilleur<br />
- et le résultat de leurs actions fascinent et révoltent, et la qualité d'écriture <strong>du</strong> scénario<br />
place sans doute le spectateur d'aujourd'hui face à la même incompréhension que les<br />
Allemands des années 1970. La réalisation brute, avec le minimum d'artifice<br />
d'éclairage ou d'effets visuels mais avec une caméra mobile, qui suit les personnages<br />
dans leur agitation furieuse, aboutit à un vrai choc visuel et rend la violence de<br />
certaines scènes, de combats de rue notamment, extrêmement réaliste. Les acteurs<br />
89
principaux sont absolument impeccables et semblent s'être jetés dans leur rôle avec<br />
autant de ferveur que celle qui habitait les personnages qu'ils interprètent. On en<br />
ressort éprouvés, malmenés et bourrés de questionnement, avec pourtant le sentiment<br />
d'avoir compris quelque chose de ces sombres années. Un film puissant.<br />
Critikat<br />
L’Allemagne se penche sur son histoire... Après Sophie Scholl et La Vie des autres, le<br />
cinéma contemporain tente de battre le fer tant qu’il est encore chaud en explorant une<br />
période très récente de sa propre histoire : celle de la bande à Baader. Il eût été<br />
intelligent, moderne, ici, de préférer l’analyse à la description, et la réflexion<br />
contemporaine à la repro<strong>du</strong>ction. Malgré une technique clairement huilée, on ne<br />
comprend pas vraiment l’intérêt de choisir un tel sujet pour le traiter comme n’importe<br />
quel mélodrame teinté de l’excitation d’une histoire plate.<br />
Le cinéma, dans certains pays, a souvent été le moteur d’une modernité de représentation et<br />
d’évolution des mentalités : lorsque l’on constate que Voyage au bout de l’enfer -sur la guerre<br />
<strong>du</strong> Vietnam- a été réalisé à peine trois ans après les accords de Paris, on comprend que les<br />
États-Unis ont mis beaucoup moins de temps que l’Europe à se pencher sur ses blessures<br />
ouvertes. Le cinéma français -quand verra-t-on un film sans dramatisation sur la guerre<br />
d’Algérie ou sans auto-censure sur les crimes des deux camps ?- comme le cinéma allemand<br />
ont atten<strong>du</strong> quelques temps avant de filmer la collaboration notamment... <strong>du</strong> côté allemand, le<br />
passé communiste a évidemment retardé la propension des cinéastes à regarder en face une<br />
histoire dramatique et sanglante. Depuis La Vie des autres, mélodrame un peu trop pompeux<br />
pour être bien honnête, les événements de RFA manquaient à l’appel. Uli Edel tente ici de<br />
remplir ce manque en consacrant un film à la bande à Baader, et plus généralement à la<br />
fraction allemande de l’<strong>Armée</strong> <strong>Rouge</strong>, qui terrorisa un temps une Allemagne plongée, au<br />
même titre que l’Italie, dans des « années de plomb ».<br />
Parler d’une frange de l’Histoire, en avoir le courage parfois, est une chose. Lui rendre justice,<br />
et utiliser l’Histoire à des fins cinématographiques -et vice versa-, en est une autre. Comme La<br />
Vie des autres, et surtout comme un certain nombre de biopics (Coluche, La Môme), La<br />
Bande à Baader possède une vision très basique de l’histoire, et sa représentation<br />
cinématographique en pâtit logiquement : comment étudier un épisode aussi complexe de<br />
l’histoire allemande sans mettre en perspective les enjeux sociaux de la révolte ? Comment la<br />
filmer sans en expliquer les mécanismes, les influences politiques ? Un film sur l’Histoire<br />
devrait penser l’Histoire, penser son sujet, quitte à prendre certaines libertés avec ce dernier.<br />
Le problème de La Bande à Baader est que l’histoire s’y résume aux grands moments de<br />
l’épopée de Baader et de ses comparses, à la repro<strong>du</strong>ction très primaire d’un contexte. Nous<br />
sommes à la fin des années 1960, on entend donc une chanson des Beatles. Mais Dizzy Miss<br />
Lizzy, au même titre que quelques images d’archives montées ça et là, n’est qu’une simple<br />
illustration. On regrette ainsi que ce cinéma ne fasse pas de choix personnel, et se contente de<br />
poncifs sur la décennie qu’elle explore. La Bande à Baader, comme beaucoup d’autres films,<br />
est l’adaptation assez plate d’un manuel de terminale, sans réflexion spéciale sur son sujet,<br />
pourtant brûlant.<br />
À l’heure où l’extrême-gauche résiste dans un certain nombre de Länder d’ex-RFA, dans<br />
quelques provinces de Russie, il était nécessaire de s’interroger sur ce qui avait poussé<br />
Baader, Ulrike Meinhof et leurs disciples, à prendre les armes... Nous n’aurons droit <strong>du</strong>rant<br />
plus de deux heures qu’à une suite de moments-clé -la fameuse manifestation contre la venue<br />
<strong>du</strong> Shah, l’arrestation de la bande, le procès- : le rapport à la génération antérieure qui a vécu<br />
l’Allemagne nazie, le rapport politique et financier à l’URSS, la tension idéologique entre<br />
90
partisans de l’action violente et ses opposants au sein <strong>du</strong> groupe... tous ses thèmes sont à peine<br />
esquissés. Les révolutionnaires sont finalement des gens simples qui se sont un peu emballés<br />
face aux « capitalistes mangeurs de bisque de homard ». D’un point de vue purement<br />
technique, la pro<strong>du</strong>ction bénéficie, bien enten<strong>du</strong>, d’assez de financements pour apporter à<br />
l’image des effets spectaculaires, parfois vieillis artificiellement, des scènes de braquage et<br />
d’explosion bien montées. Tout comme la caméra d’Uli Edel, les dialogues ne commentent<br />
jamais, ils racontent l’action. La Bande à Baader prend l’histoire comme une matière déjà<br />
mélodramatisée, sans jamais tenter d’en analyser la matière brute. Serait-elle donc faite<br />
aujourd’hui pour servir de socle à un cinéma dramatique sans conscience ?<br />
Ariane Beauvillard<br />
91
Deux textes fondateurs de la RAF.<br />
Construire l'armée rouge!<br />
(RAF, 5.6.1970)<br />
Camarades <strong>du</strong> 883 [revue qui a été de 1968 à 1973 le principal organe de la scène<br />
« underground »], cela n'a aucun sens que d'expliquer ce qui est correct aux gens qui ne le<br />
sont pas.<br />
Cela, nous l'avons suffisamment longtemps. L'action de libération de Baader, nous ne<br />
devons pas l'expliquer aux radoteurs intellectuels, à ceux qui flippent, à ceux qui savent<br />
tout sur tout, mais aux couches populaires potentiellement révolutionnaires.<br />
C'est-à-dire, ceux qui peuvent immédiatement comprendre cet acte, parce qu'ils sont euxmêmes<br />
prisonniers.<br />
Ceux qui ne peuvent rien commencer avec le blabla des « gauches », parce que c'est sans<br />
conséquences et sans actions. Ceux qui en ont marre!<br />
L'action de libération de Baader, vous devez l'expliquer aux jeunes <strong>du</strong> quartier de<br />
Märkisch, aux filles d'Eichenhof, à Ollenhauer, Heiligensee, aux jeunes <strong>du</strong> foyer pour<br />
jeunes, <strong>du</strong> centre d'aide à la jeunesse, à la maison verte [un foyer pour la jeunesse], au<br />
Kieferngrund [idem].<br />
Aux familles nombreuses, aux jeunes travailleurs et aux apprentis, aux lycéens, aux<br />
familles des quartiers en rénovation, aux travailleurs de Siemens et d'AEG-Telefunken, de<br />
SEL et d'Osram, aux travailleuses mariées qui en plus <strong>du</strong> ménage et des enfants doivent<br />
travailler à la pièce - quelle merde !<br />
C'est à eux qu'il faut diffuser l'action, parce qu'ils n'ont pas de dédommagements pour leur<br />
exploitation par le niveau de vie, la consommation, les Plans d'Epargne Logement, les<br />
petits crédits, la voiture moyenne. Eux qui ne peuvent pas se permettre tout ce bric-à-brac,<br />
qui ne pendent pas à tout ça.<br />
Ceux qui ont découvert tout le caractère mensonger des promesses de futur de leurs<br />
é<strong>du</strong>cateurs et professeurs et gérants d'immeuble et travailleurs sociaux et contremaîtres et<br />
responsables syndicaux et maires de quartiers, et qui n'ont peur encore que de la police.<br />
C'est à eux - et non pas aux intellectuels petits-bourgeois -, qu'il faut expliquer que c'est fini<br />
maintenant, que ça commence, que la libération de Baader n'est que le début!<br />
Qu'une fin de la domination des flics est en vue!<br />
92
C'est à eux qu'il faut dire que nous construisons l'armée rouge, que c'est leur armée.<br />
C'est à eux qu'il faut dire que tout commence. Ils ne vous demanderont pas stupidement :<br />
pourquoi maintenant précisément? Ils ont derrière eux mille chemins vers les autorités et<br />
les administrations, la valse des procès, les salles d'attente, et toujours la date où cela a<br />
réussi et celle où ça n'a pas réussi.<br />
Et la discussion avec la prof sympa, qui n'a pas pour autant empêché le transfert en lycée<br />
professionnel, et la responsable <strong>du</strong> jardin d'enfant qui elle non plus n'y pouvait rien qu'il n'y<br />
ait pas de place.<br />
Eux ne vous demanderont carrément pas pourquoi maintenant!<br />
Ils ne vous croiront certainement pas si vous n'êtes pas capables de diffuser le journal avant<br />
qu'il soit confisqué.<br />
Parce que vous ne devez pas agiter les mange-merdes de gauche, mais les gauches<br />
objectives, vous devez construire un réseau de distribution inatteignable par les porcs.<br />
Ne bavardez pas comme quoi c'est trop <strong>du</strong>r. L'action de libération de Baader n'était pas non<br />
plus une sinécure. Si vous avez compris ce qui se passe (et vos commentaires montrent que<br />
vous avez compris, mais c'était de la merde opportuniste de trous de culs que de dire que<br />
vous auriez vous aussi une balle dans le ventre), si vous avez compris quelque chose, vous<br />
devez organiser de manière meilleure la diffusion. Et nous ne vous dirons pas plus sur les<br />
méthodes que sur les plans d'actions - bandes d'emprisonnés dans les tourbières! Tant que<br />
vous vous laissez choppés, vous ne pouvez pas donner de conseils aux gens pour qu'ils ne<br />
se fassent pas chopper. Qu'est-ce que l'aventurisme? S'intro<strong>du</strong>ire soi-même des indics.<br />
