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Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 2 : Sports <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. <strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> un obj<strong>et</strong><br />

de recherche <strong>à</strong> partir de la question du hooliganisme<br />

Ce bref survol chronologique montre combien la violence liée aux grands rassemblements<br />

collectifs dans lesquels <strong>entre</strong>nt en jeu la dimension compétitive <strong>et</strong> le spectacle semble être une<br />

donnée récurrente, quelles que soient ses formes : chahut, incivilités, <strong>violences</strong> symboliques,<br />

verbales, envahissements de terrains, rixes, émeutes, homici<strong>des</strong>. Elle n’est donc pas<br />

exclusivement inhérente au sport <strong>et</strong> aux sociétés contemporaines. Ces exemples montrent<br />

aussi <strong>et</strong> surtout que les <strong>violences</strong> liées aux spectacles de la compétition physique ne sont ni<br />

inédites, ni strictement réductibles <strong>à</strong> un phénomène actuel de société, fut-il celui du problème<br />

préoccupant de la désorganisation sociale <strong>des</strong> banlieues <strong>et</strong> <strong>des</strong> cités sensibles, voire de la<br />

paupérisation d’une partie de la population.<br />

Trois facteurs distinguent, semble t-il, le hooliganisme <strong>des</strong> formes de <strong>violences</strong> <strong>des</strong> foules<br />

sportives observables depuis l’Antiquité : la fréquence d’apparition <strong>des</strong> <strong>violences</strong>, leur<br />

inscription dans un sport précis – le football – <strong>et</strong> le fait que celles-ci soient circonscrites<br />

initialement dans un pays en particulier, la Grande-Br<strong>et</strong>agne. Cela amène inéluctablement <strong>à</strong> se<br />

poser la question de savoir comment <strong>et</strong> pourquoi ce sport <strong>et</strong> ce pays ont été prioritairement <strong>et</strong><br />

davantage concernés ?<br />

Hooliganisme <strong>et</strong> football contemporain<br />

La principale raison est structurelle. En inventant le sport moderne <strong>et</strong> en développant ses<br />

formes collectives <strong>à</strong> partir du milieu du XIX e siècle (Elias <strong>et</strong> Dunning, op. cit.), l’Angl<strong>et</strong>erre<br />

inscrit au cœur de la ville un espace normatif de la pratique physique, réglé, standardisé,<br />

creus<strong>et</strong> du spectacle <strong>et</strong> de l’affrontement réglé <strong>et</strong> s’oppose ainsi <strong>à</strong> la mouvance <strong>et</strong> <strong>à</strong> la labilité<br />

<strong>des</strong> aires de la compétition physique qui ont pu caractériser les époques précédentes : le stade.<br />

Parallèlement <strong>à</strong> la sportivisation, la « stadification », c’est-<strong>à</strong>-dire « l’obligation de pratiquer un<br />

exercice physique compétitif dans un espace localisé, réglé, mesuré <strong>à</strong> c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> » (Beaulieu <strong>et</strong><br />

Perelman, 1977) va conduire un nombre toujours plus grand de spectateurs <strong>à</strong> se confronter <strong>et</strong><br />

<strong>à</strong> s’opposer <strong>à</strong> ses semblables <strong>à</strong> travers un objectif commun, la passion d’un sport, <strong>et</strong> une<br />

finalité distincte, le soutien toujours plus inconditionnel <strong>à</strong> une équipe. En 1930, Duhamel<br />

évoque déj<strong>à</strong> outre-Atlantique ce « stade que la foule occupe comme une forteresse conquise »<br />

<strong>et</strong> observe que le spectacle sportif loin de se limiter <strong>à</strong> ce qui se joue sur la pelouse se situe<br />

aussi <strong>et</strong> surtout « sur les gradins, avec la foule » (Duhamel, 1930).<br />

Le stade, mais également ses abords immédiats <strong>et</strong> sa périphérie, deviennent alors<br />

concurremment au spectacle sportif lui-même, <strong>des</strong> espaces de concurrence en termes de<br />

visibilité culturelle <strong>et</strong> sociale, donc d’affrontements symboliques <strong>et</strong> matériels, renforçant<br />

l’essence même du sport car nous devons nous souvenir, parlant <strong>des</strong> <strong>relations</strong> ambiguës<br />

qu’<strong>entre</strong>tiennent <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong> que « le principe qui rassemble les individus dans le sport,<br />

c’est la volonté de s’opposer » (Jeu, 1972, 156). Si l’opposition est sportive en premier lieu,<br />

comment penser que les différences culturelles <strong>et</strong> identitaires ne peuvent y trouver de points<br />

d’ancrage favorables <strong>et</strong> supplémentaires <strong>à</strong> <strong>des</strong> conflits plus violents. Ce serait nier que le sport<br />

fait partie de la société, ou tout au moins, cela laisserait supposer que tout un chacun pénétrant<br />

dans l’enceinte sportive laisserait <strong>à</strong> l’extérieur, <strong>et</strong> durant le temps de la rencontre, ses<br />

angoisses <strong>et</strong> ses problèmes quotidiens en termes de sociabilité par exemple.<br />

Rien ne nous indique cependant pourquoi ces <strong>violences</strong> ne semblent pas s’être diffusées en<br />

Europe <strong>et</strong> au-del<strong>à</strong> <strong>à</strong> la même vitesse que le jeu lui-même. Sans doute l’Angl<strong>et</strong>erre présentait-telle<br />

un certain nombre de caractéristiques qui pouvait favoriser l’ancrage d’une forme<br />

particulièrement stable <strong>et</strong> virulente du hooliganisme. Mais la précocité <strong>et</strong> l’intensité de ce<br />

phénomène dans sa version britannique participent probablement <strong>à</strong> masquer partiellement sa<br />

diffusion hors du Royaume-Uni, contribuant <strong>à</strong> nier d’autres formes de hooliganisme naissant<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

leurs préventions. Page 20

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