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Édition 2010-03-01 (PDF document) - les nouvelles de roumanie

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Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />

52<br />

BAIA<br />

MARE<br />

ORADEA<br />

<br />

TARGU<br />

MURES<br />

ARAD<br />

TIMISOARA<br />

CRAIOVA<br />

<br />

<br />

PITESTI <br />

SIRET<br />

<br />

SUCEAVA<br />

IASI <br />

BRASOV<br />

<br />

BUCAREST<br />

BACAU<br />

<br />

GALATI <br />

BRAILA <br />

<br />

TULCEA<br />

CONSTANTA<br />

(suite <strong>de</strong> la page 51)<br />

“Nous n'avons pu utiliser que<br />

moins d'1 % <strong>de</strong>s archives entre 1999<br />

et 2006, souligne Germina Nagat,<br />

chef <strong>de</strong> l'unité d'enquête au Conseil,<br />

qui compte cinquante-cinq employés.<br />

En réalité, le Conseil n'a commencé<br />

à fonctionner <strong>de</strong> façon efficace qu'à<br />

partir <strong>de</strong> 2007”.<br />

Comme le rappelle Dorin<br />

Dobrincu, aux archives nationa<strong>les</strong>,<br />

"le SRI a constamment brandi, dans<br />

<strong>les</strong> années 1990, la notion d'intérêt<br />

national pour refuser l'accès aux<br />

dossiers. Cette tactique a beaucoup<br />

retardé l'ouverture <strong>de</strong>s archives".<br />

L'obscurité n'a pas été totalement<br />

levée. Personne ne sait quelle est la<br />

part réelle <strong>de</strong>s dossiers transmis.<br />

"On dit que le SRI ne nous a donné<br />

que 85 % <strong>de</strong>s dossiers", souligne<br />

Germina<br />

Nagat.<br />

Le directeur<br />

du SRI,<br />

George Cristian<br />

Maior, nous<br />

a fait savoir<br />

par écrit que<br />

son service "a<br />

gardé seulement<br />

<strong>les</strong> dos-<br />

siers prévus<br />

par la loi,<br />

concernant la<br />

sûreté nationale actuelle <strong>de</strong> la<br />

Roumanie, surtout la protection contre-terroriste".<br />

Cela représenterait 3 %<br />

<strong>de</strong> toutes <strong>les</strong> archives.Le service<br />

affirme que la rupture avec <strong>les</strong> temps<br />

anciens, en termes <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s et<br />

<strong>de</strong> personnel, est "totale et irréversible".<br />

"L'âge moyen <strong>de</strong> notre institution<br />

est <strong>de</strong> 36 ans, et plus <strong>de</strong> 60 %<br />

<strong>de</strong> ceux-ci avaient 18 ans environ<br />

lors <strong>de</strong>s événements <strong>de</strong> 1989".<br />

P. S (Le Mon<strong>de</strong>)<br />

<br />

Révolution an XX<br />

Mauvaise surprise pour l'écrivain Stelian Tanase<br />

qui a découvert dans <strong>les</strong> archives <strong>de</strong> la Securitate<br />

la trahison <strong>de</strong> son meilleur ami.<br />

Connaissance et découverte<br />

Pour Luciana Jinga, <strong>les</strong> Roumains<br />

Luciana Jinga est historienne à l'Institut <strong>de</strong> recherches et d'investigation <strong>de</strong>s<br />

crimes du communisme, organe fondé en 2005, financé par l'Etat et dirigé par<br />

Marius Oprea. L'Institut tente <strong>de</strong> faire la lumière sur <strong>les</strong> crimes commis pendant<br />

la pério<strong>de</strong> communiste entre 1947 et 1989, notamment par <strong>les</strong> officiers <strong>de</strong> la<br />

Securitate, et <strong>de</strong> faire juger <strong>les</strong> personnes impliquées... Sans résultat, jusqu'à présent,<br />

comme elle l'explique.<br />

Ala différence d'autres pays ex-communistes<br />

en Europe, comme<br />

l'Allemagne ou la République<br />

tchèque, il n'y a pas eu, en Roumanie, <strong>de</strong> loi <strong>de</strong><br />

