Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : <strong>des</strong> analyses renouvelées<br />
Enfin dernier comportement observable : celui de leaders <strong>à</strong> la limite de la clan<strong>des</strong>tinité,<br />
filtrant les rendez-vous <strong>et</strong> se défiant <strong>des</strong> interlocuteurs appréhendés comme <strong>des</strong> ennemis<br />
potentiels. L’exemple du premier rendez-vous près du vieux port au bar « Le Pirheas » avec<br />
RZ, responsable d’un groupe particulièrement connu pour sa violence, ne se limite pas <strong>à</strong> la<br />
seule question de la confiance dans le chercheur. S’il se méfiait c’est que les supporters<br />
parisiens avaient mis sa tête <strong>à</strong> prix <strong>et</strong> qu’il était obligé de filtrer les rendez-vous.<br />
Affabulation ? Non car cela nous sera confirmé par les supporters parisiens eux-mêmes.<br />
Les rites intégratifs comportent, en fait, de nombreuses épreuves agonistiques : participation <strong>à</strong><br />
<strong>des</strong> affrontements ou <strong>à</strong> <strong>des</strong> expéditions punitives ; obligation de rapporter <strong>des</strong> trophées<br />
(insignes arrachés durant les affrontements, drapeaux ou banderoles volés aux supporters<br />
adverses) ; saccage <strong>des</strong> locaux <strong>des</strong> supporters adverses en déplacement avec l’obligation d’en<br />
ramener la preuve (photos ou vidéos <strong>des</strong> affrontements qui comme dans le cas <strong>des</strong><br />
Ultramarines seront montrés aux nouveaux <strong>et</strong> commentés).<br />
Les jeunes supporters, en quête de reconnaissance sociale, qui veulent devenir leaders de leur<br />
groupe ou être intégrés au noyau dur doivent satisfaire <strong>à</strong> ces rites. D’ores <strong>et</strong> déj<strong>à</strong>, on peut<br />
distinguer deux formes de hooliganisme : la première, résultant d’un fait ponctuel, imprévu <strong>et</strong><br />
pour lequel les individus n’ont d’autre choix que de répondre, la seconde, résultant d’un<br />
calcul, qui est un calcul rationnel <strong>et</strong> deviendrait alors un mode de vie. Nous y reviendrons.<br />
Dépasser la question du handicap socio-violent.<br />
Si la question de la classe d’âge ne diffère en rien <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> anglo-saxonnes, celle du<br />
déterminisme social est moins évidente. Ceux qui reconnaissent participer « fréquemment »<br />
ou « souvent » aux affrontements ne sont pas tous, loin s’en faut, <strong>des</strong> déshérités sociaux.<br />
Tous sexes confondus 39,21 % d’<strong>entre</strong> eux sont élèves, ou <strong>des</strong> étudiants <strong>et</strong> 83,7 % sont insérés<br />
professionnellement. 37,8 % <strong>des</strong> « élèves <strong>et</strong> étudiants violents » ont un père cadre supérieur.<br />
Ce chiffre est au-<strong>des</strong>sus de la moyenne nationale (35,7 %, source Ministère de l’éducation<br />
nationale 2000). 21,3 % ont <strong>des</strong> parents appartenant aux professions intermédiaires <strong>et</strong><br />
seulement 3 % d’<strong>entre</strong> eux ont un parent au moins au chômage. 67,5 % possèdent un diplôme<br />
de niveau 2 ou sont en licence. La catégorie « élèves étudiants » ne relève en rien d’un<br />
quelconque défaut dans la structure sociale qui pourrait les conduire <strong>à</strong> se comporter de<br />
violemment.<br />
La catégorie « chômeurs violents » représente, quant <strong>à</strong> elle, le double de la population<br />
normalement attendue au stade, en fonction <strong>des</strong> répartitions <strong>des</strong> unités urbaines. Pourtant peu<br />
d’<strong>entre</strong> eux sont <strong>des</strong> déshérités sociaux en situation précaire. La plupart (71,17 %) appartient <strong>à</strong><br />
la catégorie <strong>des</strong> 17-25 ans, diplômés, mais en recherche d’un premier emploi, leurs parents ne<br />
sont pas exclus socialement <strong>et</strong> se répartissent de façon équiprobable en référence <strong>à</strong> la<br />
population mère. Pour nuancer ces propos, il faut indiquer que les enquêtes ont été<br />
essentiellement effectuées <strong>entre</strong> 1995 <strong>et</strong> 1998, époque <strong>à</strong> laquelle le chômage était encore fort.<br />
Le taux de chômage <strong>des</strong> jeunes, leurs difficultés <strong>à</strong> trouver un premier emploi stable sont<br />
évidemment plus importants en tant de crise qu’en période de croissance économique ou de<br />
plein emploi.<br />
Les « violents insérés professionnellement » ne forment pas non plus une catégorie<br />
homogène. 12 d’<strong>entre</strong> eux sont commerçants ou chefs d’<strong>entre</strong>prise, 41 appartiennent <strong>à</strong> la<br />
catégorie <strong>des</strong> « cadres <strong>et</strong> professions intellectuelles supérieures », 30 aux professions<br />
intermédiaires. Le point commun n’est donc pas l’appartenance <strong>à</strong> une classe sociale<br />
défavorisée mais, le recours <strong>à</strong> la violence d’individus socialement hétérogènes. Certes<br />
l’insertion professionnelle n’implique pas obligatoirement l’épanouissement de chacun dans<br />
<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />
leurs préventions. Page 79