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Piet•t•e DELATIRE<br />
28 Septembre 1919 - 2 Juin l!t40
PIERRE DELATTRE<br />
<strong>Pierre</strong> a été tué, Je 2 Juin Dunkerque, alors qu'il remplissait <strong>de</strong>puis 5 jours<br />
avec sa section une mission anti - chars. Telle est dans toute sa brièveté<br />
J'information que Je Général De/attre retransmettait le 2 juillet à ses autres enfants.<br />
Ce n'est que bien plus tard, en Juillet 1941, que <strong>de</strong>vaient être connues <strong>de</strong> sa<br />
<strong>famille</strong> les circonstances héroïques <strong>de</strong> la mort. <strong>de</strong> <strong>Pierre</strong> DELA TTRE grâce à un<br />
marinier Kléber PHILIPPE dont la péniche était en 1940 amarrée sur le canal <strong>de</strong><br />
Bourbourg à proximité <strong>de</strong> J'endroit où <strong>Pierre</strong> avait été tué.<br />
A J'occasion d'un passage à Lyon avec sa péniche, ce marinier est allé à<br />
Sainte Foy rendre visite le 23 Juillet 1941 au Général De/attre. Le len<strong>de</strong>main, les<br />
<strong>de</strong>ux frères <strong>de</strong> <strong>Pierre</strong> De/attre : Jean et Henri sont allés rendre visite sur sa péniche<br />
à Kléber PHILIPPE et chacun d'eux a rédigé ensuite un compte rendu <strong>de</strong> cet<br />
entretien ..<br />
Il m'a semblé intéressant <strong>de</strong> regrouper dans ce recueil un certain nombre <strong>de</strong><br />
documents relatant la fin héroïque <strong>de</strong> <strong>Pierre</strong> DELA TTRE. Dans une première partie<br />
que j'ai appelée "Témoignages" on trouvera les <strong>de</strong>ux compte-rendus évoqués plus<br />
haut ainsi que la lettre du Commandant <strong>de</strong> groupe du 35ème R.A. : Je capitaine<br />
Roussi/he que celu-ci a adressée au Général DE/attre le 5 Février 1943.<br />
Dans une <strong>de</strong>uxième partie, j'ai regroupé les divers écrits évoquant <strong>Pierre</strong><br />
De/attre. Ce sont successivement<br />
- l'article paru dans le W 7 <strong>de</strong> la Revue <strong>de</strong> l'Armée Française<br />
- la chronique parue en premièe page du FIGARO <strong>de</strong>s 13 et 14 Juin 1942<br />
sous le titre "Un héros"<br />
- le chapitre consacré à <strong>Pierre</strong> DELA TTRE par M. Antoine RED/ER dans son<br />
livre "Gestes Français" qu'il a publié en 1944 aux Editions Xavier Mappus au PUY<br />
- Un article paru le 30 Mai 1941 dans "Le Télégramme" journal<br />
d'informations régionales à Boulogne sur Mer.<br />
Il faut noter enfin que si la "Taupe" du Lycée du Parc porte <strong>de</strong>puis Octobre<br />
1940 le nom <strong>de</strong> <strong>Pierre</strong> De/attre, il a fallu, à <strong>de</strong>ux reprises redonner au Proviseur du<br />
Lycée <strong>de</strong>s documents rappelant qui était ce "<strong>Pierre</strong> De/attre"<br />
Une première fois, un certain nombre <strong>de</strong> documents ont été remis le 22<br />
Septembre 1979 à M. Maréchal Proviseur du Lycée par M. Alban <strong>de</strong> Montigny<br />
camara<strong>de</strong> <strong>de</strong> promotion <strong>de</strong> <strong>Pierre</strong>.<br />
Quelques années plus tard, j'ai rencontré par hasard Alban <strong>de</strong> Montigny que<br />
j'avais connu à Lyon dans les années 1950 et il m'a dit son souci <strong>de</strong> retrouver<br />
copie <strong>de</strong>sdits documents car, me disait-il; les élèves se <strong>de</strong>mandaient encore <strong>de</strong><br />
qui il s'agissait. Au moment où j'allais les lui envoyer, j'ai appris son décès (<br />
Octobre 1985), j'ai donc adressé l'ensemble au Proviseur qui m'a remercié. Qu'en<br />
est-il maintenant?<br />
Michel HERANDE
Décret N° 2. 122 du 12 Aout 1943 portant nomination<br />
dans l'Ordre <strong>de</strong> la Légion d'Honneur à titre posthume (Chevalier)<br />
J.O. du 18 Aout 1943 - page 2. 179<br />
DELA TTRE - <strong>Pierre</strong> Marle Jean - Sous - Lieutenant<br />
Commandant une section <strong>de</strong> 75 placée en antichars à COPPENHAXFORT,<br />
et attaqué par l'ennemi le 2 Juin 1940, a détruit plusieurs blindés allemands. Ayant perdu ses<br />
<strong>de</strong>ux chefs <strong>de</strong> pièce et plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong> son personnel,<br />
a pris la place du pointeur à J'une <strong>de</strong> ses pièces .<br />
A été mortellement blessé au cours <strong>de</strong> l'action.<br />
A été cité<br />
Tombe <strong>de</strong> <strong>Pierre</strong> DELA TTRE au cimetière militaire <strong>de</strong> ZUYDCOOTE<br />
JUIN 2000.
