Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : des analyses renouvelées historique, psychologique et social des hommes. Elle est enfin variable c’est-à-dire qu’il existe des différences internes au sein d’une même société. Fort de ces définitions et remarques il semble cependant que rien ne peut empêcher un total béotien d’acquérir une culture sportive même s’il existe effectivement plusieurs niveaux de connaissance ou de culture sportive. Ainsi une distinction peut être opérée entre le pratiquant et le non pratiquant, le pratiquant de base et l’athlète de haut niveau expert de sa discipline avec entre les deux toutes les nuances possibles selon les différents niveaux de pratiques. A chacun de ces paliers correspondent une connaissance, un vécu de l’activité, des sensations et des expériences qui sont assimilés et servent de filtre et d’interprétation aux situations postérieures. Mais doit-on considérer la culture sportive sous le seul angle de la pratique ? Ce serait alors considérer les « experts » sportifs comme les seuls à posséder la compétence culturelle d’une discipline. Est-ce à dire alors que tout spectateur ou supporter non ancien pratiquant d’un certain niveau, qu’il resterait cependant à fixer, serait donc inculte ? Est-ce à dire également que l’inculture les empêcherait de garder une certaine « distance au rôle ». Ce serait oublier ou négliger l’approche anthropologique anglo-saxonne qui voit dans la culture le moyen d’ajuster les comportements en fonction de l’ordre social (Herskovits, op. cit.). La culture sportive ne peut se résoudre et se réduire à l’expérience praxique. Il faut y inclure des données historiques sur l’évolution du jeu, des techniques et des tactiques, des joueurs et des résultats, du club et du sport en général. La culture sportive est donc un objet plurivoque abordable au plus grand nombre à considération de s’intéresser à l’évolution de ce sport dans sa complexité. Il nous a semblé nécessaire d’adopter une définition plus large et plus englobante de la culture « qui qualifie, dans leur cohérence et leur organisation, leur transmission et leur reproduction, les pratiques et les produits symboliques propres à un groupe social quelconque […] » (Pociello, 1995, 23). La culture sportive s’acquiert et s’enrichit dans la pratique mais, également dans la vision des pratiques nouvelles et des spectacles offerts et promus par notre société hyper médiatisée et de loisir où domine le culte du corps. La dernière enquête de l’Insep (2001), bien que très contestable sur un grand nombre de points 133 , donne une tendance générale et montre l’expansion et la diversification de la pratique sportive en France. « En juillet 2000, 36 millions de Français âgés de 15 à 75 ans déclarent avoir des APS. Ces pratiques sont plus ou moins régulières, plus ou moins intenses : ainsi, un peu plus de 26 millions font du sport au moins une fois par semaine et plus de la moitié des 10 millions d’adhérents aux clubs et associations sportifs participe à des compétitions » (Mignon, Truchot, 2001, 1). Mais s’il semble de plus en plus d’échapper aujourd’hui à la pratique sportive 134 , il paraît plus difficile encore de fuir la mise en spectacle télévisuelle des sports. En cette fin de XX ème et ce début de XXI ème siècle, le sport est devenu un spectacle ludique, reflet culturel de nos sociétés compétitives qu’accompagne le développement des médias. Ainsi les retransmissions télévisuelles ou radiophoniques contribuent à diffuser une « culture sportive ». Comment en effet imaginer que l’on puisse méconnaître le sport alors que l’offre télévisuelle en la matière, bien que déformée et disproportionnée en faveur de certains sports, le football, ou de certains événements, les Jeux 133 Avec son acception large des APS et la relance systématique, la dernière enquête du MJS semble entériner l’idée d’une « France sportive ». L’astuce qui consiste à extrapoler à l’ensemble de la population (en exprimant les résultats en millions de personnes pour l’exemple français) les résultats obtenus à partir d’un échantillon urbain renforce ce sentiment. Cette « photographie » est, de surcroît, basée sur des déclarations en partie non spontanées en raison de la relance de l’enquêteur : une fois sur cinq environ. Cette application à relancer dans près de 20% des cas demeure quelque peu suspecte. Pour les pratiques moins directement compétitives, les résultats apportent, cependant, des indications intéressantes… 134 Encore faut-il mieux être rappelons-le, jeune, célibataire, membre des classes moyennes ou supérieures et habiter les grandes villes. Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 93

Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : des analyses renouvelées olympiques et le Tour de France, atteint pratiquement 2800 heures en 1998, tous sports confondus, et est passée de 452 heures en 1997 à 872 heures et 30 minutes en 1998 pour le seul football. Il est évident que l’hypothèse de la déculturation est exagérée et obsolète. Pour en rendre compte et pousser plus loin encore notre méthode comparative, nous avons eu recours à la construction d’un « Indice de Culture Sportive » (ICS). Cet ICS a demandé de nombreux essais et tâtonnements. Le poids relatif donné à chacune des variables utilisées dans sa construction ne devait pas en effet favoriser les supporters membres des noyaux durs. C’est pour cette raison notamment que l’assiduité en déplacement n’est pondérée que du coefficient 1. L’ancienneté en tant que supporter mesure l’acte de « supporter » son équipe et non l’appartenance à un groupe identifié. Nous avons cherché également à pondérer très fortement la pratique sportive pour favoriser au maximum celle-ci dans l’acquisition de la culture. Enfin, la vision d’autres sports a été pondérée d’un indice double de celui de l’assiduité en déplacement favorisant les spectateurs au détriment des supporters qui suivent assidûment leur équipe et ont, normalement, compte tenu du nombre de matches dans une saison, moins de temps pour aller voir les autres sports 135 . Cet ICS prend en compte et a pour objectif de mesurer : - la fréquence de vision du spectacle sportif (assiduité au match ; assiduité au déplacement), donc un enrichissement de la connaissance par la répétition, - l’enracinement de la connaissance (depuis combien de temps êtes-vous supporter ou spectateur de... ?) : l’inscription de la connaissance dans la durée avec un référentiel de l’histoire du sport, du club et de l’équipe, - la pratique sportive (depuis combien de temps êtes vous pratiquant ou combien de temps avez-vous été pratiquant de ce sport ?) : la prise en compte de l’expertise praxique, - la fréquentation d’autres sports (allez-vous voir d’autres sports ?) : un enrichissement culturel de multiples praxis. Le croisement de l’ICS (AFC ci-dessous) et des sports permet de distinguer clairement les publics avec d’un côté le rugby pour lequel personne ne sera surpris de constater la présence d’une forte culture sportive et le football. Comment expliquer ce résultat qui va à l’encontre des idées généralement répandues sur la composition des publics sportifs ? Tout d’abord en terme de pratique sportive, les jugements de valeurs portés sur les publics des différents sports s’avèrent être faux du moins en ce qui concerne nos sites. Le public du football est composé d’actuels ou d’anciens pratiquants dans 55,6 %, devançant très nettement celui du basket-ball et du volley-ball qui passent pourtant pour être des publics de connaisseurs ou d’anciens joueurs. Mais, ce n’est pas la seule différence puisque les publics du rugby et du football sont également composés des pratiquants les plus anciens (un tiers de l’effectif du public de chacun de ces sports pratique celui-ci depuis plus de 10 ans). 135 Calcul de l’ICS = assiduité chaque match (coeff. 4) ou assiduité autres (coeff. 1) + assiduité en déplacement oui (coeff. 1) + ancienneté de supporter + 10 ans (Coeff. 8) ou 5-10 ans (coeff.. 4) ou 2-5ans (coeff. 2) ou - 2 ans (coeff. 1) + pratique sportive (même coeff. que pour l’ancienneté) + autres sports oui (coeff. 2). L’assiduité en déplacement a été faiblement pondérée pour ne pas favoriser « culturellement » les supporters qui sont la partie du public la plus nombreuse à se déplacer fréquemment et régulièrement. Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 94

Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : <strong>des</strong> analyses renouvelées<br />

historique, psychologique <strong>et</strong> social <strong>des</strong> hommes. Elle est enfin variable c’est-<strong>à</strong>-dire qu’il<br />

existe <strong>des</strong> différences internes au sein d’une même société. Fort de ces définitions <strong>et</strong><br />

remarques il semble cependant que rien ne peut empêcher un total béotien d’acquérir une<br />

culture sportive même s’il existe effectivement plusieurs niveaux de connaissance ou de<br />

culture sportive. Ainsi une distinction peut être opérée <strong>entre</strong> le pratiquant <strong>et</strong> le non pratiquant,<br />

le pratiquant de base <strong>et</strong> l’athlète de haut niveau expert de sa discipline avec <strong>entre</strong> les deux<br />

toutes les nuances possibles selon les différents niveaux de pratiques. A chacun de ces paliers<br />

correspondent une connaissance, un vécu de l’activité, <strong>des</strong> sensations <strong>et</strong> <strong>des</strong> expériences qui<br />

sont assimilés <strong>et</strong> servent de filtre <strong>et</strong> d’interprétation aux situations postérieures.<br />

