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Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : <strong>des</strong> analyses renouvelées<br />

sportif, mais <strong>des</strong> individus qui viennent comm<strong>et</strong>tre leur méfait dans le stade, dans un but de<br />

visibilité sociale, les raisons sont <strong>à</strong> chercher dans le (dys)fonctionnement social <strong>et</strong> la réponse <strong>à</strong><br />

apporter est sociétale.<br />

Lors <strong>des</strong> <strong>entre</strong>tiens ce thème revenait fréquemment pour expliciter les phénomènes de<br />

hooliganisme. Les explications fournies étaient simples : « les supporters de football sont plus<br />

violents car ils sont moins connaisseurs » (policier bordelais) ou encore « le rugby [ ce<br />

pouvait être le bask<strong>et</strong>-ball ou le volley-ball ] c’est un sport de pratiquants donc on comprend<br />

le jeu, on ne réagit pas violemment... » (supporter du rugby au CA Bègles-Bordeaux<br />

Gironde). Il convient cependant de nuancer quelque peu les propos qui sont rapportés <strong>et</strong> d’en<br />

fixer les limites. Ne s’agit-il pas simplement d’une méconnaissance <strong>des</strong> publics du football ?<br />

Ou encore d’affirmations qui visent <strong>à</strong> j<strong>et</strong>er le discrédit ou l’opprobre sur les supporters d’un<br />

autre sport ? Ou enfin du mépris souvent affiché <strong>à</strong> l’encontre d’un public jugé - trop -<br />

populaire, avec toutes les déclinaisons sémantiques possibles de ce mot, trop bruyant <strong>et</strong> trop<br />

partial ? Les manifestations bruyantes, exacerbées <strong>et</strong> partisanes du public juvénile du football<br />

ont le don d’inquiéter <strong>et</strong> d’inciter <strong>à</strong> la défiance <strong>et</strong> <strong>à</strong> la méfiance les publics <strong>des</strong> autres <strong>sports</strong><br />

souvent plus âgés, insérés socialement <strong>et</strong> empreint d’une plus grande « distance au rôle » face<br />

au spectacle sportif.<br />

Ces propos rejoignent cependant ceux de Bourdieu qui se demandait « si certains aspects de<br />

l’évolution récente <strong>des</strong> pratiques sportives - comme le recours au doping ou les progrès de la<br />

violence tant sur les sta<strong>des</strong> que dans le public - ne sont pas pour une part un eff<strong>et</strong> de<br />

l’évolution que j’ai trop rapidement évoquée ». C<strong>et</strong>te évolution étant la massification du<br />

spectacle sportif par la venue d’un public moins connaisseur, c’est-<strong>à</strong>-dire « d’un public très<br />

imparfaitement pourvu de la compétence spécifique nécessaire pour le déchiffrer<br />

adéquatement » (op. cit, 184). Il n’est pas dans notre propos de réduire la pensée <strong>et</strong> les propos<br />

de Bourdieu en la matière. Il s’agit d’un questionnement que son auteur ém<strong>et</strong> en 1978 <strong>à</strong> une<br />

époque où les <strong>violences</strong> <strong>des</strong> sta<strong>des</strong> se multiplient <strong>et</strong> acquièrent une visibilité sociale. En<br />

devenant un spectacle de masse, celui-ci aurait pu attirer un public moins connaisseur, qui par<br />

la méconnaissance de la logique interne de l’activité aurait parfois recours <strong>à</strong> la violence. Ces<br />

discours posent cependant un certain nombre de problèmes <strong>et</strong> de questions. Problèmes tout<br />

d’abord car, il n’est pas possible de comparer <strong>des</strong> discours aussi différents. Discours savant,<br />

d’une part, <strong>et</strong> discours ordinaires, d’autre part, bâtis sur fonds de représentations sociales,<br />

mais également, de stéréotypes <strong>et</strong> de préjugés. Il semble que sont amalgamées tout <strong>à</strong> la fois la<br />

violence spontanée, qui peut être celle de supporters mécontents qui réagissent par la violence<br />

<strong>et</strong> la violence préméditée <strong>et</strong> organisée qui est communément appelée hooliganisme. Sont<br />

amalgamées encore les <strong>violences</strong> qui peuvent être exercées par un individu seul <strong>et</strong> celles qui<br />

sont le fait d’un groupe de supporters. Questions ensuite car, comment mesurer la « culture »<br />

sportive <strong>des</strong> publics. Pour Bourdieu (op. cit, 184) « le connaisseur dispose <strong>des</strong> schèmes de<br />

perception <strong>et</strong> d’appréciation qui lui perm<strong>et</strong>tent de voir ce que le profane ne voit pas,<br />

d’apercevoir une nécessité l<strong>à</strong> où le béotien ne voit que violence <strong>et</strong> confusion [...] ». Alors <strong>à</strong><br />

partir de quels moments devient-on connaisseur, passe t-on de l’état profane <strong>à</strong> la connaissance<br />

<strong>et</strong> <strong>à</strong> l’expertise ? Comment s’acquiert, se construit ou se transm<strong>et</strong> une culture ? Defrance (op.<br />

cit., 50) suggère que la « difficulté de penser « une » culture sportive vient de ce que tous les<br />

pratiquants de sport n’ont pas la même façon de s’engager dans leur activité ».<br />

Le terme de culture est porteur de nombreuses controverses, au point que la multiplicité, <strong>et</strong> la<br />

profusion sans cesse croissante, <strong>des</strong> définitions proposées « ont fini par diluer la portée<br />

heuristique du concept » (Lallement, 1993, 61). Culturalistes <strong>et</strong> fonctionnalistes, <strong>à</strong> commencer<br />

par Malinowski (1944) <strong>et</strong> Herskovits (1948) s’accordent cependant <strong>à</strong> reconnaître <strong>des</strong> traits<br />

constitutifs fondamentaux de la culture comme produit d’un apprentissage social. Elle n’est<br />

donc pas « génétiquement » inscrite dans chaque suj<strong>et</strong>. Elle est le dérivé d’un environnement<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

leurs préventions. Page 92

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