- Si vous allez là bas voyez DUFOUR <strong>de</strong> la ferme brûlée.<br />
-Cette ferme a été brûlée sur l'ardre du Comman<strong>de</strong>ment français,<br />
qui était infestée d'allemands.<br />
Il en pleuvait <strong>de</strong> taus les côtés, nous avons vécu huit jours<br />
couché au fond <strong>de</strong> la salle à manger <strong>de</strong> la péniche.<br />
- Nous avons <strong>de</strong>scendu le mat craignant que les avions ne le<br />
touchent.<br />
- Le mitraillage <strong>de</strong>s colonnes <strong>de</strong> réfugiés par ces avions au ros du<br />
sol était atroce à voir.<br />
- Ils passaient si bas que les hommes <strong>de</strong> votre frère tiraient au<br />
fusil <strong>de</strong>ssus.<br />
- Sur les péniches les allemands coupaient les mats et s'en servaient<br />
pour faire <strong>de</strong>s ponts <strong>de</strong> campagnes, ils criaient.<br />
L'impression qui se dégage <strong>de</strong> cette visite est que <strong>Pierre</strong> s'est<br />
battu <strong>de</strong> telle façon qu'il a forcé l'admiration <strong>de</strong> ces gens du Nord, et que<br />
ceux-ci ont senti le besoin <strong>de</strong> le faire savoir à sa <strong>famille</strong> •••••<br />
''Il était <strong>de</strong> ceux qui ne se ren<strong>de</strong>nt pas''<br />
3 .
La ligne françoise passait tout près <strong>de</strong> lui. Elle était constituée por<br />
l'ancien canal <strong>de</strong> MARDYCK, perpendiculaire ou canal <strong>de</strong> BOURBOURG, et<br />
les fronçais avaient fait sauter la route nationale <strong>de</strong> BOURBOURG à<br />
DUNKERQUE, ou passage <strong>de</strong> celle-ci sur le canal <strong>de</strong> MARDYCK. Deux canons<br />
<strong>de</strong> 75 prenaient la <strong>de</strong>struction sous leur feu, et <strong>Pierre</strong> DELATTRE com<br />
mandait la section. ''Il nous a dit, raconte le marinier, être ollé<br />
jusqu'en HOLLANDE, près <strong>de</strong> ROTTERDAM, puis être revenu <strong>de</strong> position <strong>de</strong><br />
batterie en po si ti on <strong>de</strong> batterie, sons avoir eu l'occasion <strong>de</strong> tirer un<br />
seul coup <strong>de</strong> conon ; et il a ajouté : ''Maintenant qu'il n'y a plus<br />
d'ordres, je ne me replierai plus".<br />
Au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux premiers jours <strong>de</strong> Juin, l'ennemi se présente : une <strong>de</strong>r<br />
pièces <strong>de</strong> 75 réduit en miettes une moto; puis une blindée essuie le feu;<br />
elle flambe toute la nuit.<br />
Mois <strong>de</strong>s clochers <strong>de</strong> SPYCKER et <strong>de</strong> BROUKERQUE, les allemands voient la<br />
position, et leur artillerie la bombar<strong>de</strong> : ''cela tombait comme <strong>de</strong> la<br />
pluie''. Le feu est si <strong>de</strong>nse que les mariniers ne peuvent tout suivre,<br />
et se réfugient ou fond <strong>de</strong> la cabine ; <strong>de</strong> temps en temps seulement ils<br />
peuvent risquer un coup d'oeil par le hublat.Deux servants sont tués ,<br />
une pièce est détruite. Des défections aussi sans doute, cor bientôt<br />
l'officier reste seul à sa pièce, sons un servant, sans un homme.<br />
"Nous l'avons vu, dans un moment d'accalmie, déplacer tout seul le canon<br />
qui lui restait, le mettre en batterie à l'abri d'un petit mur •••• A<br />
un autre moment, il jetait, pour ne pas les laisser prendre, <strong>de</strong>s obus <strong>de</strong><br />
le ccncl".<br />
Bientôt l'infanterie est là. Deux péniches leur servant <strong>de</strong> refuge.''Il ne<br />
