Édition 2010-03-01 (PDF document) - les nouvelles de roumanie
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Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />
64<br />
Iana Matei, première Roumaine<br />
“Européenne <strong>de</strong> l'année” en 2009<br />
Iana Matei, une Roumaine <strong>de</strong> 50 ans qui prési<strong>de</strong> l'association<br />
Reaching Out, a été désignée "Européenne <strong>de</strong> l'année 2009" par le magazine<br />
Rea<strong>de</strong>r's Digest. C'est la première fois que cette distinction est<br />
accordée à un citoyen roumain. Iana Matei a été récompensée pour sa<br />
lutte contre la prostitution juvénile. En onze ans d'existence, son association<br />
a sauvé 420 <strong>de</strong> ces enfants, ado<strong>les</strong>centes et jeune fil<strong>les</strong>.<br />
On a arrêté trois petites putes dégueulasses, on n'en veut pas dans<br />
notre voiture… Vous pouvez leur apporter <strong>de</strong>s vêtements propres ?". Ce coup <strong>de</strong> fil brutal <strong>de</strong><br />
la police <strong>de</strong> Pitesti, en janvier 1999, a changé la vie <strong>de</strong> Iana Matei. "J'ai pris ce que j'avais sous la main et j'ai filé au<br />
commissariat" se rappelle-t-elle. Trois fillettes <strong>de</strong> 14,15 et 16 ans, serrées <strong>les</strong> unes contre <strong>les</strong> autres, attendaient, apeurées.<br />
"Mais qu'est-ce que vous faites là ?"… "On a été vendues et achetées" lui confia la plus hardie. La plus jeune lui souffla<br />
quelques mots <strong>de</strong> son histoire. Elle s'était enfuie <strong>de</strong> chez elle car son père avait tenté <strong>de</strong> la violer et rejoint une copine travaillant<br />
dans un bar qui lui avait parlé d'un boulot <strong>de</strong> femme <strong>de</strong> ménage. Après une nuit dans <strong>les</strong> lieux, elle avait été conduite dans un restaurant<br />
et vendue au patron pour 100 dollars. Tout <strong>de</strong> suite, elle avait été enfermée à double tour dans une pièce dont la porte ne<br />
s'ouvrait que pour laisser entrer <strong>les</strong> camionneurs venus abuser d'elle. Réussissant à s'échapper, elle avait couru au commissariat,<br />
où lui avait enjoint <strong>de</strong> vite retourner dans <strong>les</strong> lieux pour ne pas éveiller <strong>les</strong> soupçons. Trois jours plus tard, une <strong>de</strong>scente <strong>de</strong> police<br />
la délivrait ainsi que <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses compagnes d'infortune.<br />
C'est là que Iana Matei <strong>les</strong> avait prises en charge. Après une absence <strong>de</strong> huit ans, elle venait <strong>de</strong> revenir au pays et avait ouvert<br />
un foyer pour <strong>les</strong> enfants <strong>de</strong> la rue qui s'étaient enfuis <strong>de</strong>s orphelinats. A la vue <strong>de</strong> ces trois fillettes, traitées comme <strong>de</strong>s prostituées,<br />
son sang ne fit qu'un tour et elle décida immédiatement <strong>de</strong> créer un refuge pour<br />
toutes cel<strong>les</strong> qui étaient dans leur cas. En quelques jours, la jeune femme montait<br />
son association "Reaching out" ("La main tendue") et grâce à un don <strong>de</strong><br />
300 dollars, louait un appartement à Pitesti pour trois mois dont ses trois protégées<br />
furent <strong>les</strong> premières occupantes. Aujourd'hui, el<strong>les</strong> ont retrouvé une vie<br />
normale et sont chacune mère <strong>de</strong> famille.<br />
420 jeunes fil<strong>les</strong> sorties <strong>de</strong>s griffes <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> proxénètes<br />
Depuis, d'autres jeunes victimes leur ont succédé. "En onze ans, j'ai vu<br />
plein <strong>de</strong> fil<strong>les</strong> défiler ici, la plus jeune avait 13 ans et la plus vieille, 29 ans.<br />