Alors.<br />
Qu'est-ce que cela signifie, porter les conflits à leur pointe? Cela signifie : ne pas se laisser<br />
massacrer.<br />
C'est pourquoi nous construisons l'armée rouge. Derrière les parents il y a les professeurs,<br />
le juge pour enfants, la police.<br />
Derrière le contremaître il y a le chef, le bureau <strong>du</strong> personnel, la protection <strong>du</strong> travail, le<br />
travailleur social, la police.<br />
Derrière le concierge il y a le gérant, le propriétaire, l'huissier, la menace d'expulsion, la<br />
police.<br />
Ils arrivent par cela ce que les porcs font avec les censures, les licenciements, les renvois,<br />
avec les scellés et les matraques. Évidemment qu'ils saisissent leurs armes de service, au<br />
gaz lacrymogène, aux grenades et aux mitraillettes, évidemment qu'ils font l'escalade des<br />
moyens, s'ils n'y arrivent pas autrement.<br />
Évidemment que les Gis au Vietnam sont formés de manière nouvelle à la tactique de la<br />
guérilla, que les bérets verts ont des cours sur la torture. Et alors?<br />
Il est clair que les peines seront alourdies pour les politiques. Vous devez rendre clairs le<br />
93
fait que c'est de la merde social-démocrate que de prétendre que l'impérialisme, avec tous<br />
ses Neubauer [sénateur de Berlin] et Westmoreland [commandant des forces US au<br />
Vietnam de 1964 à 1968 puis chef d'état-major], Bonn [capitale administrative], le sénat, le<br />
tribunal pour jeunes et les administrations d'arrondissements, tout le bordel des porcs, se<br />
laisserait noyauter, balader, prendre au dépourvu, intimider, dissoudre sans combat.<br />
Rendez clair le fait que la révolution ne sera pas une balade printanière. Que les porcs<br />
feront l'escalade des moyens aussi loin qu'ils le pourront, mais également pas plus loin.<br />
Afin que les conflits puissent en arriver à être accentués jusqu'à leur résolution, nous<br />
construisons l'armée rouge.<br />
Sans construire en même temps l'armée rouge, tout conflit se gâte, devient réformisme tout<br />
travail politique dans l'entreprise et à Wedding [quartier de Berlin-Ouest] et dans le<br />
Märkischen Viertel [cité-dortoir de Berlin-Ouest] et à la Plötze [prisons pour femmes de<br />
Berlin-Ouest / Plötzensee] et dans la salle <strong>du</strong> procès, c'est-à-dire: vous n'en arrivez qu'à de<br />
meilleurs moyens disciplinaires, de meilleures d'intimidation, de meilleures méthodes<br />
d'exploitation. Cela casse le peuple et ne casse pas ce qui casse le peuple! Sans construire<br />
l'armée rouge, les porcs peuvent tout faire, les porcs peuvent continuer: enfermer, licencier,<br />
hypothéquer, voler les enfants, intimider, tirer, dominer.<br />
Faire que les conflits puissent en arriver à être accentués jusqu'à leur résolution, cela<br />
signifie: qu'ils ne peuvent plus faire ce qu'ils veulent, mais qu'ils doivent faire ce que nous<br />
nous voulons.<br />
C'est à eux à qui vous devez le rendre clair, ceux qui n'ont rien de l'exploitation <strong>du</strong> tiersmonde,<br />
<strong>du</strong> pétrole perse, des bananes de Bolivie, de l'or sud africain, qui n'ont aucune<br />
raison de s'identifier aux exploiteurs. Eux peuvent capter cela, que ce qui se commence ici a<br />
déjà commencé, au Vietnam, en Palestine, au Guatemala, à Okland et Watts, à Cuba et en<br />
Chine, en Angola et à New York.<br />
Eux captent cela, si vous leur expliquez, que l'action de libération de Baader n'est pas une<br />
action unique et isolée, qu'elle ne l'a jamais été, mais la première de ce type en RFA. Nom<br />
de dieu.<br />
Ne restez pas assis sur le sofa de ton appartement perquisitionné en comptant les amours et<br />
les petits esptis mesquins. Construisez l'appareil de diffusion correct, laissez tomber les<br />
flippés, les mangeurs de choux, les travailleurs sociaux, ceux qui ne cherchent qu'à gagner<br />
des faveurs, le pack de Lumpen.<br />
Débrouillez-vous pour savoir où sont les foyers et les familles nombreuses et le sousprolétariat<br />
et les femmes prolétaires, qui ne font qu'attendre de pouvoir frapper dans la<br />
gueule ceux qui le méritent. Eux prendront la direction. Et ne vous faites pas attraper, et<br />
apprenez d'eux comment on fait pour ne pas se faire attraper, ils en savent plus que vous.<br />
Élargir les luttes de classes<br />
Organiser le prolétariat<br />
Commencer avec la lutte armée<br />
à construire l'armée rouge!<br />
94
Sur la conception<br />
de la guérilla urbaine<br />
(RAF, 1972)<br />
" Entre l'ennemi et nous, il nous faut tracer une ligne de démarcation bien nette. " (Mao-<br />
Tsé-Toung) " Etre attaqué par l'ennemi est une bonne chose et non une mauvaise chose; en<br />
ce qui nous concerne, qu'il s'agisse d'un indivi<strong>du</strong>, d'une armée, d'un parti ou d'une école,<br />
j'estime que l'absence d'attaque de l'ennemi contre nous est une mauvaise chose, car elle<br />
signifie nécessairement que nous faisons cause commune avec l'ennemi.<br />
Si nous sommes attaqués par l'ennemi, c'est une bonne chose car cela prouve que nous<br />
avons établi une ligne de démarcation bien nette entre lui et nous.<br />
Et si celui-ci nous attaque avec violence, nous peignant sous les couleurs les plus sombres<br />
et dénigrant tout ce que nous faisons, c'est encore mieux, car cela prouve non seulement<br />
que nous avons établi une ligne de démarcation nette entre l'ennemi et nous, mais encore<br />
que nous avons remporté des succès remarquables dans notre travail. " (Mao-Tsé-Toung,<br />
26 mai 1939)<br />
Soutenir la lutte armée!<br />
95
1. REPONSES CONCRETES A DES QUESTIONS CONCRETES<br />
" Je persiste à soutenir qu'à moins d'avoir enquêté, on ne peut prétendre au droit à la<br />
parole. " (Mao)<br />
Quelques camarades ont déjà des idées toutes faites à notre sujet. Pour eux, rattacher ce "<br />
groupe anarchiste " au mouvement socialiste n'est que " démagogie de la part de la presse<br />
bourgeoise ".<br />
Dans la mesure où ils l'utilisent de manière fausse et dénonciatrice, leur conception de<br />
l'anarchisme ne va plus loin que celle de la presse Springer . Nous ne discuterons avec<br />
personne à un niveau aussi débile. Pourtant, de nombreux camarades désirent savoir ce<br />
que nous en pensons. Notre lettre à 883 (journal underground berlinois) était trop générale.<br />
La bande magnétique d'une certaine Michèle Ray dont le Spiegel a publié des extraits<br />
n'était pas authentique et provenait simplement de conversations privées.<br />
Cette femme voulait écrire un article en se servant de la bande comme aide-mémoire. Elle<br />
nous a roulés ou nous l'avons surestimée. Si notre pratique était aussi à l'emporte-pièce que<br />
certaines de ses formules, on nous aurait arrêté depuis longtemps. Le Spiegel a payé<br />
Michèle Ray 1000 dollars pour cela. Que presque tout ce que les journaux publient sur nous<br />
- et comment ils l'écrivent - n'est que mensonge, cela est clair. Les projets d'enlèvement de<br />
Willy Brandt qu'ils nous attribuent ont pour but de nous faire passer pour des débiles<br />
politiques; le rapprochement qu'ils établissent entre nous et ceux qui ont enlevé un enfant<br />
tend à nous assimiler à des criminels sans scrupule quant au choix de leurs moyens. Cela va<br />
jusqu'à des " détails de source sûre " dans " Konkret " (N°5, mai 1971) , détails sans<br />
importance bâclés ensemble pour la forme.<br />
Il y aurait parmi nous des " officiers et des soldats "; certains d'entre nous seraient<br />
dépendants, certains d'entre nous auraient été liquidé; ceux qui nous ont quitté auraient à<br />
craindre de nous; nous entrerions dans les appartements ou aurions accès aux passeports le<br />
flingue à la main; nous exercerions un " terrorisme de groupe " - tout cela n'est que <strong>du</strong><br />
vent. Qui se représente une organisation illégale de résistance d'après le modèle<br />
d'organisation des Freikorps et de la Sainte-Vehme , veut lui-même le pogrome.<br />
Horkheimer et Adorno, dans La personnalité autoritaire, et Wilhelm Reich, dans<br />
Psychologie de masse <strong>du</strong> fascisme, ont montré le rapport entre le fascisme et les<br />
mécanismes psychiques qui pro<strong>du</strong>isent de telles projections.<br />
Le caractère révolutionnaire forcé est une contradiction en soi - une contradiction<br />
impro<strong>du</strong>ctive. Une pratique politique révolutionnaire, dans les rapports dominants que nous<br />
connaissons - ou même dans tous les cas -, suppose la concordance permanente <strong>du</strong><br />
caractère indivi<strong>du</strong>el et de la motivation politique, c'est-à-dire l'identité politique. Critique et<br />
auto-critique marxistes n'ont pas grand chose à voir avec " l'autolibération ", mais bien<br />
plutôt avec la discipline révolutionnaire.<br />
Qui veut " uniquement faire les premières pages ", ce n'est même pas une quelconque "<br />
organisation de gauche ", qui le ferait anonymement, mais " konkret " lui-même, dont le<br />
rédacteur en chef soigne son image de bras gauche d'Edouard Zimmermann (rédacteur en<br />
chef de l'émission " XYZ " sur ZDF où la population est appelée à devenir les assistants de<br />
la police criminelle), afin de permettre à cette présentation d'étudiants membres de<br />
96
corporations de remplir une part de marché. Il y aussi beaucoup de camarades qui<br />
répandent des mensonges. Ils se font mousser en racontant que nous aurions habité chez<br />
eux, qu'ils auraient organisé nos voyages en Palestine, qu'ils seraient informé de nos<br />
contacts, qu'ils auraient fait des choses pour nous alors qu'ils n'ont rien fait. Certains<br />
veulent juste montrer qu'ils sont " in ".<br />
Cela a rattrapé Günther Voigt, qui s'était vanté devant Dürrenmatt d'être un des libérateurs<br />
de Baader, ce qu'il aura regretté quand les flics sont arrivés.<br />
Le démenti, même s'il exprime la vérité, n'est après pas si simple. Certains veulent par là<br />
prouver que nous sommes idiots, irresponsables, imprudents, dingues. Ainsi ils en amènent<br />