met pas longtemps à les incendier et à les envoyer par le fond".<br />
Cependant, il restait toujours <strong>de</strong>bout près <strong>de</strong> sa piece, sa gran<strong>de</strong> sil<br />
houette se détachant nettement; il ne prenait même pas la peine <strong>de</strong> se<br />
baisser.<br />
Les fantassins allemands ovonçoient"comme <strong>de</strong>s lézards" • Et lui, tirait<br />
sur eux sons rel8che, débouchant à zéro, jusqu 'à ce qu'ils arrivent à<br />
moins <strong>de</strong> trente mètres.<br />
''Nous nous disions : il <strong>de</strong>vrait s'en aller, ajoute le marinier; à quoi<br />
cela sert-il ?'' Mois il continuait <strong>de</strong> tirer, tout seul. ''Il était <strong>de</strong><br />
ceux qui ne se ren<strong>de</strong>nt pas''.<br />
''A la fin, un allemond que j'ai vu opérer, a fait le tour <strong>de</strong> la pièce,<br />
s'est approché par <strong>de</strong>rrière et a <strong>de</strong>scendu l'officier d'une balle dans le<br />
tête ; c'était le 4 Juin, probablement un après-midi". . .. 1 ...<br />
2.
Cap Roussilhe<br />
EMA - 3ème bureau<br />
Hôtel <strong>de</strong>s Bains<br />
Mon Général<br />
Vichy 5 Février 1942<br />
Depuis Juin 1940, je n'ai pu m'acquitter vis à vis <strong>de</strong> vous d'une<br />
pieuse mission qui me tenait à coeur, faute d'avoir votre adresse.<br />
Ma récente affectation à l'Etat-Major <strong>de</strong> l'Armée a coïncidé avec<br />
l'envoi, par le Sous-Gouverneur <strong>de</strong> l'Ecole Polytechnique, <strong>de</strong>s<br />
renseignements que vous lui avez vous-même transmis, relativement à la fin<br />
héroïque <strong>de</strong> votre fils le sous-lieutenant <strong>Pierre</strong> <strong>Delattre</strong>.<br />
D'Avril à Juin 40, j'ai été le Commandant <strong>de</strong> groupe <strong>de</strong> votre<br />
enfant, mon Général, et j'ai infiniment souffert <strong>de</strong>puis sa mort <strong>de</strong> ne rien<br />
pouvoir vous faire savoir <strong>de</strong> sa vie militare et <strong>de</strong> sa mort loin <strong>de</strong> moi,<br />
doublement tragique dans son isolement.<br />
Cet enfant, magnifiquement homme, je l'ai accueilli dans mon<br />
groupe aux premiers jours d'Avril, comme un X <strong>de</strong> 33 ans peut accueilir un<br />
jeune conscrit. Dès cette première et juvénile prise <strong>de</strong> contact, il avait fait<br />
impression au groupe.<br />
Pendant 5 ans, j'ai formé avant guerre à Fontainebleau les jeunes<br />
artilleurs sortant <strong>de</strong> l'X. Jamais il ne me fut donné <strong>de</strong> rencontrer une âme <strong>de</strong><br />
cette trempe, une énergie souriante et grave d'une telle envergure. Et il fallait,<br />
croyez le bien mon Général, être d'une classe peu commune pour arriver,<br />
malgré les difficiles circonstatces matérielles où se trouvait son unité, à<br />
prendre le courant dans le temps record où votre fils l'a pris.<br />
Je le revois, avec ce souci du détail et cette conscience totale qui le<br />
caractérisaient, présidant vers la mi-Avril au chargement <strong>de</strong> ses voitures lors<br />
<strong>de</strong>s préparatifs d'embarquement. Ce n'était plus un élève, ce n'était plus un<br />
"bleu", c'était un vrai chef et l'attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses hommes, mieux que toute autre<br />
chose, le prouvait. E ce fut en tout, partout, avant le 10 Mai comme durant la<br />
pénible et douloureuse campagne, le même souci du <strong>de</strong>voir bien fait,<br />
posément, sans compter, sans jamais faiblir.
