Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 2 : Sports et violences. Contribution à un objet de recherche à partir de la question du hooliganisme fureur, la haine, le massacre, la cruauté, les atrocités collectives, mais aussi les violences plus feutrées de la domination économique, du rapport capital/travail, du grand partage Nord-Sud, sans compter toutes les violences « ordinaires » – si l’on peut dire – exercées à l’encontre des faibles : femmes, enfants, exclus du contexte social » (Héritier, op. cit., 13). Notre deuxième choix fut de nous intéresser au hooliganisme en tant que phénomène et processus social, nous proposant de tenter de chercher, et saisir, le sens des agissements déviants et des mobiles qui les guident. Il ne s’agit plus dans ce cas d’une démarche de type causale mais compréhensive « qui se propose de comprendre par interprétation l’activité sociale et par là d’expliquer causalement son déroulement et ses effets » (Weber, 1956, 28). Si le hooliganisme se caractérise bien évidemment par des actes de vandalisme ou de violence physique, ce phénomène possède une dynamique sociale et temporelle qui, à l’instar de la délinquance, peut conduire les supporters de la réalisation de petits actes futiles, et simplement incivils, à la réalisation d’actes violents, parfois, prémédités. Il semble donc plus intéressant de tenter de comprendre par le biais de quels apprentissages et de quelles interactions un individu passe d’un comportement « normal » à un comportement déviant ? Le troisième choix fut celui d’une approche comparative et résulte de l’observation qu’à aucun moment les chercheurs ne se posent réellement la question de savoir pourquoi le football semble être le plus concerné par les phénomènes de hooliganisme ? Approche comparative justifiée très tôt par Durkheim pour qui il n’existait « qu’un moyen de démonter qu’un phénomène est cause d’un autre, c’est de comparer les cas où ils sont simultanément présents et absents, et de rechercher si les variations qu’ils présentent dans ces différentes combinaisons de circonstances témoignent que l’un dépend de l’autre » (1895, 124). Retour sur la méthode L’objectif n’est pas ici de reprendre le détail de la construction de la problématique et de la méthodologie mises en oeuvre pour mener à bien cette recherche. Celles-ci ont maintes fois été commentées, détaillées et explicitées dans les publications et travaux que nous avons réalisés. Comme le suggère Morin (1984, 215) « nous poserons uniquement les problèmes que nous avons rencontrés et tenté de résoudre », non pas comme un inventaire, ou un catalogue, mais pour montrer comment la pensée et l’action du chercheur se transforme et se rationalise, au contact et de l’expérience du terrain Postulats de départ L’inscription de cette recherche dans une perspective, essentiellement, (inter)actionniste n’impliquait pour nous nullement le rejet des autres paradigmes. A l’instar de Berthelot, nous estimons que « vouloir l’unification sous un langage ou un style dominant semble relever d’une utopie dont l’évolution des autres disciplines invite à penser qu’elle est peut-être ellemême archaïque » (1996, 210). Pourquoi en fait vouloir se priver d’éclairages différents qui nous permettraient d’approcher au mieux la réalité sociale d’un phénomène ? Pour forcer le trait, j’emprunterai quelques lignes, que Duret m’en excuse, à l’introduction avortée de notre dernier ouvrage commun, où nous justifions justement ce choix délibéré de l’ouverture à tous, quels que soient les courants et les méthodes. Nous y affirmions alors qu’un « monde où il n’y aurait qu’une forme de sociologie, de psychologie ou d’histoire si dominante qu’elle aurait étouffé toute les autres ne serait guère enviable. La pensée unique a de quoi faire cauchemarder, rallumer la lumière et vérifier pour parvenir à s’endormir que la diversité règne toujours dans nos bibliothèques. La recherche du pluralisme n’équivaut pourtant en rien à un relativisme, mais à une érudition nécessaire ne serait-ce que pour choisir un modèle Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 46

