Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 2 : Sports et violences. Contribution à un objet
de recherche à partir de la question du hooliganisme
Ainsi, une des premières traces d’affrontements entre supporters se trouve dans les écrits de
Tacite (Annales, 14.17) relatant la rixe de Pompéi en 59 après Jésus-Christ. Lors d’un
spectacle de gladiateurs organisé par Livenius Regulus à Pompéi, les spectateurs des colonies
de Nucérie et Pompéi en vinrent aux insultes, à des jets de pierres et finirent par s’affronter les
armes à la main. Ce combat fit de nombreux morts et blessés au point que les Pompéiens
furent interdits de manifestations sportives durant dix ans et les associations de « supporters »
dissoutes. Le parallèle avec le hooliganisme anglo-saxon des années 1980 et les clubs interdits
de coupe d’Europe est saisissant. Thuillier (1996), étudiant Le sport dans la Rome antique,
décrit la mise en spectacle d’un univers sportif original : à la fois préparation militaire, c’est
aussi un spectacle ludique offert au peuple par des édiles qui se ruinent pour l’occasion. Si les
activités, qui se déroulent dans les cirques et les amphithéâtres, ont probablement cette
fonction d’« opium du peuple » si souvent dépeinte et décriée, il n’en reste pas moins vrai,
qu’elles furent le théâtre de nombreux incidents. Ainsi, en plusieurs occasions, à l’instar des
événements du Heysel, un grand nombre de personnes meurent écrasées par la foule dans le
grand cirque de Rome qui pouvait accueillir jusqu’à 150 000 spectateurs. A la même époque,
l’amphithéâtre de Fidènes, à quelques kilomètres de Rome, construit à la hâte pour recevoir
les spectateurs en grand nombre, s’effondre provoquant plusieurs centaines de morts et de
blessés.
Plus près de nous, au Moyen Age, la soule, jeu pratiqué dans les campagnes françaises
opposant deux équipes devant ramener dans leur village une vessie de porc au clocher de
l’église est le théâtre de passions et de rixes parmi les spectateurs qui en profitent parfois pour
régler des conflits individuels, au point que l’Église en arrive à édicter des interdits sur ces
jeux qui, selon elle, introduisent le désordre social (Mendiague, 1993). Le football anglais de
la même période, sans autre homologie que celle du nom avec le sport moderne, connut les
mêmes avatars et fut en maintes occasions interdit également. A la même époque, les tournois
de chevalerie donnent une image singulièrement moderne des violences attachées à leurs
pratiques et à leurs spectacles : les jets d’objets les plus divers en direction des concurrents en
lice ne sont pas rares et la loi n’aura de cesse d’interdire aux spectateurs munis de leurs armes
d’assister aux affrontements courtois, de peur de voir les partisans des combattants prendre
fait et cause pour leurs champions en descendant à leur tour sur l’aire des combats pour en
découdre. (Jusserand, 1901). Bredekamp (1998) décrit, pour sa part, les mesures nécessaires
au maintien de l’ordre parmi le public (séparations des spectateurs, interdiction
d’envahissement du terrain, mesures de répressions, présence policière). S’il n’était question
du Calcio fiorentino, sorte de football qui se jouait à Florence entre le XVI e et le XVIII e
siècle, il serait possible d’attribuer ces mesures à l’encadrement des supporters du football
européen à partir des années 1970-1980 !
A la fin du XVIII e siècle, lors des premières ascensions en ballon, les soulèvements
populaires, quasi systématiques, donnent lieu à de furieux embrasements, à des manifestations
d’une extrême violence, ainsi qu’à des dégradations, au point qu’à Bordeaux , deux
spectateurs à l’origine de ces désordres seront condamnés et pendus (Robène, 2001).
Enfin, à la fin du XIX e siècle néanmoins, Tranter (1995) relate l’émeute de Cappielow qui se
déroula le 8 avril 1899 lors de la demi-finale de coupe entre Greenock Morton et Port
Glasgow Athletic Club, opposant 200 spectateurs. Il décrit non seulement la répression
policière, mais aussi l’évolution quantitative des violences dans le football anglo-saxon en
cette fin de siècle. Tous ces faits sont d’une redoutable modernité et correspondent trait pour
trait aux comportements hooligans modernes, ainsi qu’au contrôle social mis en œuvre pour
prévenir ces incidents ou rétablir l’ordre public.
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 19