Édition 2010-03-01 (PDF document) - les nouvelles de roumanie
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Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />
46<br />
<br />
BAIA<br />
MARE<br />
ORADEA<br />
<br />
TARGU<br />
ARAD MURES<br />
<br />
TIMISOARA<br />
<br />
SIBIU<br />
BRASOV<br />
<br />
GALATI <br />
BRAILA <br />
<br />
PITESTI <br />
TULCEA<br />
CRAIOVA<br />
<br />
SUCEAVA<br />
<br />
BUCAREST<br />
<br />
IASI<br />
<br />
CHISINAU<br />
<br />
BACAU<br />
<br />
CONSTANTA<br />
(suite <strong>de</strong> la page 45)<br />
Maurice Rheims, ami <strong>de</strong> l'écrivain<br />
<strong>de</strong>puis 1959, a évoqué plus tard “cet<br />
homme délicieux, amateur raffiné" et<br />
son épouse roumaine, "vieille impératrice<br />
asiatique, savourant son thé<br />
dans une tasse en céramique bleue<br />
d'époque Ming, assise au centre d'un<br />
trône moghol du XVIIIe siècle marqué<br />
d'un M majuscule, acquis par Morand<br />
lors d'un voyage". Cocteau prendra<br />
moins <strong>de</strong> gants, la comparant à<br />
“Minerve ayant avalé sa chouette”.<br />
Ambassa<strong>de</strong>ur pour récupérer<br />
la fortune <strong>de</strong> sa femme<br />
Jean Jardin, éminence grise <strong>de</strong><br />
Pierre Laval, favorisa le départ <strong>de</strong><br />
Morand <strong>de</strong> Bucarest en 1944, lors <strong>de</strong><br />
l'avancée <strong>de</strong>s troupes russes, et le fit<br />
nommer ambassa<strong>de</strong>ur en Suisse.<br />
" [...] En 1940, Laval ne lui <strong>de</strong>mandait<br />
même pas <strong>de</strong> rentrer <strong>de</strong> Londres<br />
où il était alors chargé d'une mission<br />
économique, mais il est parti par le<br />
même bateau que l'ambassa<strong>de</strong>" rappela<br />
cruellement De Gaulle en 1962,<br />
dans une confi<strong>de</strong>nce que rapporte<br />
Alain Peyrefitte dans C'était <strong>de</strong><br />
Gaulle, le Général enchaînant: "On<br />
ne voulait pas <strong>de</strong> lui à Vichy et on lui<br />
a tenu rigueur <strong>de</strong> son abandon <strong>de</strong><br />
poste à Londres. Il était victime <strong>de</strong>s<br />
richesses <strong>de</strong> sa femme. Pour <strong>les</strong><br />
récupérer, il s'est fait nommer ministre<br />
<strong>de</strong> Vichy à Bucarest. Puis, quand <strong>les</strong><br />
troupes russes se sont approchées, il<br />
a chargé un train entier <strong>de</strong> tableaux et<br />
d'objets d'art et l'a envoyé en Suisse.<br />
Il s'est fait ensuite nommer à Berne,<br />
pour s'occuper du déchargement".<br />
Paul Morand n’a survécu qu’ un an<br />
et <strong>de</strong>mi à son épouse et mourut à<br />
l'hôpital Laennec à Paris; il fit mêler<br />
ses cendres aux siennes à Trieste, sa<br />
ville natale.<br />
<br />
Connaissance et découverte<br />
Musique Iacob Maciuca et son<br />
violon tsigane ont lancé<br />
<strong>les</strong> “Fol<strong>les</strong> journées <strong>de</strong> Nantes”<br />
C'est l'histoire d'un long voyage, né dans un poste <strong>de</strong> radio à Tulcea,<br />
Roumanie. "Ce son chaud du violon, ça te prenait comme une vague et te<br />
transportait loin", se souvient Iacob Maciuca. Si loin que l'instrument<br />
découvert enfant le fera tanguer <strong>de</strong>s rives du Danube où il est né, aux bords <strong>de</strong> Loire.<br />
C'était en 1992, aux prémices <strong>de</strong> l'été. Alors que la Roumanie se réveille sur <strong>les</strong> décombres<br />
<strong>de</strong> la dictature communiste, le jeune violoniste se fait repérer par un restaurateur<br />
nazairien, soucieux d'animer son commerce. Une aubaine. "C'était le rêve <strong>de</strong> tous <strong>les</strong><br />
jeunes, se rappelle Iacob Maciuca. Je n'étais pas un battant désireux <strong>de</strong> reconstruire<br />
le pays. J'avais trop entendu cette langue <strong>de</strong> bois <strong>de</strong>s politiques, ces discours qui donnaient<br />
envie <strong>de</strong> vomir".<br />
Ebloui par <strong>les</strong> magasins, par ce<br />