d'autres contre nous.<br />
Ils consomment. Nous n'avons rien à faire avec ces beaux-parleurs, pour qui la lutte antiimpérialiste<br />
se déroule au café. Ils sont beaucoup ceux qui ne racontent pas n'importe quoi,<br />
qui ont une conception de la résistance, ceux qui en ont suffisamment marre pour nous<br />
souhaiter bonne chance, parce qu'ils savent que leur intégration et leur adaptation à la vie<br />
ne vaut rien. Le logement de la Knesebeckstrasse, où Malher a été arrêté, n'a pas été<br />
découvert à cause d'une négligence de notre part, mais à la suite d'une trahison.<br />
L'indicateur était l'un d'entre nous. A l'inverse, pour ceux qui font ce que nous faisons il n'y<br />
pas de moyen de se défendre; contre le fait que les camarades se font briser par les flics,<br />
qu'un autre craque car ne supportant plus la terreur que le système développe contre ceux<br />
qui la combattent. Ils n'auraient pas le pouvoir, les porcs, s'ils n'avaient pas les<br />
moyens. Certains, à cause de nous, sont contraints à de pénibles justifications. Pour éviter<br />
toute discussion politique et la mise en cause de leur propre pratique par la nôtre, ils<br />
n'hésitent pas à falsifier de simples faits.<br />
Ainsi il est toujours affirmé que Baader n'avait plus que trois, neuf ou douze mois de prison<br />
à purger, avant que nous ne le libérions, bien qu'il soit facile de rétablir la vérité: trois ans<br />
pour incendie, six mois d'un précèdent sursis, six mois pour falsification de documents,<br />
etc., et le procès devait encore avoir lieu.<br />
Andreas Baader avait déjà purgé quatorze de ces quarante-huit mois dans dix prisons<br />
différentes de la Hesse, et avait déjà été neuf fois transféré de l'une dans l'autre pour<br />
mauvaise con<strong>du</strong>ite: organisation de mutinerie, résistance. Le calcul, où 34 mois deviennent<br />
trois, neuf ou douze, avait pour but d'ôter tout impact à sa libération le 14 mai.<br />
C'est ainsi que rationalisent certains camarades leur peur devant les conséquences<br />
personnelles qu'aurait une discussion avec nous. La question de savoir si nous aurions<br />
libéré Baader sachant qu'une personne de gauche (employé de l'institut berlinois des<br />
questions sociales, où Andreas Baader a été libéré) allait être blessé dans l'opération - elle<br />
nous a suffisamment été posé - ne peut être répon<strong>du</strong> que par la négative.<br />
La question <strong>du</strong> type, que ce serait-il passé si, est pourtant ambiguë - pacifique, platonique,<br />
moraliste, sans parti pris. Qui réfléchit sérieusement à une libération de prisonniers ne pose<br />
la question - il trouve la réponse lui-même.<br />
Avec de telles questions les gens veulent savoir si nous sommes aussi brutaux que nous<br />
97
présente la presse Springer; on devrait nous faire réciter le catéchisme. C'est une tentative<br />
de bricoler la question de la violence révolutionnaire, de placer à un dénominateur commun<br />
la violence révolutionnaire et la morale bourgeoise, ce qui ne marche pas. Il n'y avait dans<br />
la prise en considération et des modalités aucune raison de penser qu'un civil pourrait, et<br />
c'est ce qui s'est passé, se jeter au milieu.<br />
Que les flics s'en moqueraient, c'était clair pour nous. La pensée voulant qu'une libération<br />
de prisonniers soit mené sans armes, est suicidaire. Le 14 mai, comme à Francfort où deux<br />
d'entre nous se sont barrés parce qu'ils devaient être arrêté, parce que nous ne laissons pas<br />
arrêter facilement, - les flics ont tiré en premier. Les flics ont à chaque fois visé leurs tirs.<br />
Nous n'avons en partie pas <strong>du</strong> tout tiré - et si nous avons tiré c'est sans viser: à Berlin,<br />
Nürnberg, Francfort.<br />
C'est prouvable, parce que c'est vrai. Nous ne faisons pas "utilisation de nos armes sans<br />
ménagements ". Le flic, qui se trouve dans la contradiction entre son statut de " petit<br />
homme " et celui d'esclave <strong>du</strong> capitaliste, entre le fait de recevoir un petit salaire et celui de<br />
fonctionnaire <strong>du</strong> capitalisme monopoliste, ne se trouve pas en situation de détresse. Nous<br />
tirons si l'on tire sur nous. Les flics qui nous laissent courir, nous les laissons aussi<br />
courir. Il est juste d'affirmer qu'avec l'immense dispositif de recherche contre nous c'est<br />
toute la gauche socialiste de R.F.A. et de Berlin-Ouest qui est visée.<br />
Ni le peu d'argent que nous aurions pris, ni le vol de voitures ou de documents pour<br />
lesquels on nous recherche, ni la tentative de meurtre qu'on cherche à nous mettre sur le<br />
dos, justifient toute cela.<br />
La peur a traversé les os des dominants, qui pensaient déjà avoir totalement en main cet<br />
Etat et tous ses habitants et classes et contradictions, ré<strong>du</strong>it les intellectuels à leurs revues,<br />
enfermé les gauchistes dans leurs cercles, désarmé le marxisme-léninisme. La structure de<br />
pouvoir qu'ils représentent n'est pourtant pas aussi vulnérable que leur effarouchement peut<br />
nous le laisse penser.<br />
Leurs vociférations ne doivent pas permettre de nous surestimer. Nous affirmons que<br />
l'organisation de groupes armés de résistance est actuellement juste, possible et justifiée en<br />
République fédérale et à Berlin-Ouest.<br />
Qu'il est juste, possible et justifiée de mener ici et maintenant la guérilla urbaine. Que la<br />
lutte armée comme "plus haute forme <strong>du</strong> marxisme-léninisme " (Mao) peut et doit<br />
commencer maintenant, que sans cela il n'y a pas de lutte anti-impérialiste dans la<br />
métropole. Nous ne disons pas que l'organisation de groupes armés illégaux de résistance<br />
peut remplacer les organisations prolétaires légales, ni que les actions indivi<strong>du</strong>elles<br />
remplacent les luttes de classe, ni que la lutte armée peut remplacer le travail politique dans<br />
l'usine ou dans le quartier. Nous affirmons seulement que le développement et le succès de<br />
l'un suppose l'autre.<br />
Nous ne sommes ni des blanquistes ni des anarchistes, bien que nous tenions Blanqui pour<br />
un grand révolutionnaire et que nous ne méprisions nullement l'héroïsme de beaucoup<br />
d'anarchistes. Notre pratique n'a pas une année. C'est trop peu pour pouvoir déjà parler de<br />
résultats. La grande publicité que nous a faite les messieurs Genscher, Zimmermann & Co<br />
nous permet d'apparaître opportunément de manière propagandiste, de faire déjà quelques<br />
98
emarques. " Si vous voulez savoir ce que pensent les communistes, regardez leurs mains et<br />
non leur bouche " a dit Lénine.<br />
2. LA METROPOLE REPUBLIQUE FEDERALE<br />
" La crise ne naît pas tant de l'arrêt des mécanismes de développement que <strong>du</strong><br />
développement lui-même. Ayant pour but le pur accroissement <strong>du</strong> profit, ce développement<br />
favorise de plus en plus le parasitisme et le gaspillage, relègue des couches entières de<br />
travailleurs en marge de la société, pro<strong>du</strong>it des besoins croissants qu'il ne parvient pas à<br />
satisfaire et accélère la désagrégation de la vie sociale.<br />
Seul un monstrueux appareil de manipulation de l'opinion et de répression ouverte peut<br />
contrôler les tensions et les révoltes ainsi alimentées! La rébellion des étudiants et <strong>du</strong><br />
mouvement noir en Amérique, la crise de l'unité politique de la société américaine,<br />
l'extension des luttes étudiantes en Europe, la reprise vigoureuse et les nouveaux contenus<br />
de la lutte ouvrière et de la lutte de masse, jusqu'à l'explosion <strong>du</strong> Mai français, jusqu'à la<br />
tumultueuse crise sociale de l'Italie et la reprise de l'insatisfaction en Allemagne, telles<br />
sont les grandes lignes de ce tableau. " (Il Manifesto, Pour le Communisme, thèse 33)<br />
Les camarades <strong>du</strong> Manifesto mentionnent la république fédérale en dernière position et<br />
caractérisent sa situation par le terme vague d'insatisfaction. L'Allemagne, dont Barzel<br />
disait, il y a six ans, qu'elle était un géant politique mais un nain politique - sa force<br />
économique ne s'est pas amoindrie, contrairement à sa force politique, à l'intérieur comme à<br />
l'extérieur.<br />
Avec la formation de la grande coalition de 1966 on devance le danger politique qui aurait<br />
pu naître alors spontanément de l'imminente récession. Avec les lois d'urgence on s'est<br />
donné l'instrument qui assure l'action unifiée des dominants pour les crises futures - l'unité<br />
entre la réaction politique et tous ceux qui sont encore attachés à la légalité.<br />
La coalition social-libéral a réussi à notablement absorber " l'insatisfaction " qui s'est fait<br />
remarquer par le mouvement étudiant et le mouvement extra-parlementaire, dans la mesure<br />
où le réformisme <strong>du</strong> parti social-démocrate n'a pas per<strong>du</strong> de sa valeur dans la conscience de<br />
ses partisans, où est repoussé, grâce à ses promesses de réforme, l'actualité d'une alternative<br />
communiste pour la majeure partie de l'intelligentsia, où est enlevé aux protestations anticapitalistes<br />
sa pointe.<br />
Leur ostpolitik amène au capital de nouveaux marchés, permet la contribution allemande à<br />
l'équilibre et l'alliance entre l'impérialisme US et l'Union Soviétique dont les USA ont<br />
besoin pour avoir les mains libres dans leurs guerres d'agression dans le tiers-monde.<br />
Ce gouvernement semble également arriver à séparer la nouvelle gauche des vieux antifascistes<br />
et ainsi à isoler une fois de plus la nouvelle gauche de son histoire, celle <strong>du</strong><br />
mouvement ouvrier. Le DKP, qui doit sa permission d'exister à la nouvelle complicité de<br />
l'impérialisme US et <strong>du</strong> révisionnisme soviétique, organise des manifestations en faveur de<br />
l'ostpolitik de ce gouvernement; Niemöller - figure symbolique antifasciste - concoure pour<br />
