Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : <strong>des</strong> analyses renouvelées<br />
son travail. Certains peuvent ressentir un désarroi, ou une désillusion, face <strong>à</strong> <strong>des</strong> possibilités<br />
de mobilité sociale réduites, <strong>à</strong> <strong>des</strong> perspectives professionnelles incertaines, ou encore <strong>à</strong> cause<br />
d’une contre mobilité sociale intergénérationnelle ou personnelle. La crise <strong>des</strong> identités<br />
(Dubar, 2000) est liée <strong>à</strong> <strong>des</strong> conjonctures économiques, sociales, politiques, mais aussi<br />
symboliques, qui s’inscrivent dans <strong>des</strong> trajectoires personnelles <strong>et</strong> <strong>des</strong> histoires collectives.<br />
Nous touchons aux limites de c<strong>et</strong>te étude qui ne fait pas apparaître l’intégralité <strong>des</strong><br />
professions précédemment exercées par ces individus, ou encore une évaluation de la<br />
satisfaction éprouvée dans leur travail. A l’inverse, ils possèdent deux caractéristiques<br />
majoritairement communes : 88,2 % d’<strong>entre</strong> eux sont <strong>des</strong> hommes <strong>et</strong> 74,9 % d’<strong>entre</strong> eux ont<br />
moins de 27 ans. Ces observations rejoignent celles de la délinquance ordinaire : l’exclusion<br />
ne peut pas expliquer seule la délinquance <strong>et</strong> les comportements déviants. Elle n’est qu’un<br />
facteur de risque parmi d’autres. Ce n’est que « lorsque les désavantages sociaux se cumulent<br />
– faible revenu familial, habitat <strong>et</strong> quartier délabrés, famille nombreuse - qu’il apparaît une<br />
corrélation statistique significative <strong>entre</strong> pauvr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> délinquance » (Fillieule, 2001, 66). Nos<br />
résultats diffèrent ainsi d’une manière importante <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> anglo-saxonnes, issues,<br />
rappelons-le, <strong>des</strong> statistiques policières, alors qu’il s’agit ici d’une enquête de « violence autorévélée<br />
».<br />
Sur les données recueillies tardivement, la double hypothèse de la contre mobilité sociale<br />
(générationnelle ou intergénérationnelle) s’avère, dans l’état actuel <strong>des</strong> choses, totalement<br />
inopérante.<br />
Le hooliganisme : masculinité agressive ou rôles sexuellement<br />
partagés ?<br />
Très longtemps nous avons tenu pour acquis le caractère sexué du hooliganisme, n’hésitant<br />
pas <strong>à</strong> affirmer, d’une manière péremptoire <strong>et</strong>, ce, sans aucun relativisme : qu’« aucune<br />
question n’est <strong>à</strong> se poser sur le sexe <strong>des</strong> 366 individus concernés par le taux anormal de<br />
participation aux affrontements, ils sont tous de sexe masculin » (Bodin, 1999, 103). Nous<br />
avions alors versé dans la tendance que nous avons assez longuement critiqué de ne prendre<br />
en considération que les catégories les plus représentées en nombre pour comprendre le<br />
hooliganisme. C’était en fait une position réductrice, qui ne prenait pas assez en compte la<br />
genèse <strong>et</strong> le développement <strong>des</strong> <strong>violences</strong>, renforcée par le fait que les groupes de supporters<br />
sont constitués très majoritairement d’hommes.<br />
Deux facteurs vont contribuer <strong>à</strong> reconsidérer c<strong>et</strong>te analyse. Le premier est la rencontre en<br />
1999/2000, d’une étudiante de maîtrise de l’UFR Staps de Bordeaux, venue me proposer la<br />
construction d’un mémoire de recherche sur les supporters bordelais. En élaborant avec elle<br />
son travail, <strong>et</strong> en discutant de ses connaissances préalables, elle en vient <strong>à</strong> évoquer son<br />
appartenance, révolue, <strong>à</strong> un p<strong>et</strong>it groupe bordelais de hooligans d’extrême droite. Dans ce<br />
groupe composé d’une cinquantaine d’individus, connus pour leurs méfaits, elles étaient une<br />
dizaine de jeunes femmes. Le second est la lecture de deux ouvrages (Dauphin <strong>et</strong> Farge,<br />
1997 ; Badinter, 2003) qui, <strong>à</strong> partir d’approches distinctes, que l’on peut qualifier d’étu<strong>des</strong> de<br />
cas, en ce qui concerne le premier, <strong>et</strong> d’essai, pour le deuxième, arrivent <strong>à</strong> poser la question<br />
d’une violence <strong>des</strong> femmes trop souvent inexplorée. Le hooliganisme n’échappe pas <strong>à</strong> la<br />
règle. C’est c<strong>et</strong> oubli que nous avons tenté de combler récemment en nous interrogeant sur<br />
l’existence d’un paralogisme ou d’une réalité sociale éludée ? (Bodin, <strong>et</strong> al. 2004b)<br />
Comme affirmé précédemment, très souvent pour ne pas dire trop souvent le hooliganisme est<br />
appréhendé <strong>et</strong> caractérisé dans ses variances <strong>à</strong> partir de son expression finale qui peut revêtir<br />
différentes formes <strong>et</strong> investir divers mo<strong>des</strong> d’affrontements : la violence physique ou la<br />
dégradation de biens <strong>et</strong> matériels. Or, c<strong>et</strong>te catégorisation du hooliganisme <strong>à</strong> partir de ses<br />
<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />
leurs préventions. Page 80