contraste saisissant avec <strong>les</strong> rayons vi<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> son pays, Iacob Maciuca rêve<br />
d'Amérique. Il s'imagine à Paris et, "parce<br />
qu'il n'y avait pas <strong>de</strong> train direct pour la<br />
capitale", pose ses valises à Nantes. Son<br />
escale dans la cité <strong>de</strong>s Ducs <strong>de</strong> Bretagne<br />
sera la bonne. Il y fait <strong>de</strong>s rencontres décisives,<br />
notamment avec Gerardo Jerez Le<br />
Des rives du Danube aux bords <strong>de</strong> la Loire.<br />
Cam. Le pianiste argentin avait débarqué à<br />
Nantes cette même année alors que le fes-<br />
tival Les Allumées consacrait son édition à Buenos Aires. Ensemble, ils vont mêler le<br />
tango et la musique tzigane dans <strong>de</strong>s projets étonnants <strong>de</strong> créativité.<br />
Agé <strong>de</strong> 43 ans, Iacob Maciuca est un violoniste atypique dans le mon<strong>de</strong> exigeant<br />
<strong>de</strong> la musique classique. Après avoir fait ses classes à Bucarest, il s'est passionné lors<br />
<strong>de</strong> son service militaire pour <strong>les</strong> musiques traditionnel<strong>les</strong> <strong>de</strong> l'Est. "Je préférais çà aux<br />
tirs <strong>de</strong>s fusils dans <strong>les</strong> champs". C'est le guitariste Michel Grizard, avec qui il a interprété<br />
Paganini, qui lui a proposé <strong>de</strong> jouer pour la première fois aux Fol<strong>les</strong> Journées<br />
<strong>de</strong> Nantes, <strong>de</strong>venues le plus grand concert du mon<strong>de</strong>, <strong>les</strong> musiciens s'y produisant jour<br />
et nuit pendant près d'une semaine <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> spectateurs, et<br />
dont le modèle s'est exporté sur tous <strong>les</strong> continent, <strong>de</strong> Tokyo au Brésil. Un autre décor.<br />
A Nantes, ce père <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux enfants a longtemps joué dans un restaurant russe, l'ex-<br />
Petrusca, près <strong>de</strong> la place République. "Après minuit, le patron sortait la vodka, on<br />
sympathisait avec <strong>les</strong> clients et la soirée se terminait souvent au vieux quartier du<br />
Bouffay entre musiciens". Avec parfois la police aux trousses, qui goûtait peu ses<br />
concerts nocturnes. Et s'il s'est <strong>de</strong>puis installé à La Chapelle-<strong>de</strong>s-Marais, en Brière,<br />
près <strong>de</strong> Saint Nazaire et <strong>de</strong> l'océan, Nantes <strong>de</strong>meure la ville où Iacob Maciuca est "né<br />
une <strong>de</strong>uxième fois". David Prochasson (20 Minutes)<br />
Pecs, capitale culturelle européenne <strong>2<strong>01</strong>0</strong><br />
Après Sibiu, en 2007, la ville hongroise<br />
<strong>de</strong> Pecs assume le rôle <strong>de</strong><br />
capitale européenne <strong>de</strong> la culture<br />
pour l'année <strong>2<strong>01</strong>0</strong>, en compagnie d'Essen<br />
(Allemagne) et Istanbul (Turquie), représentant<br />
l'Europe centrale. Elle a prévu d'organiser<br />
quelques 350 concerts, spectac<strong>les</strong>, conférences,<br />
expositions, festivals, tout au long <strong>de</strong><br />
l'année. Une occasion rêvée pour faire étape<br />
sur le chemin <strong>de</strong> la Roumanie dans cette très belle cité fondée par <strong>les</strong> Romains, située<br />
à 250 km d'Arad et Timisoara. Pecs est jumelée avec Grenoble, Dijon et Lyon.<br />
Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />
Révolution an XX<br />
Vingt ans après, il est difficile d'expliquer l'ampleur<br />
du mal, <strong>de</strong>s ravages qu'ont causés <strong>les</strong> années <strong>de</strong> fer<br />
et <strong>de</strong> plomb subies pendant un <strong>de</strong>mi-siècle par <strong>les</strong><br />
Roumains. De restituer avec fidélité l'usage <strong>de</strong> la surveillance,<br />
<strong>de</strong> la peur, <strong>de</strong> l'intimidation et <strong>de</strong> la répression par la police<br />
