Tajan - Autographes et Manuscrits

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18 18 CÉLINE (Louis-Ferdinand). Correspondance de 228 lettres autographes (225 signées, de diverses manières) à Roger NIMIER, dont 26 inédites. 1949-1961. 3 lettres sont illustrées de petits CROQUIS par Céline, 6 d’entre elles ont été écrites par Céline au dos de lettres signées de Roger Nimier. Environ 350 pp. de formats divers, les deux tiers des enveloppes conservées. 5 lettres avec déchirures marginales et 2 tachées. Avec 14 pièces manuscrites et imprimées jointes par Céline à cette correspondance, dont 5 lettres signées et autographes signées adressées à Céline (par Marcel Arland, Henri Mondor, Robert Poulet, etc.), des coupures de presse et une photographie. JOINT 6 pièces manuscrites et dactylographiées, dont 2 pièces autographes signées de Céline : une ordonnance (1937) et un feuillet de dédicace (s.d.). 120.000/130.000 UNE EXCEPTIONNELLE CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE. Jeune auteur, Roger Nimier envoya à Céline son roman Les Épées avec cette dédicace : « Au maréchal des logis Destouches, qui paie aujourd’hui trente ans de génie et de liberté, respectueusement, le cavalier de 2e classe Roger Nimier, février 1949 ». En février 1950, il lui envoya encore Le Hussard bleu et, en mars de la même année, lui consacra un article dans La Table ronde. Conduit pour la première fois chez Céline à Meudon par Marcel Aymé, il devint un familier de Céline et de sa femme Lucette Almanzor. Devenu conseiller littéraire aux éditions Gallimard en décembre 1956, Roger Nimier réussit dès 1957 le lancement du roman D’Un Château l’autre, notamment en arrangeant une interview de Céline par Madeleine Chapsal pour L’Express. « Après ce succès, il sert de truchement entre Gaston [Gallimard] et Louis jusqu’à la fin et il devient le correspondant quasi exclusif de Céline pour les années qui suivent – jusqu’à la mort de Céline le 1er juin 1961 » (Philippe Alméras) 1 . LE RÔLE DE ROGER NIMIER DANS LA REDÉCOUVERTE DE CÉLINE PAR LE GRAND PUBLIC EST ESSENTIEL : « pendant les dernières années de la vie de Céline, il se démena aussi comme un diable pour secouer l’indifférence du public, multipliant les articles, les critiques, les interviews » (François Gibault) 2 . Cette correspondance de Céline à Roger Nimier a été publiée par Pascal Fouché3 , à l’exception de 26 lettres dont les 25 premières (antérieures à l’entrée de Nimier chez Gallimard). Elle se révèle d’une très grande importance en raison de la connivence intellectuelle qui s’est peu à peu tissée entre les deux écrivains : « LE CORRESPONDANT DE LA CONFIANCE SANS RÉSERVE, SERA À PARTIR DE 1956, ROGER NIMIER. Encore le style. Pour Nimier, Céline sera Ferdinand et même Louis. Il sait le prendre à la légère et du tac au tac [...]. Céline peut trouver, en Nimier, l’acteur désabusé du monde technique et abruti qu’il vomit, chaos d’alcool et d’autos » (Philippe Sollers) 4 . « Les lettres que Céline lui envoie, tout en se maintenant dans un registre très célinien de drôlerie et d’imprécation, laissent à tout moment percer pour Nimier et les siens l’affection la plus sensible » (Henry Godard) 5 . « Il n’est que d’écouter les échos que renvoient la correspondance pour percevoir la nature profonde des rapports entre Céline et Nimier : un dialogue d’écrivains, en dépit de la hauteur à laquelle le cadet place l’œuvre du Maître » (Marc Dambre) 6 . 1 Dictionnaire Céline, Paris, Plon, 2004, p. 624. 2 Céline 1944-1961. Cavalier de l'Apocalypse, Paris, Mercure de France, 1981, p. 300. 3 Louis-Ferdinand Céline, Lettres à la N.R.F. 1931-1961, Paris, Gallimard (Nrf), 1991. 4 Préface à l'édition des Lettres à la N.R.F. de Céline, op. cit., p. xiii. 5 Note publiée dans son édition des romans de Céline, Paris, Gallimard (Nrf, Bibliothèque de la Pléiade), 1974, p. 1013. 6 Roger Nimier. Hussard du demi-siècle, Paris, Gallimard, 1989, p. 519. 10 11

