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Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 2 : Sports <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. <strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> un obj<strong>et</strong><br />

de recherche <strong>à</strong> partir de la question du hooliganisme<br />

Les hooligans : une catégorie non homogène<br />

Il en va de même pour la catégorisation <strong>des</strong> individus, voire <strong>des</strong> groupes, comme<br />

« hooligans ». Doit-on la limiter <strong>à</strong> ceux qui pratiquent la violence régulièrement ? Et comment<br />

le savoir en dehors de la réalisation d’enquêtes de « <strong>violences</strong> auto-révélées » ? Il existe bien<br />

plusieurs types de hooligans : <strong>des</strong> hooligans « occasionnels », recourant parfois <strong>à</strong> la violence,<br />

jusqu’aux hooligans « chroniques », rassemblant <strong>des</strong> individus qui prennent plaisir au<br />

hooliganisme <strong>et</strong> l’instituent en mode de vie. Mais le hooliganisme occasionnel est-il dénué de<br />

plaisir, constitue-t-il un accident, une réaction <strong>à</strong> une provocation ou un danger, s’inscrit-il<br />

dans un mécanisme de défense, ou bien est-il le prélude <strong>à</strong> une « carrière déviante <strong>à</strong> long<br />

terme » (Becker, op. cit.) ? Le hooligan « chronique » est-il un délinquant « chronique » dans<br />

sa vie habituelle ? La réponse <strong>à</strong> ces diverses questions perm<strong>et</strong>trait de réfuter, de confirmer ou<br />

de moduler, par exemple, l’affirmation selon laquelle les hooligans sont <strong>des</strong> délinquants<br />

ordinaires. Elle perm<strong>et</strong>trait aussi de commencer <strong>à</strong> distinguer diverses formes de hooliganisme.<br />

Un exemple concr<strong>et</strong>, que nous reprendrons dans une autre perspective un peu plus loin, suffit<br />

<strong>à</strong> apporter quelques nuances. En 1998, nous effectuons un déplacement <strong>à</strong> Lyon avec les South<br />

Winners (groupe de supporters marseillais connus pour leur violence <strong>et</strong> qui ont la réputation<br />

d’être invaincus en France). A l’arrivée les services de police ne sont pas l<strong>à</strong>, comme c’est le<br />

cas habituellement, pour nous accueillir. Les bus sont attaqués par les supporters lyonnais.<br />

J<strong>et</strong>s de pierres, projectiles divers, bris de vitres, ce déplacement dégénère vite en affrontement<br />

violent. L’espace de quelques secon<strong>des</strong>, j’ai le choix <strong>entre</strong> « participer » <strong>à</strong> c<strong>et</strong>te bagarre ou<br />

non, me défendre ou non. La question est vite résolue. A l’instar <strong>des</strong> supporters, je déboucle<br />

ma ceinture <strong>et</strong> <strong>entre</strong> dans la bagarre. Selon la terminologie de Becker, c’est l’occasion d’une<br />

première expérience, dans laquelle j’y trouve également, un certain plaisir, que je ne<br />

chercherai cependant pas <strong>à</strong> renouveler. Si j’avais été arrêté ce jour l<strong>à</strong> j’aurais été fiché <strong>et</strong><br />

condamné pour hooliganisme. Étais-je pour autant un hooligan chronique ? Un délinquant<br />

dans la vie ordinaire ?<br />

Ce questionnement induit une autre question : les hooligans fichés sont-ils réellement <strong>des</strong><br />

hooligans ? Les remarques précédentes font apparaître <strong>des</strong> amalgames en la matière. Mais<br />

c<strong>et</strong>te approche particulière du hooliganisme ne prend pas en compte, non plus, le fait que « les<br />

groupes sociaux créent la déviance en instituant <strong>des</strong> normes dont la transgression constitue la<br />

déviance » (Becker, op. cit. 32). L’utilisation <strong>des</strong> fumigènes <strong>et</strong> <strong>des</strong> feux de Bengale par les<br />

supporters pour animer, « enflammer », décorer les tribunes est un exemple. L’embrasement<br />

<strong>des</strong> tribunes participe de l’esprit festif <strong>et</strong> exalte le soutien <strong>à</strong> l’équipe. Mais la loi « Alliot-<br />

Marie » 39 en« interdisant l’introduction de tout engin pyrotechnique dans le stade » assimile<br />

les supporters aux hooligans les plus violents. L’interdiction de stade du leader <strong>des</strong><br />

« Yankees » marseillais en 2000 en est un exemple. Certes c<strong>et</strong>te interdiction est<br />

compréhensible en soi, certains « stylos fusées » ou fumigènes ayant servi de projectiles sur<br />

les tribunes adverses. Il n’en reste pas moins vrai que la majorité <strong>des</strong> « supporters normaux »<br />

deviennent déviants par le seul fait de c<strong>et</strong> article de loi alors qu’ils n’ont jamais cherché autre<br />

chose que soutenir leur équipe.<br />

Premiers choix<br />

39 Loi n° 93-1283 du 6 décembre 1993 « relative <strong>à</strong> la sécurité <strong>des</strong> manifestations sportives, a donné un cadre<br />

juridique <strong>et</strong> répressif aux infractions commises <strong>à</strong> l’intérieur d’un stade. Cadre juridique que nous avons par deux<br />

fois analysé <strong>et</strong> critiqué : Bodin, D. (1999b) <strong>et</strong> Bodin, D., Trouilh<strong>et</strong>, D. (2001).<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

leurs préventions. Page 44

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