Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : des analyses renouvelées Axe 1 (86.0%) Forte culture sportive 19 et plus de 16 à 19 Football Rugby de 12 à 16 Axe 2 (10.7%) de 5 à 8 de 8 à 12 Basket-Ball moins de 5 Faible culture sportive Volley-Ball AFC tri croisé Indice de Culture Sportive et sports. La dépendance est très significative. chi2 = 148,15, ddl = 15, 1-p = >99,99%. On peut se demander dès lors, qui sont parmi les supporters de football, les plus violents : les moins ou les plus cultivés ? La distribution des réponses à cette question, par le biais du croisement de l’ICS et des raisons invoquées par les supporters pour justifier leur participation aux affrontements, montre que le recours à la violence physique n’est pas le fait de personnes incultes mais, bien au contraire, des plus « cultivées sportivement ». Ceux qui obtiennent le plus faible ICS sont les « moins violents ». Axe 1 (85.7%) Inculture sportive et non violence de 5 à 8 moins de 5 Ne participent pas de 8 à 12 Axe 2 (8.6%) de 16 à 19 Forte culture rivalités entre clubs sportive et réponse à la provocation violence de 12 à 16 19 et plus résultat du match antécédents avec ces supporters arbitrage AFC tri croisé ICS et affrontements/raisons. La dépendance est très significative. chi2 = 90,62, ddl = 25, 1-p = >99,99%. Nos résultats sont sans appel. L’hypothèse de la déculturation du public comme facteur de recours à la violence est totalement obsolète sur les sites étudiés. Il faut chercher d’autres explications au hooliganisme. Les observations précédentes tant quantitatives - concernant la composition des publics, les publics violents, le recours à la violence, les justifications données à ces actes... - que qualitatives - la genèse et l’ancrage des passions de supporters - mettent en exergue l’évident clivage entre publics « déviants » ou « violents » et publics « normaux », opposant à l’évidence les supporters du football aux spectateurs et aux supporters des autres sports observés sur les sites étudiés. S’il est habituel de considérer que la pauvreté, la vulnérabilité sociale, l’inégalité socio-économique peuvent engendrer la délinquance ou le recours à des actes violents, les comportements des foules sportives semblent échapper cependant, dans le cadre limité des sites étudiés, à ce cadre conceptuel. Les excès et les brutalités des foules sportives participent à l’évidence des logiques groupales oppositives qui s’inscrivent dans la passion partisane. Ces violences doivent être interprétées comme un « accomplissement pratique » selon le sens que les individus « violents » donnent à leurs actions et aux réactions d’autrui. Si la finalité des supporters n’est pas la violence, quand bien même celle-ci est omniprésente dans le supportérisme, elle est, comme nous nous sommes attachés à le décrire à la suite de cette première série de recherche, une partie culturelle, historique, intégrale et intégrative de chacun des groupes. Si l’originalité de notre travail, tient, pour une part, à la critique des études précédentes, et à l’analyse comparative et quantitative, il est, surtout, dans la compréhension des phénomènes hooligans, que nous allons nous attacher montrer, à travers l’expérience et les discours tenus Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 95
Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : des analyses renouvelées par les supporters mais également à travers notre immersion dans certains de ces groupes durant plus de trois années. Le hooliganisme comme « dérive extrême du supportérisme ». Il existe donc d’autres raisons inhérentes au supportérisme lui-même. Il faut tout d’abord constater qu’il y a très souvent homologie entre rivalités sportives et rivalités intergroupes. Les plus grands clubs, au plan sportif, sont également ceux qui possèdent un grand nombre de groupes et de supporters. Les plus grandes équipes, ou celles qui, à un moment donné, ont marqué l’histoire du football français à l’échelon national ou international, sont