12 L’ERMITE DE MEUDON AU HUSSARD. «JE NE SAIS PAS SI C’EST MA “LIBERTÉ” OU MON “GÉNIE” QUI M’ONT FOURRÉ DANS L’ÉTAT OÙ JE ME TROUVE MAIS ÇA DOIT ÊTRE PLUTÔT À MON SENS MA CONNERIE ! MOINS CON JE NE SERAIS JAMAIS TOMBÉ SI BAS ! JE VOIS BIEN D’AUTRES GÉNIES QUI S’EN TIRENT À MERVEILLE ! MALRAUX, GIONO ! GIDE ! DUHAMEL, DES CENTAINES ! ET POURRIS D’HONNEUR ! VOUS ÊTES VOUS-MÊME “GÉNIAL” JE LE VOIS, FOUTRE ! ET VOUS PORTEZ SUPERBEMENT ! CE CYNISME JOVIAL BON ENFANT C’EST LE GÉNIE DU JOUR ! JE NE CHERCHERAI QU’UNE PETITE QUERELLE – POUR CLAUDE [PERSONNAGE DU ROMAN DE NIMIER LES ÉPÉES, sœur du héros]. Pour moi voyez-vous pas d’idéalisation de femme sans danse classique, et silence. Je voudrais voir Claude à la barre. Ce qu’il en resterait de toute cette idéalisation. Quelle balourde bonniche ! Ah c’est aussi important que l’épreuve des matraques pour passer d’un monde dans un autre – le monde de l’irréalité [...]. Je vous vois là cafouiller autour d’une dimension qui vous échappe... Vous loupez, là le cynisme bon enfant vous dévoye... Et pourtant vous avez le sens du muscle. Tout espoir n’est donc pas perdu ! [...] » « Le 26 » [pour le 24 février 1949], LETTRE INÉDITE. « [...] OH SARTRE JE LUI FERAIS UNE RENTE S’IL N’ÉTAIT PAS DEVENU SI RICHE ET MOI SI PAUVRE JUSTE POUR SA PHRASE DES TEMPS NOUVEAUX ! Pensez que je lui en veux pas ! ah loin ! Cette belle franchise de haine moucharde mais c’est très rare médicalement parlant ! cette forme “ouverte”... Mais c’est à montrer aux “étudiants” ! pour combien de milliers de cas invisibles. [...] JE POURSUIS LA LECTURE DE VOTRE LIVRE... C’EST UN LABEUR, C’EST TERRIBLE DE TRAVAIL, ET C’EST RÉUSSI. JE N’AI MALHEUREUSEMENT PAS VOTRE SUBTILITÉ PROUSTIENNE. JE NE VOUS SUIS PLUS DANS L’ANALYSE. EN MÉDECINE J’EN SUIS FÉRU, PAS EN LETTRES. MAIS SEULEMENT LA CHANSON M’ENCHANTE. JE SUIS POPULEUX. Je veux pas avoir l’air intelligent et je le suis pas [...]. Si ça chante, ça va, et merde ! [...] » 13 [janvier 1950], LETTRE INÉDITE. « AH VOUS ME FAITES JOLIMENT PLAISIR EN M’ENVOYANT VOTRE HUSSARD [le roman de Nimier Le Hussard bleu]. Je marre dès la première page et à la vingtième j’arrête plus ! VOILÀ UN ROMAN COMME J’AIME, LE DIRECT ET SAVANT QUAND MÊME OH SUBTIL HABILE ROUBLARD... SENSIBLE – OH LA LA, JE DÉSOPILE ! Et c’est dur vous savez, où je suis où j’en suis ! JE DIRAIS : VOUS AVEZ DU GÉNIE si y en avait pas tellement d’autres, qui disent et que c’est faux et qu’on les croit ! Je vous chercherai une épithète quand j’aurai tout lu. ALLEZ PAS CROIRE QUE CASSE PIPE C’ÉTAIT SEULEMENT CE PRÉLUDE, DIANTRE IL Y AVAIT 600 PAGES ! MES ÉPURATEURS ONT TOUT FOUTU AUX RUISSEAUX – PLEIN LA BUTTE... LE MILIEU, LA FIN, LE PLUS BEAU, LE SUBLIME ! Une bite ! l’impression qui me reste ! l’Abélard ! Châtré de l’œuvre ! Suis ! [...] » 15 [octobre 1950], LETTRE INÉDITE. « AH ADMIRABLE VOTRE HUSSARD ! UNE LECTURE HARASSANTE DE COCASSERIE, DE FINESSE ET FOUTRE DE GÉNIE PUISQUE JE SAISIS VOTRE RYTHME, ENTHOUSIASMANT. En médecin j’observe des différences essentielles entre ce temps, et le vieux mien (1912 !) [...] le mien au 12e Cuirassiers – absolument breton – ah pas proustiens du tout – même pas se sensualité élémentaire – 5 ans j’en ai fait paix et guerre ! Je sais ce que je cause ! Ils ne bandaient pas, pour ainsi dire jamais, et quels ploucs ! spécialement recrutés en ce temps pour les grèves parisiennes, qui étaient chaudes ! Une petite érection vers la cantinière... vague, à peine, tristes gens, mystiques. Je les ai vu foncer dans la mort – sans ciller, les 800, comme un seul homme et chevaux, une sorte d’attirance, pas une fois, dix ! comme d’un débarras, pas de sensualité [...] » 1er [novembre 1950], LETTRE INÉDITE. « Mondor [le médecin, écrivain et historien de la littérature Henri Mondor] toujours très attentif aux échos des Lettres me parle de votre très aimable récit des “Arts”. Je m’y précipite et je trouve que vous m’y traitez d’”un des plus grands” bigre ! bougre ! Je n’ai pas mon compte ! foin de “l’un des”... le plus grand ! voilà qui me convient ! Nous en reparlerons ! JE NE PARLE POUR MON COMPTE QUE DE L’IMMENSE NIMIER, QUI EST TRÈS LOIN ENCORE D’AVOIR DONNÉ TOUTE SA MESURE ! il faut être paranoïaque ou disparaître... tel est la loi du temps ! atomique, stratosphérique, et plus que ça ! [...] » 24 mars [1955], LETTRE INÉDITE. « CHER AMI, JE SUIS TOUJOURS HEUREUX DE VOUS VOIR, seul ou accompagné... [...] » 31 [pour 30] Mars 1955, LETTRE INÉDITE. « OH QUE CELA EST MAGNIFIQUE ! QUELLE RÉSURRECTION ! GRÂCE À VOUS ! mais quelle chétivité à côté de Sagan, Drouet, Delly, cent autres ! toutes les mercières en témoigneront ! nous qui nous singularisons n’avons (sauf énorme