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Édition 2010-03-01 (PDF document) - les nouvelles de roumanie

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Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />

20<br />

<br />

ORADEA<br />

ARAD<br />

SATU MARE<br />

TARGU<br />

MURES<br />

<br />

<br />

SUCEAVA<br />

IASI<br />

BACAU<br />

<br />

VASLUI<br />

<br />

TIMISOARA<br />

<br />

BRAILA<br />

BRASOV<br />

TULCEA<br />

<br />

PITESTI TARGOVISTE<br />

<br />

CRAIOVA<br />

<br />

<br />

BUCAREST<br />

<br />

GIURGIU CONSTANTA<br />

<br />

Entre 280 000<br />

et 380 000 victimes<br />

roumaines <strong>de</strong> la Shoah<br />

Sur le nombre <strong>de</strong>s victimes <strong>de</strong> la<br />

Shoah en Roumanie, <strong>les</strong> estimations<br />

<strong>de</strong>s historiens varient aujourd'hui<br />

entre 280 000 et 380 000 morts,<br />

sans compter <strong>les</strong> quelques 25 000<br />

Tsiganes déportés et massacrés en<br />

Transnistrie par <strong>les</strong> troupes roumaines.<br />

Ces chiffres n'incluent pas <strong>les</strong><br />

130 000 Juifs <strong>de</strong> Transylvanie du<br />

nord (Maramures, etc.), une province<br />

placée alors sous administration <strong>de</strong>s<br />

Hongrois qui <strong>les</strong> déporteront vers <strong>les</strong><br />

camps <strong>de</strong> la mort, dont il ne réchapperont<br />

pas non plus.<br />

Le terrible livre-témoignage et<br />

<strong>document</strong>aire Cartea neagra <strong>de</strong><br />

Matatias Carp (édition française<br />

parue chez Denoël, 2009) rend<br />

compte <strong>de</strong> l'effroyable pogrom <strong>de</strong><br />

Bucarest, en janvier 1941, nuit <strong>de</strong><br />

cristal à la roumaine, mais aussi <strong>de</strong><br />

l'extermination sauvage <strong>de</strong>s juifs <strong>de</strong><br />

Roumanie et d'Ukraine sous la<br />

conduite <strong>de</strong> la gendarmerie et l'armée<br />

roumaine.<br />

Au fil du récit, on découvre un<br />

véritable enfer, marqué par la diversité<br />

insoupçonnée <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

tuerie : pogroms sanglants dont celui<br />

<strong>de</strong> Iasi (13 323 morts recensés),<br />

O<strong>de</strong>ssa (25 000 morts) région <strong>de</strong><br />

Golta (entre 75 000 et 80 000 morts),<br />

Berezovka (plus <strong>de</strong> 30 000 morts)<br />

exécutions sommaires massives en<br />

bordures <strong>de</strong>s routes et <strong>de</strong>s villages,<br />

Juifs brûlés vifs dans d'immenses<br />

porcheries, enfants jetés vivants<br />

dans <strong>de</strong>s puits, marches <strong>de</strong> la mort<br />

dantesques, abattage et vente <strong>de</strong>s<br />

déportés aux paysans <strong>les</strong> plus<br />

offrants…<br />

(suite page 22)<br />

Evénements<br />

Société<br />

L'Etat roumain condamné<br />

pour sa participation à l'Holocauste<br />

Deux frères juifs roumains déportés <strong>de</strong> 1941 à 1945 par le régime<br />

d'Antonescu ont obtenu la condamnation <strong>de</strong> l'Etat roumain pour "<strong>les</strong> souffrances<br />

et <strong>les</strong> abus" commis alors. Une première.<br />

L'affaire Abraham pourrait bien faire jurispru<strong>de</strong>nce et changer en profon<strong>de</strong>ur<br />

le rapport <strong>de</strong> la Roumanie à son passé lors <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale<br />

et notamment son rôle dans l'Holocauste. A l'époque, le régime fasciste <strong>de</strong>s<br />

légionnaires et du Maréchal Antonescu pratiquait une politique violemment antisémite<br />

et a déporté dans <strong>de</strong>s conditions atroces près <strong>de</strong> 195 000 juifs roumains, originaires<br />