également celles qui connaissent le plus grand nombre d’incidents et d’interdits de stades (Bodin, 1998). Contagiosité et concurrence. Les groupes de supporters vont se développer de manière diachronique avec la professionnalisation du football. L’épopée stéphanoise va servir de catalyseur aux autres clubs français de première division, mais également à l’engouement, des publics. On parle alors de « chaudron vert » pour illustrer la frénésie et l’engouement de ce public aux couleurs du club, tout entier acquis à la cause, et à la réussite, de l’équipe. C’est à la même époque que de grands capitaines d’industrie vont progressivement investir dans le football. Celui-ci devient une vitrine politico-économique pour les dirigeants, villes et régions. Comme en Grande- Bretagne, les clubs vont attirer un public plus nombreux afin d’accroître les recettes au guichet mais, également pour devenir crédibles vis à vis des investisseurs et des médias qui s’intéressent de plus en plus au football. La participation des clubs français au plus haut niveau de compétition internationale va favoriser le développement du football en apportant un spectacle de qualité et drainer un public plus jeune qui, du fait de son âge s’identifie davantage au club et aux héros sportifs qui exaltent le mérite, la réussite sociale et représentent leur ville ou leur région. C’est l’époque de la création du Commando Ultra à Marseille en 1984 (CU84) et des Ultras Bordelais à Bordeaux en 1985 (UB85) 136 , dans ce qui était, ou allait devenir, les clubs phares sportivement des années 1980-1990. L’émergence de ces groupes Ultras se fait par plagiat des groupes italiens auxquels leur club a été confronté en coupe d’Europe comme l’affirme « Rital », leader charismatique et fondateur des Ultras Bordelais : « En France, à Bordeaux par exemple, on a vu la Juve en 1985 et on a été impressionné par ce qu'on a vu! Sur le terrain, et dans les tribunes! On a trouvé ça tellement beau, tellement différent de ce qui se faisait en France à l’époque, c’était vraiment soutenir son équipe, on a voulu essayer de faire la même chose, d’apporter un peu quelque chose au club et à cette équipe. ». A la même époque une nouvelle forme de supportérisme voit le jour en France conjointement au modèle ultra italien : un supportérisme dans la tradition anglaise. Le premier club a être concerné par ce type de supportérisme est le PSG qui voit des supporters se regrouper à partir de 1984 dans la tribune Boulogne sous la dénomination de « Kop de Boulogne ». A partir de 1987, nous y reviendrons cette tribune comptera de nombreux skinheads principalement au sein du Pitbull Kop. Par l’effet vraisemblablement de la médiatisation où de la proximité de pays frontaliers touchés par les mouvements skinheads - Belgique, Allemagne - de nombreux groupes apparentés à l’extrême droite vont voir le jour en France : les Dogues Virage Est de 136 Ultramarines, aujourd’hui, le nom variant régulièrement avec la couleur des maillots de l’équipe. Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 96
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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : <strong>des</strong> analyses renouvelées<br />
par les supporters mais également <strong>à</strong> travers notre immersion dans certains de ces groupes<br />
durant plus de trois années.<br />
Le hooliganisme comme « dérive extrême du supportérisme ».<br />
Il existe donc d’autres raisons inhérentes au supportérisme lui-même. Il faut tout d’abord<br />
constater qu’il y a très souvent homologie <strong>entre</strong> rivalités sportives <strong>et</strong> rivalités intergroupes.<br />
Les plus grands clubs, au plan sportif, sont également ceux qui possèdent un grand nombre de<br />
groupes <strong>et</strong> de supporters. Les plus gran<strong>des</strong> équipes, ou celles qui, <strong>à</strong> un moment donné, ont<br />
marqué l’histoire du football français <strong>à</strong> l’échelon national ou international, sont également<br />