Mais doit-on considérer la culture sportive sous le seul angle de la pratique ? Ce serait alors<br />

considérer les « experts » sportifs comme les seuls <strong>à</strong> posséder la compétence culturelle d’une<br />

discipline. Est-ce <strong>à</strong> dire alors que tout spectateur ou supporter non ancien pratiquant d’un<br />

certain niveau, qu’il resterait cependant <strong>à</strong> fixer, serait donc inculte ? Est-ce <strong>à</strong> dire également<br />

que l’inculture les empêcherait de garder une certaine « distance au rôle ». Ce serait oublier<br />

ou négliger l’approche anthropologique anglo-saxonne qui voit dans la culture le moyen<br />

d’ajuster les comportements en fonction de l’ordre social (Herskovits, op. cit.). La culture<br />

sportive ne peut se résoudre <strong>et</strong> se réduire <strong>à</strong> l’expérience praxique. Il faut y inclure <strong>des</strong> données<br />

historiques sur l’évolution du jeu, <strong>des</strong> techniques <strong>et</strong> <strong>des</strong> tactiques, <strong>des</strong> joueurs <strong>et</strong> <strong>des</strong> résultats,<br />

du club <strong>et</strong> du sport en général. La culture sportive est donc un obj<strong>et</strong> plurivoque abordable au<br />

plus grand nombre <strong>à</strong> considération de s’intéresser <strong>à</strong> l’évolution de ce sport dans sa<br />

complexité.<br />

Il nous a semblé nécessaire d’adopter une définition plus large <strong>et</strong> plus englobante de la culture<br />

« qui qualifie, dans leur cohérence <strong>et</strong> leur organisation, leur transmission <strong>et</strong> leur reproduction,<br />

les pratiques <strong>et</strong> les produits symboliques propres <strong>à</strong> un groupe social quelconque […] »<br />

(Pociello, 1995, 23). La culture sportive s’acquiert <strong>et</strong> s’enrichit dans la pratique mais,<br />

également dans la vision <strong>des</strong> pratiques nouvelles <strong>et</strong> <strong>des</strong> spectacles offerts <strong>et</strong> promus par notre<br />

société hyper médiatisée <strong>et</strong> de loisir où domine le culte du corps.<br />

La dernière enquête de l’Insep (2001), bien que très contestable sur un grand nombre de<br />

points 133 , donne une tendance générale <strong>et</strong> montre l’expansion <strong>et</strong> la diversification de la<br />

pratique sportive en France. « En juill<strong>et</strong> 2000, 36 millions de Français âgés de 15 <strong>à</strong> 75 ans<br />

déclarent avoir <strong>des</strong> APS. Ces pratiques sont plus ou moins régulières, plus ou moins intenses :<br />

ainsi, un peu plus de 26 millions font du sport au moins une fois par semaine <strong>et</strong> plus de la<br />

moitié <strong>des</strong> 10 millions d’adhérents aux clubs <strong>et</strong> associations sportifs participe <strong>à</strong> <strong>des</strong><br />

compétitions » (Mignon, Truchot, 2001, 1). Mais s’il semble de plus en plus d’échapper<br />

aujourd’hui <strong>à</strong> la pratique sportive 134 , il paraît plus difficile encore de fuir la mise en spectacle<br />

télévisuelle <strong>des</strong> <strong>sports</strong>. En c<strong>et</strong>te fin de XX ème <strong>et</strong> ce début de XXI ème siècle, le sport est devenu<br />

un spectacle ludique, refl<strong>et</strong> culturel de nos sociétés compétitives qu’accompagne le<br />

développement <strong>des</strong> médias. Ainsi les r<strong>et</strong>ransmissions télévisuelles ou radiophoniques<br />

contribuent <strong>à</strong> diffuser une « culture sportive ». Comment en eff<strong>et</strong> imaginer que l’on puisse<br />

méconnaître le sport alors que l’offre télévisuelle en la matière, bien que déformée <strong>et</strong><br />

disproportionnée en faveur de certains <strong>sports</strong>, le football, ou de certains événements, les Jeux<br />

133 Avec son acception large <strong>des</strong> APS <strong>et</strong> la relance systématique, la dernière enquête du MJS semble entériner<br />

l’idée d’une « France sportive ». L’astuce qui consiste <strong>à</strong> extrapoler <strong>à</strong> l’ensemble de la population (en exprimant<br />

les résultats en millions de personnes pour l’exemple français) les résultats obtenus <strong>à</strong> partir d’un échantillon<br />

urbain renforce ce sentiment. C<strong>et</strong>te « photographie » est, de surcroît, basée sur <strong>des</strong> déclarations en partie non<br />

spontanées en raison de la relance de l’enquêteur : une fois sur cinq environ. C<strong>et</strong>te application <strong>à</strong> relancer dans<br />

près de 20% <strong>des</strong> cas demeure quelque peu suspecte. Pour les pratiques moins directement compétitives, les<br />

résultats apportent, cependant, <strong>des</strong> indications intéressantes…<br />

134 Encore faut-il mieux être rappelons-le, jeune, célibataire, membre <strong>des</strong> classes moyennes ou supérieures <strong>et</strong><br />

habiter les gran<strong>des</strong> villes.<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

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