fortune) droit qu’à la hache ! et en attendant : ramer pour Achille ! [...] » 17 [juillet 1957]. « VOS AVIS SONT TOUJOURS EXCELLENTS ET J’EN FAIS GRAND CAS, ILS VOUS REMONTENT L’AMOUR-PROPRE. Certes le guignol y pourrait faire des petits mais encore y faut-il le temps ! le Temps notre maître absolu ! Que je me règle sur Sophocle 90 ans ou au pire sur Cervantès 81 ans ! en attendant me voici membre titulaire du Syndicat des Écrivains qu’on se le dise, foutre ! À l’heure H ce sera lui qui saisira les éditeurs et leurs inavouables bénéfices ! je serais là et de choc ! comptez sur moi ! [...] » 16 [avril 1958]. « NOUS ÉTIONS TOUS DÉSEMPARÉS, JE VOUS SAVAIS MALADE, MAIS À QUEL POINT ? Je vois ce qu’il en est, un petit incident... Votre vie très agitée et sans auto. La Suisse vous fera grand bien, mais mieux encore, serait une solide sécurité en banque, tout le reste est cardiogrammes et déconneries. Hélas nous en sommes tous, pauvres, là [...] » 21 [juillet 1958]. « LE MALHEUR VOUS VOYEZ C’EST QUE VOTRE PRÉFACE EST TROP BIEN VENUE, TROP INCISIVE, VOUS FAITES DU TORT À SWIFT, QUI PARAÎT À CÔTÉ BIEN PÂLE, BIEN VELLÉITAIRE... Oh ne vous alarmez pas ! les connaisseurs n’y verront rien ! d’abord, ils ne liront que vous ! [...] » 18 [novembre ou décembre 1958]. Nimier venait d’écrire une préface pour l’édition de poche des Instructions aux domestiques de Swift. « Que ce Nimier est donc admirable !... sa critique dans Arts [probablement « Le Voyage continue », Arts, 15-21 juin 1960] est un peu reléguée dans l’ombre d’une page mais c’est la faute du Gourion... qui s’allait juste, nabotissime, présenter ce qu’il faut où il faut... mille feux quand même brûlent cette page !... QUE CE NIMIER EST ADMIRABLE, QUE GROUILLENT ET SE TERRENT, S’ENFOUISSENT SOUS QUELLE CROTTE ! TOUS LES NON-ÉBLOUIS ! LES TEMPS SONT VENUS ! » 16 [juin 1960]. « JE N’OSE PLUS ME CONSIDÉRER DANS LES MIROIRS ! JE SUIS TROP BEAU, TROP JEUNE ! IRRÉSISTIBLE ! GRÂCE À VOUS ! JE ME PRENDS À M’AIMER ! Ainsi vêtu il le fallait, 20 ans plus tôt, j’enlevais les Folies Bergères et la Banque [de] France ! L’Arc de Triomphe décollait ! et me suivait partout ! j’en couvrais le général et génial Lazareff ! je vous donnais le choix entre Napoléon, sa Coupole, et l’autre et ses 40 fauteuils pour vous tout seul ! Gaston [Gallimard] en huissier, au balai, aux chiotts ! Comme on en rigolait ! Toute ma reconnaissance pour ce vêtement resplendissant, magique, unique ! [...] » 7 juin [1961]. CÉLINE FACE À SON ŒUVRE, À LA CRITIQUE ET À LA LITTÉRATURE. « JE VOUS SUIS TRÈS RECONNAISSANT D’AVOIR CONSACRÉ QUATRE COLONNES DE CARREFOUR À MES OUVRAGES LYRICO- BURLESQUES (enfin il me semble). Le lyrisme vous le savez est ce qui déplaît le plus aux Français, ratiocineurs (cartésiens, comme ils disent) de nature. IL EST À NOTER CEPENDANT [...] QUE LES ÉCRIVAINS, VAINS, ÉTRANGERS OU FRANÇAIS, CONTINUENT À DÉTAILLER, DÉCRIRE, BLABLATER ABSOLUMENT COMME SI LE CINÉMA N’EXISTAIT PAS ENCORE ! [...] IL NE LEUR RESTE QUE LE DOMAINE DE L’ÉMOTION EN PROPRE [...] Le domaine propre à l’écrivain se rétrécit amenuise ratatine comme le domaine des vaccins [...]. Vous me dites oratoire je veux bien. Mais ce n’est pas ça ! Quand on me lit tout bas il faut avoir l’impression qu’on vous lit à vous le texte tout haut en pleine tête [...] Lus tout haut vos textes sont franchement hideux, grotesques d’emphase ! Vive Bossuet alors ! C’EST LE “RENDU ÉMOTIF” INTERNE AUQUEL JE M’EFFORCE – un tout autre travail ! [...] ” 21 [août 1952], LETTRE INÉDITE. Nimier venait de publier l’article « Le Maréchal des logis Céline » dans Carrefour du 6 août 1952. « EH BIEN VOICI, JE LE DIS COMME JE LE PENSE, UN ARTICLE JOLIMENT ADMIRABLE, ET QUI ME FAIT PLAISIR À EN GIGOTTER D’EXHALTATION ! À PERDRE LE SOUFFLE ! ENFIN, UN CONNAISSEUR ! il faut un sacré don, une intuition bien singulière, pour évaluer si justement ces petits riens qui font une trame tout de même... Oh ! c’est du devin ! [...] » 13 avril [1955], LETTRE INÉDITE. Nimier venait de publier l’article « Louis-Ferdinand Céline : dénonciateur du roman » dans le Bulletin de Paris du 8 avril 1955. « QUE TOUS CES GENS PHRASIBULLEUX SONT DONC EMMERDANTS AVEC LEURS CINQUANTE... CENT ANNÉES DE RETARD !... ET TOUS CRÂNEURS ! malgré ! madame ! des fous de prétention, niais, lourds, circonlocutants... Ah, l’engeance ! Ils boivent bouffent bavachent trop... hygiène ! hygiène ! [...] » 9 novembre [1955], LETTRE INÉDITE. « APRÈS VOTRE ARTICLE ADMIRABLE, AUCUN DOUTE, JE L’AI !... Mais de nouveaux soucis ! et quels ! le flouze, certes ! tout le flouze ! j’en veux ! et n’en cède un millième ! Mais la gloire ? les lauriers ? foutre n’en veux ! pour tout l’or du monde ! [...] mais la bulle là pas d’histoires ! Mon épicier... charbonnier... le gaz... l’électricité... les chiens... en veulent ! s’en étranglent ! ah merci du fond du cœur ! [...] » 20 [octobre 1956], LETTRE INÉDITE. « VOUS ÊTES FOLLEMENT COURAGEUX ET AIMABLE D’OSER ME NOMMER DANS LE FIGARO !... Mais que vos interlocuteurs diable ! déconnent ! Que ne leur vient-il à l’idée tout simplement que tous ces écrivains romanciers de hasard ne sont pas du tout faits pour écrire des romans ! oh mais pas du tout ! qu’ils sont nés, conçus, doués, pour être députés ou journalistes, mais pas du tout pour être romanciers ! [...] ils ont monté une conjuration féroce des “bons-à-lape” ! d’incapables tyranniques ! un trust ! romancier par les temps qui courent, vous le savez c’est transposer... ou renoncer ! Cinéma ou journalisme, à choisir !... LE STYLE C’EST L’HOMME, aucun de tous ces Jean foutres n’a même le soupçon d’un style ! [...] » 23 novembre [1956], LETTRE INÉDITE. « [...] LE “CAPORAL ÉPINGLÉ” [roman de Jacques Perret, publié à la N.R.F. en 1947] VOUS AVEZ RAISON, EST JOLIMENT BIEN TOURNÉ ! belle maîtrise de ce nouveau style, que je connais un peu... MAIS L’ÉCUEIL ! je le connais aussi ! d’un rien, d’un mille, IL VERSE AU “NATURALISME POPULISME”. L’auteur là y trébuche ! il faut une fibre bien sensible pour n’y point choir ! entre le ronron académique et le populisme quelle corde raide ! traîtrise !... de la broderie à la dentelle il s’en faut d’un fil ! d’une très minuscule balourdise ! le Caporal épinglé est objectif, EN ART TOUT CE QUI EST OBJECTIF EST NUL ET CROTTE... RIEN ABSOLUMENT RIEN NE DOIT ÊTRE RÉEL... le Caporal demeure en pleine réalité... il s’en faut d’un rien qu’il opte pour l’envol... il a peur, il reste à terre... il ne veut tout de même pas rompre avec le “beau style”... et il a des ailes ! il ne les ouvre pas... il marche comme tout le monde... » 22 février [1957]. « [...] On est bien content d’appartenir à cette espèce disparue de roture qui n’avait droit absolument à rien qu’à crever en travaillant et se taire. Moi qui ne me suis pas tu on me l’a fait bien voir ! et ce n’est pas fini ! Je me passionne entre 11h et minuit sur VOTRE ENCYCLOPÉDIE [Histoire des littératures, dirigée par Raymond Queneau, parue dans l’Encyclopédie de la Pléiade] si pleine de magnifiques enseignements, si attentive à citer Camus, Sartre, Bernanos... AH VRAIMENT IMPECCABLEMENT IGNORANTE DU »VOYAGE” ! TOUS CES GENS À PENDRE, BIEN ENTENDU ! “PÉCHEURS PAR OMISSION” SELON L’ÉVANGILE ! LA PLUS LÂCHE DÉTESTABLE ESPÈCE ! LE GHETTO DE TARTUFES NRF HAUTEMENT RESPONSABLE ! en quelle caverne vous voici ! quel preux ! quel Siegfried ! et que d’hydres ! [...] » Paris, 20 mars 1957. « VOUS N’AVEZ PAS DEVINÉ QU’ARAGON VENAIT AVEC SES TROUPES À L’ASSAUT DE LA NRF POUR ARRACHER MORT À CRÉDIT ET LE TRADUIRE EN RUSSE COMME IL A TRADUIT LE VOYAGE... avant la téléguidée ! Paraz a bien raison, lui qui a déjà l’enfer au trouf, de se saouler comme un pape ! les trois sister Cana [les sœurs Canavaggia, dont l’une, Marie, servait de secrétaire à Céline], Brontë comme jamais, sont allés chercher des bites en Engadine... proutt ! des motifs... [...] J’ESPÈRE QUE VOTRE REVUE VA CONSACRER UN NUMÉRO SPÉCIAL À L’ACCIDENT SAGAN [Françoise Sagan venait d’être blessée dans un accident de voiture]... excellente réclame pour Julliard... et psychanalyse, ivrogneries, troufignoleries, sublimeries, fouetteries à ravir tout l’état-major... » 20 avril 1957. « CERTAINEMENT CHER AMI PUISQUE VOUS ME FAITES L’AMITIÉ DE VOUS OCCUPER D’UN CHÂTEAU L’AUTRE, À VOTRE GUISE ET ZÈLE CHOISISSEZ CE QUI VOUS PARAÎTRA PROPRE À STIMULER LE ZÈLE HARGNEUX DES GENS DE PRESSE. Depuis que je les vois se ruer sur de tels navets je me dis que j’ai pour moi au moins la saveur d’être bien rebutant... Donc pleins pouvoirs ! [...] » 27 avril [1957]. « Voici lettre Arland. Je suis d’accord mais à condition, je lui écris, que le commentaire ne soit pas d’ordre péteux, honteux, horriblement gêné. Vous connaissez le genre ! Je lui dis de prendre à ce propos contact avec vous ! JE VEUX DE L’ENCENS À TORRENT ! DES TONNERRES D’ORGUE ! [...] » 4 avril [pour mai] 1957. Dans sa lettre (autographe signée, ici jointe), Marcel Arland demande à Céline l’autorisation de faire paraître des extraits d’UN CHÂTEAU L’AUTRE dans La Nouvelle NRF avec une étude sur son œuvre. Ces extraits paraîtraient dans le numéro de juin 1957 avec un article de Nimier sur Céline. « Je vous vois en belluaire, joliment habile à me rabattre tous ces chacals joliment prêts depuis 3 décades à me déchirer décerveler etc... CEUX DE L’EXPRESS PARTICULIÈREMENT CHAROGNIERS, EH DIABLE ! QUE FOUTRE ! MENEZ-LES MOI QU’ILS ME 13