<strong>de</strong> Bessarabie et Bucovine, dans <strong>de</strong>s camps <strong>de</strong> concentration en Transnistrie, région<br />

autonomiste aujourd'hui située en république <strong>de</strong> Moldavie. La quasi-totalité n'en<br />

reviendront pas.<br />

Parmi ces juifs, <strong>de</strong>ux frères, Devy et Sami Abraham. Ils ont obtenu <strong>de</strong>s dommages<br />

et intérêts pour <strong>les</strong> "abus" commis par le régime du Maréchal Antonescu. Le tribunal<br />

<strong>de</strong> Galati a condamné l'Etat<br />

roumain à leur verser 360 000 lei, soit<br />

180 000 € chacun. Le verdict a été<br />

prononcé en juin <strong>de</strong>rnier, mais <strong>les</strong><br />

<strong>de</strong>ux frères n'ont toujours rien perçu.<br />

L'Etat roumain condamné pour sa<br />

participation à l'Holocauste. Devy<br />

Abraham avait 8 ans en 1941 lorsqu'il<br />

a été déporté avec son frère et ses<br />

parents, après que son père, Isac, ait<br />

été arrêté à Galati. Dans une interview<br />

accordée la semaine <strong>de</strong>rnière au jour-<br />

nal Evenimentul Zilei, il raconte ce voyage vers <strong>les</strong> camps, le bateau jusqu'à l'Ukraine,<br />

<strong>les</strong> trains jusqu'à Chisinau, où ils rejoignent <strong>les</strong> dizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> juifs déportés<br />

et <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s numéros parmi d'autres. "Nous avons marché <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> kilomètres.<br />

On s'est arrêté après neuf mois seulement, pas loin <strong>de</strong> Bug, dans le camp <strong>de</strong><br />

Halcinet", se souvient Devy Abraham. Il restera jusqu'en 1945 dans ce camp <strong>de</strong><br />

concentration, où le travail forcé, la famine et la violence étaient la règle.<br />

En 2005, Devy et son frère ont décidé <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r officiellement la condamnation<br />

<strong>de</strong>s responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> leurs souffrances. Après quatre longues années <strong>de</strong> procédure,<br />

ils viennent d'obtenir gain <strong>de</strong> cause et sont <strong>les</strong> premiers juifs à obtenir ainsi <strong>de</strong>s réparations<br />

financières et la condamnation <strong>de</strong>s actions du Maréchal Antonescu et du régime<br />

légionnaire.<br />

Cent lei par an pour <strong>les</strong> survivants<br />

Les déportations vers <strong>les</strong> camps <strong>de</strong> Transnistrie<br />

n'avaient rien à envier à cel<strong>les</strong> vers Auschwitz.<br />

Une première qui pourrait obliger la Roumanie à regar<strong>de</strong>r enfin en face cette<br />

pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> son histoire et prendre <strong>de</strong>s mesures, voire une loi spécifiquement dédiée<br />

aux victimes <strong>de</strong> l'Holocauste. "Cette sentence <strong>de</strong>vrait donner l'impulsion au législateur<br />

pour évaluer et réfléchir à <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> réparation d'ordre général", explique<br />

Mihai Ionescu, le directeur <strong>de</strong> l'Institut pour l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Holocauste en Roumanie. Car<br />

jusqu'à présent, <strong>les</strong> survivants <strong>de</strong> l'Holocauste en Roumanie - qui sont encore plus <strong>de</strong><br />

300 aujourd'hui - reçoivent l'équivalent <strong>de</strong> 100 lei par année <strong>de</strong> déportation et par mois.<br />

Cette décision <strong>de</strong> justice risque en tout cas <strong>de</strong> pousser <strong>les</strong> autres survivants <strong>de</strong>s camps<br />

<strong>de</strong> Transnistrie à entamer à leur tour <strong>de</strong>s actions judiciaires. "La décision est plus que<br />

justifiée et il est très probable qu'elle va déterminer <strong>de</strong> nombreuses autres personnes<br />

à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s dommages et intérêts <strong>de</strong>vant <strong>les</strong> tribunaux", explique Liviu Beris, luimême<br />

survivant du camp <strong>de</strong> Moghilev et prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'association <strong>de</strong>s juifs roumains<br />

victimes <strong>de</strong> l'Holocauste.<br />

Marion Guyonvarch (www.lepetitjournal.com / Bucarest)<br />

Les NOUVELLES <strong>de</strong> ROUMANIE<br />

Evénements<br />

Le drame <strong>de</strong> Rodica Marta et <strong>de</strong> sa mère a commencé<br />

en 1952 quand Alexandru Birkle, réfugié à<br />

Washington, a révélé dans une interview, pour la<br />

première fois à la face du mon<strong>de</strong>, que <strong>les</strong> Soviétiques étaient<br />