Chapitre 2 : Sports et violences. Contribution à un objet de recherche à partir de la question du hooliganisme préférentiel en connaissance de cause ». Nous aurions pu ajouter également : le plus approprié en fonction du terrain et du contexte spatial et temporel de l’étude. Car l’objectif est de rendre compte au mieux du social et non, en s’inscrivant délibérément et a priori dans un courant, ou une école, à chercher en premier à accroître l’influence de ceux-ci (Berthelot, 1998). Qu’est-ce qui empêche effectivement, et logiquement, de penser qu’un individu puisse tout à la fois se trouver dans une situation précaire (ou non), être prisonnier de ces habitus de classe (ou non), recourir à la violence (ou non), avoir des intentions (ou non), et tout cela en fonction des situations auxquelles il est confronté ? Ce point de vue n’est pas nouveau. Un certain nombre d’auteurs l’ont défendu bien avant nous. Lahire (1998 ; 2004) l’a amplement développé tout au long de son travail, et plus particulièrement dans L’homme pluriel, résumant en un joli titre, la pluralité de dispositions, de désirs, de manières d’être et de se comporter dont nous sommes chacun porteurs. Nous avons ainsi essayé de montrer, dans un récent travail intitulé « Les goûts sportifs : entre distinction et pratique élective raisonnée » (Bodin, Héas, Robène, 2004), comment l’instrumentalisation de la pratique du golf aux fins d’intégration sociale par des acteurs, initialement exclus de la distribution sociale traditionnelle de ce type d’activité élective, constitue une forme de revers de la distinction bourdieusienne tout en traduisant également le degré d’ouverture accru des choix et des trajectoires possibles des acteurs au sein du système. Berthelot (1996, 191 et passim) montre, à travers la construction de ce qu’il nomme le « schéma actanciel », que la réalité des phénomènes sociaux peuvent faire l’objet d’analyses qui, pour différentes, n’en restent pas moins complémentaires et, sont la manifestation d’un même effort de rationalisation et d’élucidation du social. Cette volonté d’intégrer une pluralité d’approches reste une constante dans l’intégralité de nos travaux. Le second postulat est celui d’un hooliganisme issu du supportérisme. Nous considérons en effet, comme Ehrenberg (op. cit.) que le hooliganisme est la dérive extrême du supportérisme, un « accomplissement pratique », résultant de constructions identitaires, individuelles ou collectives, qui cristallisent et focalisent leurs (inter)actions en fonction de la manière dont ils interprètent le monde. A ce titre, leurs actions, et interactions, violentes ont un sens et une signification, qu’il faut tenter de retrouver en recueillant, comme le suggèrent Crozier et Friedberg (1977, 456 et passim), « l’expérience vécue » des participants et les « stratégies mises en place » pour arriver à leurs fins. Nous avions conscience que c’est, seulement, en comparant diverses sources et en participant à leurs activités, qu’il serait possible de reconstruire « de l’intérieur la logique propre des situations telle qu’elle est perçue et vécue par les acteurs ». Ce postulat s’oppose au point de vue des responsables sportifs français qui préfèrent voir dans ces jeunes, pour des raisons économiques, d’image de marque et de responsabilité, que nous discuterons ultérieurement, des délinquants extérieurs au football, qui viennent commettre leurs méfaits dans les stades. Des postulats aux techniques d’enquêtes : élaboration des outils et difficultés Pour répondre à cette volonté d’approcher au mieux la réalité, de ce phénomène social complexe, le recours à des techniques d’enquêtes diverses et variées (questionnaires, entretiens, observations participantes, étude de documents divers : fanzines, lois, règlements, comptes-rendus des divers services de police, etc.) était indispensable. Outre l’éclairage distinct qu’elles permettaient ces techniques offraient une complémentarité pour interpréter les actions et les interactions. Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 47

Chapitre 2 : Sports <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. <strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> un obj<strong>et</strong><br />

de recherche <strong>à</strong> partir de la question du hooliganisme<br />

fureur, la haine, le massacre, la cruauté, les atrocités collectives, mais aussi les <strong>violences</strong> plus<br />

feutrées de la domination économique, du rapport capital/travail, du grand partage Nord-Sud,<br />

sans compter toutes les <strong>violences</strong> « ordinaires » – si l’on peut dire – exercées <strong>à</strong> l’encontre <strong>des</strong><br />

faibles : femmes, enfants, exclus du contexte social » (Héritier, op. cit., 13).<br />

Notre deuxième choix fut de nous intéresser au hooliganisme en tant que phénomène <strong>et</strong><br />

processus social, nous proposant de tenter de chercher, <strong>et</strong> saisir, le sens <strong>des</strong> agissements<br />

déviants <strong>et</strong> <strong>des</strong> mobiles qui les guident. Il ne s’agit plus dans ce cas d’une démarche de type<br />

causale mais compréhensive « qui se propose de comprendre par interprétation l’activité<br />

sociale <strong>et</strong> par l<strong>à</strong> d’expliquer causalement son déroulement <strong>et</strong> ses eff<strong>et</strong>s » (Weber, 1956, 28).<br />