Lorsqu'il fallut, le 27 Mai, laisser à l'Infanterie qui n'avait plus <strong>de</strong><br />
canons <strong>de</strong> 25, <strong>de</strong> quoi parer à une attaque <strong>de</strong> chars, c'est la section <strong>Delattre</strong><br />
qui fut chargée <strong>de</strong> la Mission. En le quittant, je vis dans ses yeux la fierté<br />
d'avoir été choisi. Personnellement, je ne <strong>de</strong>vais pas le revoir ........ .<br />
Si mes <strong>souvenirs</strong> sont exacts (car je n'ai plus d'archives, ayant<br />
franchi la Manche par moyen <strong>de</strong> fortune le 4 Juin ) la <strong>de</strong>rnière liaison entre le<br />
groupe et votre fils est du 30 ou 31 Mai. Au cours d'une relève bousculée,<br />
l'infanterie à laquelle il était totalement rattaché a changé d'emplacement et<br />
<strong>Delattre</strong> n'a pas suivi. Saurai-je jamais pourquoi?<br />
Dans l'effarant chassé croisé <strong>de</strong>s 1er et 2 Juin, coupé d'infiltrations<br />
<strong>de</strong> patrouilles ennemies, <strong>de</strong>ux officiers et mon agent <strong>de</strong> liaison motocycliste<br />
qui l'ont successivement cherché n'ont pu le joindre. Je suppose que, après<br />
avoir pris position assez loin <strong>de</strong>s routes et canaux, il a rallié le 2 Juin les rives<br />
du canal <strong>de</strong> Bourbourg à 5 ou 6 km d'où je l'avais laissé.<br />
C'est là que s'est joué le drame où <strong>Pierre</strong> <strong>Delattre</strong> est mort en<br />
héros, et sur lequel le témoignage du marinier Philipe jette une douloureuse<br />
et infiniment émouvante lumière ...<br />
Dieu n'a pu manquer d'accueillir cette âme d'élite au Paradis <strong>de</strong>s<br />
héros les plus purs et <strong>de</strong>s martyrs les plus nobles.<br />
La Croix <strong>de</strong> la Légion d'Honneur que j'ai déjà <strong>de</strong>mandée <strong>de</strong>ux fois<br />
pour lui, ne lui a pas encore été décernée à titre posthume par suite <strong>de</strong> la<br />
carence- je pèse ce que j'écris- <strong>de</strong> notre ex-commandant d'A.D.<br />
Je puis vous assurer, mon Général, que cette injustice, aussi<br />
douloureuse pour son ancien chef direct q"ue pour toute sa <strong>famille</strong>, va<br />
maintenant être réparée. Je tiens d'ailleurs si vous le permettez, à gar<strong>de</strong>r<br />
avec vous un étroit contact et à vous adresser tout ce que je pourrai<br />
rassembler <strong>de</strong> documents et <strong>de</strong> renseignements ayant trait à la vie <strong>de</strong> votre<br />
enfant enlevé si prématurément à l'affection <strong>de</strong>s siens et à la France. C'est<br />
pénétré d'une profon<strong>de</strong> tristesse, mais aussi <strong>de</strong> la fierté d'avoir eu <strong>Pierre</strong><br />
<strong>Delattre</strong> sous mes ordres, que je vous prie, mon Général, d'agréer<br />
l'expression <strong>de</strong> mon douloureux et très déférent respect.