le SPD dans les prochaines luttes électorales... Sous le couvert de " l'intérêt général " le<br />
dirigisme étatique tient en bride les bureaucraties syndicales par le biais des contrats de<br />
progrès des salaires et la concertation Les grèves de septembre '69 ont montré qu'on avait<br />
99
passé la mesure en faveur <strong>du</strong> profit, ont montré dans leur déroulement comme grève<br />
seulement économique comment on les tenait bien en mai. Le fait que malgré ses presque<br />
deux millions de travailleurs étrangers la république fédérale peut utiliser dans la récession<br />
se dessinant un chômage approchant les 10%, toute la terreur, tous les mécanismes de<br />
discipline, sans avoir à faire face à une armée de chômeurs, sans avoir au cou la<br />
radicalisation politique de ces masses, permet une conception de la force <strong>du</strong><br />
système. Participant avec l'aide militaire et économique aux guerres d'agression des USA,<br />
la république fédérale profite de l'exploitation <strong>du</strong> tiers-monde, sans avoir la responsabilité<br />
de ces guerres, sans avoir à se disputer avec une opposition à l'intérieur. Pas moins<br />
agressive que l'impérialisme US, mais moins attaquable. Les possibilités politiques de<br />
l'impérialisme ne sont épuisées ni dans leur variante réformiste ni dans leur variante<br />
fasciste, ses capacités d'intégrer ou opprimer les contradictions qu'il pro<strong>du</strong>it lui-même ne<br />
sont pas terminées. Le concept de guérilla urbaine de la fraction de l'armée rouge ne se base<br />
pas sur une estimation positive de la situation en république fédérale et à Berlin-Ouest.<br />
3. LES REVOLTES ETUDIANTES<br />
" De la connaissance <strong>du</strong> caractère unitaire <strong>du</strong> système de domination capitaliste résulte<br />
l'impossibilité de séparer la révolution dans les points " culminants " de celle des " régions<br />
arriérées ". Sans une relance de la révolution en occident, on ne peut empêcher avec<br />
certitude l'impérialisme, entraîné par sa logique de violence, de chercher un débouché<br />
dans une guerre catastrophique, ou les super-puissances d'imposer au monde un joug<br />
écrasant ". (Il Manifesto, thèse 52)<br />
Rabaisser le mouvement étudiant au niveau d'une révolte petite-bourgeoise, c'est: le ré<strong>du</strong>ire<br />
à ses propres surestimations qui l'ont accompagné; c'est: nier son origine qu'est la<br />
contradiction concrète entre l'idéologie bourgeoise et la société bourgeoisie; c'est: nier le<br />
niveau théorique, avec la connaissance de ses limites forcées, que sa protestation<br />
anticapitaliste a déjà atteint. Bien sûr le pathos avec lequel s'identifiaient les étudiants, qui<br />
prenaient conscience de leur misère psychique dans les usines <strong>du</strong> savoir, avec les peuples<br />
exploités d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie, était exagéré; la comparaison entre<br />
l'impression massive <strong>du</strong> journal Bild ici et les bombardements de masse sur le Viet-Nam<br />
était une grande simplification; la comparaison entre la critique <strong>du</strong> système idéologique ici<br />
et la lutte armée là-bas était orgueilleux; la considération d'être le sujet révolutionnaire -<br />
tant que c'était au nom de Marcuse - était ignorante de la figure réelle de la société<br />
bourgeoise et des rapports de pro<strong>du</strong>ction la fondant. En république fédérale et à Berlin-<br />
Ouest, il revient au mouvement étudiant - ses combats de rue, ses incendies, son utilisation<br />
de la violence, son pathos, donc aussi ses exagérations et ses ignorances, bref: sa praxis,<br />
d'avoir reconstruit le marxisme-léninisme comme théorie politique, dans la conscience au<br />
moins de l'intelligentsia, sans laquelle les faits politiques, économiques et idéologiques et<br />
leurs modes d'apparition ne peuvent pas être saisis, et sans laquelle leurs connexions<br />
intérieures et extérieures ne peuvent pas être décrites. C'est justement parce que le<br />
mouvement étudiant part de l'expérience concrète de la contradiction entre l'idéologie de la<br />
liberté <strong>du</strong> savoir et la réalité de la mainmise <strong>du</strong> capital monopoliste sur l'Université, parce<br />
qu'il n'a pas été que initié idéologiquement, il n'a pas ren<strong>du</strong> son dernier souffle jusqu'à ce<br />
que le lien entre crise de l'Université et crise <strong>du</strong> capitalisme soit examiné de fond en<br />
comble, au moins théoriquement.<br />
Jusqu'à ce que pour eux et pour leur " public " il soit clair que ce ne sont pas la " liberté,<br />
égalité, fraternité ", pas les droits de l'homme, pas la charte de l'ONU qui forment le<br />
100
contenu de cette démocratie; qu'ici est valable ce qui l'a toujours été pour l'exploitation<br />
colonialiste et impérialiste de l'Amérique latine, de l'Afrique et de l'Asie: la discipline, la<br />
soumission et la brutalité à l'encontre des opprimés, pour ceux qui se mettent de leur côté,<br />
pour ceux qui soulèvent des protestations, qui résistent, qui mènent la lutte antiimpérialiste.<br />
De manière idéologique critique, le mouvement étudiant a quasiment saisi<br />
tous les domaines de la répression étatique comme expression de l'exploitation impérialiste:<br />
dans la campagne de presse de Springer, dans les manifestations contre l'agression<br />
américaine au Viet-Nam, dans la lutte contre la justice de classe, dans la campagne contre<br />
l'armée, contre les lois de l'état d'urgence, dans le mouvement lycéen. Expropriez Springer!,<br />
Brisez l'OTAN!, luttez contre le terrorisme de la société de consommation!, luttez contre la<br />
terrorisme de l'é<strong>du</strong>cation!, luttez contre le terrorisme des loyers! ont été des slogans<br />
politiques justes.<br />
Ils visaient l'actualisation des contradictions pro<strong>du</strong>ites par le capitalisme mûr lui-même<br />
dans la conscience de tous les opprimés, entre les nouveaux besoins et les nouvelles<br />
possibilités de satisfaction des besoins par le développement des forces pro<strong>du</strong>ctives d'un<br />
côté et la pression à la soumission irrationnelle dans la société de classes. Ce qu'il y avait<br />
dans leur propre conscience, ce n'était pas des luttes de classe élargis ici, mais la conscience<br />
d'être une partie <strong>du</strong> mouvement <strong>international</strong>, d'avoir affaire au même ennemi de classe ici<br />
que les Vietcongs là-bas, avec les mêmes tigres de papier, avec les mêmes porcs. Le<br />
deuxième mérite <strong>du</strong> mouvement étudiant est d'avoir brisé la coupure provincialiste des<br />
vieilles gauches: la stratégie de front populaire comme marche de Pâques, Union allemande<br />
pour la paix, journal populaire allemand, comme espoir irrationnel en un " grand<br />
tremblement de terre " à n'importe quelle élection, sa fixation parlementaire sur Strauss ici,<br />
sur Heinemann là, sa fixation pro- et anti-communiste sur la R.D.A., leur isolement, leur<br />
résignation, leur déchirement moral: prêt à tout sacrifice, capable d'aucune praxis.<br />
La partie socialiste <strong>du</strong> mouvement étudiant a pris conscience d'elle-même - malgré des<br />
imprécisions théoriques - de la reconnaissance juste <strong>du</strong> fait que " l'initiative révolutionnaire<br />
occidental peut aujourd'hui compter sur la crise de l'équilibre global <strong>du</strong> monde et sur la<br />
maturation de forces nouvelles dans tous les pays. " (Il Manifesto, thèse 55).<br />
Ils ont donné comme contenu de leur agitation et propagande cela de quoi ils pouvaient se<br />
revendiquer eu égard des rapports allemands: que contre la stratégie globale de<br />
l'impérialisme la perspective de luttes nationales doit être <strong>international</strong>iste, que seulement<br />
la liaison des contenus nationaux avec les contenus internationaux peut stabiliser des<br />
formes traditionnelles de luttes avec les initiatives révolutionnaires <strong>international</strong>istes.<br />
Ils ont fait de leur faiblesse leur force car ils ont reconnu qu'il n'y a qu'ainsi qu'une<br />
résignation renouvelée, un découpage provincial, le réformisme, la stratégie de front<br />
populaire, l'intégration, pouvaient être évités - les culs-de-sac de la politique socialiste dans<br />
les conditions post- et pré-fascistes, comme elles sont en république fédérale et à Berlin-<br />
Ouest. Les gauches savaient alors qu'il aurait été juste de relier la propagande socialiste<br />
dans les usines avec l'empêchement pratique de la distribution <strong>du</strong> journal Bild.<br />
Qu'il aurait été juste de relier la propagande pour les GI's, pour qu'ils ne se laissent pas<br />
envoyer au Viet-Nam, avec les attaques pratiques contre des avions militaires pour le Viet-<br />
Nam, la campagne de l'armée avec les attaques pratiques contre les bases aériennes de<br />
l'OTAN. Qu'il aurait été juste de relier la critique de la justice de classe avec les explosions<br />
101
des murs de prison, la critique <strong>du</strong> conglomérat de Springer avec le désarmement de ses<br />
milices patronales, juste de mettre en marche une propre radio, de démoraliser la police,<br />
d'avoir des logements illégaux pour les déserteurs de l'armée, de pouvoir falsifier des<br />
papiers d'identité pour l'agitation chez les travailleurs étrangers, d'empêcher par des<br />
sabotages dans les usines la pro<strong>du</strong>ction de Napalm. Et il est faux de rendre sa propagande<br />
dépendante de l'offre et de la demande : pas de journal parce que les travailleurs ne peuvent<br />
pas encore les financer, pas de voiture, parce que le " mouvement " ne peut pas encore<br />
l'acheter, pas d'émetteur, parce qu'il n'y a pas de licence, pas de sabotage, parce que le<br />
capitalisme ne s'écroule pas pour autant tout de suite. Le mouvement étudiant s'écroula<br />
lorsque sa forme d'organisation spécifiquement étudiante / petite-bourgeoise, le " camp<br />
anti-autoritaire ", se révéla inapte à développer une pratique appropriée quant à ses<br />