"lustration" <strong>de</strong>stinée à protéger <strong>les</strong> institutions<br />

démocratiques du nouvel Etat en excluant <strong>les</strong><br />

anciens agents <strong>de</strong> la police communiste <strong>de</strong> la<br />

fonction publique. Pourquoi?<br />

Toujours <strong>les</strong> mêmes aux mêmes places<br />

C'est simple. Ici, tous ceux qui étaient dans<br />

<strong>les</strong> rouages <strong>de</strong> l'ancien système sont restés en<br />

place. Comment Ion Iliescu, par exemple, qui a<br />

été le premier prési<strong>de</strong>nt roumain après 1989,<br />

aurait-il pu adopter une telle loi, alors qu'il était<br />

lui-même un cadre du régime communiste?<br />

L'actuel prési<strong>de</strong>nt, Traian Basescu, ancien officier<br />

<strong>de</strong> la marine roumaine, a été le responsable<br />

d'une agence dans le port d'Anvers.<br />

Or pour être envoyé avec <strong>de</strong> tel<strong>les</strong> responsabilités<br />

à l'étranger, il fallait<br />

"La reconnaissance <strong>de</strong> sa<br />

"Il n'y a pas <strong>de</strong> crimes sans cadavres"<br />

a-t-on lancé à Marius Oprea… Du<br />

coup, l'historien s'est lancé dans <strong>de</strong>s<br />

fouil<strong>les</strong>,à la recherche <strong>de</strong>s ossements<br />

<strong>de</strong>s victimes du régime communiste.<br />

faire partie du système ou au moins lui être dévoué. En clair, <strong>les</strong><br />

politiciens roumains n'allaient pas faire une loi dont <strong>les</strong> conséquences<br />

auraient été fata<strong>les</strong> pour eux...<br />

Aujourd'hui encore, ce sont ces mêmes personnes qui sont<br />

en place dans l'administration, la politique, la justice ou <strong>les</strong> affaires.<br />

Les mêmes ou leurs enfants, leurs proches, le népotisme<br />

fonctionnant toujours très bien chez nous. Même la loi "partielle"<br />

<strong>de</strong> lustration qui a été adoptée (en 2005), qui concerne la justice<br />

et l'administration, a ses limites; elle s'est très vite transformée<br />

en instrument politique, certains passant entre <strong>les</strong> mail<strong>les</strong> du<br />

filet, d'autres pas. Si <strong>de</strong>s procès sont en cours pour <strong>de</strong>s crimes<br />

commis à l'époque, il n'y a encore eu aucune condamnation prononcée...<br />

"Il n'y a pas crimes sans cadavres… alors il faut <strong>les</strong> trouver”<br />

Le maintien en place <strong>de</strong>s anciens communistes l'explique, encore une fois. Tant<br />

que le premier ex-officier <strong>de</strong> Securitate ne sera pas condamné, on ne pourra pas avancer.<br />

Notre Institut intente <strong>de</strong>s actions en justice, dépose <strong>de</strong>s plaintes contre <strong>de</strong>s tortionnaires,<br />

mais rien n'aboutit, le principal problème étant la prescription...<br />

Récemment, nous avons <strong>de</strong>mandé l'ouverture <strong>de</strong> poursuites péna<strong>les</strong> contre un<br />

ancien milicien qui, à la fin <strong>de</strong>s années 1980, aurait arrêté sans mandat une vingtaine<br />

d'étudiants qui écoutaient <strong>de</strong> la musique rock, qu'il aurait ensuite battus et torturés. Le<br />

chef d'accusation retenu a été celui d' "abus dans le cadre du travail"! Il risquait <strong>de</strong>ux<br />

à six mois <strong>de</strong> prison; surtout, le délai <strong>de</strong> prescription est <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans...<br />

Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />

ont peur d'affronter le passé… qui est en fait le présent<br />

faute n'est pas une spécialité roumaine"<br />

La plainte a donc été rejetée. C'est un exemple parmi d'autres...<br />

Ici, on a un peu un sentiment d'inutilité. Nous passons<br />

<strong>de</strong>s mois à rassembler <strong>les</strong> pièces du puzzle pour chaque cas,<br />

afin <strong>de</strong> présenter <strong>les</strong> preuves d'un crime, en vain.<br />

Cet été, Marius Oprea, notre directeur, a lancé une gran<strong>de</strong><br />

campagne d'exhumation <strong>de</strong> corps, car un jour, un procureur lui<br />

avait dit: "Il n'y a pas <strong>de</strong> crime sans cadavres". Alors il a commencé<br />

à chercher <strong>les</strong> cadavres <strong>de</strong>s crimes du régime communiste,<br />

en retrouvant certains endroits où <strong>les</strong> corps <strong>de</strong>s personnes<br />

fusillées par la Securitate dans <strong>les</strong> années 1950 avaient été<br />

cachés. Même avec ces "cadavres", cependant, <strong>les</strong> crimes ont<br />

très peu <strong>de</strong> chances d'être condamnés.<br />

La crainte <strong>de</strong> découvrir<br />

que votre meilleur ami vous a mouchardé<br />

Les mêmes raisons expliquent-el<strong>les</strong> l'ouverture tardive <strong>de</strong>s<br />

archives <strong>de</strong> la Securitate?<br />

Oui, d'autant qu'el<strong>les</strong> ont été ouvertes sans être ouvertes.<br />

Au début, en 1999, le Conseil national <strong>de</strong>s archives <strong>de</strong> la<br />

Securitate (CNSAS) n'avait aucun dossier sous la main, pour<br />

travailler. Aujourd'hui, il en a beaucoup plus mais on ne sait<br />

pas exactement <strong>de</strong> quoi ils disposent: l'inventaire détaillé n'est<br />

pas public et l'accès est difficile.<br />

Pour <strong>les</strong> citoyens - certaines personnes viennent nous voir<br />

parce qu'el<strong>les</strong> n'ont pas pu avoir accès à leur dossier au<br />

CNSAS - mais aussi pour <strong>les</strong> chercheurs. Les conditions à<br />

remplir pour être accrédité sont compliquées.<br />

On a le sentiment que le passé est encore tabou pour la<br />

société roumaine... Mais, c'est bien plus. On en parle, cela<br />

intéresse <strong>les</strong> gens, comme le montre le succès <strong>de</strong>s émissions ou<br />

<strong>de</strong>s livres que notre Institut publie sur le sujet. Mais ce n'est<br />

pas forcément suivi d'actions concrètes, comme aller voir son<br />

dossier personnel par exemple.<br />

Il y a une forme <strong>de</strong> crainte, d'abord... Dans la majorité <strong>de</strong>s<br />

cas, <strong>les</strong> informateurs étaient <strong>de</strong>s personnes proches, <strong>de</strong>s collègues,<br />

<strong>de</strong>s amis, <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille. Après la révolution,<br />

le communisme est tombé, mais le cercle <strong>de</strong> relations socia<strong>les</strong><br />

est resté le même. D'où une peur d'affronter le passé, qui est en<br />

fait le présent.<br />

Dans ma famille par exemple, mon grand-père a été renvoyé<br />

<strong>de</strong> l'armée lors <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> épuration, en 1958, car<br />

quelqu'un l'a accusé d'être un "bourgeois". A présent, il refuse<br />

d'aller consulter son dossier: il craint que ce soit son meilleur<br />

ami qui ait écrit cette déclaration mensongère. De nombreuses<br />

personnes sont dans son cas. Et veulent tourner la page...<br />

“Avec <strong>les</strong> difficultés <strong>de</strong> la vie, le travail<br />

<strong>de</strong> mémoire était le <strong>de</strong>rnier souci”<br />

Oui, beaucoup ne veulent plus penser à une pério<strong>de</strong> si<br />

douloureuse... Ils ont déjà perdu une partie <strong>de</strong> leur vie à cette<br />

