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Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 2 : Sports <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. <strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> un obj<strong>et</strong><br />

de recherche <strong>à</strong> partir de la question du hooliganisme<br />

Prenons un exemple concr<strong>et</strong> : celui <strong>des</strong> particularismes géographiques. Que dire si on analyse<br />

le hooliganisme anglo-saxon, <strong>à</strong> son origine, belge ou hollandais, aujourd’hui, comme les lieux<br />

de violence les plus graves en Europe, en faisant abstraction du fait qu’en 1998 pas moins de<br />

11 clubs évoluaient en première ou deuxième division du football anglais sur la seule<br />

agglomération londonienne (ville <strong>et</strong> banlieues de Londres confondues) ? La superficie de<br />

l’Angl<strong>et</strong>erre, pays anglo-saxon le plus touché par le hooliganisme, ne représente que le quart<br />

de celle de la France ou de l’Espagne, la moitié de l’Italie, ou deux fois <strong>et</strong> demi moins que<br />

l’Allemagne, pour ne prendre comme exemple que quelques pays très concernés par le<br />

football professionnel. La Belgique <strong>et</strong> les Pays-Bas sont deux pays plus p<strong>et</strong>its que la seule<br />

région Aquitaine en France 28 . Les déplacements sont donc aisés <strong>et</strong> peu onéreux. Les<br />

supporters se déplacent ainsi facilement, fréquemment <strong>et</strong> en grand nombre <strong>à</strong> chacune <strong>des</strong><br />

rencontres. Ainsi, si les comportements agonistiques, au sens éthologique du terme,<br />

s’inscrivent bien souvent dans <strong>des</strong> rivalités sportives, la proximité spatiale <strong>des</strong> clubs conjugue<br />

<strong>et</strong> cristallise les antagonismes locaux <strong>et</strong> territoriaux, qui s’ancrent « dans <strong>des</strong> histoires<br />

singulières de villes, de pays, de classes <strong>et</strong> de crises » (Bromberger, 1995, 242). Ne pas<br />

l’envisager n’est-ce pas se priver de facteurs supplémentaires venant contribuer ou renforcer<br />

la logique oppositive <strong>des</strong> supporters les plus violents ?<br />

C<strong>et</strong>te vision restrictive de la violence renvoie, <strong>à</strong> un quatrième problème : celui de la difficulté<br />

<strong>à</strong> définir ce qu’est une norme <strong>et</strong> donc, par voie de conséquence, un comportement déviant. Le<br />

déviant est-il celui qui contourne les normes établies par une partie de la population pour<br />

assurer l’harmonie dans les <strong>relations</strong> au sein d’une communauté <strong>et</strong> la cohésion sociale ? Ou<br />

bien est-ce un jugement qui est rendu par certains sur <strong>des</strong> comportements considérés comme<br />

anormaux <strong>et</strong> inquiétants car minoritaires ou marginaux (Becker, 1963 ; Goffman, 1963) ? Les<br />

sociétés modernes tendent <strong>à</strong> devenir pour Elias <strong>des</strong> « espaces sociaux pacifiés ». En étant de<br />

moins en moins confronté <strong>à</strong> la violence, chacun en a de plus en plus peur. Alors que les<br />

conflits se règlent aujourd’hui essentiellement d’une manière consensuelle, notre seuil de<br />

tolérance <strong>à</strong> la violence a considérablement diminué. Toute idée de violence semble<br />

insoutenable. Les bagarres de supporters inquiètent, car elles ne sont plus en c<strong>et</strong>te fin de XX e<br />

siècle ou au début du XXI e siècle considérées comme « normales ». Elles sont perçues comme<br />

un danger par la population qui voit dans ces comportements une montée de l’insécurité.<br />

Les travaux d’Elias n’échappent pas <strong>à</strong> c<strong>et</strong>te critique (Wieviorka, 2000 ; Lagrange, 2002). Ils<br />

pèchent même par l’absence de définition ou l’emploi conjoint, ou successif, <strong>des</strong> termes<br />

d’agressivité, pulsions, violence <strong>et</strong> ce, sans distinction réelle. Pour lui l’agressivité appartient<br />

« aux structures de l’homme [qui] forment un tout » (1939, 279), l’intégrant aux « pulsions de<br />

mort » (op. cit. 279). Sa « définition » est ici très proche de celle que donne Freud (1923) de<br />

l’agressivité humaine. L’utilisation qu’en fait Elias dans ses divers ouvrages n’est cependant<br />

pas celle communément admise en psychologie ou en psychologie sociale, c’est <strong>à</strong> dire une<br />

attitude d’hostilité <strong>à</strong> l’égard d’autrui sans passage <strong>à</strong> l’acte. Pour lui agressivité <strong>et</strong> violence sont<br />

en fait <strong>des</strong> notions très proches. Alors qu’il utilise de nombreux critères pour définir la<br />

« civilité » (<strong>à</strong> travers les manières de manger, de se moucher, de cracher, <strong>et</strong>c.), il ne r<strong>et</strong>ient en<br />

fait qu’une définition restreinte de la violence : la violence physique. Pour Burguière <strong>et</strong> al., il<br />

ne faut cependant pas opposer « les pulsions comme étant de l’ordre de la nature <strong>et</strong> la plus ou<br />

moins grande maîtrise sur elles, qui serait de l’ordre de la culture » (op. cit., 230). Affirmant<br />

cela, apparaît la seconde critique opposable <strong>à</strong> Elias : celle d’une théorie teintée d’un<br />

évolutionnisme latent sur lequel nous reviendrons précisément pour critiquer son<br />

interprétation du hooliganisme. C<strong>et</strong>te « théorie pulsionnelle de la violence », pour reprendre<br />

28 Respectivement 30 500, 34 000 <strong>et</strong> 41 300 km2 (surfaces arrondies <strong>à</strong> la centaine la plus proche).<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

leurs préventions. Page 36

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