Régionales 2010 - Le Travailleur Catalan
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12 actus<br />
N°3350 - Semaine du 29 janvier au 4 février <strong>2010</strong><br />
<strong>Le</strong>s colères d’Hypnos<br />
Drone de guerre<br />
Devant un tel exploit technologique, un tel<br />
progrès scientifique, on comprend l’émotion<br />
jaillissant de la voix du journaliste de télévision.<br />
On se prend même à l’envier, ce grand<br />
privilégié qui a eu la chance d’accéder au site<br />
ultra-secret de l’armée américaine à partir<br />
duquel la performance se réalise.<br />
Aux USA, il est huit heures du matin. L’heure à<br />
laquelle, comme un peu partout dans le<br />
monde, les usines ouvrent leurs portes, les<br />
employés franchissent la porte des bureaux, et<br />
aussi l’heure à laquelle ces quelques militaires<br />
américains vont nous faire basculer dans la<br />
troisième dimension. En direct.<br />
La salle est sombre. Comme tous les centres<br />
névralgiques, où seule la force des armes a le<br />
pouvoir de décider du sort du monde. Partout,<br />
des ordinateurs, des écrans de contrôle, des<br />
images satellite. Et, posées devant chaque<br />
homme en uniforme, une télécommande,<br />
pareille à celle d’un jeu vidéo.<br />
<strong>Le</strong> journaliste n’en peut plus de retenir son<br />
souffle et de tenir sa langue. Enfin, nous y<br />
sommes. Là, devant cet écran sur lequel apparaissent<br />
les images d’un centre-ville à moitié<br />
dévasté, situé à l’autre bout de la terre. Chez<br />
ces salopards d’Irakiens.<br />
En plein milieu de l’écran, deux hommes<br />
cagoulés, un lance-roquettes sur l’épaule, courent<br />
à toutes enjambées. L’officier américain,<br />
responsable du centre ultra-secret, jubile.<br />
- Ce sont deux insurgés qui ont tenté de viser<br />
nos chars…<br />
Bref silence. Sourire prometteur sur les lèvres<br />
du gradé.<br />
-On va les descendre!<br />
Petite tape complice sur l’épaule de l’opérateur<br />
qui, par satellite, piste les deux fuyards.<br />
- Go!<br />
De la main droite, une pression sur la télécommande.<br />
<strong>Le</strong> drone américain a déjà quitté sa<br />
rampe de lancement. <strong>Le</strong> jeu vidéo a commencé.<br />
Devant son écran, le type attend le<br />
résultat avec impatience. Il n’aura pas longtemps<br />
à attendre.<br />
Quelques secondes plus tard, sur l’écran, une<br />
épaisse colonne de fumée. On distingue à<br />
peine les deux corps plaqués sur le sol poussiéreux<br />
de ce quartier populaire de Bagdad. Deux<br />
corps immobiles. À jamais immobiles.<br />
Dans l’obscurité de ce QG basé quelque part<br />
au Texas, un tonnerre d’applaudissements et,<br />
aussi, quelques rires. Celui, notamment, du<br />
type à la télécommande.<br />
C’est que son compteur est ouvert et, si la<br />
journée continue de la sorte, il battra peut-être<br />
son record. Comme la veille au soir, avec son<br />
fiston, devant la console de jeux vidéo installée<br />
dans le salon familial.<br />
Alors, sur le canapé, assis entre sa femme et<br />
son chien, il racontera ses exploits de la journée.<br />
<strong>Le</strong> résultat de sa «drone de guerre», qui,<br />
chaque jour, démarre à huit heures précises<br />
pour se terminer sur le coup des dix-sept heures.<br />
Puis, il lèvera son verre de bière à la santé<br />
de son père, qui l’a convaincu, un jour, d'entrer<br />
dans l’armée. Dommage qu’il ne soit plus là<br />
pour voir cela, le vieux. Lui qui n’a même pas<br />
eu le temps de connaître les jeux vidéo.<br />
Sarkoland.L’imbroglio Proglio<br />
La polémique sur le cumul des salaires et des<br />
fonctions de l’ancien président de Veolia et actuel<br />
PDG d’EDF, Henri Proglio, l’a obligé à céder.<br />