époque, ce n'est pas la peine <strong>de</strong> rouvrir la plaie. Dans <strong>les</strong><br />

années 1990, <strong>de</strong> plus, la Roumanie a connu une pério<strong>de</strong> éco-<br />

nomique très<br />

dure. Le travail<br />

<strong>de</strong> mémoire était<br />

le <strong>de</strong>rnier souci<br />

<strong>de</strong>s gens. Les<br />

victimes, bien<br />

sûr, s'en sont<br />

préoccupées,<br />

mais pas <strong>les</strong> autres.<br />

Quelques<br />

Connaissance et découverte<br />

voix éparses évoquaient ces problèmes d'ouverture <strong>de</strong>s archives,<br />

mais el<strong>les</strong> n'étaient pas portées par un vrai mouvement<br />

dans la société civile.<br />

“Il y avait par nature<br />

une tendance au dédoublement”<br />

Le rapport Tismaneanu sur le communisme<br />

semble surtout avoir été fait pour être classé...<br />

Enfin, nous subissions le contrecoup du mécanisme pervers<br />

subi sous le régime communiste, lorsque <strong>les</strong> gens vivaient<br />

dans <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s parallè<strong>les</strong>: le mon<strong>de</strong> extérieur où ils obéissaient<br />

au régime, et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la maison, très différent.<br />

Par exemple, chez moi, nous faisions <strong>de</strong>s prières, nous<br />

chantions <strong>de</strong>s chants monarchistes, et sitôt quitté la maison, je<br />

chantais <strong>de</strong>s chants communistes. Donc il y a, par nature, une<br />

tendance au dédoublement. En 1989, l'une <strong>de</strong> ces réalités<br />

parallè<strong>les</strong> s'est écroulée. Beaucoup <strong>de</strong> gens ont tendance à<br />

croire que tout ce qu'elle contenait s'est écroulé avec elle. Y<br />

compris leurs éventuel<strong>les</strong> compromissions...<br />

“Ici on se considère tous victimes”<br />

Mais le vrai problème, dites-vous, c'est que l'Etat ne montre<br />

pas l'exemple. Certes, il y a eu cette condamnation <strong>de</strong><br />

Traian Basescu <strong>de</strong>vant le Parlement, en 2006, et le rapport <strong>de</strong><br />

la commission <strong>de</strong> l'historien Tismaneanu. Mais un discours et<br />

un livre ne suffisent pas pour condamner cinquante ans d'un<br />

régime extrêmement dur, durant <strong>les</strong>quels <strong>de</strong>s hommes ont été<br />

torturés et <strong>de</strong>s crimes atroces ont été commis.<br />

Il ne faut pas seulement condamner en bloc, il faut aussi<br />

juger <strong>les</strong> hommes qui étaient dans ce système. Je ne dis pas<br />

qu'il faut forcément un procès type Nuremberg, mais une<br />

reconnaissance juridique <strong>de</strong> ces crimes. On finit par croire que<br />

ce n'était pas si grave, puisque il ne se passe rien...<br />

Les Roumains auraient-ils honte, aussi, <strong>de</strong> leurs compromissions<br />

? Pas <strong>de</strong> honte, non, je dirais plus une incapacité à se<br />

penser coupab<strong>les</strong>. A la différence <strong>de</strong> l'Allemagne nazie par<br />

exemple, il y a un vrai problème <strong>de</strong> la Roumanie et <strong>de</strong>s<br />

Roumains à reconnaître leur culpabilité.<br />

Ici, on est tous victimes. C'est une question <strong>de</strong> mentalité et<br />

ce n'est pas lié qu'au régime communiste: on observe le même<br />

rapport par rapport à la question <strong>de</strong> l'Holocauste et <strong>de</strong> la participation<br />

<strong>de</strong> la Roumanie. La reconnaissance <strong>de</strong> la faute n'est<br />

pas une spécialité roumaine.<br />

Marion Guyonvarch, Delphine Saubaber (L'Express)<br />

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