celles qui connaissent le plus grand nombre d’incidents <strong>et</strong> d’interdits de sta<strong>des</strong> (Bodin, 1998).<br />
Contagiosité <strong>et</strong> concurrence.<br />
Les groupes de supporters vont se développer de manière diachronique avec la<br />
professionnalisation du football. L’épopée stéphanoise va servir de catalyseur aux autres clubs<br />
français de première division, mais également <strong>à</strong> l’engouement, <strong>des</strong> publics. On parle alors de<br />
« chaudron vert » pour illustrer la frénésie <strong>et</strong> l’engouement de ce public aux couleurs du club,<br />
tout entier acquis <strong>à</strong> la cause, <strong>et</strong> <strong>à</strong> la réussite, de l’équipe. C’est <strong>à</strong> la même époque que de<br />
grands capitaines d’industrie vont progressivement investir dans le football. Celui-ci devient<br />
une vitrine politico-économique pour les dirigeants, villes <strong>et</strong> régions. Comme en Grande-<br />
Br<strong>et</strong>agne, les clubs vont attirer un public plus nombreux afin d’accroître les rec<strong>et</strong>tes au<br />
guich<strong>et</strong> mais, également pour devenir crédibles vis <strong>à</strong> vis <strong>des</strong> investisseurs <strong>et</strong> <strong>des</strong> médias qui<br />
s’intéressent de plus en plus au football.<br />
La participation <strong>des</strong> clubs français au plus haut niveau de compétition internationale va<br />
favoriser le développement du football en apportant un spectacle de qualité <strong>et</strong> drainer un<br />
public plus jeune qui, du fait de son âge s’identifie davantage au club <strong>et</strong> aux héros sportifs qui<br />
exaltent le mérite, la réussite sociale <strong>et</strong> représentent leur ville ou leur région. C’est l’époque<br />
de la création du Commando Ultra <strong>à</strong> Marseille en 1984 (CU84) <strong>et</strong> <strong>des</strong> Ultras Bordelais <strong>à</strong><br />
Bordeaux en 1985 (UB85) 136 , dans ce qui était, ou allait devenir, les clubs phares<br />
sportivement <strong>des</strong> années 1980-1990. L’émergence de ces groupes Ultras se fait par plagiat<br />
<strong>des</strong> groupes italiens auxquels leur club a été confronté en coupe d’Europe comme l’affirme<br />
« Rital », leader charismatique <strong>et</strong> fondateur <strong>des</strong> Ultras Bordelais :<br />
« En France, <strong>à</strong> Bordeaux par exemple, on a vu la Juve en 1985 <strong>et</strong> on a été<br />
impressionné par ce qu'on a vu! Sur le terrain, <strong>et</strong> dans les tribunes! On a trouvé ça<br />
tellement beau, tellement différent de ce qui se faisait en France <strong>à</strong> l’époque, c’était<br />
vraiment soutenir son équipe, on a voulu essayer de faire la même chose,<br />
d’apporter un peu quelque chose au club <strong>et</strong> <strong>à</strong> c<strong>et</strong>te équipe. ».<br />
A la même époque une nouvelle forme de supportérisme voit le jour en France conjointement<br />
au modèle ultra italien : un supportérisme dans la tradition anglaise. Le premier club a être<br />
concerné par ce type de supportérisme est le PSG qui voit <strong>des</strong> supporters se regrouper <strong>à</strong> partir<br />
de 1984 dans la tribune Boulogne sous la dénomination de « Kop de Boulogne ». A partir de<br />
1987, nous y reviendrons c<strong>et</strong>te tribune comptera de nombreux skinheads principalement au<br />
sein du Pitbull Kop. Par l’eff<strong>et</strong> vraisemblablement de la médiatisation où de la proximité de<br />
pays frontaliers touchés par les mouvements skinheads - Belgique, Allemagne - de nombreux<br />
groupes apparentés <strong>à</strong> l’extrême droite vont voir le jour en France : les Dogues Virage Est de<br />
136 Ultramarines, aujourd’hui, le nom variant régulièrement avec la couleur <strong>des</strong> maillots de l’équipe.<br />
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