Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 4 : Renouveler son objet entre contraintes sociales et intérêts personnels d’analyser les fondements qui prévalent à l’instauration de telle ou telle politique préventive, que se bâtit un travail réflexif commun au fondement même des recherches qui suivent. Ce type de collaboration est l’occasion non seulement de se rencontrer, différemment, mais de percevoir des choses, que nous ne devinions parfois même pas auparavant et, qui vont contribuer à élargir nos analyses. C’est aussi la base d’une collaboration nouvelle, probablement due, en partie, à ce premier travail, sur la prévention des violences juvéniles au Brésil par le sport, sous l’égide de l’Unesco Brésil. Les travaux communs avec Héas et Robène sont d’un autre ordre. Le travail au sein d’une même UFR nous fait progressivement découvrir d’autres chercheurs, aux objets à première vue parfois très éloignés des nôtres, mais dont la réflexion et les perspectives d’analyses sont très proches ou encore très complémentaires : intérêt pour les perspectives (inter)actionnistes, pour les approches socio-historiques, etc. Parce que l’on a plaisir à travailler conjointement, nous trouverons alors un ensemble de sujets qui nous réunit totalement : ce sera l’analyse des relations entre sports et violences en Europe en se partageant les thématiques en fonction de nos sensibilités mais, aussi et surtout, le sport en prison ; chacun gérant, en collaboration et en complémentarité avec les autres, ce sujet, devenu objet commun, afin de l’éclairer au mieux à partir d’approches et d’intérêts personnels distincts. Parlons ensuite des rencontres. Nous l’avons déjà évoqué au début de ce travail. Mais force est de constater que tout au long de notre parcours nous sommes « sous influence ». Lorsque Debarbieux nous demande, pour lui rendre service, de le remplacer dans une réunion ayant trait à la « violence scolaire » au conseil de l’Europe en décembre 2001 à Strasbourg, ni lui, ni moi ne pouvons imaginer ce qui va suivre. La réunion dure 3 jours. Notre véhémence et notre argumentation à l’encontre de certains propos tenus par Olweus durant ce séminaire suscitent l’intérêt de l’administrateur en charge du projet intégré « réponses à la violence quotidienne dans une société démocratique » au point qu’il nous demandera d’intégrer les travaux du conseil de l’Europe, en tant qu’expert sur la violence. Nous participerons ainsi aux divers séminaires relatifs à la prévention du hooliganisme en Europe, à l’analyse des violences et des moyens de prévention de celles-ci en Fédération de Russie, au projet sport et relations interculturelles, recevrons commande d’un ouvrage, et rencontrerons surtout d’autres chercheurs. Russes, tout d’abord avec lesquels nous commencerons à collaborer sur la question des idéologies politiques dans les stades, espagnols, ensuite, un représentant du ministère de la justice espagnol nous demandant de lancer une enquête sur le hooliganisme en Espagne. C’est encore l’opportunité de rencontrer M. Mickaël Kleiner, représentant de l’ONU avec lequel nous collaborerons en 2005 pour « l’année du sport dans le monde ». Ce n’est ni un inventaire à la Prévert que nous dressons là, ni un exercice d’exhibitionnisme narratif, mais la simple description factuelle de l’évolution d’une recherche au hasard d’intérêts communs et de collaborations qui se bâtissent, montrant par là même que si la (notre) recherche, en partie du moins, est le fruit d’un travail personnel, elle reste néanmoins dépendante et totalement contingente de ceux qui nous entourent. Finalement un choix Finalement un choix… double ! C’est celui tout d’abord de conserver l’étude du hooliganisme en ouvrant un nouveau terrain en Espagne, dont l’objectif est purement l’étude des publics déviants et violents dans un but de mise en place d’une politique préventive. Celui enfin de concentrer nos recherches ultérieures sur les questions d’éducation et de socialisation par le sport dans le cadre précis de l’univers carcéral. Deux recherches aux investissements très différents. Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 135

