Régionales 2010 - Le Travailleur Catalan
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N°3350 - Semaine du 29 janvier au 4 février <strong>2010</strong><br />
<strong>Le</strong> projet du «Centre<br />
de la présence<br />
française en<br />
Algérie», porté<br />
conjointement par la<br />
mairie de Perpignan<br />
et le Cercle<br />
algérianiste, refait<br />
surface.<br />
Dans le cadre du<br />
festival «Maghreb,<br />
si loin, si proche»,<br />
l’auteur francoalgérien<br />
Bachir<br />
Hadjadj est venu<br />
débattre de son livre<br />
«<strong>Le</strong>s voleurs de<br />
rêves» au cinéma<br />
Jaurès d’Argelès.<br />
actus 13<br />
Colonialisme. « <strong>Le</strong> ventre est encore fécond,<br />
d'où a surgi la bête immonde »<br />
<strong>Le</strong>s dernières élections municipales à<br />
Perpignan avaient mis au second plan le<br />
combat engagé, depuis plusieurs années,<br />
par les organisations anticolonialistes du<br />
département contre le projet de «Centre de<br />
la présence française en Algérie».<br />
Ce projet, Jean-Marc Pujol l’avait fait sien il<br />
y a dix ans. Il avait été officialisé, de même<br />
que le partenariat entre la mairie de<br />
Perpignan et le Cercle algérianiste, par une<br />
délibération municipale datant de juillet<br />
2007. Jean-Marc Pujol devenu maire, ce<br />
projet refait surface. Il figure à l’identique<br />
sur le site internet du Cercle algérianiste,<br />
association pied-noir affichant clairement<br />
sa nostalgie de l’Algérie française, et reste<br />
dans la logique d’un espace municipal destiné<br />
à glorifier la colonisation française.<br />
Comme prévu initialement, sa conception<br />
<strong>Le</strong> livre* de Bachir Hadjadj porte comme sous-titre «Cent cinquante<br />
ans d’histoire d’une famille algérienne». Il raconte l’histoire<br />
de quelques personnages emblématiques du clan des Mérachdas,<br />
duquel l’auteur est issu. Ils se succèdent, de l’époque ottomane<br />
jusqu’en 1962, en passant par la guerre de conquête par l’armée<br />
française, de 1830 à 1870, suivie de la longue et terrible époque<br />
de la colonisation, jusqu’en 1954, et, enfin, la guerre d’Algérie,<br />
l’indépendance en 1962 et l’exil de l’auteur en 1972.<br />
Ce livre se lit d’un trait tant ses qualités d’écriture sont indéniables,<br />
ce qui n’est pas rien lorsque l’on s’engage dans la lecture d’un<br />
ouvrage de 450 pages. Mais, ici, nous nous intéressons au regard<br />
que l’auteur porte sur deux cents ans d’histoire de son pays, à travers<br />
les parcours de vie de membres de sa famille -dont le sien.<br />
Disons d’emblée que son témoignage est une contribution décisive<br />
pour qui s’insurge contre la prétention des «nostalgéristes» de ne<br />
retenir que la version frauduleuse des bienfaits «de la présence<br />
française en Algérie».<br />
C’est contre cette pseudo-histoire<br />
que son livre s’inscrit, de façon magistrale<br />
Il y a consacré cinq ans de sa vie, afin de reconstituer le plus rigoureusement<br />
possible des événements qui ont marqué l’histoire de<br />
l’Algérie. Il lui aura fallu consulter des archives, des ouvrages historiques<br />
et enquêter auprès des membres ou des proches de sa<br />
famille. C’est la confrontation entre la mémoire recueillie et l’investigation<br />
historique qui fait toute la richesse du livre.<br />
L’auteur raconte que son arrière-grand-père, né en 1843 et qu’il avait<br />
eu la chance de connaître de son vivant, ne lui avait jamais parlé de<br />
la guerre de conquête: «L’humiliation de cette guerre avait été telle<br />
que mon arrière-grand-père ne pouvait pas en parler.» C’est, pour lui,<br />
une révélation. Pour comprendre ce silence, il lit les témoignages des<br />
officiers français, tel celui du maréchal de Saint-Arnaud, qui écrivait<br />
«Je pille, je brûle, je dévaste, je coupe les arbres, je détruis les récoltes,<br />