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L’ERMITE DE MEUDON AU HUSSARD.<br />

«JE NE SAIS PAS SI C’EST MA “LIBERTÉ” OU MON “GÉNIE” QUI M’ONT FOURRÉ DANS L’ÉTAT OÙ JE ME TROUVE MAIS ÇA DOIT ÊTRE<br />

PLUTÔT À MON SENS MA CONNERIE ! MOINS CON JE NE SERAIS JAMAIS TOMBÉ SI BAS ! JE VOIS BIEN D’AUTRES GÉNIES QUI S’EN<br />

TIRENT À MERVEILLE ! MALRAUX, GIONO ! GIDE ! DUHAMEL, DES CENTAINES ! ET POURRIS D’HONNEUR ! VOUS ÊTES VOUS-MÊME<br />

“GÉNIAL” JE LE VOIS, FOUTRE ! ET VOUS PORTEZ SUPERBEMENT ! CE CYNISME JOVIAL BON ENFANT C’EST LE GÉNIE DU JOUR !<br />

JE NE CHERCHERAI QU’UNE PETITE QUERELLE – POUR CLAUDE [PERSONNAGE DU ROMAN DE NIMIER LES ÉPÉES, sœur du héros].<br />

Pour moi voyez-vous pas d’idéalisation de femme sans danse classique, <strong>et</strong> silence. Je voudrais voir Claude à la barre. Ce qu’il<br />

en resterait de toute c<strong>et</strong>te idéalisation. Quelle balourde bonniche ! Ah c’est aussi important que l’épreuve des matraques pour<br />

passer d’un monde dans un autre – le monde de l’irréalité [...]. Je vous vois là cafouiller autour d’une dimension qui vous<br />

échappe... Vous loupez, là le cynisme bon enfant vous dévoye... Et pourtant vous avez le sens du muscle. Tout espoir n’est donc<br />

pas perdu ! [...] » « Le 26 » [pour le 24 février 1949], LETTRE INÉDITE.<br />

« [...] OH SARTRE JE LUI FERAIS UNE RENTE S’IL N’ÉTAIT PAS DEVENU SI RICHE ET MOI SI PAUVRE JUSTE POUR SA PHRASE DES TEMPS<br />

NOUVEAUX ! Pensez que je lui en veux pas ! ah loin ! C<strong>et</strong>te belle franchise de haine moucharde mais c’est très rare médicalement<br />

parlant ! c<strong>et</strong>te forme “ouverte”... Mais c’est à montrer aux “étudiants” ! pour combien de milliers de cas invisibles. [...]<br />

JE POURSUIS LA LECTURE DE VOTRE LIVRE... C’EST UN LABEUR, C’EST TERRIBLE DE TRAVAIL, ET C’EST RÉUSSI. JE N’AI<br />

MALHEUREUSEMENT PAS VOTRE SUBTILITÉ PROUSTIENNE. JE NE VOUS SUIS PLUS DANS L’ANALYSE. EN MÉDECINE J’EN SUIS FÉRU,<br />

PAS EN LETTRES. MAIS SEULEMENT LA CHANSON M’ENCHANTE. JE SUIS POPULEUX. Je veux pas avoir l’air intelligent <strong>et</strong> je le suis<br />

pas [...]. Si ça chante, ça va, <strong>et</strong> merde ! [...] » 13 [janvier 1950], LETTRE INÉDITE.<br />

« AH VOUS ME FAITES JOLIMENT PLAISIR EN M’ENVOYANT VOTRE HUSSARD [le roman de Nimier Le Hussard bleu]. Je marre<br />

dès la première page <strong>et</strong> à la vingtième j’arrête plus ! VOILÀ UN ROMAN COMME J’AIME, LE DIRECT ET SAVANT QUAND MÊME OH<br />

SUBTIL HABILE ROUBLARD... SENSIBLE – OH LA LA, JE DÉSOPILE ! Et c’est dur vous savez, où je suis où j’en suis ! JE DIRAIS : VOUS<br />

AVEZ DU GÉNIE si y en avait pas tellement d’autres, qui disent <strong>et</strong> que c’est faux <strong>et</strong> qu’on les croit ! Je vous chercherai une épithète<br />

quand j’aurai tout lu. ALLEZ PAS CROIRE QUE CASSE PIPE C’ÉTAIT SEULEMENT CE PRÉLUDE, DIANTRE IL Y AVAIT 600 PAGES ! MES<br />

ÉPURATEURS ONT TOUT FOUTU AUX RUISSEAUX – PLEIN LA BUTTE... LE MILIEU, LA FIN, LE PLUS BEAU, LE SUBLIME ! Une bite !<br />

l’impression qui me reste ! l’Abélard ! Châtré de l’œuvre ! Suis ! [...] » 15 [octobre 1950], LETTRE INÉDITE.<br />