Chapitre 4 : Renouveler son objet entre contraintes sociales et intérêts personnels En ce qui concerne le hooliganisme, la demande du gouvernement espagnol n’est pas que nous réalisions l’étude mais au contraire que cette intervention soit organisée autour de trois axes : former, à partir de la méthodologie mise en place en France, des enquêteurs qui s’occuperont des recherches en Espagne, gérer le dépouillement et l’analyse des résultats, participer à la construction de propositions concrètes destinées à prévenir les violences, dans un réel souci d’éducation et de prévention des jeunes supporters, les mesures prophylactiques restant du seul domaine de la police. Si l’investissement en milieu carcéral émane du terrain, et plus particulièrement de la maison d’arrêt Jacques Cartier de Rennes et de la région pénitentiaire grand-ouest qui souhaitaient élaborer et développer des activités éducatives et socialisantes à l’intention de deux populations précises -les mineurs incarcérés et les délinquants sexuels qui bénéficiaient jusqu’alors de peu de choses-, il est en même temps l’aboutissement d’une réflexion entamée dans les cités sensibles et en milieu scolaire mais aussi, singulièrement, l’activation des réseaux constitués lors de notre recherche sur le hooliganisme. C’est en effet par l’intermédiaire du procureur adjoint de la république de Périgueux, avec lequel nous avons longtemps collaboré, et auquel nous nous étions ouvert de notre intérêt grandissant concernant la prévention des violences pour les publics juvéniles, que cette demande avait aboutie… à Rennes. Ce nouvel axe de recherche consiste en fait en un simple renversement de perspective de notre objet passant de « comment prévenir les violences observables dans le sport ? » à « comment le sport peut-il contribuer à prévenir les violences ? ». Renversement qui avait effectivement déjà pris corps et sens dans la recherche sur le hooliganisme dès lors que nous contestions le fait que le sport puisse être, à l’encontre des idées reçues et des présupposés laudatifs qui existe en la matière, éducatif, insérant, intégrateur ou socialisant par nature. Analysant les politiques de la ville, en matière de prévention des violences par le sport, nous affirmions ainsi qu’il « faut faire table rase des mirages : non seulement « le » sport contemporain parfois ne pacifie pas, mais encore il augmente la violence, violence sur les autres, et avec les autres, violence sur soi-même, violence symbolique ou violence réelle. La croyance dans les vertus du sport comme antidote à la « violence », crée bien des illusions et des désillusions dans ce qu’on nomme la « politique de la ville », mais aussi la prévention spécialisée. […] Les politiques sportives en la matière sont nécessaires et bénéfiques, mais n’est-il pas utopique de penser que ces pratiques sportives peuvent être facteur d’insertion, lorsqu’elles ne sont que politiques venues « de l’autre », du monde des inclus ? » (Bodin, Debarbieux, 2001, 13). Ainsi, si la « connaissance scientifique n’est pas une connaissance accumulative de vérités » (Morin, 1982, 50), la connaissance du chercheur, centrée sur un objet, se construit pour sa part de manière progressive par accumulation, remise en cause, discussion et élimination d’un certain nombre de connaissances. En opposition à un « sport » paré, a priori, de toutes les vertus, s’élabore progressivement une réflexion qui se construit autour d’une question qui aujourd’hui nous semble centrale : « qu’est-ce qui dans le sport, au sens générique du terme, éduque et/ou socialise ? ». Cette question, destinée à contourner les présupposées laudatifs en nous intéressant davantage aux conditions (cadre réglementaire, pratique auto-gérée ou encadrée, etc.), au contexte (pratique en extérieur ou en intérieur, etc.) et aux modalités de pratique (utilisation d’APS individuelles ou collectives, entraînements ou compétitions, etc.) sert en fait de grille lecture pour construire la recherche en cours sur le sport en prison. Trois recherches successives nous ont aidé à affiner cette nouvelle perspective: d’une part, la réponse à un appel d’offres sur la région Aquitaine, concernant, la place du sport dans la cité, l’opportunité offerte par une étude, en management du sport, sur le golf où nous avions pu remarquer que quelques golfeurs semblaient « symboliquement » en décalage avec cette Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 136

Chapitre 4 : Renouveler son obj<strong>et</strong> <strong>entre</strong> contraintes sociales <strong>et</strong> intérêts personnels<br />

En ce qui concerne le hooliganisme, la demande du gouvernement espagnol n’est pas que<br />

nous réalisions l’étude mais au contraire que c<strong>et</strong>te intervention soit organisée autour de trois<br />

axes : former, <strong>à</strong> partir de la méthodologie mise en place en France, <strong>des</strong> enquêteurs qui<br />

s’occuperont <strong>des</strong> recherches en Espagne, gérer le dépouillement <strong>et</strong> l’analyse <strong>des</strong> résultats,<br />

participer <strong>à</strong> la construction de propositions concrètes <strong>des</strong>tinées <strong>à</strong> prévenir les <strong>violences</strong>, dans<br />

un réel souci d’éducation <strong>et</strong> de prévention <strong>des</strong> jeunes supporters, les mesures prophylactiques<br />

restant du seul domaine de la police.<br />

Si l’investissement en milieu carcéral émane du terrain, <strong>et</strong> plus particulièrement de la maison<br />

d’arrêt Jacques Cartier de Rennes <strong>et</strong> de la région pénitentiaire grand-ouest qui souhaitaient<br />