politique roumaine, grâce à une toile mise en place avant l'arrivée<br />
<strong>de</strong> Nicolae Ceausescu au pouvoir, en 1965.<br />
Le "Conducator" a poli <strong>les</strong> métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> son prédécesseur<br />
au poste <strong>de</strong> secrétaire général du Parti, Gheorghe Gheorghiu-<br />
Dej, qui s'était appuyé sur <strong>les</strong> assassinats et un système pénitentiaire<br />
<strong>de</strong>nse pour instaurer une terreur ouverte. Avec le<br />
génie autoproclamé <strong>de</strong>s Carpates, cette terreur <strong>de</strong>vient sour<strong>de</strong>,<br />
préventive, invisible; elle nourrit la paranoïa et <strong>les</strong> angoisses.<br />
Au total, pendant la pério<strong>de</strong> communiste, plus <strong>de</strong> 10 000 personnes<br />
ont été exécutées sans aucune forme <strong>de</strong> procès, mais le<br />
nombre total <strong>de</strong>s victimes, directes ou indirectes, est estimé<br />
entre un à <strong>de</strong>ux millions.<br />
Les métastases du régime avaient une envergure incomparable<br />
en Europe, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la Stasi.<br />
La Securitate pénétrait dans chaque<br />
corps social. S'appuyant sur une toile <strong>de</strong><br />
plusieurs centaines <strong>de</strong> milliers d'informateurs<br />
zélés ou contraints, elle traquait<br />
<strong>les</strong> ennemis <strong>de</strong> la cause socialiste.<br />
Brevets <strong>de</strong> "Révolutionnaires"<br />
pour <strong>les</strong> tortionnaires<br />
"C'était une expérience totalitaire<br />
assez unique, explique l'historien<br />
Tismaneanu, qui a dirigé la commission<br />
prési<strong>de</strong>ntielle pour l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la dictature<br />
communiste, en 2006. Ceausescu a<br />
conçu la Securitate comme sa gar<strong>de</strong> prétorienne,<br />
sa police secrète non inféodée à Moscou".<br />
Il y avait entre 10 000 et 15 000 officiers <strong>de</strong> la Securitate<br />
à la fin <strong>de</strong>s années 1980. Beaucoup ont obtenu <strong>de</strong>s certificats<br />
<strong>de</strong> révolutionnaires, qui leur ont donné <strong>de</strong>s privilèges en plus<br />
<strong>de</strong> leur retraite, comme <strong>de</strong>s terrains gratuits, <strong>de</strong>s maisons, <strong>de</strong>s<br />
exemptions fisca<strong>les</strong>. "Ils sont au Parlement, dans <strong>les</strong> médias<br />
ou dans <strong>les</strong> administrations. Ils ont informé, rédigé <strong>de</strong>s rapports,<br />
ou même pire, intégré l'appareil <strong>de</strong> répression. On a<br />
i<strong>de</strong>ntifié plus <strong>de</strong> 400 suspects pour <strong>de</strong>s tortures ou <strong>de</strong>s assassinats"<br />
explique l'historien Marius Oprea, poursuivant "Pas<br />
un n'a été poursuivi. La condamnation du communisme n'a été<br />
utilisée que <strong>de</strong> façon politique".<br />
Marius Oprea dirige l'Institut <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong>s crimes du<br />
communisme. Pendant trois semaines, en septembre <strong>de</strong>rnier, il<br />
Connaissance et découverte<br />
L'ancienne nomenklatura, reconvertie en nouvelle<br />
élite, a réussi à se défaire <strong>de</strong> son passé encombrant<br />
Vingt ans sans avoir à rendre <strong>de</strong> comptes !<br />
Envoyé par Le Mon<strong>de</strong> à Bucarest à l'occasion <strong>de</strong>s vingt ans <strong>de</strong> l'effondrement du Bloc <strong>de</strong> l'Est, Piotr Smolar évoque <strong>les</strong><br />
difficultés que <strong>les</strong> Roumains éprouvent à se défaire <strong>de</strong> leur passé récent et <strong>les</strong> efforts, couronnés <strong>de</strong> succès, <strong>de</strong> l'ancienne<br />
nomenklatura, <strong>de</strong>venue la nouvelle élite, pour y échapper sans avoir à rendre <strong>de</strong> comptes. Dans <strong>de</strong>ux autres artic<strong>les</strong>, il décrit<br />