Si le hooliganisme se caractérise bien évidemment par <strong>des</strong> actes de vandalisme ou de violence<br />

physique, ce phénomène possède une dynamique sociale <strong>et</strong> temporelle qui, <strong>à</strong> l’instar de la<br />

délinquance, peut conduire les supporters de la réalisation de p<strong>et</strong>its actes futiles, <strong>et</strong><br />

simplement incivils, <strong>à</strong> la réalisation d’actes violents, parfois, prémédités. Il semble donc plus<br />

intéressant de tenter de comprendre par le biais de quels apprentissages <strong>et</strong> de quelles<br />

interactions un individu passe d’un comportement « normal » <strong>à</strong> un comportement déviant ?<br />

Le troisième choix fut celui d’une approche comparative <strong>et</strong> résulte de l’observation qu’<strong>à</strong><br />

aucun moment les chercheurs ne se posent réellement la question de savoir pourquoi le<br />

football semble être le plus concerné par les phénomènes de hooliganisme ? Approche<br />

comparative justifiée très tôt par Durkheim pour qui il n’existait « qu’un moyen de démonter<br />

qu’un phénomène est cause d’un autre, c’est de comparer les cas où ils sont simultanément<br />

présents <strong>et</strong> absents, <strong>et</strong> de rechercher si les variations qu’ils présentent dans ces différentes<br />

combinaisons de circonstances témoignent que l’un dépend de l’autre » (1895, 124).<br />

R<strong>et</strong>our sur la méthode<br />

L’objectif n’est pas ici de reprendre le détail de la construction de la problématique <strong>et</strong> de la<br />

méthodologie mises en oeuvre pour mener <strong>à</strong> bien c<strong>et</strong>te recherche. Celles-ci ont maintes fois<br />

été commentées, détaillées <strong>et</strong> explicitées dans les publications <strong>et</strong> travaux que nous avons<br />

réalisés. Comme le suggère Morin (1984, 215) « nous poserons uniquement les problèmes que<br />

nous avons rencontrés <strong>et</strong> tenté de résoudre », non pas comme un inventaire, ou un catalogue,<br />

mais pour montrer comment la pensée <strong>et</strong> l’action du chercheur se transforme <strong>et</strong> se rationalise,<br />

au contact <strong>et</strong> de l’expérience du terrain<br />

Postulats de départ<br />

L’inscription de c<strong>et</strong>te recherche dans une perspective, essentiellement, (inter)actionniste<br />

n’impliquait pour nous nullement le rej<strong>et</strong> <strong>des</strong> autres paradigmes. A l’instar de Berthelot, nous<br />

estimons que « vouloir l’unification sous un langage ou un style dominant semble relever<br />

d’une utopie dont l’évolution <strong>des</strong> autres disciplines invite <strong>à</strong> penser qu’elle est peut-être ellemême<br />

archaïque » (1996, 210). Pourquoi en fait vouloir se priver d’éclairages différents qui<br />

nous perm<strong>et</strong>traient d’approcher au mieux la réalité sociale d’un phénomène ? Pour forcer le<br />

trait, j’emprunterai quelques lignes, que Dur<strong>et</strong> m’en excuse, <strong>à</strong> l’introduction avortée de notre<br />

dernier ouvrage commun, où nous justifions justement ce choix délibéré de l’ouverture <strong>à</strong> tous,<br />

quels que soient les courants <strong>et</strong> les métho<strong>des</strong>. Nous y affirmions alors qu’un « monde où il n’y<br />

aurait qu’une forme de sociologie, de psychologie ou d’histoire si dominante qu’elle aurait<br />

étouffé toute les autres ne serait guère enviable. La pensée unique a de quoi faire<br />

cauchemarder, rallumer la lumière <strong>et</strong> vérifier pour parvenir <strong>à</strong> s’endormir que la diversité règne<br />

toujours dans nos bibliothèques. La recherche du pluralisme n’équivaut pourtant en rien <strong>à</strong> un<br />

relativisme, mais <strong>à</strong> une érudition nécessaire ne serait-ce que pour choisir un modèle<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

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