élaborer <strong>et</strong> développer <strong>des</strong> activités éducatives <strong>et</strong> socialisantes <strong>à</strong> l’intention de deux<br />

populations précises -les mineurs incarcérés <strong>et</strong> les délinquants sexuels qui bénéficiaient<br />

jusqu’alors de peu de choses-, il est en même temps l’aboutissement d’une réflexion entamée<br />

dans les cités sensibles <strong>et</strong> en milieu scolaire mais aussi, singulièrement, l’activation <strong>des</strong><br />

réseaux constitués lors de notre recherche sur le hooliganisme. C’est en eff<strong>et</strong> par<br />

l’intermédiaire du procureur adjoint de la république de Périgueux, avec lequel nous avons<br />

longtemps collaboré, <strong>et</strong> auquel nous nous étions ouvert de notre intérêt grandissant concernant<br />

la prévention <strong>des</strong> <strong>violences</strong> pour les publics juvéniles, que c<strong>et</strong>te demande avait aboutie… <strong>à</strong><br />

Rennes. Ce nouvel axe de recherche consiste en fait en un simple renversement de perspective<br />

de notre obj<strong>et</strong> passant de « comment prévenir les <strong>violences</strong> observables dans le sport ? » <strong>à</strong><br />

« comment le sport peut-il contribuer <strong>à</strong> prévenir les <strong>violences</strong> ? ».<br />

Renversement qui avait effectivement déj<strong>à</strong> pris corps <strong>et</strong> sens dans la recherche sur le<br />

hooliganisme dès lors que nous contestions le fait que le sport puisse être, <strong>à</strong> l’encontre <strong>des</strong><br />

idées reçues <strong>et</strong> <strong>des</strong> présupposés laudatifs qui existe en la matière, éducatif, insérant,<br />

intégrateur ou socialisant par nature. Analysant les politiques de la ville, en matière de<br />

prévention <strong>des</strong> <strong>violences</strong> par le sport, nous affirmions ainsi qu’il « faut faire table rase <strong>des</strong><br />

mirages : non seulement « le » sport contemporain parfois ne pacifie pas, mais encore il<br />

augmente la violence, violence sur les autres, <strong>et</strong> avec les autres, violence sur soi-même,<br />

violence symbolique ou violence réelle. La croyance dans les vertus du sport comme antidote<br />

<strong>à</strong> la « violence », crée bien <strong>des</strong> illusions <strong>et</strong> <strong>des</strong> désillusions dans ce qu’on nomme la<br />

« politique de la ville », mais aussi la prévention spécialisée. […] Les politiques sportives en<br />

la matière sont nécessaires <strong>et</strong> bénéfiques, mais n’est-il pas utopique de penser que ces<br />

pratiques sportives peuvent être facteur d’insertion, lorsqu’elles ne sont que politiques venues<br />

« de l’autre », du monde <strong>des</strong> inclus ? » (Bodin, Debarbieux, 2001, 13).<br />

Ainsi, si la « connaissance scientifique n’est pas une connaissance accumulative de vérités »<br />

(Morin, 1982, 50), la connaissance du chercheur, centrée sur un obj<strong>et</strong>, se construit pour sa part<br />

de manière progressive par accumulation, remise en cause, discussion <strong>et</strong> élimination d’un<br />

certain nombre de connaissances.<br />

En opposition <strong>à</strong> un « sport » paré, a priori, de toutes les vertus, s’élabore progressivement une<br />

réflexion qui se construit autour d’une question qui aujourd’hui nous semble centrale :<br />

« qu’est-ce qui dans le sport, au sens générique du terme, éduque <strong>et</strong>/ou socialise ? ». C<strong>et</strong>te<br />

question, <strong>des</strong>tinée <strong>à</strong> contourner les présupposées laudatifs en nous intéressant davantage aux<br />

conditions (cadre réglementaire, pratique auto-gérée ou encadrée, <strong>et</strong>c.), au contexte (pratique<br />

en extérieur ou en intérieur, <strong>et</strong>c.) <strong>et</strong> aux modalités de pratique (utilisation d’APS individuelles<br />

ou collectives, entraînements ou compétitions, <strong>et</strong>c.) sert en fait de grille lecture pour<br />

construire la recherche en cours sur le sport en prison.<br />

Trois recherches successives nous ont aidé <strong>à</strong> affiner c<strong>et</strong>te nouvelle perspective: d’une part, la<br />

réponse <strong>à</strong> un appel d’offres sur la région Aquitaine, concernant, la place du sport dans la cité,<br />

l’opportunité offerte par une étude, en management du sport, sur le golf où nous avions pu<br />

remarquer que quelques golfeurs semblaient « symboliquement » en décalage avec c<strong>et</strong>te<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

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