C'est à peu près toujours la même histoire, bien qu'el<strong>les</strong> se taisent, refusent <strong>de</strong><br />
donner <strong>de</strong>s noms. Je leur dis que leur cauchemar est terminé, qu'el<strong>les</strong> doivent<br />
l'oublier. Mais je n'insiste pas… Je n'ai pas le droit <strong>de</strong> leur faire revivre leur<br />
enfer". Iana Matei a sorti <strong>de</strong>s griffes <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> proxénètes 420 jeunes fil<strong>les</strong><br />
<strong>de</strong> toute la Roumanie, amenée par <strong>de</strong>s policiers, dont 85 % sont suivies <strong>de</strong> façon<br />
permanente par l'association. "On <strong>les</strong> sort <strong>de</strong> la rue pour qu'el<strong>les</strong> n'y reviennent<br />
jamais. El<strong>les</strong> restent chez nous pendant un an environ ou jusqu'à leur majorité. El<strong>les</strong> sont hébergées, retournent à l'école, on prend<br />
soin d'el<strong>les</strong>, el<strong>les</strong> reçoivent une assistance médicale, psychologique. Avant qu'el<strong>les</strong> ne repartent, on leur assure une formation professionnelle,<br />
on leur cherche un travail et si el<strong>les</strong> ont <strong>de</strong> l'argent, il est déposé sur un compte bancaire".<br />
L'appartement d'origine est <strong>de</strong>venue une maison <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux étages accueillant actuellement dix jeunes fil<strong>les</strong>, dont l'adresse est<br />
tenue secrète pour que <strong>les</strong> souteneurs ne <strong>les</strong> retrouvent pas. Elle est gardée par <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> sécurité. Iana Matei et <strong>les</strong> membres<br />
<strong>de</strong> "Reaching out" n'ont pas froid aux yeux quant on leur signale <strong>de</strong>s fil<strong>les</strong> tombées dans <strong>les</strong> filets <strong>de</strong> trafiquants, dans <strong>de</strong>s bars ou<br />
sur la rue. Il <strong>les</strong> enlève tout simplement, suivant une métho<strong>de</strong> qu'ils ne dévoilent pas, et <strong>les</strong> embarquent directement pour le refuge.<br />
Au début, el<strong>les</strong> pensent être tombées aux mains <strong>de</strong> nouveaux proxénètes, sont très méfiantes, mais sont peu à peu rassurées en<br />
voyant qu'on ne <strong>les</strong> bat pas et qu'on ne <strong>les</strong> met pas "au travail", le déclic venant quant el<strong>les</strong> parlent avec <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> déjà hébergées.<br />
C'est ensuite avec leurs confi<strong>de</strong>nces que leurs copines en danger sont i<strong>de</strong>ntifiées et secourues.<br />
Rien ne <strong>de</strong>stinait Iana Matei, originaire d'Orastie, près <strong>de</strong> Deva, étudiante aux beaux Arts à Bucarest à ce rôle <strong>de</strong> "bonne samaritaine".<br />
En 1990, elle avait fui la Roumanie à 30 ans pour la Yougoslavie et l'Australie comme réfugiée politique après avoir été<br />
victime <strong>de</strong> la Minéria<strong>de</strong> <strong>de</strong> juin et même emprisonnée. Mère célibataire d'un garçon <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans, elle a passé à l'autre bout du<br />
mon<strong>de</strong> une licence <strong>de</strong> psychologie, tout en faisant la cuisine aux enfants <strong>de</strong> la rue d'Australie. Effrayée par l'ampleur que ce phénomène<br />
avait pris dans son pays natal, elle avait décidé <strong>de</strong> rentrer en Roumanie. Iana Matei a été déclarée "Héroïne <strong>de</strong> l'année"<br />
par le Département d'Etat américain en 2006 et reçu l'"Abolitionist Award" <strong>de</strong> la Chambre <strong>de</strong>s lords britanniques un an plus tard.