le pays est entouré d’un horizon de flammes. Plus j’avance et plus<br />
je me dégoûte de cette guerre que j’ai faite si longtemps.»<br />
Bachir Hadjadj considère qu'«il faut revisiter l’histoire, car ces carnages<br />
n’ont jamais été dits dans les livres d’histoire de la République.»<br />
En 1870, après quarante ans de «dévastations systématiques et<br />
périodiques», l’Algérie est totalement soumise et, à ce point de son<br />
témoignage, Bachir Hadjadj tient à énoncer «une position politique:<br />
en 1870, la France avait le choix soit de faire des Algériens des<br />
et sa gestion seront confiées au seul Cercle<br />
algérianiste. Et, même si ce dernier s’abrite<br />
derrière une hypothétique «commission<br />
historique», on ne manquera de rappeler le<br />
mépris qu’il a toujours affiché à l’égard des<br />
historiens spécialistes de l’histoire francoalgérienne.<br />
Dès 2006, les organisations anticolonialistes,<br />
opposées à ce projet, s’étaient prononcées<br />
«pour un authentique centre de ressources<br />
et de documentation sur l’histoire<br />
franco-algérienne de 1830 à 1962», en<br />
prenant pour référence les travaux de onze<br />
chercheurs, spécialistes reconnus de l’histoire<br />
de l’Algérie, dont la synthèse avait fait<br />
l’objet d’une publication au titre plus<br />
qu’éloquent: «Montrer l’Algérie au public.<br />
Pour en finir avec les guerres de mémoires<br />
algériennes»*. Ce collectif d’organisations,<br />
un temps mis en sourdine, ne devrait pas<br />
tarder à refaire parler de lui.<br />
Roger Hillel<br />
*Ce rapport<br />
figure en bonne<br />
place dans le livre<br />
d’Éric Savarèse,<br />
maître de conférence<br />
à l’université<br />
de Perpignan<br />
Via Domitia:<br />
«Algérie, la<br />
guerre des<br />
mémoires»<br />
(Paris, Non Lieu,<br />
mars 2007).<br />
Bachir Hadjadj. « Si on dit ces choses-là,<br />
alors tout s’éclaircit »<br />
citoyens français, électeurs et éligibles, soit de les maintenir en sujétion,<br />
et c’est ce qui s’est passé, avec les confiscations des terres, le<br />
Code de l’indigénat, puis les structures administratives et politiques,<br />
qui faisaient des Arabes des citoyens de seconde zone.»<br />
Autant de choses qui se perpétuèrent jusqu’à l’insurrection armée<br />
des nationalistes algériens, en 1954. Bachir Hadjadj raconte alors<br />
des pans de son histoire personnelle qui témoignent qu’en toute<br />
chose il y avait une frontière, souvent étanche, entre les Européens<br />
et les Algériens, qu’ils soient désignés sous les termes d’indigènes ou<br />
de Français musulmans. En 1956, il est contraint de faire son service<br />
militaire et doit passer quelques mois en Algérie sous l’uniforme de<br />
l’armée française: «L’horreur de l’horreur». Libéré, il vient à Grenoble<br />
pour poursuivre des études, mais décide de rejoindre l’ALN (Armée<br />
de libération nationale). En 1962, il rentre en Algérie, adhère au Parti<br />
communiste algérien, parce qu’il considérait que «le FLN était un<br />
parti nationaliste et intolérant.» Il est persécuté, recherché et, en<br />
1972, il quitte son pays pour la France.<br />
Son témoignage s’achève sur les considérations suivantes: «La colonisation<br />
a toujours porté un regard négatif sur l’Arabe et cela continue<br />
dans la France d’aujourd’hui. Il en est ainsi parce qu’on n’a pas<br />
expliqué aux jeunes Français ce dont je viens de témoigner. Je crois<br />
que, si on dit ces choses-là, tout s’éclaircit.»<br />
R.H.<br />
*«<strong>Le</strong>s voleurs de rêves», préfacé par Jean Lacouture, Albin Michel, 2007<br />
<strong>Le</strong> témoignage de Bachir Hadjadj est une contribution décisive pour qui s’insurge<br />
contre la prétention des «nostalgéristes» de ne retenir que la version frauduleuse<br />
des bienfaits «de la présence française en Algérie.