« AH ADMIRABLE VOTRE HUSSARD ! UNE LECTURE HARASSANTE DE COCASSERIE, DE FINESSE ET FOUTRE DE GÉNIE PUISQUE JE<br />

SAISIS VOTRE RYTHME, ENTHOUSIASMANT. En médecin j’observe des différences essentielles entre ce temps, <strong>et</strong> le vieux mien<br />

(1912 !) [...] le mien au 12e Cuirassiers – absolument br<strong>et</strong>on – ah pas proustiens du tout – même pas se sensualité élémentaire<br />

– 5 ans j’en ai fait paix <strong>et</strong> guerre ! Je sais ce que je cause ! Ils ne bandaient pas, pour ainsi dire jamais, <strong>et</strong> quels ploucs !<br />

spécialement recrutés en ce temps pour les grèves parisiennes, qui étaient chaudes ! Une p<strong>et</strong>ite érection vers la cantinière...<br />

vague, à peine, tristes gens, mystiques. Je les ai vu foncer dans la mort – sans ciller, les 800, comme un seul homme <strong>et</strong><br />

chevaux, une sorte d’attirance, pas une fois, dix ! comme d’un débarras, pas de sensualité [...] » 1er [novembre 1950],<br />

LETTRE INÉDITE.<br />

« Mondor [le médecin, écrivain <strong>et</strong> historien de la littérature Henri Mondor] toujours très attentif aux échos des L<strong>et</strong>tres<br />

me parle de votre très aimable récit des “Arts”. Je m’y précipite <strong>et</strong> je trouve que vous m’y traitez d’”un des plus grands” bigre !<br />

bougre ! Je n’ai pas mon compte ! foin de “l’un des”... le plus grand ! voilà qui me convient ! Nous en reparlerons ! JE NE PARLE<br />

POUR MON COMPTE QUE DE L’IMMENSE NIMIER, QUI EST TRÈS LOIN ENCORE D’AVOIR DONNÉ TOUTE SA MESURE ! il faut être<br />

paranoïaque ou disparaître... tel est la loi du temps ! atomique, stratosphérique, <strong>et</strong> plus que ça ! [...] » 24 mars [1955],<br />

LETTRE INÉDITE.<br />

« CHER AMI, JE SUIS TOUJOURS HEUREUX DE VOUS VOIR, seul ou accompagné... [...] » 31 [pour 30] Mars 1955, LETTRE INÉDITE.<br />

« OH QUE CELA EST MAGNIFIQUE ! QUELLE RÉSURRECTION ! GRÂCE À VOUS ! mais quelle chétivité à côté de Sagan, Drou<strong>et</strong>, Delly,<br />

cent autres ! toutes les mercières en témoigneront ! nous qui nous singularisons n’avons (sauf énorme fortune) droit qu’à la<br />

hache ! <strong>et</strong> en attendant : ramer pour Achille ! [...] » 17 [juill<strong>et</strong> 1957].<br />

« VOS AVIS SONT TOUJOURS EXCELLENTS ET J’EN FAIS GRAND CAS, ILS VOUS REMONTENT L’AMOUR-PROPRE. Certes le guignol y<br />

pourrait faire des p<strong>et</strong>its mais encore y faut-il le temps ! le Temps notre maître absolu ! Que je me règle sur Sophocle 90 ans ou<br />

au pire sur Cervantès 81 ans ! en attendant me voici membre titulaire du Syndicat des Écrivains qu’on se le dise, foutre !<br />

À l’heure H ce sera lui qui saisira les éditeurs <strong>et</strong> leurs inavouables bénéfices ! je serais là <strong>et</strong> de choc ! comptez sur moi ! [...] »<br />

16 [avril 1958].<br />

« NOUS ÉTIONS TOUS DÉSEMPARÉS, JE VOUS SAVAIS MALADE, MAIS À QUEL POINT ? Je vois ce qu’il en est, un p<strong>et</strong>it incident...<br />

Votre vie très agitée <strong>et</strong> sans auto. La Suisse vous fera grand bien, mais mieux encore, serait une solide sécurité en banque,<br />

tout le reste est cardiogrammes <strong>et</strong> déconneries. Hélas nous en sommes tous, pauvres, là [...] » 21 [juill<strong>et</strong> 1958].<br />

« LE MALHEUR VOUS VOYEZ C’EST QUE VOTRE PRÉFACE EST TROP BIEN VENUE, TROP INCISIVE, VOUS FAITES DU TORT À SWIFT, QUI<br />

PARAÎT À CÔTÉ BIEN PÂLE, BIEN VELLÉITAIRE... Oh ne vous alarmez pas ! les connaisseurs n’y verront rien ! d’abord, ils ne liront<br />

que vous ! [...] » 18 [novembre ou décembre 1958]. Nimier venait d’écrire une préface pour l’édition de poche des<br />

Instructions aux domestiques de Swift.<br />

« Que ce Nimier est donc admirable !... sa critique dans Arts [probablement « Le Voyage continue », Arts, 15-21 juin<br />

1960] est un peu reléguée dans l’ombre d’une page mais c’est la faute du Gourion... qui s’allait juste, nabotissime, présenter<br />

ce qu’il faut où il faut... mille feux quand même brûlent c<strong>et</strong>te page !... QUE CE NIMIER EST ADMIRABLE, QUE GROUILLENT ET SE<br />