<strong>les</strong> auteurs du massacre <strong>de</strong> Katyn. Jusque là, Moscou et ses<br />

relais dans <strong>les</strong> pays occi<strong>de</strong>ntaux tentaient d'accréditer la thèse<br />

selon laquelle la responsabilité en revenait à Hitler.<br />

Mé<strong>de</strong>cin légiste, parlant parfaitement l'allemand et le<br />

polonais, la langue <strong>de</strong> ses parents, Alexandru Birkle avait été<br />

désigné par le maréchal Antonescu pour faire partie <strong>de</strong> la commission<br />

d'enquête internationale sur le massacre, comprenant<br />

<strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> la Belgique, Hollan<strong>de</strong>, Italie, Suisse,<br />

Bohême, Moravie, Bulgarie, Croatie, Danemark, Finlan<strong>de</strong>,<br />

Slovaquie et Hongrie, tous pays (sauf la Suisse) sous la botte<br />

<strong>de</strong> Hitler, ce qui, évi<strong>de</strong>mment, à l'époque, entachait leur crédibilité.<br />

La commission s'était vite fait une religion sur le commanditaire<br />

<strong>de</strong> la tuerie, i<strong>de</strong>ntifiant la main <strong>de</strong> Staline (ce que<br />

Moscou a reconnu en 1990), et rendait son rapport en 1943.<br />

"Coïnci<strong>de</strong>nce malheureuse", la quasi-totalité <strong>de</strong> ses membres<br />

disparaissait opportunément peu après sa publication<br />

dans un acci<strong>de</strong>nt d'avion en Norvège. La commission ne comprenait<br />

plus que <strong>de</strong>ux survivants : Alexandru Birkle et son ami<br />

François Neuville, représentant <strong>de</strong> la Suisse et membre <strong>de</strong> la<br />

Croix Rouge Internationale, qui<br />

avaient pris un autre avion.<br />

A cette époque, Rodica<br />

Marta était étudiante en 3ème<br />

année <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine à Bucarest.<br />

Elle se montrait très fière <strong>de</strong> la<br />

Rodica Marta <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

3 millions d'euros <strong>de</strong><br />

dédommagement pour<br />

<strong>les</strong> souffrances endurées.<br />

Un beau matin, quelques jours<br />

après la fuite <strong>de</strong> mon père, la<br />

Securitate a débarqué à la<br />

maison, hurlant, nous brutalisant, ma<br />

mère et moi, mettant tout sans <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>ssous,<br />

pour finalement nous menotter et<br />

nous embarquer dans leur voiture" se<br />

souvient Rodica Marta, la fille<br />

d'Alexandru Birkle. A l'époque, en 1952,<br />

elle avait 24 ans, terminait ses étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

mé<strong>de</strong>cine, se <strong>de</strong>stinant à être pédiatre et<br />

Société<br />

Un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> Bucarest avait établi et révélé la culpabilité <strong>de</strong>s<br />

Soviétiques dans le massacre <strong>de</strong>s 14 000 officiers polonais à Katyn<br />

Alexandru Birkle : la traque du <strong>de</strong>rnier témoin<br />

En 1942, une commission internationale partait enquêter sur le massacre <strong>de</strong> Katyn, perpétré par l'armée soviétique.<br />

Deux ans plus tôt, 14 000 officiers polonais y avaient été exécutés dans une forêt proche <strong>de</strong> Smolensk (aujourd'hui en<br />

Biélorussie), sur l'ordre <strong>de</strong> Staline qui voulait éliminer l'intelligentsia polonaise, prévoyant d'installer un régime à sa dévotion<br />

à Varsovie plus tard. Un mé<strong>de</strong>cin roumain, Alexandru Birkle, en faisait partie. Menacé après la guerre par <strong>les</strong> autorités<br />

communistes roumaines qui voulaient le faire taire, il s'enfuira, mais son épouse et sa fille, restées sur place, seront persécutées<br />

et emprisonnées. Aujourd'hui, cette <strong>de</strong>rnière, Rodica Marta, 83 ans, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> trois millions d'euros <strong>de</strong> réparation<br />