<strong>les</strong> dégâts irréparab<strong>les</strong> que le régime communiste a causé parmi <strong>les</strong> Roumains.<br />
a parcouru <strong>les</strong> montagnes pour i<strong>de</strong>ntifier <strong>les</strong> partisans fusillés<br />
sans procès, au début <strong>de</strong>s années 1950. "Parmi eux, il y avait<br />
beaucoup <strong>de</strong> paysans qui refusaient <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r leurs terres aux<br />
kolkhozes". Faisant autorité dans son domaine, l'historien ne<br />
baisse jamais <strong>les</strong> bras mais reconnaît: "Le communisme n'a pas<br />
disparu, il a été privatisé. Les enfants, <strong>les</strong> fil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> neveux <strong>de</strong>s<br />
officiers sont au sommet <strong>de</strong>s administrations, <strong>de</strong>s entreprises.<br />
C'est un système difficile à quantifier, du genre mafieux."<br />
"Le passé n'est pas notre souci"<br />
Cette vision pessimiste <strong>de</strong> la transition est largement partagée.<br />
Un <strong>de</strong>s personnages <strong>les</strong> plus controversés actuellement,<br />
à la lisière <strong>de</strong>s affaires et <strong>de</strong> la politique qu'il sait habilement<br />
mêlées, est Dan Voïcu<strong>les</strong>cu.<br />
Propriétaire <strong>de</strong> plusieurs chaînes <strong>de</strong> télévision, homme<br />
très riche et influent, il a créé un parti à son usage, le Parti<br />
Conservateur qui lui offre comme première facilité <strong>de</strong> bénéficier<br />
<strong>de</strong> l'immunité parlementaire.<br />
Voicu<strong>les</strong>cu a fait l'objet d'une enquête du<br />
CNSAS (Conseil National pour l'Etu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s Archives <strong>de</strong> la Securitate), qui a<br />
démontré ses liens avec la police politique<br />
ou son nom <strong>de</strong> co<strong>de</strong> était "Felix".<br />
Le milliardaire a contesté la légitimité du<br />
conseil <strong>de</strong>vant la justice, faisant même<br />
vaciller l'existence <strong>de</strong> l'institution, grâce<br />
aux complicités qu'il entretient au<br />
Parlement.<br />
Au cours <strong>de</strong> son enquête à Bucarest,<br />
l'envoyé spécial du Mon<strong>de</strong> à chercher à<br />
le rencontrer. Dans un langage qui n'a<br />
plus rien à envier à celui <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong><br />
communication <strong>de</strong>s multinationa<strong>les</strong>, l'attaché<br />
<strong>de</strong> presse <strong>de</strong> celui qui était déjà nomenklaturiste sous<br />
Ceausescu été clair. "Le sujet ne nous intéresse pas, il ne correspond<br />
pas à notre stratégie. Le passé n'est pas notre souci ".<br />
Le retard énorme et le manque <strong>de</strong> volonté dans l'ouverture<br />
<strong>de</strong>s archives <strong>de</strong> la Securitate expliquent la continuité du personnel<br />
au pouvoir, après la révolution <strong>de</strong> 1989. Depuis vingt<br />
ans, <strong>les</strong> élites ont su se protéger. Leur alliée a été la justice, faible<br />
et souvent corrompue. Ceux qui étaient compromis ont<br />
contesté <strong>les</strong> résultats <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> tribunaux, tout en continuant à<br />
exercer leurs fonctions. Les très rares procès peuvent durer <strong>de</strong>s<br />
années. D'où une frustration générale <strong>de</strong>s enquêteurs du<br />
CNSAS, mais aussi du grand public, éprouvé par la ru<strong>de</strong>sse <strong>de</strong><br />
la transition, qui gron<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant l'impunité <strong>de</strong>s puissants.<br />
Piotr Smolar (Le Mon<strong>de</strong>)<br />
Aujourd'hui magnat <strong>de</strong> la presse<br />
et milliardaire, Dan Voicu<strong>les</strong>cu,<br />
alias "Felix", laissait traîner autrefois<br />
ses oreil<strong>les</strong> au service <strong>de</strong> la Securitate.<br />
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