TERRENT, S’ENFOUISSENT SOUS QUELLE CROTTE ! TOUS LES NON-ÉBLOUIS ! LES TEMPS SONT VENUS ! » 16 [juin 1960].<br />

« JE N’OSE PLUS ME CONSIDÉRER DANS LES MIROIRS ! JE SUIS TROP BEAU, TROP JEUNE ! IRRÉSISTIBLE ! GRÂCE À VOUS ! JE ME<br />

PRENDS À M’AIMER ! Ainsi vêtu il le fallait, 20 ans plus tôt, j’enlevais les Folies Bergères <strong>et</strong> la Banque [de] France ! L’Arc de<br />

Triomphe décollait ! <strong>et</strong> me suivait partout ! j’en couvrais le général <strong>et</strong> génial Lazareff ! je vous donnais le choix entre Napoléon,<br />

sa Coupole, <strong>et</strong> l’autre <strong>et</strong> ses 40 fauteuils pour vous tout seul ! Gaston [Gallimard] en huissier, au balai, aux chiotts ! Comme<br />

on en rigolait ! Toute ma reconnaissance pour ce vêtement resplendissant, magique, unique ! [...] » 7 juin [1961].<br />

CÉLINE FACE À SON ŒUVRE, À LA CRITIQUE ET À LA LITTÉRATURE.<br />

« JE VOUS SUIS TRÈS RECONNAISSANT D’AVOIR CONSACRÉ QUATRE COLONNES DE CARREFOUR À MES OUVRAGES LYRICO-<br />

BURLESQUES (enfin il me semble). Le lyrisme vous le savez est ce qui déplaît le plus aux Français, ratiocineurs (cartésiens,<br />

comme ils disent) de nature. IL EST À NOTER CEPENDANT [...] QUE LES ÉCRIVAINS, VAINS, ÉTRANGERS OU FRANÇAIS, CONTINUENT<br />

À DÉTAILLER, DÉCRIRE, BLABLATER ABSOLUMENT COMME SI LE CINÉMA N’EXISTAIT PAS ENCORE ! [...] IL NE LEUR RESTE QUE LE<br />

DOMAINE DE L’ÉMOTION EN PROPRE [...] Le domaine propre à l’écrivain se rétrécit amenuise ratatine comme le domaine des<br />

vaccins [...]. Vous me dites oratoire je veux bien. Mais ce n’est pas ça ! Quand on me lit tout bas il faut avoir l’impression<br />

qu’on vous lit à vous le texte tout haut en pleine tête [...] Lus tout haut vos textes sont franchement hideux, grotesques<br />

d’emphase ! Vive Bossu<strong>et</strong> alors ! C’EST LE “RENDU ÉMOTIF” INTERNE AUQUEL JE M’EFFORCE – un tout autre travail ! [...] ”<br />

21 [août 1952], LETTRE INÉDITE. Nimier venait de publier l’article « Le Maréchal des logis Céline » dans Carrefour du 6<br />

août 1952.<br />

« EH BIEN VOICI, JE LE DIS COMME JE LE PENSE, UN ARTICLE JOLIMENT ADMIRABLE, ET QUI ME FAIT PLAISIR À EN GIGOTTER<br />

D’EXHALTATION ! À PERDRE LE SOUFFLE ! ENFIN, UN CONNAISSEUR ! il faut un sacré don, une intuition bien singulière,<br />

pour évaluer si justement ces p<strong>et</strong>its riens qui font une trame tout de même... Oh ! c’est du devin ! [...] » 13 avril<br />

[1955], LETTRE INÉDITE. Nimier venait de publier l’article « Louis-Ferdinand Céline : dénonciateur du roman » dans<br />

le Bull<strong>et</strong>in de Paris du 8 avril 1955.<br />

« QUE TOUS CES GENS PHRASIBULLEUX SONT DONC EMMERDANTS AVEC LEURS CINQUANTE... CENT ANNÉES DE RETARD !... ET TOUS<br />

CRÂNEURS ! malgré ! madame ! des fous de prétention, niais, lourds, circonlocutants... Ah, l’engeance ! Ils boivent bouffent<br />

bavachent trop... hygiène ! hygiène ! [...] » 9 novembre [1955], LETTRE INÉDITE.<br />

« APRÈS VOTRE ARTICLE ADMIRABLE, AUCUN DOUTE, JE L’AI !... Mais de nouveaux soucis ! <strong>et</strong> quels ! le flouze, certes ! tout le<br />

flouze ! j’en veux ! <strong>et</strong> n’en cède un millième ! Mais la gloire ? les lauriers ? foutre n’en veux ! pour tout l’or du monde ! [...]<br />

mais la bulle là pas d’histoires ! Mon épicier... charbonnier... le gaz... l’électricité... les chiens... en veulent ! s’en étranglent !<br />

ah merci du fond du cœur ! [...] » 20 [octobre 1956], LETTRE INÉDITE.<br />

« VOUS ÊTES FOLLEMENT COURAGEUX ET AIMABLE D’OSER ME NOMMER DANS LE FIGARO !... Mais que vos interlocuteurs diable !<br />

déconnent ! Que ne leur vient-il à l’idée tout simplement que tous ces écrivains romanciers de hasard ne sont pas du tout faits<br />

pour écrire des romans ! oh mais pas du tout ! qu’ils sont nés, conçus, doués, pour être députés ou journalistes, mais pas du<br />

tout pour être romanciers ! [...] ils ont monté une conjuration féroce des “bons-à-lape” ! d’incapables tyranniques ! un trust !<br />

romancier par les temps qui courent, vous le savez c’est transposer... ou renoncer ! Cinéma ou journalisme, à choisir !...<br />

LE STYLE C’EST L’HOMME, aucun de tous ces Jean foutres n’a même le soupçon d’un style ! [...] » 23 novembre [1956],<br />

