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Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 2 : Sports <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. <strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> un obj<strong>et</strong><br />

de recherche <strong>à</strong> partir de la question du hooliganisme<br />

ne sont cependant pas isolément <strong>des</strong> causes. Seule la combinaison de divers facteurs <strong>à</strong> risques<br />

peut éventuellement devenir une cause, ou tout au moins une présomption, qu’il reste<br />

cependant <strong>à</strong> interpréter, <strong>et</strong> <strong>à</strong> resituer, dans une dynamique historique <strong>et</strong> sociale.<br />

L’interprétation éliassienne du hooliganisme : d’un fonctionnalisme défaillant (en<br />

matière de sport) <strong>à</strong> un évolutionnisme latent.<br />

Nous avons vu précédemment que le sport possédait une fonction pour Elias : d’apprentissage<br />

de l’autocontrôle <strong>des</strong> pulsions en offrant en même temps un espace toléré de débridement <strong>des</strong><br />

émotions. Ce faisant il participerait donc au procès de civilisation <strong>et</strong> au contrôle de la violence<br />

dans la société.<br />

C<strong>et</strong>te analyse, pour séduisante qu’elle soit, se trouve prise en défaut par la question du<br />

hooliganisme. Elias y apporte une double réponse : on assisterait d’une part <strong>à</strong> une phase de<br />

« décivilisation », sortes d’allers-r<strong>et</strong>ours ou de manque de stabilité dans l’autocontrôle <strong>des</strong><br />

pulsions de certaines catégories sociales <strong>et</strong>, d’autre part, la violence pourrait être le fait de<br />

personnes « moins civilisées » ou moins avancées dans le processus de civilisation.<br />

Discutons d’abord du premier point : l’aspect fonctionnaliste du sport. Alors que sur <strong>des</strong><br />

critères objectifs, l’abaissement de la violence <strong>et</strong> <strong>des</strong> crimes, Elias décrit <strong>et</strong> analyse le procès<br />

de civilisation au sein <strong>des</strong> sociétés européennes modernes, la fonction attribuée au sport reste<br />

une construction totalement a priori. Le mot a priori est important car ce qui distingue,<br />

normalement <strong>et</strong> principalement, la sociologie de la philosophie est bien la nécessité <strong>et</strong> la<br />

logique de la preuve. A aucun moment, il n’apporte la preuve de ses dires. Menell (2003) note<br />

<strong>à</strong> ce suj<strong>et</strong> que le problème de l’unité de mesure constitue une question centrale pour le procès<br />

de civilisation <strong>et</strong> les phénomènes de décivilisation. En disant cela nous ne voulons pas<br />

enfermer, la sociologie dans un positivisme exacerbé dans lequel seule la preuve par les<br />

chiffres pourrait avoir valeur de vérité. Il s’agirait d’une erreur que de penser cela, partageant<br />

avec Dur<strong>et</strong> (1999, 6) que « s’en rem<strong>et</strong>tre aux chiffres ou du moins se réclamer d’eux, tient<br />

plus de la nécessité de lutter contre les accusations de charlatanisme que d’un véritable choix<br />

épistémologique ». Reprenant la classification d’Habermas (1968a), on ne peut en eff<strong>et</strong><br />

réduire la sociologie aux seules sciences « empirico-analytiques », comme l’aurait voulu<br />

Durkheim, ou « praxéologiques », elle participe en fait de ces deux types idéaux mais aussi<br />

<strong>des</strong> « sciences historico-herméneutiques », le recours <strong>à</strong> « divers schèmes d’intelligibilité »<br />

(Berthelot, 1990) ne pouvant que perm<strong>et</strong>tre d’approcher au mieux une vérité souvent difficile<br />

<strong>à</strong> cerner. L’interprétation d’Elias reste intuitive <strong>et</strong>, pour inscrite qu’elle soit dans une<br />

démarche purement compréhensive, elle aurait demandé, comme le suggérait Weber (1951,<br />

303) : « <strong>à</strong> être contrôlée, autant que possible, par les autres métho<strong>des</strong> ordinaires de<br />

l’imputation causale avant qu’une interprétation, si évidente soit-elle, ne devienne une<br />

« explication compréhensive » valable ».<br />

Qui plus est, lorsque Elias attribue c<strong>et</strong>te fonction au sport, il le fait <strong>à</strong> partir, nous l’avons vu,<br />

d’une vision restreinte de la violence. En ne définissant pas c<strong>et</strong>te dernière, il se dispense en<br />

fait de discuter de l’émergence, ou de la récurrence, d’autres possibles, tout autant que de<br />

l’impossibilité, ou du moins l’échec, du sport en matière de prévention. Elias n’est pas le seul<br />

<strong>à</strong> utiliser une définition aussi restrictive qui justifie un abaissement <strong>des</strong> <strong>violences</strong> dans les<br />

sociétés modernes. Le modèle de Chesnais répond de la même logique en affirmant que seules<br />

les <strong>violences</strong> du premier cercle (<strong>violences</strong> physiques qui peuvent donner lieu <strong>à</strong> mort<br />

d’hommes) sont <strong>à</strong> r<strong>et</strong>enir ; les autres formes, les <strong>violences</strong> morales, symboliques, verbales,<br />

économiques, n’étant qu’un « abus de langage propre <strong>à</strong> certains intellectuels occidentaux, trop<br />

confortablement installés dans la vie pour connaître le monde obscur de la misère <strong>et</strong> du<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

leurs préventions. Page 38

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