objectifs, parce qu'il ne pouvait pas y avoir d'élargissement de sa spontanéité aux<br />
entreprises ni dans une guérilla urbaine capable, ni dans une organisation socialiste de<br />
masse. Il s'écroula, lorsque l'étincelle <strong>du</strong> mouvement étudiant - différemment d'en Italie ou<br />
d'en France - n'est pas devenu le brasier des prairies de luttes de classe élargie . Il pouvait<br />
nommer les buts et contenus de la lutte anti-impérialiste - mais n'était pas lui-même le sujet<br />
révolutionnaire, ne pouvait pas se permettre la médiation organisationnelle. A la différence<br />
des " organisations prolétaires " de la nouvelle gauche ,, la fraction de l'armée rouge ne nie<br />
pas sa préhistoire comme histoire <strong>du</strong> mouvement étudiant, qui a reconstruit le marxismeléninisme<br />
comme arme dans la lutte de classe et a posé le contexte <strong>international</strong> pour le<br />
combat révolutionnaire dans les métropoles.<br />
4. PRIMAT DE LA PRATIQUE<br />
" Pour connaître directement tel phénomène ou tel ensemble de phénomènes, il faut<br />
participer personnellement à la lutte pratique qui vise à transformer la réalité, à<br />
transformer ce phénomène ou cet ensemble de phénomènes, car c'est le seul moyen d'entrer<br />
en contact avec eux en tant qu'apparences; de même, c'est là le seul moyen de découvrir<br />
l'essence de ce phénomène ou de cet ensemble de phénomènes, et de les comprendre. Mais<br />
le marxisme accorde une grande importance à la théorie justement et uniquement parce<br />
qu'elle peut être un guide pour l'action. Si, étant arrivé à une théorie juste, on se contente<br />
d'en faire un sujet de conversation, pour la laisser ensuite de côté, sans la mettre en<br />
pratique, cette théorie, si belle qu'elle puisse être, reste sans intérêt. " (Mao-Tsé-Toung, De<br />
la pratique)<br />
Le retour des gauchistes, de socialistes, qui étaient en même temps les autorités <strong>du</strong><br />
mouvement étudiant, à l'étude <strong>du</strong> socialisme scientifique, l'actualisation de la critique de<br />
l'économie politique comme leur autocritique vis-à-vis <strong>du</strong> mouvement étudiant, a été en<br />
même temps un retournement à des travaux livresques.<br />
A juger par la pro<strong>du</strong>ction de papier, leurs modèles d'organisation, <strong>du</strong> mal qu'ils se donnent<br />
pour et dans leurs explications, on pourrait penser que les révolutionnaires revendiquent la<br />
direction de luttes de classe violentes, comme si l'année 67/68 était le 1905 <strong>du</strong> socialisme<br />
en Allemagne.<br />
Lorsque Lénine, en 1903 dans " Que faire? ", soulignait le besoin théorique des travailleurs<br />
russes et donnait comme postulat, contre les anarchistes et les socialistes révolutionnaires,<br />
la nécessité d'une analyse de classe, de l'organisation, d'une propagande démystifiante, c'est<br />
102
parce que des luttes de classe massives se déroulaient. "<br />
C'est justement à travers les infamies de la vie russe que les masses ouvrières vont se<br />
réveiller avec force et nous ne savons même pas réunir, concentrer, si l'on peut parler ainsi,<br />
toutes les gouttes et les rigoles des passions populaires qui sourdent de la vie russe en foule<br />
innombrable, plus grande que nous ne l'imaginions ou ne le croyons, et qui doivent être<br />
unies en un fleuve impétueux " (Lénine, Que faire?) Nous doutons qu'il soit déjà possible<br />
de développer dans les conditions présentes en république fédérale et à Berlin-Ouest une<br />
stratégie unifiant la classe ouvrière, d'en arriver à une organisation qui soit à la fois<br />
expression et initiatrice d'un processus d'unification nécessaire. Nous doutons que l'alliance<br />
entre les intellectuels socialistes et le prolétariat puisse être soudée par des déclarations de<br />
programmes ou être obtenue par la prétention de créer des organisations prolétariennes. Les<br />
gouttes et les rigoles des infamies de la vie allemande sont rassemblées jusque là par le<br />
conglomérat Springer, qui les con<strong>du</strong>it à de nouvelles infamies. Nous affirmons que sans<br />
initiative révolutionnaire, sans l'intervention pratique de l'avant-garde, des travailleurs et<br />
intellectuels socialistes, sans la lutte anti-impérialiste concrète il n'y a pas de processus<br />
d'unification, que l'union ne peut être posé que par les luttes communes ou pas <strong>du</strong> tout, dans<br />
lesquelles la fraction consciente des travailleurs et intellectuels ne dirige pas la " mise en<br />
scène ", mais montre l'exemple. Dans la pro<strong>du</strong>ction de papier des organisations nous<br />
reconnaissons leur pratique à leur lutte concurrentielle d'intellectuels, qui luttent pour la<br />
meilleure interprétation de Marx devant un jury imaginaire, qui ne peut pas être la classe<br />
ouvrière parce que son langage exclut déjà leur participation. Ils sont davantage gênés<br />
d'être attrapé à s'être trompé dans une citation de Marx que de mentir quant à leur pratique.<br />
La page qu'il donne toujours avec la remarque correspond presque toujours, le nombre<br />
d'adhérents à leur organisation ne correspond presque jamais. Ils ont plus peur <strong>du</strong> reproche<br />
d'impatience révolutionnaire que celui de corruption dans les professions bourgeoises;<br />
prévoir le long terme avec Lukacs est important pour eux, comme est suspect de se laisser<br />
agiter à court terme par Blanqui.<br />
Leur <strong>international</strong>isme s'exprime dans la censure vis-à-vis de telle organisation commando<br />
palestinienne par rapport à une autre - des messieurs blancs qui jouent aux mandataires <strong>du</strong><br />
marxisme; ils l'expriment dans les faits sous la forme <strong>du</strong> mécénat, dans la mesure où ils<br />
mendient auprès de leurs riches amis au nom <strong>du</strong> Black Panther; ils portent à leur crédit, en<br />
vue <strong>du</strong> jugement dernier, ce qu'on leur donne par mauvaise conscience alors que leur<br />
premier souci, plutôt que la victoire de la guerre populaire, est de jouir de leur bonne<br />
conscience.<br />
Ce n'est pas cela, une méthode révolutionnaire d'intervention. Mao, dans son Analyse des<br />
classes de la société chinoise (1926) oppose la lutte de la révolution à celle de la contrerévolution<br />
lorsque la " bannière rouge de la révolution, levé par la IIIème Internationale,<br />
afin de rallier autour d'elle toutes les classes opprimées <strong>du</strong> monde; l'autre est le drapeau<br />
blanc de la contre-révolution, et c'est la Société des Nations qui l'a levé afin de rallier<br />
autour d'elle toutes les forces contre-révolutionaires <strong>du</strong> monde ".<br />
Mao distingue les classes de la société chinoise en fonction de comment elles se<br />
décideraient, pour l'avancée de la révolution, entre la bannière rouge et la bannière blanche.<br />
Cela ne lui suffisait pas d'analyser la situation économique des différentes classes de la<br />
société chinoise. Faisait partie de son analyse également la prise de position des différentes<br />
103
classes par rapport à la révolution. Il n'y aura pas de rôle dirigeant des marxistes-léninistes<br />
dans les futurs luttes de classes si l'avant-garde ne tient pas elle-même la bannière rouge de<br />
l'<strong>international</strong>isme prolétarien et si l'avant-garde ne répond pas elle-même à la question de<br />
savoir comment sera érigé la dictature <strong>du</strong> prolétariat, comment le pouvoir politique <strong>du</strong><br />
prolétariat doit être exigé, comment le pouvoir de la bourgeoisie doit être brisé, si elle n'est<br />
pas prête avec une pratique à y répondre. L'analyse de classe dont nous avons besoin n'est<br />
pas à faire sans pratique révolutionnaire, sans initiative révolutionnaire. Les "<br />
revendications révolutionnaires de transition " que les organisations prolétaires ont posé ici<br />
et là, comme la lutte contre l'intensification de l'exploitation, la ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> temps de<br />
travail, contre le gaspillage de la richesse sociale, pour le même salaire entre hommes,<br />
femmes et travailleurs immigrés, contre les cadences infernales, etc. - ces revendications de<br />
transition ne sont rien que de l'économisme syndicaliste, tant que n'est pas répon<strong>du</strong> en<br />
même temps à la question de savoir comment briser la pression politique, militaire et<br />
propagandiste qui se mettront de manière agressive au travers de la route de ces<br />
revendications si elles soulèvent des luttes de classe massives.<br />
Mais après - si on en reste à elles - ce n'est plus que de merde économiste, parce que pour<br />
elles cela ne vaut pas le coup de prendre en charge le combat révolutionnaire et de mener à<br />
la victoire, parce que " vaincre suppose que l'on accepte le principe selon lequel la vie n'est<br />
pas le bien suprême pour les révolutionnaires " (Debray). On peut intervenir de manière<br />
syndicaliste avec ces revendications - mais " la politique trade-unioniste de la classe<br />
ouvrière est la politique bourgeoise de la classe ouvrière " (Lénine). Ce n'est pas une<br />
méthode d'intervention révolutionnaire. Les soi-disantes organisations prolétaires ne se<br />
différencient <strong>du</strong> DKP , quand elles ne posent pas la question de l'armement comme réponse<br />
aux lois d'urgence, à l'armée, aux gardes-frontières, à la police, à la presse Springer, quand<br />
elles passent cela sous silence de manière opportuniste, que parce qu'elles sont encore<br />
moins ancrées dans les masses, parce qu'elles sont plus radicales en parole, parce qu'elles<br />
en savent plus au niveau théorique.<br />
En pratique elles s'agitent au niveau des spécialistes <strong>du</strong> droit, qui pour la popularité à tout<br />
prix soutiennent les mensonges de la bourgeoisie qu'il y aurait encore dans cet Etat quelque<br />
chose à obtenir avec les moyens de la démocratie parlementaire, encouragent le prolétariat<br />