à l'Etat roumain.<br />

mission <strong>de</strong> son père dont un compte-rendu avait paru dans <strong>les</strong><br />

journaux roumains <strong>de</strong> l'époque. Les choses se gâtèrent après<br />

l'entrée <strong>de</strong> l'Armée Rouge dans la capitale roumaine, en septembre<br />

1944. Les Soviétiques se mirent alors en chasse <strong>de</strong> l'un<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers témoins <strong>de</strong> leur forfait. Alexandru Birkle<br />

avait réussi à se cacher chez <strong>de</strong>s amis, mais sa femme et sa<br />

fille furent arrêtées et interrogées pendant trois semaines.<br />

S'enfuyant en Suisse<br />

avait une petite fille <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans.<br />

Condamnée sans aucune preuve, <strong>les</strong><br />

<strong>de</strong>ux femmes effectueront <strong>de</strong>ux ans, <strong>de</strong>ux<br />

mois et huit jours <strong>de</strong> détention, humiliées,<br />

violentées, mourrant parfois <strong>de</strong> faim,<br />

baladées <strong>de</strong> prison en prison ou en camps<br />

<strong>de</strong> travail: Ghencea, Târgsor, Bragadiru,<br />

Domnesti, Milsea, Jilava. A Milsea, el<strong>les</strong><br />

seront emprisonnées avec <strong>les</strong> femmes <strong>de</strong><br />

dignitaires ou <strong>de</strong> membres <strong>de</strong> l'élite <strong>de</strong><br />

l'ancien régime: <strong>les</strong> épouses <strong>de</strong> l'historien<br />

George Bratianu, du maréchal Antonescu<br />

qui avait été fusillé en juin 1946, <strong>de</strong><br />

Codreanu, le lea<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s Légionnaires, <strong>de</strong><br />

Grâce à un faux passeport, Alexandru Birkle réussit à fuir<br />

en Suisse pour y rejoindre François Neuville qui lui fournit <strong>de</strong><br />

l'argent, l'hébergea et l'aida à passer en Argentine d'où, en<br />

1952, il gagnera <strong>les</strong> USA. A Washington, il sera auditionné par<br />

la Commission du Congrès américain qui conclura à la culpabilité<br />

<strong>de</strong>s Soviétiques, <strong>de</strong>mandant que <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> soient<br />

traduits <strong>de</strong>vant la Cour Internationale <strong>de</strong> Justice.<br />

N'ayant pu vali<strong>de</strong>r ses étu<strong>de</strong>s par un diplôme à Bucarest,<br />

Alexandru Birkle ne pourra pas exercer la mé<strong>de</strong>cine aux USA<br />

et vivra d'expédients, faisant du commerce, jusqu'à sa mort en<br />

en 1987, sans jamais avoir revu ni sa famille, retenue en<br />

Roumanie, ni sa patrie.<br />

Après plus d'un <strong>de</strong>mi-siècle et l'entrée en vigueur récente<br />

<strong>de</strong> la loi accordant <strong>de</strong>s in<strong>de</strong>mnités compensatoires aux personnes<br />

victimes <strong>de</strong> condamnations à caractère politique, sa fille<br />

réclame aujourd'hui 3 millions d'euros <strong>de</strong> réparation à l'Etat<br />

roumain. A la suite <strong>de</strong>s révélations <strong>de</strong> son père, en 1952, elle<br />

et sa mère avaient été emprisonnées et brutalisées pendant<br />

<strong>de</strong>ux ans, <strong>de</strong>ux mois et huit jours.<br />

“Un beau matin, la Securitate a débarqué à la maison”<br />

différents ministres ou autres personnalités.<br />

"La seule chose que j'ai apprise en<br />

prison, c'est à voler en utilisant mes longues<br />

mains" se souvient Rodica Marta,<br />

blaguant à moitié, rajoutant tout <strong>de</strong> suite<br />

"mais je n'ai expérimenté cette technique<br />

qu'une fois… pour subtiliser <strong>de</strong>s <strong>document</strong>s<br />

au procureur qui m'interrogeait".<br />

L'unique bon souvenir qui lui reste,<br />

c'est quant un gardien est venu et lui à<br />

lancé "Allez docteur, fais tes bagages,<br />

<strong>de</strong>main tu vas revoir ta petiote". Elle n'en<br />

avait aucune nouvelle <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux ans.<br />

21

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