Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 4 : Renouveler son objet entre contraintes sociales et intérêts personnels
perçoivent et ce qu’il est. Quelles qu’en soient les causes complexes cependant, les violences
scolaires mettent finalement en évidence une crise de sens en matière d’enseignement qui
s’exprime aujourd’hui parfois de manière radicale : les enseignants interrogés se demandant
ainsi s’ils sont encore des pédagogues, des éducateurs chargés de transmettre des valeurs, des
connaissances ou s’ils doivent davantage devenir désormais des « surveillants ». Nous
pourrions ajouter que, sans doute, la position idoine devrait davantage composer un subtil
équilibre entre formes de transmission du savoir, référence à une culture commune,
pédagogie, dimension relationnelle et affective de l’acte d’enseignement et cadrages
autoritaires fournissant les repères nécessaires d’une règle à faire vivre : maniant le
négociable et le non négociable. Mais trop souvent la théorie pédagogique néglige la réalité
complexe du terrain et il ne suffit pas de dire pour faire. Blaya (2001 ; 2002), dans son
enquête comparative sur le climat social dans les établissements d’enseignement secondaire
anglais et français montre qu’une appréhension plus large du métier, le rôle éducatif plus
important des enseignants anglais influence positivement le climat scolaire. Cette étude
confirme des recherches existantes sur le climat dans les établissements tant en France qu’à
l’étranger (Gottfredson, op. cit. ; Bliss, 1993 ; Newmann, 1989)
La gestion de la classe est aujourd’hui ainsi devenue pour la grande majorité des enseignants
une nécessaire préoccupation qui se superpose à la préparation des cours et conduit parfois à
l’émergence d’une éthique professionnelle mettant en exergue la dimension éducative (Van
Zanten, 2001). Le cadre si particulier de la leçon d’éducation physique n’échappe pas à cette
préoccupation de l’ordre normatif et autoritaire ou tout simplement à cette recherche de calme
et d’apaisement propice au lien pédagogique et au travail. Durand évoque ainsi la
« circularité » de la leçon d’éducation physique qui fonctionne parce que l’ordre est posé,
permettant au savoir de circuler et d’entretenir l’intérêt des élèves, intérêt à son tour source de
calme et de fluidité dans les échanges et le quadrillage autoritaire plus souple du groupe classe
(Durand, 1996, 1998). Flavier et Méard (op. cit.), mettant en perspective cette dimension avec
les dynamiques éducatives de la leçon d’EPS, parlent de priorités concurrentes : « aider les
élèves dans le processus d’apprentissage, les faire participer, les engager dans l’action, mais
aussi garantir l’ordre et le contrôle des élèves en classe. ». Cependant cette réalité
« systémique » dont la maîtrise ou la détérioration dépend pour beaucoup du niveau
d’expertise et d’expérience de l’enseignant (Ria, 2001) ainsi que, précisément, du domaine
investi (le corps, le jeu, la compétition, les cultures sportives, le mouvement, la santé, etc.), de
l’activité physique choisie comme support, du moment de la journée et du jour de la semaine
(Flavier & Méard, op. cit.) renvoie aussi de manière prégnante aux différents niveaux du
tolérable et du toléré, en matière de chahut, d’incivilités, de désordre, de débordements
verbaux et de comportements violents. Autrement dit, elle renvoie à cette évidence, que la
violence culturellement et socialement construite ne saurait se définir une fois pour toute et
qu’elle se nourrit également des propres représentations des acteurs, élèves, parents d’élèves,
enseignants (fussent-ils professeurs d’EPS), personnels techniques et cadres administratifs,
tous impliqués de manière systémique dans cette production et ce contrôle des violences. La
violence, nous l’annoncions en introduction n’est pas que la conséquence des représentations
des agents mais aussi le résultat d’une construction sociale, d’interactions qui ont lieu dans un
environnement, un contexte qui ne sont pas neutres. Autrement, il n’y aurait qu’à changer les
profs….ou les élèves….les conditions externes aux individus, conditions matérielles
d’exercice, participent de la construction du climat de l’établissement. Le tout n’est pas
uniquement basé sur des représentations même si elles influencent la façon dont les agents en
question vont agir dans le contexte scolaire (Bliss, op.cit.). Il est donc nécessaire d’interroger
en priorité ce qui semble donner sens aux comportements vécus et agis au cœur de l’école :
l’interprétation des gestes, des actes, des paroles. Interprétation que construit chaque
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 165