LETTRE INÉDITE.<br />

« [...] LE “CAPORAL ÉPINGLÉ” [roman de Jacques Perr<strong>et</strong>, publié à la N.R.F. en 1947] VOUS AVEZ RAISON, EST JOLIMENT BIEN<br />

TOURNÉ ! belle maîtrise de ce nouveau style, que je connais un peu... MAIS L’ÉCUEIL ! je le connais aussi ! d’un rien, d’un mille,<br />

IL VERSE AU “NATURALISME POPULISME”. L’auteur là y trébuche ! il faut une fibre bien sensible pour n’y point choir ! entre le<br />

ronron académique <strong>et</strong> le populisme quelle corde raide ! traîtrise !... de la broderie à la dentelle il s’en faut d’un fil ! d’une très<br />

minuscule balourdise ! le Caporal épinglé est objectif, EN ART TOUT CE QUI EST OBJECTIF EST NUL ET CROTTE... RIEN<br />

ABSOLUMENT RIEN NE DOIT ÊTRE RÉEL... le Caporal demeure en pleine réalité... il s’en faut d’un rien qu’il opte pour l’envol...<br />

il a peur, il reste à terre... il ne veut tout de même pas rompre avec le “beau style”... <strong>et</strong> il a des ailes ! il ne les ouvre pas...<br />

il marche comme tout le monde... » 22 février [1957].<br />

« [...] On est bien content d’appartenir à c<strong>et</strong>te espèce disparue de roture qui n’avait droit absolument à rien qu’à crever en<br />

travaillant <strong>et</strong> se taire. Moi qui ne me suis pas tu on me l’a fait bien voir ! <strong>et</strong> ce n’est pas fini ! Je me passionne entre 11h <strong>et</strong><br />

minuit sur VOTRE ENCYCLOPÉDIE [Histoire des littératures, dirigée par Raymond Queneau, parue dans l’Encyclopédie<br />

de la Pléiade] si pleine de magnifiques enseignements, si attentive à citer Camus, Sartre, Bernanos... AH VRAIMENT<br />

IMPECCABLEMENT IGNORANTE DU »VOYAGE” ! TOUS CES GENS À PENDRE, BIEN ENTENDU ! “PÉCHEURS PAR OMISSION” SELON<br />

L’ÉVANGILE ! LA PLUS LÂCHE DÉTESTABLE ESPÈCE ! LE GHETTO DE TARTUFES NRF HAUTEMENT RESPONSABLE ! en quelle caverne<br />

vous voici ! quel preux ! quel Siegfried ! <strong>et</strong> que d’hydres ! [...] » Paris, 20 mars 1957.<br />

« VOUS N’AVEZ PAS DEVINÉ QU’ARAGON VENAIT AVEC SES TROUPES À L’ASSAUT DE LA NRF POUR ARRACHER MORT À CRÉDIT<br />

ET LE TRADUIRE EN RUSSE COMME IL A TRADUIT LE VOYAGE... avant la téléguidée ! Paraz a bien raison, lui qui a déjà l’enfer au<br />

trouf, de se saouler comme un pape ! les trois sister Cana [les sœurs Canavaggia, dont l’une, Marie, servait de secrétaire<br />

à Céline], Brontë comme jamais, sont allés chercher des bites en Engadine... proutt ! des motifs... [...] J’ESPÈRE QUE VOTRE<br />

REVUE VA CONSACRER UN NUMÉRO SPÉCIAL À L’ACCIDENT SAGAN [Françoise Sagan venait d’être blessée dans un accident<br />

de voiture]... excellente réclame pour Julliard... <strong>et</strong> psychanalyse, ivrogneries, troufignoleries, sublimeries, fou<strong>et</strong>teries à ravir<br />

tout l’état-major... » 20 avril 1957.<br />

« CERTAINEMENT CHER AMI PUISQUE VOUS ME FAITES L’AMITIÉ DE VOUS OCCUPER D’UN CHÂTEAU L’AUTRE, À VOTRE GUISE ET<br />

ZÈLE CHOISISSEZ CE QUI VOUS PARAÎTRA PROPRE À STIMULER LE ZÈLE HARGNEUX DES GENS DE PRESSE. Depuis que je les vois se<br />

ruer sur de tels nav<strong>et</strong>s je me dis que j’ai pour moi au moins la saveur d’être bien rebutant... Donc pleins pouvoirs ! [...] »<br />

27 avril [1957].<br />

« Voici l<strong>et</strong>tre Arland. Je suis d’accord mais à condition, je lui écris, que le commentaire ne soit pas d’ordre péteux, honteux,<br />

horriblement gêné. Vous connaissez le genre ! Je lui dis de prendre à ce propos contact avec vous ! JE VEUX DE L’ENCENS À<br />

TORRENT ! DES TONNERRES D’ORGUE ! [...] » 4 avril [pour mai] 1957. Dans sa l<strong>et</strong>tre (autographe signée, ici jointe), Marcel<br />

Arland demande à Céline l’autorisation de faire paraître des extraits d’UN CHÂTEAU L’AUTRE dans La Nouvelle NRF<br />

avec une étude sur son œuvre. Ces extraits paraîtraient dans le numéro de juin 1957 avec un article de Nimier sur<br />

Céline.<br />

« Je vous vois en belluaire, joliment habile à me rabattre tous ces chacals joliment prêts depuis 3 décades à me déchirer<br />

décerveler <strong>et</strong>c... CEUX DE L’EXPRESS PARTICULIÈREMENT CHAROGNIERS, EH DIABLE ! QUE FOUTRE ! MENEZ-LES MOI QU’ILS ME<br />

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