à des luttes qui vu le potentiel de violence de cet Etat ne peuvent être que per<strong>du</strong>es - de<br />
manière barbare.<br />
" Ces fractions ou partis marxistes-léninistes " écrit Debray à propos des communistes en<br />
Amérique latine - " agissent à l'intérieur des mêmes questionnements politiques que ceux<br />
contrôlés par la bourgeoisie. Au lieu de les modifier, ils ont contribué à les ancrer encore<br />
plus fortement... " Aux milliers d'apprentis et de jeunes qui ont tiré comme conclusion de<br />
leur politisation pendant le mouvement étudiant de se retirer de la pression de l'exploitation<br />
dans l'entreprise, ces organisations ne proposent aucune perspective politique, avec la<br />
proposition de s'accommoder encore une fois de la pression capitaliste de l'exploitation.<br />
Elles prennent vis-à-vis de la criminalité de la jeunesse le même point de vue que les<br />
directeurs de prison, vis-à-vis des camarades en tôle le point de vue de leurs juges, vis-à-vis<br />
de l'Underground le point de vue des travailleurs sociaux. Sans pratique, la lecture <strong>du</strong> "<br />
capital " n'est rien qu'une étude bourgeoise.<br />
Sans pratique, les déclarations politiques ne sont que <strong>du</strong> baratin. Sans pratique,<br />
l'<strong>international</strong>isme prolétarien n'est qu'un mot ronflant. Prendre théoriquement le point de<br />
vue <strong>du</strong> prolétariat, c'est le prendre pratiquement. La fraction armée rouge parle de primat de<br />
104
la pratique. S'il est juste d'organiser maintenant la résistance armée dépend de sa possibilité;<br />
si cela est possible ne peut être compris qu'en pratique.<br />
5. GUERILLA URBAINE<br />
" Ainsi, considérés dans leur essence, <strong>du</strong> point de vue de l'avenir et sous l'angle<br />
stratégique, l'impérialisme et tous les réactionnaires doivent être tenus pour ce qu'ils sont:<br />
des tigres en papier. C'est là-dessus que se fonde notre pensée stratégique. D'autre part, ils<br />
sont aussi des tiges vivants, des tigres de fer, de vrais tigres; ils mangent des hommes. C'est<br />
là-dessus que se fonde notre pensée tactique. " Mao Tse Tung, 1.12.1958<br />
S'il est juste que l'impérialisme américain soit un tigre de papier, c'est-à-dire qu'en dernier<br />
recours il peut être vaincu; et si la thèse des communistes chinois est juste, que la victoire<br />
sur l'impérialisme américain est devenu possible par le fait que dans tous les coins et bouts<br />
<strong>du</strong> monde la lutte soit menée contre lui, et qu'ainsi les forces de l'impérialisme soient<br />
éparpillées et que par cet éparpillement il soit possible de l'abattre - si cela est juste, alors il<br />
n'y a aucune raison d'exclure un pays quel qu'il soit ou une région qu'elle quelle soit parce<br />
que les forces de la révolution sont particulièrement faibles, les forces de la réaction<br />
particulièrement fortes.<br />
Comme il est faux de décourager les forces de la révolution dans la mesure où on les sousestime,<br />
il est faux de leur proposer des conflits où elles ne peuvent que s'affaiblir et être<br />
détruites. La contradiction entre les camarades sincères au sein des organisations - laissons<br />
les baratineurs de côté - et la fraction armée rouge réside en ce que nous leur reprochons de<br />
décourager les forces de la révolution, et qu'ils nous soupçonnent d'affaiblir les forces de la<br />
révolution.<br />
Qu'ainsi soit donné la direction où peuvent " traverser le fleuve " la fraction des camarades<br />
travaillant dans les usines et les quartiers et la fraction armée rouge; cela correspond à la<br />
réalité. Le dogmatisme et l'aventurisme sont depuis longtemps les déviations<br />
caractéristiques dans les périodes de faiblesse de la révolution dans un pays. Que depuis<br />
longtemps les anarchistes aient été les plus sévères critiques de l'opportunisme, a amené le<br />
fait que celui qui critique l'opportunisme se voit opposé le reproche d'anarchisme. C'est<br />
d'une certaine manière un classique. Le concept de guérilla urbaine provient d'Amérique<br />
latine. C'est là-bas la même chose que ce qui peut seulement être ici: la méthode<br />
d'intervention révolutionnaire de forces révolutionnaires faibles en général. La guérilla<br />
urbaine part <strong>du</strong> principe qu'il n'existe pas d'ordre de marche prussien où beaucoup de soidisants<br />
révolutionnaires voudraient guider le peuple dans la lutte révolutionnaire. Part <strong>du</strong><br />
principe que lorsque la situation sera mûre pour la lutte armée il sera trop tard de la<br />
préparer.<br />
Que sans initiative révolutionnaire dans un pays dont le potentiel de violence est si grand,<br />
dont la tradition révolutionnaire est si cassée et si faible comme en république fédérale, il<br />
n'y aura aucune orientation révolutionnaire quand les conditions pour la lutte<br />
révolutionnaire seront plus favorables qu'elles ne le sont maintenant - à cause <strong>du</strong><br />
développement politique et économique <strong>du</strong> capitalisme tardif lui-même. La guérilla<br />
urbaine est dans cette mesure la conséquence de la négation accomplie depuis longtemps de<br />
la démocratie parlementaire par ses propres représentations, la réponse inévitable aux lois<br />
d'urgence et aux lois des grenades à main , la disposition à lutter avec les moyens que le<br />
105
système s'est déjà mis à la disposition afin d'éliminer ses opposants. La guérilla urbaine se<br />
base sur la reconnaissance de faits, au lieu de l'apologie de faits. Ce que la guérilla peut<br />
faire, le mouvement étudiant l'a en partie déjà su. Elle peut rendre concrète l'agitation et la<br />
propagande où le travail de la gauche est encore ré<strong>du</strong>it.<br />
On peut se présenter cela pour la campagne de la presse Springer d'alors, et pour la<br />
campagne Cabora Bassa des étudiants d'Heidelberg, pour les occupations de maisons de<br />
Francfort, en relation avec les aides militaires que la république fédérale donne aux régimes<br />
compradors d'Afrique, en relation avec la critique <strong>du</strong> régime de semi-liberté, de la justice<br />
de classe, des milices patronales et de la justice dans l'entreprise.<br />
Elle peut concrétiser l'<strong>international</strong>isme verbal comme la fourniture d'armes et d'argent.<br />
Elle peut émousser l'arme <strong>du</strong> système, l'illégalisation des communistes, dans la mesure où<br />
elle organise la clandestinité, qui reste enlevée à l'intervention policière. La guérilla urbaine<br />
est une arme dans la lutte de classe. La guérilla urbaine est lutte armée, dans la mesure où<br />
c'est la police qui fait utilisation sans restriction des armes de tirs, et c'est la justice de<br />
classe qui acquitte les policiers responsables de bavures, et enterre vivant les camarades, si<br />
on ne l'en empêche pas. La guérilla urbaine signifie ne pas se laisser démoraliser par la<br />
violence <strong>du</strong> système. La guérilla urbaine vise à détruire l'appareil de domination étatique<br />
en certains points, à le mettre à certains moments hors d'état de nuire, à anéantir le mythe<br />
de l'omniprésence <strong>du</strong> système et de son invulnérabilité. La guérilla urbaine a comme<br />
présupposé l'organisation d'appareil illégal, ce sont des appartements, des armes, des<br />
munitions, des voitures, des papiers. Ce qui est à considérer en particulier a été décrit par<br />
Marighella dans son " petit manuel <strong>du</strong> guérillero urbain ". Ce qui à quoi il faut encore faire<br />
attention, nous sommes prêts à tout moment de le dire à celui qui veut la faire, si il s'est<br />
décidé. Nous ne connaissons pas encore grand chose, mais savons déjà certaines choses. Il<br />
est important qu'avant de se décider à lutter par les armes on ait déjà fait des expériences<br />
politiques légales. Là où la liaison avec la gauche révolutionnaire ne représente qu'un<br />
besoin de mode, on ne se décide vraiment que là où on l'on peut retourner. La fraction<br />
armée rouge et la guérilla urbaine sont respectivement la fraction et la pratique qui, dans la<br />
mesure où elles tracent un trait clair entre elles et l'ennemi, sont le plus terriblement<br />
combattues. Cela présuppose qu'un processus d'apprentissage se soit déjà déroulé. Notre<br />
concept originel d'organisation impliquait la liaison de la guérilla urbaine et le travail à la<br />
base. Nous voulions que chacun d'entre nous participe en même temps dans les quartiers ou<br />
dans les usines dans les groupes socialistes existant là-bas, influence le processus de<br />
discussion, fasse des expériences, apprenne. Il s'est montré que cela ne marche pas.<br />
Que les contrôles que la police politique fait sur ces groupes, leurs rendez-vous, leurs<br />
réunions, leurs contenus de discussion, portent déjà si loin qu'on ne peut pas être là-bas si<br />
l'on ne veut pas être contrôlé. Que le seul travail légal ne peut pas être relié avec le travail<br />
illégal. La guérilla urbaine présuppose être clair quant à ses motivations, être sûr que les<br />
méthodes à la Bild-Zeitung ne fasse pas d'effet sur quelqu'un, que le syndrome antisémites -<br />
criminels - sous-hommes et incendiaires qui est plaqué sur les révolutionnaires, toute ces<br />
merdes, qui ne sont qu'en mesure d'isoler et d'articuler, et qui influencent encore beaucoup<br />
de camarades dans leur jugement sur nous, que cela ne touche personne. Car naturellement<br />
le système ne nous laisse pas le terrain et il n'y a aucun moyen - même pas avec la calomnie<br />
-, qu'ils ne seraient pas prêt d'utiliser contre nous. Et il n'y a pas d'opinion publique qui<br />
aurait un autre but que de mettre à profit d'une manière ou d'une autre les intérêts <strong>du</strong><br />
capital, et il n'y a pas d'opinion publique socialiste, qui se dépasserait elle-même, son<br />
cercle, sa diffusion manuelle, ses abonnés, qui ne se déroulerait pas majoritairement dans<br />
106
des formes hasardeuses, privées, personnelles, bourgeoises.<br />