Quel est ce nouveau caillou dans la<br />
chaussure de Nicolas Sarkozy? Cette<br />
fois-ci, le cactus s’appelle Henri<br />
Proglio. L’ancien président de Veolia<br />
a été nommé en Conseil des ministres,<br />
en novembre, à la tête du<br />
groupe EDF. Il a alors posé ses conditions:<br />
il souhaitait conserver chez<br />
Veolia une fonction non exécutive, ce<br />
que le gouvernement lui a accordé.<br />
<strong>Le</strong> dirigeant a expliqué que le conflit<br />
d’intérêts n’existe pas, étant donné<br />
que les deux entreprises ne jouent<br />
pas sur le même terrain. Cependant,<br />
des bruits courent sur une éventuelle<br />
fusion EDF-Veolia. Un mariage<br />
public/privé serait, à l’évidence, un<br />
conflit d'intérêts qui ne dit pas son<br />
nom. Sans parler du don d’ubiquité<br />
qu’Henri Proglio va devoir développer<br />
pour remplir ses deux fonctions.<br />
<strong>Le</strong> PDG d’EDF souhaitait aussi garder<br />
le même «niveau de revenu» que<br />
chez Veolia, soit 1,6 million d’euros<br />
annuels. Là encore, le gouvernement<br />
accède à sa requête. Mais, le 19 janvier,<br />
Veolia annonce que son ancien<br />
patron touchera 450.000€ d’indemnités<br />
annuelles pour la charge de<br />
président du conseil d’administration<br />
qu’il occupe désormais. <strong>Le</strong>s rémunérations<br />
cumulées d’Henri Proglio<br />
atteindraient plus de 2 millions d’euros<br />
annuels. <strong>Le</strong> gouvernement, qui ne<br />
semble pas se rendre compte de l’indécence<br />
qu’une telle somme représente,<br />
met le prix pour conserver son<br />
dirigeant en or, comme n’importe<br />
quelle entreprise privée le ferait.<br />
Après tout, il ne s’agit que d’environ<br />
166 ans de Smic net…<br />
<strong>Le</strong> gouvernement<br />
doit reculer<br />
Néanmoins, le scandale gronde. <strong>Le</strong><br />
21 janvier, le président de la<br />
République prend peur. Après l’impopulaire<br />
affaire Jean Sarkozy, il ne<br />
peut plus se permettre d’erreurs, à<br />
quelques semaines des régionales.<br />
Proglio renonce à son double<br />
salaire, sans pour autant choisir<br />
l’un des deux postes. Ce cumul<br />
laisse un goût amer. À cela s’ajoute<br />
la «retraite chapeau» de 13 millions<br />
d’euros que Veolia a prévue<br />
pour son ancien PDG, malgré son<br />
départ -une broutille.<br />
La majorité juge l’affaire désormais<br />
«close», mais des voix s’élèvent<br />
pour réclamer le départ d’Henri<br />
Proglio de la direction de Veolia.<br />
<strong>Le</strong>s critiques sont si vives que le<br />
gouvernement doit à nouveau<br />
reculer. Lors de son intervention sur<br />
TF1, lundi 25 janvier, Nicolas<br />
Sarkozy a évoqué une «transition<br />
de quelques mois» après laquelle<br />
Henri Proglio se «consacrera à<br />
100% à ses fonctions à EDF».<br />
Reste à savoir si, à terme, cette<br />
annonce prendra effet.<br />
Ce scandale reflète le capitalisme à<br />
la française, dans lequel les patrons<br />
font partie d’un circuit fermé d’élites<br />
qui se cooptent entre elles et<br />
sont assez proches du pouvoir -du<br />
moins, juste ce qu’il faut- pour en<br />
tirer les avantages. Mais des questions<br />
émergent. Pourquoi Nicolas<br />
Sarkozy a-t-il validé ce cumul inacceptable<br />
des revenus et des fonctions,<br />
alors même que le gouvernement<br />
n’a de cesse de demander<br />
des efforts à la population? Pas sûr<br />
que cette affaire aide l’opinion à ne<br />
plus stigmatiser les revenus trop<br />
élevés des dirigeants. Enfin, on<br />
peut voir là une bonne occasion de<br />
réfléchir à un plafonnement des<br />
salaires. Mais une limitation peutelle<br />
être mise en place, alors qu’elle<br />
ne l’est pas pour les primes et<br />
bonus des traders?<br />
Sabrina Lang