Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : des analyses renouvelées
ou du moins quelques individus, très minoritaires dans un groupe, peuvent avoir une influence
sur le comportement violent de celui-ci.
La méthodologie pour rendre compte de la frustration relative nécessite une contextualisation
du questionnement. Il n’est pas possible de demander aux supporters, comme nous le faisions
précédemment, « si selon eux l’arbitrage ou le résultat influence les violences d’après
match ? ». Ce type de d’interrogation s’avère trop généralisant. Ce n’est que dans l’étude de
cas précis qu’il est possible de relier spectacle sportif et violences.
Prenons un exemple concret : celui des violences exercées par les supporters à l’encontre des
joueurs marseillais en décembre 1997. A cette époque quelques supporters ont caillassé à la
fin de l’entraînement les voitures des joueurs. Le spectacle sportif n’est pas, de prime abord,
directement en cause pourtant, certains supporters n’hésitent pas à affirmer :
« Tu comprends c’est plus possible. Au début de la saison t’as les dirigeants qui te
promettent des résultats, ils te disent à la fin du championnat on sera dans les trois
premiers, devant les Parisiens, on a recruté un tel, un tel, vous verrez. Ils te font
miroiter des trucs. Et puis t’as vu les résultats : nuls, complètements nuls. On
gagne plus rien. T’as les joueurs c’est des chèvres. Ils gagnent des millions et ils
avancent pas. L’autre jour ils sont allés perdre sur les avants-derniers alors là c’est
plus possible. Nous ce qu’on veut c’est qu’ils mouillent le maillot et qu’on soit à
notre place » (supporter Winners, Marseille).
Cet extrait d’entretien montre bien que la violence peut résulter, en partie du moins, de l’écart
entre les promesses faites, les attentes de ces supporters et la situation réelle, le tout activé par
un événement déclencheur (Gurr, 1970). Il ne s’agit rien d’autre en fait que la description des
émeutes urbaines à Brixton, Vaulx-en-Velin ou Toulouse si bien relatées par Bachmann et
Leguennec (1996, 1997). Il est toujours possible d’objecter, ce qui demanderait à être mesuré
et analysé, que cette frustration puisse concerner principalement, voire prioritairement, les
individus moins bien insérés socialement, ce que nous n’avons pas vérifié à ce jour. Cette
approche ne suffit pas, bien évidemment, à elle seule, à rendre compte des actes hooligans
mais a, au moins, le mérite de replacer le spectacle sportif dans le cadre des interactions qui
conduisent à la violence. En observant ce défaut d’analyse dans notre recherche, nous avons
conscience d’avoir laissé un pan entier d’études possibles allant, en plagiant Goffman, jusqu’à
l’analyse, à travers la violence, des mises en scène d’une partie de la vie quotidienne des
supporters.
De l’inculture supposée des supporters
Pour en finir avec les représentations collectives qui réduisaient le hooliganisme à des
violences exercées de manière préméditée par des jeunes mâles exclus socialement sans lien
apparent avec le football nous nous sommes attachés à déconstruire l’image des supporters
incultes sportivement et « footballistiquement » parlant (Bodin, 2002). Bien que le rapport
Harrington, indiquait dès 1968 que les hooligans arrêtés loin d’être des délinquants extérieurs
au monde du football étaient d’authentiques supporters érudits ayant une profonde
connaissance des résultats et de l’histoire du football, de leur club et des joueurs, le thème de
la déculturation du public reste prégnant et récurrent pour expliciter en partie du moins les
exactions du public.
Représentations entretenues par les dirigeants du football professionnel par méconnaissance,
ou par calcul, y voyant là encore un moyen parmi d’autres de se dégager de toute
responsabilité : si les violents ne sont pas des footballeurs ou des « connaisseurs » du fait
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 91