Il n'y pas de moyen de publication qui ne seraient pas contrôlés par le capital, par le marché<br />
de la pub, par l'ambition des auteurs de rentrer dans le grand establishment, par les avis des<br />
médias, par la concentration sur le marché de la presse. L'opinion publique dominante est<br />
l'opinion publique des dominants, divisés en parts de marché, se développant en idéologies<br />
spécifiques aux couches sociales, ce qu'elle diffuse sert à sa propre affirmation sur le<br />
marché. La catégorie journalistique signifie: vente.<br />
L'information comme marchandise, la nouvelle comme consommation. Ce qui n'est pas<br />
consommable doit les emmerder. La liaison des journaux avec les moyens de publication,<br />
les taux d'écoute à la télévision - cela ne peut permettre aucune contradiction entre soi et le<br />
public, pas d'antagonismes, pas de suites.<br />
La liaison avec les plus puissants faiseurs d'opinion sur le marché est nécessaire à celui qui<br />
veut rester sur le marché; c'est-à-dire que la dépendance vis-à-vis <strong>du</strong> trust Springer grandit<br />
dans la mesure où le trust grandit, trust qui a également commencé à acheter les journaux<br />
locaux. La guérilla urbaine n'a rien d'autre à attendre de cette opinion publique que l'inimité<br />
amère. Elle doit s'orienter avec la critique marxiste et l'autocritique, sinon rien.<br />
" Qui n'a pas peur d'être écartelé ose renverser l'empereur de son cheval " dit Mao à propos<br />
de cela. Le long terme et le travail à petite échelle sont les postulats qui sont vraiment<br />
valables pour la guérilla dans la mesure où l'on ne fait pas qu'en parler, mais qu'on agit<br />
aussi par la suite. Sans laisser ouvert le retour à un emploi bourgeois, sans pouvoir ou<br />
vouloir mettre la révolution au clou, c'est-à-dire avec la conviction que Blanqui a exprimé:<br />
" le devoir d'un révolutionnaire est de toujours lutter, de lutter malgré tout, de lutter jusqu'à<br />
la mort ". - il n'y a pas de lutte révolutionnaire et il n'y en a pas eu dont la morale n'était<br />
pas celle-là: Russie, Chine, Cuba, Algérie, Palestine, Vietnam. Certains disent que les<br />
possibilités politiques de l'organisation, de l'agitation, de la propagande sont loin d'être<br />
épuisées, mais que seulement après on pourrait poser la question de l'armement. Nous<br />
disons: les possibilités politiques ne seront pas vraiment utilisées tant que le but, la lutte<br />
armée, n'est pas reconnaissable comme but de la politisation, tant que la définition<br />
stratégique, que tous les réactionnaires ne sont que des tigres de papier, n'est pas<br />
reconnaissable derrière la définition tactique, qu'ils sont des criminels, des meurtriers, des<br />
exploiteurs. Nous ne parlerons pas de " propagande armée ", mais nous la ferons. La<br />
libération de prisonniers ne se déroule pas pour des raisons de propagande, mais pour sortir<br />
le type. Les cambriolages de banques, comme on les cherche à nous attribuer, nous ne les<br />
ferions que pour nous procurer de l'argent. Les " succès brillants " dont Mao dit que nous<br />
devrions les avoir visé, " quand l'ennemi nous dépeint des couleurs les plus noires ", ne sont<br />
que la rançon de nos propres succès. Les grandes clameurs qui ont été faites à notre propos<br />
nous en remercions plus les camarades latino-américains - en raison <strong>du</strong> trait clair entre soimême<br />
et l'ennemi qu'ils ont déjà tracés -, qui fait que les dominants ici nous " rentrent<br />
énergiquement dedans " à cause <strong>du</strong> soupçon de quelques braquages de banques comme s'il<br />
y avait déjà ce que nous avons commencé de construire: la guérilla urbaine de la fraction<br />
armée rouge.<br />
107
6 LEGALITE ET ILLEGALITE<br />
" Le développement de la révolution en occident, la contestation <strong>du</strong> pouvoir capitaliste à<br />
l'intérieur de ses places-fortes sont à l'ordre <strong>du</strong> jour et ont une signification décisive. Il<br />
n'existe dans le monde ni l'endroit, ni les forces capables de garantir une évolution<br />
pacifique et une stabilisation démocratique; la crise tend à s'aggraver. S'enfermer dans des<br />
horizons bornés ou repousser la lutte à plus tard, c'est se laisser emporter par la<br />
dégénérescence totale ambiante. " (Il Manifesto, thèse 55).<br />
Le slogan des anarchistes " détruis ce qui te détruit " vise la mobilisation directe de la base,<br />
des jeunes dans les tôles et les foyers, dans les écoles et dans l'apprentissage, se dirige vers<br />
ceux qui sont le plus dans la merde, vise à une compréhension spontanée, est l'appel à la<br />
résistance directe. Le slogan black power de Stokely Carmichael: " fais confiance à ta<br />
propre expérience ! " voulait dire exactement cela.<br />
Le slogan part de l'examen que dans le capitalisme rien, mais qu'il n'y a également rien, qui<br />
oppresse, fait souffrir, gêne, qui n'aurait pas son origine dans les rapports de pro<strong>du</strong>ctions<br />
capitalistes, que chaque oppresseur, quel que soit la forme avec laquelle il apparaît, est un<br />
représentant <strong>du</strong> capital, c'est-à-dire: un ennemi de classe. Dans cette mesure le slogan des<br />
anarchistes est juste, prolétaire, combattant de classe. Il est faux tant qu'il amène la fausse<br />
conscience qu'il suffirait simplement de frapper, de taper dans la gueule, que l'organisation<br />
serait de seconde importance, la discipline bourgeoise, l'analyse de classe superflue.<br />
Sans défense face à la répression renforcée qui suit leurs actions, bloqué, sans avoir fait<br />
attention organisationnellement à la dialectique de la légalité et de l'illégalité, ils sont<br />
légalement arrêtés.<br />
La phrase de beaucoup d'organisations " les communistes ne sont pas assez simplistes pour<br />
s'illégaliser eux-mêmes " fait écho à la justice de classe, et à personne d'autre. Tant qu'elle<br />
signifie que les possibilités légales d'agitation et de propagande communiste, de lutte<br />
politique et économique, doivent être à tout prix utilisées et ne doivent pas être mis en jeu<br />
avec légèreté, c'est juste - mais ce n'est pas <strong>du</strong> tout cela qui est dit.<br />
Elle veut dire que les frontières que l'Etat de classe et sa justice posent au travail socialiste<br />
suffisent pour utiliser tous les moyens, que l'on doit s'en tenir à ces (dé)limitations, que face<br />
aux attaques illégales de cet Etat, qui sont à chaque fois légalisées, on doit à tout prix<br />
reculer - la légalité à tout prix. Arrestations illégales, jugements de terreur, attaques de la<br />
police, chantage et pression par la magistrature - marche ou crève, les communistes ne sont<br />
pas si simplistes... Cette phrase est opportuniste. Elle est non solidaire. Elle abandonne les<br />
camarades en tôle, elle exclu l'organisation et la politisation de tous ceux <strong>du</strong> mouvement<br />
socialiste qui à cause de leurs origines sociales et de leurs situations ne peuvent pas faire<br />
autre chose que survivre comme criminel: l'underground, le sous-proletariat, les<br />
innombrables jeunes prolétaires, les travailleurs immigrés.<br />
Elle sert la criminalisation théorique de tous ceux qui ne se raccordent pas aux<br />
organisations. Elle est leur union avec la justice de classe. Elle est bête. La légalité est une<br />
question de pouvoir. Le rapport entre légalité et illégalité est à définir par la contradiction<br />
entre l'exercice réformiste et fasciste <strong>du</strong> pouvoir, dont les représentants à Bonn est à présent<br />
la coalition social/libéral ici, Barzel/Strauss là-bas, dont les représentants publicistes sont<br />
108
par exemple le journal " Süddeutsche Zeitung ", la revue " Stern ", le troisième programme<br />
de radio-Cologne et de radio Berlin libre , le journal " Frankfurter Rundschau ", <strong>du</strong> trust<br />
Springer, de la deuxième chaîne de télévision (ZDF), <strong>du</strong> courrier bavarois, de la police et<br />
de sa ligne munichoise ou <strong>du</strong> modèle berlinois, avec la justice <strong>du</strong> tribunal constitutionnel<br />
ici, la cour fédérale de justice là-bas. La ligne réformiste vise à éviter les conflits par des<br />
promesses de réformes (dans le régime de semi-liberté par exemple), dans la mesure où<br />
elles évitent les provocations (la ligne souple de la police berlinoise et <strong>du</strong> tribunal<br />
constitutionnel de Berlin par exemple), par des reconnaissances verbales de malenten<strong>du</strong>s<br />
(dans l'é<strong>du</strong>cation publique dans la région de Hesse et à Berlin par exemple). Cela<br />
appartient à la tactique <strong>du</strong> réformisme évitant les conflits que de se mouvoir à l'intérieur et<br />
un peu moins à l'extérieur de la légalité, cela lui donne l'apparence de la légitimité,<br />
l'apparence d'avoir les lois constitutionnelles sous le bras, cela vise l'intégration des<br />
contradictions, cela laisse tourner à vide la critique de gauche, disparaître, car cela les<br />
jeunes socialistes et le parti socialistes veulent le garder.<br />
Que la ligne réformiste au sens d'une stabilisation à long terme de la domination capitaliste<br />
est la ligne la plus effective, on ne peut pas en douter, mais cela est lié à des<br />
présuppositions précises.<br />
Elle présuppose la prospérité économique, car la ligne souple de la police munichoise est<br />
par exemple beaucoup plus coûteuse que le tour <strong>du</strong>r de la police berlinoise - comme le<br />
président de la police de Munich l'a présenté de manière évidente: " deux fonctionnaires<br />
avec des mitrailleuses tiennent 1000 personnes en échec, 100 fonctionnaires avec des<br />
matraques peuvent tenir 1000 personnes en échec. Sans de tels instruments on aurait besoin<br />
de 300 à 400 policiers ". La ligne réformiste présuppose une opposition anticapitaliste peu<br />
ou pas <strong>du</strong> tout organisée - comme on le sait depuis l'exemple de Munich. De surcroît la<br />
monopolisation <strong>du</strong> pouvoir étatique et économique grandit sous le manteau <strong>du</strong> réformisme<br />
politique, ce qu'entreprend Schiller avec sa politique économique et Strauss a imposé avec<br />
sa réforme financière - l'aggravation de l'exploitation par l'intensification <strong>du</strong> travail et la<br />
division <strong>du</strong> travail dans le domaine de la pro<strong>du</strong>ction, par des mesures à long terme de<br />
rationalisation dans le domaine de la gestion et des performances des services. Que<br />
l'accumulation de violence dans les mains fonctionne avec un peu moins d'absence de<br />
résistance, quand on la mène silencieusement, quand on évite pour cela des provocations<br />
inutiles qui pourraient avoir pour suite des processus de solidarisation incontrôlables - on<br />
l'a appris <strong>du</strong> mouvement étudiant et de mai à Paris.<br />
C'est pourquoi les cellules rouges ne sont pas encore interdites, c'est pourquoi le PC<br />
d'Allemagne est - sans levée de l'interdiction <strong>du</strong> PC d'Allemagne - autorisée comme PC<br />
allemand, c'est pourquoi il y a encore des émissions de télévision libérales et c'est pourquoi<br />
certaines organisations peuvent encore se permettre de ne pas se considérer comme aussi<br />
simplistes qu'elles le sont. Le champ de la légalité que le réformisme propose est la<br />
réponse <strong>du</strong> capital aux attaques <strong>du</strong> mouvement étudiant et de l'opposition extraparlementaire<br />
(APO) - tant qu'on peut se permettre la réponse réformiste, c'est la plus<br />
effective. Miser sur cette légalité, compter sur elle, l'allonger métaphysiquement, l'estimer<br />
statiquement, ne vouloir que la défendre, c'est répéter la stratégie de zones d'auto-défense<br />
en Amérique latine, c'est ne rien avoir appris, laisser <strong>du</strong> temps à la réaction pour se former,<br />
se réorganiser, jusqu'à ce qu'elle, non pas illégalise la gauche, mais l'anéantit. Willy Weyer<br />
ne joue même pas sur la tolérance, mais manoeuvre et rétorque à la presse libérale qui le<br />
critique de transformer par ses alcootests chaque automobiliste en criminel: " nous<br />
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continuerons! " - montrant à l'opinion publique libérale son absence de signification.<br />
Edouard Zimmerman fait de tout un peuple des policiers, le trust Springer a fait la direction<br />
de la police berlinoise, le journaliste <strong>du</strong> journal de Berlin (la BZ) écrit les ordres<br />
d'arrestations pour les juges berlinois. La mobilisation de masse au sens <strong>du</strong> fascisme,<br />
d'attaque, de peine de mort, de force de frappe, d'intervention - avec comme façade le new<br />
look que l'administration de Brandt, Heinemann et Scheel ont donné à la politique de<br />
Bonn. Les camarades qui traitent si superficiellement la question de légalité et d'illégalité<br />
ont apparemment mal saisi le sens de l'amnistie par laquelle on a ren<strong>du</strong> inoffensif le<br />
mouvement étudiant . Dans la mesure où l'on supprime la criminalisation de centaines<br />
d'étudiants, ceux-ci reviennent de leur peur, on prévient à une radicalisation continue, on<br />
leur rappelle énergiquement à quel point les privilèges estudiantins ont de la valeur, malgré<br />
une université usine <strong>du</strong> savoir, l'ascension sociale.<br />
Ainsi les barrières de classes entre eux et le prolétariat sont à nouveau formées, entre leur<br />
quotidien privilégié comme étude et le quotidien <strong>du</strong> travailleur et de la travailleuse<br />
dépendant/e des accords sur le salaire, qui n'ont pas été amnistié par le même ennemi de<br />
classe. Ainsi encore une fois la théorie a été coupé de la pratique. La compte - amnistie<br />
égale pacification - était bon. L'initiative social-démocrate des électeurs, faite par certains<br />
écrivains honorables - pas seulement cet enfoiré de Grass - comme tentative d'une<br />
mobilisation positive, démocratique comprise comme défense contre le fascisme et ainsi à<br />
considérer, confond la réalité de certaines éditions et rédactions des médias, qui ne sont pas<br />
encore soumises à la rationalité des monopoles qui boîte derrière, avec le tout de la réalité<br />
politique.<br />
Les domaines où la répression s'est aggravée ne sont pas ceux avec lesquels un écrivain a à<br />
faire en premier: prisons, justice de classe, guerre des tarifs salariaux, accidents <strong>du</strong> travail,<br />
consommation choisie, école, journal Bild et BZ (de Berlin), les casernes-appartements des<br />
banlieux, les ghettos pour étrangers - tout cela les écrivains le reçoivent au mieux de<br />
manière esthétique, pas politiquement. La légalité est l'idéologie <strong>du</strong> parlementarisme, <strong>du</strong><br />
partenariat social, de la société pluraliste. Elle devient un fétiche quand ceux qui s'en<br />
targuent ignorent que les téléphones peuvent être légalement écoutés, le courrier légalement<br />
contrôlé, les voisins interrogés légalement, les indics payés légalement, que l'on peut<br />
légalement surveiller - que l'organisation <strong>du</strong> travail politique, si elle ne veut pas être mise<br />
hors-circuit de manière permanente par l'attaque de la police politique, doit être en même<br />
temps légal et illégal. Nous ne misons pas sur la mobilisation antifasciste spontanée par la<br />
terreur même, et le fascisme, et ne considérons pas la légalité comme une corruption et<br />
savons que notre travail fournit des prétextes, comme l'alcool de Willy Meyer et la<br />
criminalité en hausse pour Strauss, l'ostpolitik pour Barzel et le feu rouge que le<br />
yougoslave grille pour les taxis de Francfort, la main dans le sac pour le meurtrier <strong>du</strong> voleur<br />
de voiture à Berlin.<br />
Et pour encore plus de prétextes, parce que nous sommes communistes, et qu'il dépend des<br />
communistes si la terreur et la répression n'amènent que peur et résignation, ou provoquent<br />
résistance et haine de classe et solidarité, si tout ici est net au sens de l'impérialisme est<br />
balancé par dessus bord ou pas. Parce que cela dépend si les communistes sont si naïfs pour<br />
tout se laisser faire ou utilisent la légalité entre autres pour organiser l'illégalité, au lieu d'en<br />
fétichiser l'un par rapport à l'autre. Le sort <strong>du</strong> Black Panther Party et le sort de la Gauche<br />
Prolétarienne devaient découler d'une fausse appréciation, qui n'a pas réalisé la<br />
contradiction de fait entre constitution et réalité de la constitution, et de l'aggravation de<br />
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celle-ci quand la résistance organisée fait son entrée.<br />
Qui n'a pas réalisé que les conditions de la légalité, avec la résistance active, se modifient<br />
nécessairement et qu'il est pour cela nécessaire d'utiliser la légalité pour la lutte politique et<br />
en même temps pour l'organisation de l'illégalité, et qu'il est faux d'attendre l'illégalisation<br />
comme coup <strong>du</strong> sort imposé par le système, parce que l'illégalisation signifie l'écrasement<br />
immédiat, et que la question est alors réglée. La fraction armée rouge organise l'illégalité<br />
comme position offensive pour l'intervention révolutionnaire. Mener la guérilla urbaine,<br />
c'est mener la lutte anti-impérialiste de manière offensive. La fraction armée rouge pose le<br />
lien entre lutte légale et illégale, entre lutte nationale, entre lutte politique et lutte armée,<br />
entre la définition tactique et stratégique <strong>du</strong> mouvement communiste <strong>international</strong>. La<br />
guérilla urbaine c'est, malgré la faiblesse des forces révolutionnaires en république fédérale<br />
et Berlin-Ouest, intervenir ici et maintenant de manière révolutionnaire!<br />
Vous êtes partie prenante de l'aggravation ou de la solution <strong>du</strong> problème. Entre les deux il<br />
n'y a rien. Depuis des décennies et des générations on a contemplé et analysé la merde de<br />
tous les côtés. Je suis personnellement d'avis que la plupart des choses qui se passent dans<br />
ce pays n'ont pas besoin d'être analysées plus longtemps - dit Cleaver<br />
SOUTENIR LA LUTTE ARMEE! VICTOIRE DANS LA GUERRE POPULAIRE!<br />
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Filmographie.<br />
Cette filmographie n’est pas exhaustive. Elle tente de donner l’envie de se plonger plus<br />
avant dans des films ayant trait à cette période de l’histoire allemande.<br />
Les films sont classés par ordre chronologique.<br />
- L’honneur per<strong>du</strong> de Katharina Blum.<br />
(Die verlorene Ehe der Katharina Blum).<br />
Volker Schlöndorff 1975.<br />
- Le couteau dans la tête (Messer im Kopf). Reinhard Hauff 1978<br />
- La troisième génération (Die dritte Generation) Rainer Werner Fassbiner 1978<br />
- Les années de plomb (Die bleierne Zeit) Margarethe von Trotta 1981<br />
- Stammheim Reinhard Hauff 1985<br />
- Jeu mortel (Todesspiel) Heinrich Breloer 1997<br />
- Le fantôme (Das Phantom) Dennis Gansel 2000<br />
- La sécurité inétrieure (Die innere Sicherheit) Christian Petzold 2001<br />
- Les trois vies de Rita Vogt (Die Stille nach dem Schuss) Volker Schlöndorff<br />
2001<br />
- Baader Christopher Roth 2002<br />
- La RAF documentaire en deux parties :<br />
Première partie : Der Krieg der Bürgerkinder Stefan Aust et H. Büchel<br />
Deuxième partie : Der Herbst des Terrors 2007<br />
- Mogadischu (Mogadiscio) Roland Suso Richter 2008<br />
- Der Baader-Meinhof Komplex (La bande à Baader) Uli Edel 2008<br />
Bibliographie.<br />
- Stefan Aust : « Der Baader Meinhof Komplex ».<br />
- Willi Winkler : « Die Geschichte der RAF ».<br />
- Ulrike Bierlein : « Die Darstellung der RAF im Spielfilm ».<br />
- Jill Grigoleit : « Die Vermischung von Dokumentar- und Spielfilm am Beispiel des<br />
Films der Baader Meinhof Komplex ».<br />
- Margarethe von Trotta : « Die bleierne Zeit »<br />
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